CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE DEMİR ET AUTRES c. TURQUIE, 23 septembre 1998, 21380/93 et autres

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Chronologie de l’affaire

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CEDH · 20 février 2017

Fiche thématique – Dérogation en cas d'état d'urgence février 2017 Cette fiche ne lie pas la Cour et n'est pas exhaustive Dérogation en cas d'état …

 

Par nicolas Hervieu · Dalloz · 1er décembre 2015

CEDH · 23 septembre 1998

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 23 sept. 1998, n° 21380/93 et autres
Numéro(s) : 21380/93, 21381/93, 21383/93
Publication : Recueil 1998-VI
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2279, § 64, p. 2280, § 68, p. 2281, § 70, p. 2282, § 78, p. 2283, § 83, p. 2284, § 84
Arrêt Brannigan et McBride c. Royaume-Uni du 26 mai 1993, série A n° 258-B, pp. 49-50, § 43
Arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni du 29 novembre 1988, série A n° 145-B, p. 33, § 61 et § 62
Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1866 et 1869, §§ 131 et 144
Arrêt Murray c. Royaume-Uni du 28 octobre 1994, série A n° 300-A, p. 27, § 58, p. 30, § 67
Arrêt Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique du 3 juillet 1997 (article 50), Recueil 1997-IV, p. 1299, § 24
Arrêt Sakik et autres c. Turquie du 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, pp. 2624 et 2626, §§ 48 et 56, p. 2626, § 60
Arrêt Yagci et Sargin c. Turquie du 8 juin 1995, série A n° 319-A, p. 17, § 44
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens - demande rejetée ; Violation de l'art. 5-3
Identifiant HUDOC : 001-62787
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0923JUD002138093
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Texte intégral

AFFAIRE DEMİR ET AUTRES c. TURQUIE

(71/1997/855/1062-1064)

ARRÊT

STRASBOURG

23 septembre 1998


En l’affaire Demir et autres c. Turquie[1],

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A[2], en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM.Thór Vilhjálmsson, président,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
J. De Meyer,
MmeE. Palm,
MM.A.N. Loizou,
J.M. Morenilla,
A.B. Baka,
K. Jungwiert,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 19 mai et 26 août 1998,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1.  L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 11 juillet 1997, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouvent trois requêtes (nos 21380/93, 21381/93 et 21383/93) dirigées contre la République de Turquie et dont trois ressortissants de cet Etat, MM. Hüseyin Demir, Faik Kaplan et Şükrü Süsin, avaient saisi la Commission le 12 février 1993 en vertu de l’article 25.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu’à la déclaration turque reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 5 § 3 de la Convention.

2.  En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 § 3 d) du règlement A, les requérants ont exprimé le désir de participer à l’instance et ont désigné Me Hasip Kaplan, avocat au barreau d’Istanbul, comme leur représentant (article 30).

3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit M. F. Gölcüklü, juge élu de nationalité turque (article 43 de la Convention), et M. R. Bernhardt, à l’époque vice-président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 27 août 1997, en présence du greffier, M. R. Ryssdal, président de la Cour, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. Thór Vilhjálmsson, B. Walsh, J. De Meyer, A.N. Loizou, J.M. Morenilla, A.B. Baka et K. Jungwiert (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du gouvernement turc (« le Gouvernement »), le conseil des requérants et Mme M. Hion, déléguée de la Commission, au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément aux ordonnances rendues en conséquence le 12 septembre 1997 ainsi que les 20 janvier, 11 février et 10 mars 1998, le greffier a reçu les mémoires des requérants et du Gouvernement les 16 février et 6 mars 1998 puis leurs répliques respectives les 26 et 20 mars. Le 5 mai 1998, la déléguée de la Commission a présenté des observations écrites sur les mémoires déposés au greffe.

5.  Entre-temps, M. F. Matscher, juge suppléant, avait remplacé M. Walsh, décédé le 9 mars 1998 ; ultérieurement M. Thór Vilhjálmsson, élu vice-président de la Cour, a remplacé, en qualité de président de la chambre, M. Bernhardt, élu président de la Cour, et Mme E. Palm s’est vue appelée à siéger à la chambre (articles 21 § 6 et 24 § 1 du règlement A).

