CEDH, Cour (première section), MARIANI c. la FRANCE, 11 décembre 2003, 43640/98

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 11 déc. 2003, n° 43640/98
Numéro(s) : 43640/98
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 6 juillet 1998
Jurisprudence de Strasbourg : Kamasinski c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1989, série A no 168, § 79
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44665
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:1211DEC004364098
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 43640/98
présentée par Dario MARIANI
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 11 décembre 2003 en une chambre composée de

MM.C.L. Rozakis, président,
P. Lorenzen,
J.-P. Costa,
MmesF. Tulkens,
N. Vajić,
E. Steiner,
M.K. Hajiyev, juges,
et de M.S. Nielsen, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 6 juillet 1998,

Vu l’article 5 § 2 du Protocole no 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Vu les observations complémentaires soumises par le gouvernement défendeur et par le requérant (article 59 § 2 c) du règlement),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant, Dario Mariani, est un ressortissant italien, né en 1955 et détenu à la prison de Turin. Il est représenté devant la Cour par Me M. Pellerino, avocat au barreau de Turin.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

En décembre 1987 et janvier 1988, deux hold-up furent commis à Paris dans des bijouteries par trois hommes armés. Lors du second hold-up, une fusillade éclata à la suite de l’intervention de la police et plusieurs personnes, dont deux policiers et un chauffeur de taxi, furent blessées. L’un des malfaiteurs fut arrêté, les deux autres, dont un blessé, prirent la fuite.

Le 4 mai 1988, le requérant fut arrêté à la frontière italienne et mis en détention en Italie, où il était recherché pour des faits de terrorisme. Il fut ultérieurement condamné pour des faits de terrorisme à une peine de douze ans d’emprisonnement.

Une perquisition fut effectuée au domicile du requérant en France, laquelle amena à la découverte d’éléments permettant de conclure que ce dernier avait pris part aux vols à main armée commis à Paris.

Le 13 novembre 1989, le requérant fut entendu sur les faits reprochés à la prison de Turin par un magistrat italien en présence de deux avocats, en vertu d’une commission rogatoire internationale délivrée par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris le 27 juin 1989. A cette occasion, le juge italien donna lecture au requérant de ladite commission rogatoire dans son texte italien. Le requérant contesta toute participation aux faits. Toutefois, l’analyse du sang prélevé sur ce dernier et des échantillons recueillis dans le véhicule ayant servi à la fuite des voleurs révéla qu’ils appartenaient au même groupe sanguin.

Le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris décerna un mandat d’arrêt à l’encontre du requérant le 2 octobre 1990.

Outre son avocate italienne, le requérant désigna un avocat français, Me L., du barreau de Nice, pour le représenter.

A l’issue de son information, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris rendit une ordonnance de transmission des pièces le 22 janvier 1991 et transmit la procédure à la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris.

Par arrêt du 20 mars 1991, la juridiction d’instruction du second degré prononça la disjonction des poursuites exercées contre le requérant et de celles exercées contre les autres auteurs présumés des vols. Elle considéra que l’instruction était incomplète en ce qu’elle concernait le requérant, dans la mesure où, d’une part, son audition en Italie ne pouvait valoir notification des faits reprochés et de la qualification juridique qu’ils étaient susceptibles de recevoir et, d’autre part, le mandat d’arrêt délivré n’avait pas été notifié à sa dernière adresse connue en France. En conséquence, la chambre d’accusation ordonna un supplément d’information à l’effet de notifier au requérant, incarcéré à la maison d’arrêt de Turin, sa mise en examen pour les crimes de vol à main armée, tentative de vol à main armée et tentatives de meurtre.

Le 1er avril 1994, le juge d’instruction adressa à cette fin une commission rogatoire aux autorités italiennes.

Le 27 septembre 1994, le requérant fut mis en examen et interrogé sur les faits reprochés, en application de cette commission rogatoire internationale. Étaient présents le juge italien, le juge d’instruction français, un interprète et un avocat au soutien des intérêts du requérant.

Par arrêt du 12 décembre 1994, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris constata que le supplément d’information était terminé et ordonna le dépôt au greffe de la procédure. La date à laquelle l’affaire serait appelée à l’audience fut notifiée par lettres recommandées  du 16 mars 1995 aux parties civiles et à leurs avocats, et par les voies de l’entraide judiciaire internationale au requérant et à son avocat le 9 mai 1995. La chambre d’accusation tint son audience sur le fond le 29 mai 1995.

