CEDH, Cour (première section), SAYOUD c. la FRANCE, 1er avril 2004, 70456/01

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 1er avr. 2004, n° 70456/01
Numéro(s) : 70456/01
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 5 juillet 2000
Jurisprudence de Strasbourg : A.M. c. Italie, no 37019/97, § 25, 14 décembre 1999
Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, §§ 43-44
Hokkanen c. Finlande, arrêt du 23 septembre 1994, série A no 299-A Delta c. France, arrêt du 19 décembre 1990, série A no 191-A, § 37
Olsson c. Suède (no 2), arrêt du 27 novembre 1992, série A no 250, § 90
Eriksson c. Suède du 22 juin 1989, série A no 156, § 71
Ignaccolo-Zenide c. Roumaine, no 31679/96, §§ 93s., 25 janvier 2000
Margareta et Roger Andersson c. Suède, du 25 février 1992, série A no 226-A, § 91
Messina c. Italie (no 2), no 25498/94, § 61, 28 septembre 2000
P.S. c. Allemagne, no 33900/96, §§ 22-24, 20 décembre 2001
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44879
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2004:0401DEC007045601
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 70456/01
présentée par Leulmi SAYOUD
contre la France

La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant le 1er avril 2004 en une chambre composée de :

MM.C.L. Rozakis, président,
P. Lorenzen,
J.-P. Costa,
MmesF. Tulkens,
N. Vajić,
M.E. Levits,
MmeS. Botoucharova, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 5 juillet 2000,

Vu la demande de renseignements factuels adressée le 27 mars 2002 par le juge rapporteur au gouvernement défendeur, en application de l'article 49 § 2 a), la réponse de celui-ci et les observations y relatives du requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Leulmi Sayoud, est un ressortissant algérien, né en 1950 en Algérie. Il est arrivé en France en 1965 et a été renvoyé en Algérie en 2002 où il réside actuellement (Skikda). Il est représenté devant la Cour par Me Maître Bouzidi, avocat à Paris.

A.  Les circonstances de l'espèce

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 10 juin 1998, la compagne du requérant, Mme M., avisa les services de police qu'il entreposait dans leur domicile une quantité importante de résine de cannabis. Deux fonctionnaires de police se présentèrent le même jour au domicile du couple ; Mme M. leur remit un sac contenant plus de 7 kg de résine de cannabis, leur indiqua que le requérant avait entreposé de tels sacs dans l'appartement à deux autres reprises et qu'il était aux Pays-Bas mais reviendrait le lendemain.

Le 11 juin 1998, le requérant fut interpellé et placé en garde à vue. Il semble qu'une perquisition fut ensuite effectuée (le même jour) au domicile du couple, en la présence de Mme M. et des deux enfants mineurs du couple ; 4 000 FRF en liquide, 250 g de résine de cannabis et un revolver furent saisis à cette occasion. Le 13 juin 1998, le requérant fut mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants et placé en détention provisoire.

Les 21 juillet et 5 novembre 1998 et 5 octobre 1999, le requérant déposa plainte auprès du Procureur de la République contre les policiers ayant effectué la perquisition.

Le 9 mai 2000, le juge d'instruction ordonna le renvoi du requérant et de treize autres personnes devant les juridictions de jugement. Le 7 juillet 2000, le tribunal correctionnel de Reims condamna le requérant à 6 ans d'emprisonnement ferme pour acquisition, détention, transport et offre ou cession non autorisés de stupéfiants, et (solidairement avec l'un de ses co-prévenus) à une amende douanière de 1 500 000 FRF.

Par un arrêt du 29 novembre 2000, la cour d'appel de Reims confirma la peine et l'amende douanière prononcées contre le requérant en première instance. Elle releva en particulier que le requérant avait été découvert en possession de plusieurs dizaines de kilos de résine de cannabis et qu'il avait été mis en cause pour des activités de revente de cette substance par plusieurs personnes, dont trois de ses co-prévenus ainsi que sa concubine.