6.  Le 19 mai 1998, la chambre a décidé de ne pas tenir d’audience, après s’être assurée que se trouvaient réunies les conditions pour une telle dérogation à la procédure habituelle (articles 26 et 38 du règlement A).

EN FAIT

I.LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7.  Le premier requérant, M. Demir, homme d’affaires, est né en 1950, et le deuxième, M. Süsin, élu du quartier de Yenimahalle à İdil, en 1958 ; ils étaient respectivement président et ancien secrétaire de la section d’İdil du Parti populiste social-démocrate (SHP).

Quant à M. Kaplan, né en 1973, il était correspondant du quotidien Hürriyet ainsi que membre du bureau de la section d’İdil locale du Parti du peuple de la République (CHP).

A l’époque des faits, les requérants résidaient et exerçaient tous à İdil, dans la province de Şırnak, laquelle figure parmi celles qui sont soumises, depuis 1987, à l’état d’urgence décrété dans le Sud-Est de l’Anatolie.

8.  Au cours des mois de janvier et février 1993, une trentaine de personnes, dont les requérants, furent arrêtées à İdil sur ordonnance du procureur de la République (« le procureur ») près la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır (« la cour de sûreté de l’Etat »).

9.  Les faits en rapport avec la détention des requérants sont controversés.

M. Demir affirme avoir été arrêté par la section anti-terrorisme de la direction de la sûreté d’İdil (« la direction de la sûreté ») puis placé en garde à vue le 22 janvier 1993 ; de leur côté, MM. Kaplan et Süsin soutiennent avoir subi le même sort, mais le 28 janvier.

D’après le Gouvernement, le placement en garde à vue de MM. Demir et Süsin a eu lieu le 26 janvier 1993 et celui de M. Kaplan le 30 janvier.

10.  Le 27 janvier 1993, la direction de la sûreté fit examiner MM. Demir et Süsin par le bureau de médecine légale d’İdil en vue de constater si des marques de coups ou de violence pouvaient être décelées sur leurs corps. Les rapports médicaux rédigés le même jour concluaient à l’absence de pareilles traces.

Le 30 janvier, M. Kaplan fut à son tour soumis à l’examen des médecins légistes, lesquels, dans leur rapport, parvinrent à la même conclusion.

11.  Le 12 février 1993, l’avocat des requérants porta plainte devant le parquet d’İdil à l’encontre de N. Yılmaz, chef de la direction de la sûreté. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention ainsi que la jurisprudence de la Cour en la matière, il protestait contre la durée de la garde à vue de ses clients et demandait que les responsables fussent poursuivis.

12.  M. Kaplan puis MM. Demir et Süsin furent traduits devant le juge unique du tribunal correctionnel d’İdil, les 15 et 18 février 1993 respectivement. Celui-ci ordonna leur mise en détention provisoire.

Avant de comparaître, les requérants furent réexaminés par le bureau de médecine légale, à la demande de la direction de la sûreté. Les rapports médicaux établis en conséquence ne diagnostiquaient aucune trace de coups et blessures sur le corps des intéressés.

13.  Par la suite, l’avocat des requérants se vit communiquer une décision du 2 avril 1993, par laquelle la direction des affaires criminelles du ministère de la Justice lui faisait part du rejet de sa plainte du 12 février.

14.  Le 11 juin 1993, le procureur soumit à la cour de sûreté de l’Etat des réquisitions contre trente-cinq prévenus, dont les requérants. Il accusait ces derniers d’être membres actifs d’une organisation illégale, le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), et requérait l’application des articles 168 § 2 du code pénal (paragraphe 19 ci-dessous) et 5 de la loi anti-terrorisme n° 3713 (paragraphe 20 ci-dessous).