Dans son arrêt du 11 septembre 1995, la chambre d’accusation releva que le requérant était détenu pour une autre cause à Turin, prononça le renvoi du requérant devant la cour d’assises de Paris pour vol et tentative de vol avec port d’arme et tentative de meurtre, et ordonna sa prise de corps. Cet arrêt fut signifié au requérant par acte d’huissier du 12 octobre 1995, transmis par la voie diplomatique à la diligence du procureur général près la cour d’appel de Paris. L’arrêt fut remis à personne le 30 octobre 1995. Le requérant prétend que « la signification d’arrêt notifiée en octobre 1995 [...] était rédigée en langue française, sans traduction en italien ». Le Gouvernement affirme quant à lui que « l’arrêt de renvoi a bien fait l’objet d’une traduction en italien : il ressort du dossier que  le 27 septembre 1995, un interprète a été nommé aux fins de traduction de cet arrêt et que le 30 octobre 1995, l’arrêt et sa traduction ont été remis [au requérant] à la prison de Turin ». Le Gouvernement produit à l’appui de ses allégations copie d’une commission d’expert datée du 27 septembre 1995 par laquelle le procureur général commettait un interprète traducteur « à l’effet de procéder à la traduction en langue italienne de l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris en date du 11 septembre 1995 et de sa signification destinée [au requérant] détenu à la maison d’arrêt de Turin ». Il fournit en outre un acte d’huissier en langue italienne, signé par le requérant, prenant la forme d’un « rapport de notification » attestant de ce qu’en date du 30 octobre 1995, « l’acte ainsi que sa traduction du français en italien ont été notifiés au [requérant] détenu à Turin ».

Par ordonnance du 11 octobre 1996, le président de la cour d’assises enjoignait au requérant de se représenter dans un délai de dix jours, par application de l’article 627 du code de procédure pénale. Cette ordonnance fut signifiée à parquet par huissier, en application de l’article 559 du code de procédure pénale (en vertu duquel si la personne visée par l’exploit est sans domicile ou résidence connus l’huissier remet une copie de l’exploit au parquet du procureur de la République du tribunal saisi).

Le 1er octobre 1997, la cour d’assises, composée des seuls magistrats, déclara le requérant coupable des faits reprochés et le condamna par contumace à vingt ans de réclusion criminelle. L’arrêt disposait que le requérant était « en fuite ». Par arrêt civil du même jour, elle le condamna à verser respectivement les sommes de 35 000 francs et 9 000 francs aux deux policiers blessés lors du vol du 29 janvier 1988 en réparation du préjudice subi.

Par lettre du 8 avril 1998, Me L. informa l’avocate italienne du requérant qu’il venait d’apprendre la condamnation par contumace de ce dernier, et qu’en application des dispositions du code de procédure pénale relatives à la contumace, il n’avait pas été informé de l’audience. Il précisait que l’affaire ne pourrait être jugée que si le requérant se constituait prisonnier ou était arrêté.

En application de l’article 636 du code de procédure pénale, le pourvoi en cassation n’était pas ouvert au requérant.

B.  Droit et pratique internes pertinents

1.  Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale français en vigueur au moment des faits sont les suivantes :

En vertu de l’article 214 du code de procédure pénale, si les faits retenus à la charge d’une personne mise en examen constituent une infraction qualifiée de crime par la loi, la chambre d’accusation prononce la mise en accusation devant la cour d’assises.

Pour ce qui est de la présence de l’accusé à l’audience de jugement, l’article 215 du code de procédure pénale prévoit que l’arrêt de mise en accusation, qui doit contenir, à peine de nullité, l’exposé et la qualification légale des faits, décerne en outre une ordonnance de prise de corps contre l’accusé dont il précise l’identité. L’article 215-1 dispose que l’accusé qui se trouve en liberté doit se constituer prisonnier au plus tard la veille de l’audience de la cour d’assises et que l’ordonnance de prise de corps est exécutée si, dûment convoqué et sans motif d’excuse légitime, l’accusé ne se présente pas le jour fixé pour être interrogé par le président de la cour d’assises. L’article 270 prévoit que si l’accusé ne peut être saisi ou ne se présente pas, on procède contre lui par contumace.