En outre, la cour d'appel prononça à l'encontre du requérant une interdiction du territoire national durant cinq ans. Sur ce point, l'arrêt est ainsi motivé : 

« (...) eu égard à la gravité des infractions en cause, commises de façon délibérée et portant sur plus de 180 kg de résine de cannabis, une interdiction du territoire national pendant cinq ans, destinée à faire comprendre au condamné, lequel, de nationalité algérienne – ne justifiant d'ailleurs pas de ce qu'il courrait personnellement un danger à retourner dans son pays, dont il n'a cessé de parler la langue et où ses parents sont enterrés – ne s'est aucunement soucié, en délinquant comme il l'a fait, du sort des enfants nés en France de ses relations avec sa concubine ». 

Le pourvoi formé par le requérant fut rejeté par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 5 décembre 2001. Aux moyens du requérant, tiré pour l'un de l'article 6 § 3 d) de la Convention, relatif, pour l'autre, à ce qu'il n'aurait pas pu s'exprimer lors de l'audience devant la cour d'appel, la Cour de cassation répondit (respectivement) :

« (...) [que le requérant] ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel aurait refusé d'entendre des témoins dont il avait demandé l'audition, dès lors qu'il ne résulte d'aucune pièce de procédure qu'il ait formé une demande en ce sens (...) » ;

« qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu['il] a été interrogé par le président de la cour et qu'il a fait valoir ses moyens de défense [de sorte] que le moyen, par lequel il prétend qu'il n'a pas pu s'exprimer, ne peut être accueilli ».

Le requérant soutenait par ailleurs que la mesure d'interdiction du territoire nationale emportait violation de l'article 8 de la Convention ; la Cour de cassation rejeta ce moyen par le motif suivant :

« Attendu que, pour condamner [le requérant] à 5 ans d'interdiction du territoire nationale, la cour d'appel relève que (...) ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 131-30 du code pénale, sans méconnaître les dispositions de l'article 8 de la Convention ».

Le requérant ajoutait que l'article 414 du code des douanes, sur le fondement duquel il avait été condamné à une amende douanière, prévoit que l'amende est comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet de la fraude. Il en déduisait que, tenu de respecter un minimum fixé par la loi pour déterminer le montant de l'amende, le juge ne dispose pas d'un pouvoir de pleine juridiction, et dénonçait une violation de l'article 6 § 1 ; la Cour de cassation rejeta ce moyen par le motif suivant :

« Attendu que les prévenus ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel, faisant application des dispositions de l'article 414 du code des douanes, non contraires à l'article 6 § 1 de la Convention, a prononcé des amendes égales à la valeur, estimée par l'administration des Douanes, de l'objet de la fraude, dès lors que cette valeur est appréciée souverainement par les juges du fond ». 

Détenu à la maison d'arrêt de Reims à partir du 13 juin 1998, le requérant fut, le 17 août 2000, transféré à celle de Chalons en Champagne.

Le 29 novembre 2002, il fut mis dans un avion à destination d'Alger. Le 30 novembre 2002, il adressa une lettre au Ministre des affaires étrangères dans laquelle il dénonçait les conditions dans lesquelles il avait été reconduit en Algérie. 


B.  Le droit interne pertinent

1.La loi no 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalié

La loi no 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalié, a inséré dans le code pénal, un article 131-30-2 ainsi libellé :

« La peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsqu'est en cause :

1º Un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

2º Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;

3º Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger relevant du 1º ;

4º Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

5º Un étranger qui réside en France sous couvert du titre de séjour prévu par le 11º de l'article 12 bis de l'ordonnance nº 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Les dispositions prévues au 3º et au 4º ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11, ni aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV, ni aux infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous prévues par les articles 431-14 à 431-17, ni aux infractions en matière de fausse monnaie prévues aux articles 442-1 à 442-4. »

Aux termes de l'article 86 de cette même loi :

I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 28 quater de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et sans préjudice de l'article 702-1 du code de procédure pénale, s'il en fait la demande avant le 31 décembre 2004, tout étranger justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et ayant été condamné postérieurement au 1er mars 1994, par décision devenue définitive, à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, est relevé de plein droit de cette peine, s'il entre dans l'une des catégories suivantes :

1o Il résidait habituellement en France depuis au plus l'âge de treize ans à la date du prononcé de la peine ;

2o Il résidait régulièrement en France depuis plus de vingt ans à la date du prononcé de la peine ;

3o Il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française ou avec un ressortissant étranger qui réside habituellement en France depuis au plus l'âge de treize ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;

4o Il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, cette condition devant être remplie depuis la naissance de ce dernier ou depuis un an.