Les faits reprochés aux intéressés, tels qu’ils ont été exposés par le procureur, peuvent se résumer comme suit :

Après avoir adhéré au PKK en 1988, M. Demir aurait maintenu des contacts réguliers et préparé plusieurs actions avec le militant du PKK responsable d’İdil ; au début de l’année 1990, il aurait été désigné chef du comité local du PKK à Yenimahalle lors d’une réunion clandestine chez lui ; à la suite de l’assassinat de Z. dans le district du Midyat, il aurait invité plusieurs personnes à se rassembler pour les obsèques, durant lesquelles il aurait lancé des slogans et exhorté les participants à en faire autant ; il aurait également proféré des slogans séparatistes lors de la manifestation illégale qui eut lieu à l’occasion de la mort d’un certain A., militant du PKK ; le 21 mars 1992, il aurait incité le peuple à l’insurrection et, quelques mois après, appelé les commerçants à fermer leurs boutiques pour protester contre l’armée turque ; enfin, il aurait maintes fois recelé des personnes voulant rejoindre le PKK.

M. Süsin aurait participé à plusieurs réunions et manifestations illégales ; à l’issue de l’assemblée tenue chez M. Demir, il aurait été nommé membre dudit comité du PKK ; en 1991, il aurait recelé chez lui six personnes et en aurait installé sept autres dans des maisons du voisinage, dans l’attente de les voir rejoindre le PKK ; il aurait en outre effectué des collectes de fonds pour le financement des activités de cette organisation.

Quant à M. Kaplan, il aurait, environ un an avant son arrestation, participé à une manifestation non autorisée de fermeture de boutiques et, six mois auparavant, photocopié deux tracts du PKK ; il aurait en outre lancé des slogans séparatistes lors de deux manifestations illégales qui se déroulèrent à İdil les 4 et 19 mars 1992.

15.  Le 7 juillet 1993, les requérants comparurent devant la cour de sûreté de l’Etat. MM. Demir et Süsin rétractèrent les aveux qu’ils avaient faits à la direction de la sûreté, affirmant qu’ils avaient été extorqués sous la contrainte. Quant à M. Kaplan, il soutint avoir agi sous l’emprise de la peur de représailles de la part du PKK.

M. Kaplan fut mis en liberté provisoire le même jour ; les deux autres requérants après l’audience du 3 février 1994.

16.  Le 14 novembre 1996, la cour de sûreté de l’Etat condamna, par application de l’article 168 § 2 du code pénal, MM. Demir et Süsin à douze ans et six mois d’emprisonnement pour appartenance à une bande armée ; à M. Kaplan, elle infligea, en vertu de l’article 169 dudit code (paragraphe 19 ci-dessous), trois ans et neuf mois d’emprisonnement pour assistance à une bande armée et recel de malfaiteurs.

17.  Les intéressés se pourvurent devant la Cour de cassation qui, par un arrêt du 2 mars 1998, confirma le jugement attaqué.

II.LE DROIT INTERNE PERTINENT

18.  L’article 19 de la Constitution dispose :

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté individuelle.

Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et dans le respect des formes et conditions définies par la loi :

(...)

La personne arrêtée ou détenue doit être traduite devant un juge au plus tard dans les quarante-huit heures et, en cas d’infractions collectives, dans les quinze jours (...). Ces délais peuvent être prolongés pendant l’état d’urgence (...)

(...)

Toute personne privée de sa liberté, pour quelque motif que ce soit, a le droit d’introduire un recours devant une autorité judiciaire compétente afin qu’elle statue à bref délai sur son sort et, au cas où cette privation serait illégale, ordonne sa libération.

Les dommages subis par ceux qui ont été victimes d’un traitement contraire à ces dispositions doivent être réparés par l’Etat, conformément à la loi. »

19.  Les dispositions pertinentes du code pénal se lisent ainsi :

Article 168

« Sera condamné à une peine de quinze ans d’emprisonnement minimum, quiconque, en vue de commettre les infractions énoncées aux articles (...), créera une bande ou organisation armée ou se chargera de la direction, (...) du commandement ou d’une responsabilité particulière dans une telle bande ou organisation.

Les autres membres de la bande ou de l’organisation seront condamnés à une peine de cinq à quinze ans d’emprisonnement. »

Article 169

« Sera condamné à une peine allant de trois à cinq ans d’emprisonnement (…), quiconque, tout en ayant conscience de la position et qualitéd’une telle bande ou organisation armée, l’aidera ou lui fournira un hébergement, des vivres, armes et munitions ou des vêtements, ou facilitera ses agissements de quelque manière que ce soit. »

20.  La loi anti-terrorisme n° 3713 du 12 avril 1991 qualifie de « terroriste » l’infraction visée à l’article 168 du code pénal (article 3). Quant à l’infraction réprimée par l’article 169 du même code, elle figure dans la catégorie des actes « perpétrés aux fins du terrorisme » (article 4).