En ce qui concerne le déroulement d’une procédure par contumace, les principales dispositions du code de procédure pénale en vigueur au moment des faits sont les suivantes :

Article 627

« Lorsque, après un arrêt de mise en accusation, l’accusé n’a pu être saisi ou ne se représente pas dans les dix jours de la signification qui en a été faite à son domicile, ou lorsque après s’être présenté ou avoir été saisi, il s’est évadé, le président de la cour d’assises ou en son absence le président du tribunal du lieu où se tiennent les assises, ou le magistrat qui le remplace, rend une ordonnance portant qu’il est tenu de se représenter dans un nouveau délai de dix jours, sinon, qu’il sera déclaré rebelle à la loi, qu’il sera suspendu de l’exercice de ses droits de citoyen, que ses biens seront séquestrés pendant l’instruction de la contumace, que toute action en justice lui sera interdite pendant le même temps, qu’il sera procédé contre lui et que toute personne est tenue d’indiquer le lieu où il se trouve. Cette ordonnance fait de plus mention du crime et de l’ordonnance de prise de corps. »

Article 628

« Dans le délai de huit jours, cette ordonnance est insérée dans l’un des journaux du département et affichée à la porte du domicile de l’accusé, à celle de la mairie de sa commune et à celle de l’auditoire de la cour d’assises. Le procureur général adresse une expédition de cette ordonnance au directeur des domaines du domicile du contumax. »

Article 629

« Après un délai de dix jours, il est procédé au jugement de la contumace. »

Article 630

« Aucun conseil, aucun avoué ne peut se présenter pour l’accusé contumax. Toutefois, si l’accusé est dans l’impossibilité absolue de déférer à l’injonction contenue dans l’ordonnance prévue par l’article 627, ses parents ou ses amis peuvent proposer son excuse. »

Article 631

« Si la cour trouve l’excuse légitime, elle ordonne qu’il soit sursis au jugement de l’accusé et, s’il y a lieu, au séquestre de ses biens pendant un temps qui est fixé eu égard à la nature de l’excuse et à la distance des lieux. »

Article 632

« Hors ce cas, il est procédé à la lecture de l’arrêt de renvoi à la cour d’assises, de l’exploit de signification de l’ordonnance ayant pour objet la représentation du contumax et des procès-verbaux dressés pour en constater la publication et l’affichage. Après cette lecture, la cour, sur les réquisitions du procureur général, prononce la contumace. Si l’une des formalités prescrites par les articles 627 et 628 a été omise, la cour déclare nulle la procédure de contumace et ordonne qu’elle sera recommencée à partir du plus ancien acte illégal. Dans le cas contraire, la cour prononce sans l’assistance de jurés sur l’accusation, sans pouvoir, en cas de condamnation, accorder le bénéfice des circonstances atténuantes au contumax. La cour statue ensuite sur les intérêts civils. »

Article 633

« Si le contumax est condamné, ses biens, s’ils n’ont pas fait l’objet d’une confiscation, sont maintenus sous séquestre et le compte de séquestre est rendu à qui il appartiendra après que la condamnation est devenue irrévocable par l’expiration du délai donné pour la purge de la contumace. »

Article 635

« A partir de l’accomplissement des mesures de publicité prescrites par [l’article 634], le condamné est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi. »

Article 636

« Le pourvoi en cassation n’est pas ouvert au contumax. »

L’article 639, relatif à la purge de la contumace, prévoit ce qui suit :

« Si le contumax se constitue prisonnier ou s’il est arrêté avant que la peine soit éteinte par prescription, l’arrêt et les procédures faites depuis l’ordonnance de se représenter sont anéantis de plein droit et il est procédé à son égard dans la forme ordinaire (...) »

La jurisprudence précise que le décès du condamné par contumace au cours du délai de prescription de la peine entraîne l’irrévocabilité de la condamnation (Cour de cassation, chambre criminelle, 1er juillet 1954, Recueil Dalloz 1954, p. 550).

La Résolution (75) 11 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe portant sur les critères à suivre dans la procédure de jugement en l’absence du prévenu énumère par ailleurs un certain nombre de règles minimales, dont les suivantes :

« 1.  Nul ne peut être mis en jugement s’il n’a été au préalable atteint effectivement par une citation remise en temps utile pour lui permettre de comparaître et de préparer sa défense, sauf s’il est établi qu’il s’est soustrait volontairement à la justice. (...)

4.  Il n’y a pas lieu de juger le prévenu en son absence s’il est possible et opportun de transmettre la procédure à un autre Etat ou de présenter une demande d’extradition.

5.  Lorsque le prévenu est jugé en son absence, il est procédé à l’administration des preuves dans les formes usuelles, et la défense a le droit d’intervenir. (...)