Il n'y a pas de relèvement lorsque les faits à l'origine de la condamnation sont ceux qui sont visés au dernier alinéa de l'article 131-30-2 du code pénal. Il en est de même lorsque l'étranger relève des catégories visées aux 3o ou 4o et que les faits en cause ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

La demande ne peut davantage être admise si la peine d'interdiction du territoire français est réputée non avenue.

La demande est portée, suivant le cas, devant le procureur de la République ou le procureur général de la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, de la dernière juridiction qui a statué.

Si le représentant du ministère public estime que la demande répond aux conditions fixées par le présent article, il fait procéder à la mention du relèvement en marge du jugement ou de l'arrêt de condamnation et en informe le casier judiciaire national automatisé. Il fait également procéder, s'il y a lieu, à l'effacement de la mention de cette peine au fichier des personnes recherchées. Il informe le demandeur, par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande, du sens de la décision prise.

Tous incidents relatifs à la mise en oeuvre des dispositions prévues aux alinéas précédents sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence qui statue dans les conditions prévues par l'article 711 du code de procédure pénale. A peine d'irrecevabilité, le demandeur doit saisir le tribunal ou la cour dans un délai de dix jours à compter de la notification de la lettre visée à l'alinéa précédent.

(...)

III. - La carte de séjour temporaire visée à l'article 12 bis de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est délivrée de plein droit, à sa demande, à l'étranger qui a été relevé de l'interdiction du territoire français dont il faisait l'objet (...) dans les conditions prévues par le I (...) du présent article.

(...) »

  1. La correspondance des détenus avec la Cour, ses membres ou son greffe

Les articles pertinents du code de procédure pénale sont ainsi rédigés :

Article D. 262

« Les détenus peuvent, à tout moment, adresser des lettres aux autorités administratives et judiciaires françaises dont la liste est fixée par le ministre de la justice.

Ces lettres peuvent être remises sous pli fermé et échappent alors à tout contrôle ; aucun retard ne doit être apporté à leur envoi.

Elles font l'objet d'un enregistrement, tant à l'arrivée qu'au départ, sur le registre prévu à cet effet, tenu sous la responsabilité du chef d'établissement. »

Article A. 40

« La liste des autorités administratives et judiciaires avec lesquelles les détenus peuvent correspondre sous pli fermé, en application de l'article D. 262, est fixée comme suit :

(...)

IV. - Doivent être assimilés aux autorités françaises :

Le président de la Cour européenne des droits de l'homme ;

Le greffe de la Cour européenne des droits de l'homme ;

Tous membres de la Cour européenne des droits de l'homme ;

(...). »

GRIEFS

1. Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant soutient qu'une perquisition a eu lieu le 10 juin 1998 à son domicile en son absence et qu'un fonctionnaire de police y a passé la nuit. Il affirme que, présents lors de cette perquisition, ses deux enfants mineurs et la mère de ceux-ci en furent choqués.

2. Sur le fondement de cette même disposition, le requérant soutient que la peine d'interdiction du territoire prononcée contre lui porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

3. Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant affirme que les courriers qui lui ont été adressés par la Cour alors qu'il était en détention ont été systématiquement ouverts par l'administration pénitentiaire. Il en aurait vainement avisé ladite administration et aurait déposé une plainte devant le Procureur, laquelle aurait été classée sans suite.

4. Sur le fondement de cette même disposition, le requérant se plaint de ne plus avoir vu ses enfants depuis le 8 septembre 1999 et de n'avoir plus eu aucune nouvelle d'eux, leur mère ne les ayant plus conduits au parloir et ne communiquant plus avec lui.

5. Invoquant l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, le requérant soutient que, dans le cadre de la procédure pénale conduite contre lui, il ne fut jamais confronté aux témoins à charge – ce, malgré ses multiples demandes – et ne put faire entendre ses témoins à décharge.

6. Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant estime que l'arrêt de la Cour de cassation n'est pas suffisamment motivé : la haute juridiction aurait omis de répondre au moyen tiré de la non-conformité de l'article 414 du code des douanes à l'article 6 § 1 en ce qu'il fixe le minimum de l'amende douanière ; la haute juridiction n'aurait pas suffisamment motivé son arrêt en ce qu'il rejette le moyen tiré de l'article 8 de la Convention.