En application de l’article 5 de la loi n° 3713, les peines prévues par le code pénal qui seront infligées à la suite d’infractions énumérées aux articles 3 et 4 seront augmentées de moitié.

21.  Aux termes de l’article 9 a) de la loi n° 2845 sur la procédure devant les cours de sûreté de l’Etat, les infractions visées aux articles 168 et 169 relèvent de la compétence exclusive de ces juridictions.

22.  A l’époque des faits, l’article 30 de la loi n° 3842 du 18 novembre 1992 prévoyait, quant aux infractions relevant de la compétence des cours de sûreté de l’Etat – parmi lesquelles figurent celles mentionnées au paragraphe 20 ci-dessus –, que toute personne arrêtée devait être traduite devant un juge au plus tard dans les quarante-huit heures ou, en cas de délit collectif, dans les quinze jours. Dans les provinces où l’état d’urgence avait été décrété, ces délais étaient susceptibles d’être prolongés jusqu’à quatre et trente jours respectivement.

23.  L’article 1 de la loi n° 466 sur l’octroi d’indemnités aux personnes arrêtées ou détenues prévoit :

« Seront compensés par l’Etat les dommages subis par toute personne :

1.arrêtée ou placée en détention dans des conditions et circonstances non conformes à la Constitution et aux lois ;

2.à laquelle les griefs à l’origine de son arrestation ou détention n’auront pas été immédiatement communiqués ;

3.qui n’aura pas été traduite devant le juge après avoir été arrêtée ou placée en détention dans le délai légal ;

4.qui aura été privée de sa liberté sans décision judiciaire après que le délai légal pour être traduite devant le juge aura expiré ;

5.dont les proches n’auront pas été immédiatement informés de son arrestation ou de sa détention ;

6.qui, après avoir été arrêtée ou mise en détention conformément à la loi, aura bénéficié d’un non-lieu (...), d’un acquittement ou d’un jugement la dispensant d’une peine ;

7.qui aura été condamnée à une peine d’emprisonnement moins longue que sa détention ou à une amende seulement (...) »

III.LA NOTIFICATION DE DÉROGATION DU 6 AOÛT 1990 ET SES MODIFICATIONS ULTÉRIEURES

24.  Le 6 août 1990, le Représentant permanent de la Turquie auprès du Conseil de l’Europe a notifié au Secrétaire général du Conseil de l’Europe une dérogation libellée comme suit :

« 1.  La République de Turquie est exposée à des menaces pour sa sécurité nationale dans le sud-est de l’Anatolie, dont l’ampleur et l’intensité sont allées croissant au cours des derniers mois au point de représenter une menace pour la vie de la nation au sens de l’article 15 de la Convention.

En 1989, 136 civils et 153 membres des forces de sécurité ont été tués à la suite d’actes de terrorisme, dont les auteurs agissaient parfois à partir de bases étrangères. Rien que depuis le début de 1990, le nombre des victimes s’élève à 125 civils et 96 membres des forces de sécurité.

2.La sécurité nationale est principalement menacée dans les provinces de l’Anatolie du sud-est et partiellement aussi dans les provinces adjacentes.

3.En raison de l’intensité et de la diversité des actions terroristes, et afin de les réprimer, le gouvernement a dû non seulement faire intervenir ses forces de sécurité, mais aussi prendre les mesures appropriées pour neutraliser une campagne de désinformation tendancieuse auprès du public, lancée notamment à partir d’autres régions de la République de Turquie ou même de l’étranger et accompagnée d’une utilisation abusive des droits syndicaux.