7.  Toute personne jugée en son absence doit pouvoir attaquer le jugement par toutes les voies de recours qui lui seraient ouvertes si elle avait été présente. »

2.  Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement fait valoir qu’un projet de réforme de la procédure de contumace est actuellement en cours : le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, actuellement déposé devant le Parlement, contiendrait diverses dispositions relatives au jugement d’un prévenu en son absence. L’objectif affiché dans l’exposé des motifs serait de prendre en compte les différents arrêts de la Cour rendus en la matière au regard des exigences d’un procès équitable découlant de l’article 6 de la Convention. Le projet de loi traiterait ainsi du droit d’une personne non présente à l’audience d’une juridiction correctionnelle ou d’une cour d’assises d’être représentée par avocat. S’agissant de la procédure criminelle, le projet de loi viserait à supprimer la procédure de contumace. L’accusé aurait désormais la possibilité d’être représenté par un avocat, la cour d’assises se voyant toutefois attribuer la possibilité de rendre un arrêt de recherche contre un accusé en fuite.

Le Gouvernement  expose ce qui suit :

L’article 66 du projet de loi dispose que :

« III.- Le titre premier bis du livre quatrième du code de procédure pénale [relatif aux contumaces] et les articles 627-21 à 641 du même code sont abrogés. »

En remplacement, cet article prévoit :

... II.- Il est inséré après l’article 379-1 du code de procédure pénale un chapitre VIII ainsi rédigé :

CHAPITRE VIII

Des cas de non-comparution de l’accusé

Art. 379-2.- Lorsque le président de la juridiction constate l’absence de l’accusé à l’ouverture des débats, il est procédé conformément aux dispositions du présent chapitre. Il en est de même lorsque l’absence de l’accusé est constatée au cours des débats et qu’il n’est pas possible de les suspendre jusqu’à son retour ...

Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables dans les cas prévus par les articles 320 et 322.

Art. 379-3.- Si un avocat n’est pas présent pour assurer la défense des intérêts de l’accusé, le président doit renvoyer le jugement de l’affaire sur le fond à une audience ou à une session ultérieure.

Lorsque l’accusé est en fuite ou est susceptible de prendre la fuite ou de ne pas se présenter volontairement à cette nouvelle audience, la cour, statuant sans la présence des jurés après avoir, le cas échéant, procédé à l’audition des témoins et des experts et entendu la partie civile et son avocat, peut également, sur les réquisitions du ministère public, rendre un arrêt de recherche et décerner mandat d’arrêt contre l’accusé. Dès le prononcé de cette décision, les délais de la prescription de l’action publique deviennent ceux de la prescription de la peine. Si l’accusé est arrêté à la suite du mandat d’arrêt, il est fait application des dispositions de l’article 135-2.

Après avoir rendu un arrêt de recherche, la cour peut, à la demande de la partie civile, ordonner toutes mesures provisoires relatives aux dommages et intérêts résultant des faits, notamment le versement d’une indemnité provisoire.

Art. 379-4.- Si un avocat est présent pour assurer la défense des intérêts de l’accusé, la cour peut, après avoir entendu les observations du ministère public, de l’avocat de la partie civile et de l’avocat de l’accusé, décider soit de procéder à l’examen et au jugement de l’affaire soit de renvoyer le jugement de l’affaire sur le fond à une audience ou à une session ultérieure, en faisant le cas échéant application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 379-3.

Si la cour décide de procéder à l’examen de l’affaire, les débats se déroulent conformément aux dispositions des articles 306 à 379-1, à l’exception des dispositions relatives à l’interrogatoire ou à la présence de l’accusé.

La cour examine l’affaire et statue sur l’accusation sans l’assistance des jurés, sauf si sont présents d’autres accusés jugés simultanément lors des débats, ou si l’absence de l’accusé a été constatée après le commencement des débats.

En cas de condamnation à une peine ferme privative de liberté, il est décerné mandat d’arrêt contre l’accusé.

Art. 379-5.- Lorsqu’une personne mise en accusation est en fuite, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de la partie civile, demander au bâtonnier la désignation d’un avocat pour assurer la défense des intérêts de l’accusé lors des débats devant la cour d’assises. Cette demande doit intervenir au moins deux mois avant la date de l’audience.

L’audience se déroule dans les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas de l’article 379-4.

Art. 379-6.- Si l’accusé condamné dans les conditions prévues par les articles 379-4 ou 379-5 se constitue prisonnier ou s’il est arrêté avant que la peine soit éteinte par la prescription, il est procédé à son égard à un nouvel examen de son affaire par la cour d’assises conformément aux dispositions des articles 269 à 379-1.

Le mandat d’arrêt délivré contre l’accusé en application de l’article 379-4 vaut mandat de dépôt et l’accusé demeure détenu jusqu’à sa comparution devant la cour d’assises, qui doit intervenir dans le délai prévu par l’article 215-2 à compter de son placement en détention, faute de quoi il est immédiatement remis en liberté.