7. Invoquant l'article 3 de la Convention, le requérant se plaint du fait que, le 29 novembre 2002, il fut menotté durant le vol Paris-Alger ; il produit un certificat médical établi en Algérie le 30 novembre 2002 dont il ressort qu'il souffrait d'une « contusion des deux poignets gauche et droit entraînant une légère difficulté à mobiliser les mains » et fixant une incapacité temporaire de travail de huit jours.

EN DROIT

1.  Le requérant soutient qu'une perquisition a eu lieu le 10 juin 1998 à son domicile en son absence et qu'un fonctionnaire de police y a passé la nuit. Il affirme que, présents lors de cette perquisition, ses deux enfants mineurs et la mère de ceux-ci en furent choqués. Il invoque l'article 8 de la Convention, aux termes duquel :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

La Cour constate que le requérant n'a pas déposé une plainte avec constitution de partie civile pour dénoncer ces faits. Elle en déduit qu'il n'a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 35 § 1 de la Convention. Cette partie de la requête doit en conséquence être rejetée en application de l'article 35 § 4.

2.  Le requérant soutient que la peine d'interdiction du territoire prononcée contre lui porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il invoque l'article 8 de la Convention précité.

En l'état actuel du dossier, la Cour ne s'estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de cette partie de la requête et juge nécessaire de la communiquer au gouvernement défendeur pour observations, conformément à l'article 54 § 2 b) de son règlement.

3.  Le requérant affirme que les courriers qui lui ont été adressés par la Cour alors qu'il était en détention ont été systématiquement ouverts par l'administration pénitentiaire ; il en aurait vainement avisé ladite administration et aurait déposé une plainte devant le Procureur, laquelle aurait été classée sans suite. Il invoque l'article 8 de la Convention précité.

En l'état actuel du dossier, la Cour ne s'estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de cette partie de la requête et juge nécessaire de la communiquer au gouvernement défendeur pour observations, conformément à l'article 54 § 2 b) de son règlement.

4.  Le requérant se plaint de ne plus avoir vu ses enfants depuis le 8 septembre 1999 et de n'avoir plus eu aucune nouvelles d'eux, leur mère ne les ayant plus conduits au parloir et ne communiquant plus avec lui. Il invoque l'article 8 de la Convention

La Cour relève que le requérant ne prétend pas que les autorités ont empêché ses enfants de le rencontrer ou n'ont autorisé des visites que restrictivement ; il expose que la mère de ceux-ci ne les y a plus conduits et ne lui a plus donné de nouvelles – ni d'elle, ni d'eux – pendant les trois dernières années de sa détention. Aucune mesure imputable aux autorités, constitutive d'une ingérence dans la vie familiale du requérant, n'est donc en cause.

La Cour estime cependant que – dans une certaine mesure en tous cas – l'article 8 met à la charge des autorités, une obligation générale quant au maintien de ce lien : un détenu dans la situation du requérant doit tout au moins pouvoir obtenir l'assistance de l'administration. Elle rappelle à cet égard qu'elle a jugé que, s'il est vrai que toute détention entraîne par nature une restriction à la vie privée et familiale, il est cependant essentiel au respect de la vie familiale d'un détenu que l'administration pénitentiaire l'aide à maintenir un contact avec sa famille proche (voir Messina c. Italie (no 2), no 25498/94, § 61, 28 septembre 2000). En outre, d'une manière générale, l'article 8 implique le droit d'un parent à des mesures propres à le réunir à son enfant et l'obligation pour les autorités de les prendre, ainsi qu'une obligation plus large de prendre des mesures permettant le maintien du lien parent-enfant (voir Ignaccolo-Zenide c. Roumaine, no 31679/96, §§ 93s., 25 janvier 2000 ; voir aussi, par exemple, les arrêts Eriksson c. Suède du 22 juin 1989, série A no 156, § 71, Margareta et Roger Andersson c. Suède, du 25 février 1992, série A no 226-A, § 91, Olsson c. Suède (no 2), du 27 novembre 1992, série A no 250, § 90, et Hokkanen c. Finlande, du 23 septembre 1994, série A no 299-A).