4.A cette fin, le Gouvernement de la Turquie, agissant conformément à l’article 121 de la Constitution turque, a promulgué, le 10 mai 1990, les décrets-lois n° 424 et n° 425. Ces décrets pourront entraîner une dérogation aux obligations inscrites dans les dispositions ci-après de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales : à savoir dans les articles 5, 6, 8, 10, 11 et 13. Une description sommaire des nouvelles mesures est jointe à la présente (...) »

La description sommaire des décrets-lois nos 424 et 425 annexée à cette notification est libellée comme suit :

« A.  En vertu des décrets-lois nos 424 et 425 dans la région visée par l’état d’urgence, le gouvernement de cette région a été doté des pouvoirs supplémentaires ci-après.

1.Le ministre de l’Intérieur, sur proposition du gouverneur de la région visée par l’état d’urgence, pourra interdire temporairement ou de manière permanente toute publication (indépendamment du lieu de son impression) qui serait de nature à perturber gravement l’ordre public de la région ou à exciter les esprits dans la population locale, ou à gêner les forces de sécurité dans l’accomplissement de leur mission en donnant une interprétation fausse des activités menées dans la région. La mesure d’interdiction pourra s’étendre, le cas échéant, à la fermeture de la maison d’édition en question.

2.Le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence pourra ordonner aux personnes portant atteinte de manière continue à la sécurité générale et à l’ordre public de s’établir dans un lieu spécifié par le ministre de l’Intérieur et situé en dehors de la région visée par l’état d’urgence pour une période qui ne devra pas excéder la durée de l’état d’urgence. A leur demande, les intéressés pourront recevoir une aide financière du Fonds de développement et de soutien. Les modalités de la fourniture de cette aide seront fixées par le ministère de l’Intérieur.

3.Le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence (ou le gouverneur provincial délégué) pourra suspendre (pour une durée de 3 mois maximum) ou subordonner à une autorisation préalable certaines activités en relation avec des conflits de travail telles que grèves et « lock-out ».

4.Le gouverneur pourra également interdire, ou prendre des mesures préventives à leur encontre, certaines activités telles que destructions, pillages, boycottages, ralentissements du travail, restrictions à la liberté du travail et fermetures d’entreprises.

5.Le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence pourra ordonner à titre temporaire ou permanent l’évacuation, le déplacement, le regroupement de villages, de zones de pâturages et de zones résidentielles pour des raisons de sécurité publique.

6.Le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence pourra ordonner aux institutions publiques appropriées dans la région visée par l’état d’urgence, de muter à titre permanent ou temporaire à d’autres postes leurs fonctionnaires dont elles considèrent qu’ils portent atteinte à la sécurité générale et à l’ordre public. Les fonctionnaires intéressés resteront astreints aux dispositions de la loi spéciale sur la fonction publique qui leur sont applicables.

B.  Aucune plainte de nature criminelle, pécuniaire ou juridique ne pourra être déposée, ni aucune démarche juridique ne pourra être effectuée à cette fin auprès de l’autorité judiciaire à propos de décisions prises ou d’actes effectués par le ministre de l’Intérieur, le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence et les autres gouverneurs dans l’exercice des pouvoirs qui leur sont reconnus par le décret-loi n° 424.

C.  Aucune décision intérimaire à effet suspensif ne pourra être prise à l’encontre d’une décision administrative durant l’examen d’une plainte administrative déposée contre ladite décision si celle-ci a été prise par le ministre de l’Intérieur, le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence et les gouverneurs provinciaux dans l’exercice des pouvoirs que leur reconnaît la Loi sur l’état d’urgence n° 2935.

D.  Un recours en nullité ne pourra être formé contre des décisions administratives prises par le gouverneur de la région visée par l’état d’urgence dans l’exercice des pouvoirs que lui reconnaît le décret-loi n° 285. »

Dans une note, la dérogation précise que « la sécurité nationale est principalement menacée » dans les provinces de Elazığ, Bingöl, Tunceli, Van, Diyarbakır, Mardin, Siirt, Hakkâri, Batman et Şırnak.

25.  Par une lettre du 3 janvier 1991, le Représentant permanent de la Turquie a informé le Secrétaire général que le décret-loi n° 424 avait été remplacé par le décret-loi n° 430 promulgué le 16 décembre 1990. Une description sommaire de celui-ci figurait en annexe ; il se lit ainsi :

« 1.  Les pouvoirs du gouverneur de l’état d’urgence en vertu du décret-loi n° 425 sont limités à la région visée par l’état d’urgence. Les provinces adjacentes sont, de ce fait, exclues de la compétence du gouverneur.