Les nouvelles décisions prononcées par la cour d’assises se substituent aux condamnations sur l’action publique et sur l’action civile prononcées en l’absence de l’accusé. »

Le Gouvernement précise que ces mesures ne sont, à ce jour, pas en vigueur.


GRIEFS

1.  Invoquant l’article 6 § 3 a) de la Convention, le requérant se plaint de n’avoir pas été informé dans une langue qu’il comprenait de la nature de l’accusation portée contre lui. Il affirme à cet égard que l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises qui lui a été signifié était uniquement rédigé en français. Il souligne qu’il s’agit du seul acte de procédure qui lui a été notifié.

2.  Il allègue la violation de l’article 6 § 3 c), d) et e) en ce que, détenu en Italie pour une autre cause, il n’a pas pu participer au procès en France et n’a pas été informé de la date d’audience. Il précise que sa détention était connue des autorités françaises, puisque la signification de l’arrêt de renvoi lui avait auparavant été faite en prison.

Il fait valoir que la participation personnelle de l’accusé à son propre procès, garantie par l’article 6 § 3 c), d) et e), est la concrétisation du procès équitable visé par l’article 6 § 1 : le droit de se défendre personnellement, d’interroger des témoins et de se faire assister d’un interprète ne se conçoivent pas si l’accusé est absent de son procès et à plus forte raison s’il s’agit d’un étranger. Le droit de participer personnellement à son propre procès est encore plus important en première instance. Il souligne en outre qu’il n’a pas pu davantage être représenté par son avocat, compte tenu des dispositions de l’article 630 du code de procédure pénale. Il précise enfin qu’il ne peut purger la contumace puisque, détenu en Italie pour une longue peine, il ne peut se constituer prisonnier.

3.  Il se plaint de n’avoir pas bénéficié du double degré de juridiction prévu par l’article 2 du Protocole no 7 à la Convention. Il expose que, d’une part, le pourvoi en cassation ne lui est pas ouvert et que, d’autre part, du fait de sa détention, il ne peut purger la contumace.

EN DROIT

1.  Le requérant se plaint de n’avoir pas été informé dans une langue qu’il comprenait de la nature de l’accusation portée contre lui. Il invoque l’article 6 § 3 a) de la Convention qui se lit comme suit :

« Tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui. »

Le Gouvernement estime, à titre principal, qu’il y a non-épuisement des voies de recours internes. Il affirme que le requérant pouvait saisir la chambre d’accusation de toute demande de nullité de l’information en invoquant l’article 6 § 3 a) de la Convention et le principe des droits de la défense. S’agissant de l’arrêt de renvoi lui-même, le Gouvernement fait valoir que le requérant aurait pu saisir la Cour de cassation contre cet arrêt  en invoquant l’article 6 § 3 a). En effet, bien qu’aucun texte ne l’indique, l’accusé serait recevable à se pourvoir contre l’arrêt de renvoi, cette règle résultant a contrario de l’article 574 du code de procédure pénale qui ne limite la faculté de se pourvoir qu’en ce qui concerne les arrêts de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police, et trouvant confirmation dans l’article 574-1 selon lequel la chambre criminelle saisie d’un pourvoi contre l’arrêt portant mise en accusation doit statuer dans un délai de trois mois.

A titre subsidiaire, le Gouvernement affirme que le grief est dénué de fondement. Après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour en la matière, le Gouvernement fait valoir que le requérant fut, en l’espèce, informé dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprenait et de manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui. Il rappelle d’abord que le requérant fut entendu sur les faits reprochés dès le 13 novembre 1989 à la prison de Turin par un magistrat italien en présence de deux avocats, en vertu d’une commission rogatoire internationale délivrée par le magistrat instructeur français. Par la suite, lors de l’interrogatoire du requérant en Italie le 27 septembre 1994 (en application d’une nouvelle commission rogatoire internationale) en présence du juge italien, d’un interprète, du juge d’instruction français et d’un avocat, l’intéressé se vit notifier verbalement les faits reprochés, fut mis en examen puis fut interrogé pendant deux heures. Selon le Gouvernement, toutes les informations pertinentes furent ensuite reprises dans l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises en date du 11 septembre 1995, notifié à l’intéressé et à son conseil en octobre 1995, et dont les préventions retenues étaient strictement identiques à celles qui lui avaient été notifiées lors de l’interrogatoire auquel il avait été procédé le 27 septembre 1994. Le Gouvernement fait valoir que  cet arrêt de renvoi fit l’objet d’une traduction en italien : il produit à cet égard des pièces attestant que le 27 septembre 1995, un interprète fut nommé aux fins de traduction de cet arrêt et de sa signification, et que le 30 octobre 1995 l’arrêt et sa traduction furent remis au requérant à la prison de Turin.

