Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 1 février 2023, 457116

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Lorsque le travail de tous les salariés d’un même service ou atelier ou d’une même équipe est organisé selon le même horaire collectif par l’employeur, le cas échéant après conclusion d’un accord collectif, il doit informer les salariés par affichage des heures auxquelles commence et finit chaque période de travail et adresser, avant son application, le double de cet horaire collectif à l’inspection du travail. … Dans les autres cas, un décompte des heures accomplies par chaque salarié doit être établi quotidiennement et chaque semaine….Le principe de légalité des délits et des peines, qui s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition, fait obstacle à ce que l’administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, il n’apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par l’intéressé que le comportement litigieux est susceptible d’être sanctionné. … Par suite, le 3° de l’article L. 8115-1 du code du travail ne sauraient permettre à l’administration de sanctionner un employeur à raison d’un manquement à l’obligation, attachée à des horaires non collectifs, d’établir un décompte de la durée de travail de chaque salarié selon les modalités prévues par les articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, s’agissant de salariés dont le travail est organisé selon un horaire collectif.

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Conclusions du rapporteur public · 1er février 2023

N° 457116 ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion c/ La Poste 1ère et 4ème chambres réunies Séance du 11 janvier 2023 Lecture du 1er février 2023 CONCLUSIONS M. Arnaud SKZRYERBAK, Rapporteur public Les services de l'inspection du travail ont engagé à compter de l'année 2016 des opérations concertées sur l'ensemble du territoire national destinées à contrôler la durée de travail des facteurs. Ce type de contrôle a pour objet d'assurer le respect des règles relatives à la rémunération horaire minimale, aux heures supplémentaires et aux durées maximales quotidiennes et …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 1-4 chr, 1er févr. 2023, n° 457116, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 457116
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Lyon, 28 juillet 2021, N° 20LY02225
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047090650
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:457116.20230201

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société anonyme La Poste a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler la décision du 8 février 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Auvergne Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 47 500 euros pour avoir manqué aux obligations résultant des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, subsidiairement de réformer cette amende en lui substituant un avertissement, en tout état de cause, en réduisant son montant. Par un jugement n° 1802386 du 18 février 2020, le tribunal a annulé la décision du 8 février 2018.

Par un arrêt n° 20LY02225 du 29 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 29 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code du travail ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société La Poste ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite de contrôles effectués les 2 et 16 février 2017 par l’inspection du travail sur les sites de Saint-Genis-Pouilly et de Belley rattachés à la plateforme de préparation et de distribution du courrier de l’établissement de Bellegarde-sur-Valserine, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Auvergne Rhône-Alpes a, par une décision du 8 février 2018, infligé à la société La Poste une amende d’un montant total de 47 500 euros en application de l’article L. 8115-1 du code du travail, pour avoir méconnu, concernant quatre-vingt-quinze salariés, l’obligation, applicable pour les travailleurs ne travaillant pas selon le même horaire collectif, de tenir, pour chacun d’entre eux, un décompte de durée de travail. Par un jugement du 18 février 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision. Par un arrêt du 29 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Cette dernière se pourvoit en cassation.

2. En premier lieu, d’une part, le premier alinéa de l’article L. 3171-1 du code du travail prévoit que : « L’employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos ». L’article D. 3171-1 du même code précise que : « Lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l’heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. / Aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions () relatives au contingent annuel d’heures supplémentaires () ». L’article D. 3171-4 de ce code prévoit en outre qu’un double de cet horaire collectif est adressé, avant son application, à l’inspecteur du travail.

3. D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 3171-2 du même code : « Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés () ». L’article D. 3171-8 précise que : " Lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe () ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d’heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié ".

4. Enfin, le premier alinéa de l’article L. 3171-3 du code du travail prévoit que : « L’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail () les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. » Le premier aliéna de l’article L. 3171-4 du même code dispose que : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. » Les manquements aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires sont pénalement réprimés selon les dispositions figurant aux articles R. 3124-1 à R. 3124-16 de ce code.

5. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’employeur doit être en mesure de fournir à l’inspection du travail, dont les agents de contrôle sont chargés, en vertu du deuxième alinéa de l’article L. 8112-1 du code du travail, de veiller à l’application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail, de même qu’au juge en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, les documents leur permettant de contrôler la durée du travail accomplie par chaque salarié. Lorsque le travail de tous les salariés d’un même service ou atelier ou d’une même équipe est organisé selon le même horaire collectif par l’employeur, le cas échéant après conclusion d’un accord collectif, il doit informer les salariés par affichage des heures auxquelles commence et finit chaque période de travail et adresser, avant son application, le double de cet horaire collectif à l’inspection du travail. Dans les autres cas, un décompte des heures accomplies par chaque salarié doit être établi quotidiennement et chaque semaine.

6. En second lieu, en vertu de l’article L. 8115-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : « L’autorité administrative compétente peut, sur rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1, et sous réserve de l’absence de poursuites pénales, prononcer à l’encontre de l’employeur une amende en cas de manquement : () 3° A l’article L. 3171-2 relatif à l’établissement d’un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application () ».

7. Le principe de légalité des délits et des peines, qui s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition, fait obstacle à ce que l’administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, il n’apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par l’intéressé que le comportement litigieux est susceptible d’être sanctionné. Par suite, les dispositions mentionnées au point précédent ne sauraient permettre à l’administration de sanctionner un employeur à raison d’un manquement à l’obligation, attachée à des horaires non collectifs, d’établir un décompte de la durée de travail de chaque salarié selon les modalités rappelées au point 3, s’agissant de salariés dont le travail est organisé selon un horaire collectif.

8. Il suit de ce qui précède que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’autorité administrative ne pouvait légalement infliger à la société La Poste, s’agissant de salariés employés sur deux sites sur lesquels un même horaire collectif de travail, négocié par un accord collectif, avait été rendu opposable par voie de règlement affiché et adressé à l’inspection du travail, l’amende encourue en cas de manquement à l’obligation, mentionnée au point 3, de tenir des décomptes individuels de la durée du travail des travailleurs ne travaillant pas selon le même horaire collectif de travail.

9. La ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion n’est dès lors pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société La Poste au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Le pourvoi de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société La Poste une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et à la société anonyme La Poste.

Délibéré à l’issue de la séance du 11 janvier 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier et M. Yves Doutriaux, conseillers d’Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 1er février 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

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Textes cités dans la décision

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