2.Les pouvoirs spéciaux accordés au gouverneur de l’état d’urgence par le décret-loi n° 425 sont limités aux mesures relatives aux activités terroristes visant à porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux.

3.Le pouvoir du ministre de l’Intérieur d’interdire toute publication ou d’ordonner la fermeture d’une imprimerie (indépendamment de son emplacement) est limité. Selon le nouveau décret-loi, le ministre de l’Intérieur doit d’abord adresser un avertissement au propriétaire ou à l’éditeur de la publication. Si celui-ci continue d’imprimer ou de diffuser le numéro controversé, le ministre concerné peut interdire la publication temporairement ou définitivement et, si nécessaire, ordonner également la fermeture de l’imprimerie pour une période maximale de 10 jours, qui peut toutefois être étendue à un mois en cas de récidive. Aucune période maximale de fermeture de l’imprimerie n’était prévue par le décret-loi n° 424 (abrogé) (voir le § A (1) de la description sommaire jointe à la notification de dérogation du 6 août 1990).

4.Le nouveau décret-loi limite le pouvoir du gouverneur de l’état d’urgence d’ordonner à des personnes de s’établir dans un lieu spécifié situé en dehors de la région visée par l’état d’urgence. Les personnes expulsées de la région visée par l’état d’urgence ne sont pas obligées de s’établir en un lieu spécifié. Elles seront donc libres de choisir leur résidence en dehors de la région, sauf si elles demandent une aide financière. Dans ce cas, elles devront s’établir dans un lieu spécifié (voir le § A (2) de la description sommaire précédente).

5.En ce qui concerne [les] dispositions concernées dans les paragraphes A (3, 4, 5 et 6) de la description sommaire du 6 août 1990 (qui concernent les grèves, le « lock-out » et certaines autres activités syndicales, l’évacuation et le regroupement de villages, la mutation de fonctionnaires à d’autres postes ou emplois), il faut noter que les provinces adjacentes à la province visée par l’état d’urgence en sont exclues par le nouveau décret-loi.

6.Pour ce qui est du paragraphe 8 de la description sommaire précédente, le nouveau décret-loi comporte une nouvelle clause sauvegardant le droit d’introduire une requête contre l’administration (l’Etat) pour une perte ou des dommages subis du fait de décisions prises en vertu de l’état d’urgence. »

26.  Le 12 mai 1992, le Représentant permanent de la Turquie a communiqué au Secrétaire général une lettre libellée comme suit :

« (...) Comme la plupart des mesures énoncées dans les décrets-lois nos 425 et 430 qui pourraient entraîner une dérogation aux droits garantis par les articles 5, 6, 8, 10, 11 et 13 de la Convention ne sont plus appliquées, je vous informe par la présente que la République de Turquie limite, pour l’avenir, la portée de sa notification de dérogation au seul article 5 de la Convention. La dérogation relative aux articles 6, 8, 10, 11 et 13 de la Convention n’est plus en vigueur ; par conséquent, la référence relative à ces articles est, par la présente, supprimée de ladite notification de dérogation. »

PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION

27.  Les requérants ont saisi la Commission le 12 février 1993 ; ils se plaignaient d’avoir subi une garde à vue d’une durée contraire à l’article 5 § 3 de la Convention.

28.  La Commission a retenu les requêtes (nos 21380–81/93 et 21383/93) et ordonné leur jonction le 2 mars 1995. Dans son rapport du 29 mai 1997 (article 31), elle conclut, à l’unanimité, à la violation de la disposition invoquée. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt[3].

CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR

29.  Les requérants demandent à la Cour de constater que leur garde à vue a emporté violation de l’article 5 § 3 de la Convention et de leur accorder une satisfaction équitable au titre de l’article 50.

30.  De son côté, le Gouvernement

« prie respectueusement la Cour, à titre principal, de déclarer que dans la présente affaire, étant donné les circonstances particulières l’entourant, il n’y a pas eu d’application disproportionnée de la dérogation turque ; à titre subsidiaire, de déclarer que tous les arguments découlant du droit turc n’ont pas été soulevés devant le juge national et (…) de déclarer qu’il n’y a pas eu violation de la Convention ».