S’agissant de l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement, le requérant fait valoir que l’acte de signification de l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises ne fut pas traduit en italien et qu’il ne pouvait donc pas comprendre la mention relative à la possibilité de former un pourvoi en cassation dans un délai de cinq jours.

Sur le fond, le requérant affirme que  la « signification d’arrêt [qui lui a été] notifiée en octobre 1995 alors [qu’il était] emprisonné était rédigée en langue française, sans traduction en italien ». Cet acte enfreindrait donc l’article 6 § 3 a) car il n’aurait pas été rédigé dans une langue qu’il comprenait, mais dans la langue de l’Etat dont provenait l’accusation. Selon le requérant, la signification de l’arrêt de renvoi est l’acte qui détermine les chefs d’accusation, de sorte que c’est cet acte qui détermine l’accusation finale, et il importe peu qu’il ait auparavant été entendu sur commission rogatoire en Italie. Le requérant fait valoir que son séjour en France pendant quelque temps ne laisse pas présumer qu’il maîtrisait la langue française ; il relève en particulier que  les actes de procédure comprennent des termes très techniques et sont difficiles à comprendre. Enfin, il affirme qu’à part l’arrêt de renvoi, aucun acte relatif à l’accusation portée contre lui ne lui fut notifié ; en particulier la citation à comparaître à l’audience de la chambre d’accusation, la convocation à l’audience de la cour d’assises, et sa condamnation par la cour d’assises ne lui auraient pas été notifiées.

 La Cour n’estime pas nécessaire de trancher la question de savoir si le requérant peut être considéré comme ayant satisfait aux exigences de l’article 35 § 1 de la Convention, étant donné que ce grief est manifestement dénué de fondement pour les motifs exposés ci-dessous.

La Cour rappelle que l’article 6 § 3 a) précise l’étendue de l’interprétation exigée en reconnaissant à tout accusé le droit à « être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ». S’il ne spécifie pas qu’il échet de fournir ou traduire par écrit à un mis en examen étranger les renseignements pertinents, il montre la nécessité de mettre un soin extrême à notifier l’« accusation » à l’intéressé.  L’acte d’accusation joue un rôle déterminant dans les poursuites pénales : à compter de sa signification, le mis en examen est officiellement avisé par écrit de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre lui. Un accusé à qui la langue employée par le tribunal n’est pas familière peut en pratique se trouver désavantagé si on ne lui délivre pas aussi une traduction de l’acte d’accusation, établie dans un idiome qu’il comprenne (Kamasinski c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1989, série A no 168, § 79).

Or la Cour relève qu’il ressort clairement des pièces fournies par le Gouvernement que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises portant accusation du requérant fit l’objet d’une traduction en langue italienne, et que l’arrêt de renvoi ainsi que sa traduction furent remis au requérant le 30 octobre 1995 à la maison d’arrêt de Turin.

La Cour déduit de ces éléments que, grâce à la signification au requérant de l’acte d’accusation conjointement avec sa traduction en langue italienne, le requérant fut suffisamment informé, dans une langue qu’il comprenait, de « la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui », aux fins du paragraphe 3 a) de l’article 6.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Le requérant se plaint d’avoir été condamné par contumace par la cour d’assises de Paris sans avoir pu se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur, interroger des témoins et se faire assister d’un interprète. Il invoque l’article 6 § 3 c), d) et e) de la Convention, libellé comme suit dans ses parties pertinentes :

« Tout accusé a droit notamment à :

(...)

c)  se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e)  se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

Dans ses observations transmises au greffe dans le cadre de la présente affaire, avant que l’ancienne troisième section adopte l’arrêt Krombach c. France (no 29731/96, CEDH 2001‑II), le Gouvernement excipe en premier lieu du défaut d’épuisement des voies de recours internes. Il fait valoir que le requérant peut trouver dans la procédure de purge de la contumace un recours au sens de l’article 35 de la Convention. En effet, la décision de condamnation par contumace n’aurait pas de caractère définitif et irrévocable puisque la procédure serait anéantie de plein droit dès l’interpellation de l’accusé, avant que la prescription n’éteigne la peine. En l’espèce, la condamnation par la cour d’assises n’aurait aucun caractère définitif et ne serait prescrite que dans vingt ans. Le requérant disposerait dès lors de vingt ans à compter d’octobre 1997 pour « purger » sa condamnation par contumace. Or il resterait au requérant à subir, à compter de cette date, une peine de dix-sept ans de réclusion. En l’occurrence le requérant aurait la faculté, à l’expiration de la peine d’emprisonnement qu’il purge en Italie, de se présenter aux autorités judiciaires françaises afin d’obtenir un nouveau procès conforme aux « exigences européennes ». La Cour ayant, suite à l’adoption le 13 février 2001 de l’arrêt Krombach précité, demandé aux parties de formuler des observations complémentaires, le Gouvernement a produit de nouvelles observations dans lesquelles il ne fait plus aucune référence à cette exception.