En application de l'article 49 § 2 a) du Règlement de la Cour, le juge rapporteur a invité le Gouvernement à préciser quelles suites ont été données aux démarches effectuées par le requérant auprès de l'administration afin de retrouver la trace de ses enfants.

Des réponses et documents produits, il ressort que, contactée par le requérant, l'assistante sociale qui avait pris les enfants et leur mère en charge après l'incarcération de ce dernier, lui confirma les 8 et 17 février et le 17 mars 2000 qu'ils avaient quitté le domicile familial et séjournaient dans un centre d'accueil, dont elle ne pouvait lui communiquer l'adresse pour des raisons tenant au secret professionnel, mais auquel elle avait transmis ses courriers afin qu'ils soient, par cette voie, remis à Mme M. Plusieurs courriers du requérant furent ainsi remis à Mme M. Les 30 mars et 4 septembre 2000, l'assistante sociale informa le requérant que mère et enfants avaient quitté le foyer et qu'elle n'avait plus aucun moyen de les joindre. Le requérant adressa d'autres lettres aux Services sociaux afin d'obtenir des nouvelles de ses enfants, auxquelles il fut répondu les 27 février, 2 mars et 6 novembre 2001 et 14 janvier 2002 que Mme M. n'était plus en contact avec eux ; le requérant fut avisé à cette occasion qu'il avait la possibilité d'effectuer une « recherche dans l'intérêt des familles ».

Par ailleurs, les 17 décembre 1999 et 10 janvier 2000, le requérant s'était adressé au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Reims, qui lui avait répondu (les 23 décembre 1999 et 13 janvier 2000) qu'il n'avait pas la possibilité de localiser les enfants et leurs mères et l'avait invité à s'adresser aux services de police en vue d'une recherche dans l'intérêt des familles. Le requérant affirme avoir, le 3 février 2000, vainement déposé une demande dans ce sens auprès de la sous-préfecture de Reims, ce que dément le Gouvernement.

Le 5 mars 2001, le requérant a adressé un courrier au Procureur de la République de Chalons en Champagne, l'informant qu'il n'avait plus de nouvelles de ses enfants. Des recherches furent effectuées par les services de police auprès des services sociaux qui avaient pris Mme M. et ses enfants en charge ; elles ne permirent pas de déterminer l'adresse de Mme M. ; le requérant en fut informé le 11 avril 2001. Le requérant avait adressé un courrier similaire au Procureur de Reims le 13 février 2001, à la suite duquel, à la demande du Procureur, il fut entendu par des fonctionnaires de police.

En outre, les 13 février, 5 mars, 23 mars et 5 et 11 décembre 2001, le requérant s'adressa au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Reims, l'invitant à le convoquer avec les enfants et leur mère. En réponse, le juge aux affaires familiales, après lui avoir rappelé que la mise en exécution des droits et devoirs des parents à l'égard des enfants n'était pas dans ses compétences, lui avait fourni des renseignements sur la procédure à suivre pour obtenir une décision sur son droit de visite notamment ; le greffe avait adressé un formulaire au requérant demandant certains renseignements (lettres des 14 et 18 mai 2001 et 9 janvier 2002), auquel il n'aurait pas donné suite. Pareillement, le 3 juillet 2001, le requérant adressa un courrier au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chalons en Champagne, indiquant qu'il envisageait de délivrer une assignation à Mme M. mais n'en précisant pas l'objet ; invité par le greffe à fournir des éléments complémentaires, il ne fournit aucune pièce.

En février 2002, le requérant s'adressa au service de probation de la maison d'arrêt où il était incarcéré, lequel l'informa des démarches à entreprendre pour pouvoir reprendre contact avec ses enfants, notamment en ce qui concerne la procédure de recherche dans l'intérêt des familles.

Au vu de ce qui précède, la Cour estime que l'administration a fourni au requérant l'assistance requise pour retrouver la trace de Mme M. et de ses enfants. En particulier, elle note les efforts des services sociaux et relève que le requérant a assez rapidement été informé de la possibilité d'effectuer une recherche dans l'intérêt des familles. Pour ce faire, il suffit de formuler une demande auprès d'un commissariat de police, une brigade de gendarmerie, la préfecture ou la sous-préfecture ; une enquête est alors effectuée au niveau régional puis, si cela ne donne pas de résultat après quelques semaines, au niveau national ; en l'absence de résultat, les recherches sont poursuivies toute l'année en cours et l'année suivante.