Dans ses observations initiales et ses observations complémentaires, le Gouvernement relève qu’il semble résulter des écrits du requérant que la phase d’instruction est incluse dans la critique générale de la procédure menée à son encontre. Il affirme qu’à supposer même que l’article 6 de la Convention soit applicable à la phase de l’instruction, cette branche du grief est irrecevable pour non-épuisement puisque, d’une part, le requérant n’a pas soulevé son grief devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris et, d’autre part, il n’a pas formé de pourvoi en cassation contre l’arrêt de renvoi. Le Gouvernement se réfère à la décision sur la recevabilité dans l’affaire Krombach c. France dans le cadre de laquelle la Cour a rejeté pour non-épuisement le grief du requérant relatif à la phase d’instruction.

Sur le fond, le Gouvernement fait valoir, dans ses observations déposées antérieurement à l’adoption par la Cour de l’arrêt Krombach, qu’au regard de la jurisprudence de la Cour, la procédure par contumace ne peut apparaître comme incompatible avec la Convention. Dans ses observations complémentaires déposées suite à l’adoption de cet arrêt, il rappelle la solution retenue par la Cour dans cette affaire, puis expose qu’en conséquence de l’arrêt Krombach une réforme de la procédure de contumace est actuellement en cours en France (voir « Droit et pratique internes pertinents » ci-dessus). Puisque les mesures prévues par la réforme ne sont pas encore  entrées en vigueur, le Gouvernement déclare s’en remettre à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la procédure de contumace conduite devant la cour d’assises de Paris.

S’agissant de l’exception soulevée par le Gouvernement, le requérant affirme que la procédure de purge équivaut à priver l’intéressé de sa liberté. Il estime que la purge de contumace ne constitue donc pas une voie de recours interne. Il affirme en tout état de cause ne pouvoir, en pratique, se présenter devant la justice française du fait de sa détention en Italie. Il estime dès lors que la purge ne saurait constituer une voie de recours efficace pour attaquer les conséquences immédiates d’une absence involontaire et d’un procès sans possibilité de défense.

Sur le fond du grief, le requérant rappelle qu’il était dans l’impossibilité de se présenter devant la cour d’assises en raison de son incarcération en Italie, et qu’il a été jugé en son absence et sans représentation. Dès lors, le requérant affirme qu’il n’a pas bénéficié devant la cour d’assise d’un procès équitable. Il se réfère à cet égard à l’arrêt rendu dans l’affaire Krombach dans lequel la Cour a jugé que l’interdiction pour l’accusé qui a choisi de rester contumax de se faire assister par un défenseur est une sanction manifestement disproportionnée. Le requérant affirme que, contrairement au requérant dans l’affaire Krombach, il n’était pas « fugitif » mais simplement dans l’impossibilité, contre son gré, de comparaître. Il n’aurait  donc pas choisi la contumace comme ce dernier, mais aurait été mis dans l’impossibilité de comparaître en raison de sa détention pour une autre cause en Italie. Il relève en outre que contrairement à l’avocat de M. Krombach qui avait été informé de ce que son client était cité à comparaître, son avocat ne fut pas informé de la citation à comparaître devant la cour d’assises. Le requérant fait en outre  valoir que l’ordonnance de contumace ne lui a pas été notifiée à la maison d’arrêt de Turin où il était incarcéré, alors que la juridiction française avait connaissance de cette incarcération puisqu’un précédent arrêt lui avait été notifié à la maison d’arrêt.

La Cour observe à titre liminaire que le grief du requérant porte exclusivement sur le déroulement de la procédure devant la cour d’assises, et ne concerne pas la procédure d’instruction ayant abouti à  l’arrêt de la chambre d’accusation du 11 septembre 1995. Dès lors, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner la seconde exception du Gouvernement tirée du défaut d’épuisement des voies de recours qui porte exclusivement sur la phase de l’instruction.

La Cour note ensuite qu’il ne ressort pas clairement des observations complémentaires déposées par le Gouvernement suite à l’adoption de l’arrêt Krombach précité s’il entend  maintenir l’exception de non-épuisement des voies de recours internes qu’il avait initialement soulevée, par laquelle  il faisait valoir que le requérant pouvait trouver dans la procédure de purge de la contumace un recours au sens de l’article 35 de la Convention. La Cour décide qu’en tout état de cause l’exception doit être jointe au fond dans la mesure où les problèmes qu’elle pose sont imbriqués avec la question du bien-fondé du grief.

La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

3.  Le requérant se plaint de n’avoir pas bénéficié d’un double degré de juridiction, le pourvoi en cassation ne lui étant pas ouvert en droit français. Il invoque l’article 2 du Protocole no 7, qui se lit comme suit :

« 1.  Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L’exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.

2.  Ce droit peut faire l’objet d’exceptions pour des infractions mineures telles qu’elles sont définies par la loi ou lorsque l’intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d’un recours contre son acquittement. »

Dans ses observations transmises au greffe avant que la Cour adopte l’arrêt Krombach précité, le Gouvernement excipe en premier lieu de l’incompatibilité ratione materiae du grief en ce qu’il serait dirigé contre l’arrêt civil de la cour d’assises alors que l’article porte sur une déclaration de culpabilité ou une condamnation. Le Gouvernement excipe en second lieu du non-épuisement des voies de recours internes : il fait valoir que s’il y a purge de la contumace, le requérant aura la faculté de former un pourvoi en cassation contre l’arrêt qui sera rendu contradictoirement par la cour d’assises, à supposer qu’il s’agisse d’un arrêt de condamnation. Dans ses observations déposées suite à l’adoption de l’arrêt Krombach, le Gouvernement ne fait plus aucune référence à ces exceptions.

A titre subsidiaire, dans ses observations initiales, le Gouvernement rappelle que les Etats jouissent d’une marge d’appréciation pour décider des modalités du droit de recours et de sa réglementation. Il affirme qu’en exigeant la purge de la contumace avant que le requérant puisse exercer un recours en cassation, la loi française n’atteint pas le droit dans sa substance même. Dans ses observations complémentaires déposées suite à l’adoption de l’arrêt Krombach, le Gouvernement rappelle la position retenue par la Cour dans cette affaire, puis expose qu’en conséquence de cet arrêt une réforme de la procédure de contumace est actuellement en cours en France (voir « Droit et pratique internes pertinents » ci-dessus). Dans la mesure où les mesures prévues par la réforme ne sont pas encore  entrées en vigueur, le Gouvernement déclare s’en remettre à la sagesse de la Cour pour ce grief.

Le requérant estime quant à lui que la purge de la contumace ne constitue pas une voie de recours contre le jugement par contumace, étant donné qu’elle entraîne une privation de liberté.

Sur le fond, il fait valoir qu’aucun appel ni pourvoi en cassation ne sont ouverts à l’encontre de la décision par contumace.

La Cour relève à titre liminaire qu’il ressort de l’ensemble des observations déposées par le requérant que ce dernier souhaite contester devant la Cour exclusivement l’arrêt de la cour d’assises portant condamnation pénale. Le grief du requérant ne saurait donc être considéré comme dirigé contre l’arrêt de la cour d’assises portant sur les intérêts civils. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur l’exception du Gouvernement tiré de l’incompatibilité ratione materiae du grief en ce qu’il serait dirigé contre l’arrêt civil.

La Cour observe qu’il ne ressort pas clairement des observations complémentaires déposées par le Gouvernement s’il entend, au vu de l’arrêt Krombach précité, maintenir l’exception de non-épuisement des voies de recours internes qu’il a soulevée dans ses observations initiales. La Cour décide en tout état de cause que l’exception doit être jointe au fond dans la mesure où les problèmes qu’elle pose sont imbriqués avec la question du bien-fondé du grief.

La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.


Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de joindre au fond les exceptions du Gouvernement tirées du non‑épuisement des voies de recours internes en raison de la possibilité ouverte au requérant de déclencher une procédure de purge de la contumace ;

Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les griefs du requérant tirés de sa condamnation par contumace sans qu’il ait pu, devant la cour d’assises, se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur, interroger des témoins et se faire assister d’un interprète, d’une part, et de l’absence d’un double degré de juridiction, d’autre part ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Søren NielsenChristos Rozakis
Greffier adjointPrésident

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure pénale
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CEDH, Cour (première section), MARIANI c. la FRANCE, 11 décembre 2003, 43640/98