La Cour conclut en conséquence au défaut manifeste de fondement de cette partie de la requête et de son rejet en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5.  Le requérant soutient que, dans le cadre de la procédure pénale conduite contre lui, il ne fut jamais confronté aux témoins à charge – ce, malgré ses multiples demandes – et ne put faire entendre ses témoins à décharge. Il invoque l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, aux termes duquel :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) par un tribunal ( ...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...).

3.  Tout accusé a droit notamment à :

(...)

d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

(...). »

La Cour rappelle que les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l'article 6 lorsqu'une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur les dépositions d'un témoin que ni au stade de l'instruction ni pendant les débats l'accusé n'a eu la possibilité d'interroger ou faire interroger (voir, notamment, les arrêts, Delta c. France, du 19 décembre 1990, série A no 191-A, § 37, Saïdi c. France, du 20 septembre 1993, série A no 261-C, §§ 43-44, A.M. c. Italie, no 37019/97, § 25, 14 décembre 1999, et P.S. c. Allemagne, no 33900/96, §§ 22-24, 20 décembre 2001). En l'espèce, l'essentiel des témoins à charge étaient poursuivis pour les mêmes faits et plusieurs ont comparu en même temps que le requérant devant les juridictions de jugement. Ainsi, s'il semble que le requérant ne fut confronté à aucun d'entre eux durant l'instruction, il avait la possibilité de les faire interroger lors des audiences. Or il ressort du jugement du 7 juillet 2000 et de l'arrêt du 29 novembre 2000, que le requérant n'a formulé aucune demande dans ce sens et qu'en tout état de cause, les témoignages n'étaient pas les seuls éléments à charge retenues contre lui par les juges. Il en ressort également que le requérant n'a pas formulé de demandes tendant à l'audition de témoins à décharge qui auraient été rejetées. Tel est d'ailleurs le constat de la Cour de cassation.

La Cour conclut en conséquence au défaut manifeste de fondement de cette partie de la requête et de son rejet en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

6.  Le requérant estime que l'arrêt de la Cour de cassation n'est pas suffisamment motivé : la haute juridiction aurait omis de répondre au moyen tiré de la non-conformité de l'article 414 du code des douanes à l'article 6 § 1 en ce qu'il fixe le minimum de l'amende douanière ; la haute juridiction n'aurait pas suffisamment motivé son arrêt en ce qu'il rejette le moyen tiré de l'article 8 de la Convention. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention précité.

La Cour constate que, statuant dans les limites de la cassation, la Cour de cassation a retenu que l'article 414 du code des douanes est conforme à l'article 6 § 1, et a répondu au grief tiré de l'article 8.

Elle conclut en conséquence au défaut manifeste de fondement de cette partie de la requête et de son rejet en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

7.  Le requérant se plaint du fait que, le 29 novembre 2002, il fut menotté durant le vol Paris-Alger ; il produit un certificat médical établi en Algérie le 30 novembre 2002 dont il ressort qu'il souffrait d'une « contusion des deux poignets gauche et droit entraînant une légère difficulté à mobiliser les mains » et fixant une incapacité temporaire de travail de huit jours. Il invoque l'article 3 de la Convention, aux termes duquel :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A supposer que les faits dénoncés suffisent à caractériser un manquement à l'article 3, la Cour constate que le requérant n'a pas déposé une plainte avec constitution de partie civile. Elle en déduit qu'il n'a pas épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 35 § 1 de la Convention. Cette partie de la requête doit en conséquence être rejetée en application de l'article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

Ajourne l'examen des griefs du requérant tirés de l'article 8 de la Convention, relatifs d'une part à la peine d'interdiction du territoire français prononcée contre lui et, d'autre part, à l'ouverture de sa correspondance par les autorités pénitentiaires ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Søren NielsenChristos Rozakis
GreffierPrésident

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CEDH, Cour (première section), SAYOUD c. la FRANCE, 1er avril 2004, 70456/01