EN DROIT

I.sur la violation alléguée de l’article 5 § 3 de la convention

31.  Les requérants se plaignent de la durée excessive de leur garde à vue et dénoncent une violation de l’article 5 de la Convention qui, dans ses parties pertinentes, se lit ainsi :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

c)s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

(...)

3.Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

La Commission souscrit à cette thèse, tandis que le Gouvernement la combat.

A.Sur l’exception préliminaire du Gouvernement

32.  Le Gouvernement soulève une exception préliminaire tirée du non-épuisement des voies de recours internes et articulée en deux branches. Il reproche aux requérants d’avoir omis d’invoquer devant les juridictions internes l’article 19 § 8 de la Constitution, dont le libellé s’inspire de l’article 5 § 4 de la Convention. Il aurait été également loisible aux requérants d’exercer la voie de réparation que la loi n° 466 ouvre aux personnes illégalement privées de leur liberté et à celles dont la privation de liberté a eu lieu en conformité avec la loi mais qui ont, parmi d’autres hypothèses, bénéficié d’un acquittement.

33.  Les requérants prétendent avoir épuisé les voies de recours internes. Ils se réfèrent à la plainte que leur avocat avait déposée le 12 février 1993 au parquet d’İdil, en dénonçant la durée de leurs gardes à vue. Or cette démarche se serait avérée vaine parce que les autorités nationales auraient estimé que les mesures litigieuses avaient été prises en conformité avec la législation turque.

34.  La Commission constate qu’en l’espèce, la durée des gardes à vue des intéressés n’a pas dépassé la limite prévue par la loi ; les requérants ne pouvaient dès lors les contester avec succès et ne disposaient donc d’aucune voie de recours au sens de l’article 26 de la Convention. En outre, dans ses observations écrites devant la Cour, la déléguée de la Commission a souligné que les moyens de droit que le Gouvernement invoque – du reste, sans aucune précision concrète sur leur étendue ou leur effectivité – ne sauraient être considérés comme assurant une protection suffisante contre les abus des autorités pendant une si longue période de détention.

35.  La Cour note que la première branche de l’exception préliminaire du Gouvernement, fondée sur l’article 19 § 8 de la Constitution (paragraphe 18 ci-dessus), n’a pas été soulevée devant la Commission et, dès lors, se heurte à la forclusion (voir, parmi d’autres, l’arrêt Sakık et autres c. Turquie du 26 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, pp. 2624 et 2626, §§ 48 et 56).

36.  Quant à la deuxième branche, tirée de l’article 1 de la loi n° 466 (paragraphe 23 ci-dessus), la Cour relève que cette disposition vise des cas de réparation du fait des privations de liberté enfreignant la loi – hypothèse étrangère à la présente espèce (paragraphe 22 ci-dessus) – ou le cas de personnes régulièrement détenues bénéficiant par la suite d’un non-lieu, d’un jugement dispensant d’une peine ou d’un acquittement (voir l’arrêt Sakık et autres précité, p. 2626, § 60). La Cour observe que cette dernière hypothèse n’est pas pertinente non plus, dès lors que la condamnation des requérants a été confirmée par la Cour de cassation le 2 mars 1998 (paragraphe 17 ci-dessus).

37. Au demeurant, la Cour constate que les intéressés se plaignent de la durée excessive de leur garde à vue et non d’une absence de voies de droit en vue d’obtenir un dédommagement pour détention (paragraphe 31 ci-dessus). Le grief des requérants relève donc de l’article 5 § 3 de la Convention, alors que la voie de recours invoquée par le Gouvernement concerne uniquement l’article 5 § 5. Il s’ensuit que cette branche de l’exception préliminaire s’avère dénuée de fondement (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Yağcı et Sargın c. Turquie du 8 juin 1995, série A n° 319‑A, p. 17, § 44).

38.  Partant, la Cour rejette l’exception préliminaire.

B.Sur le bien-fondé du grief

1.Considérations générales

39.  La Cour rappelle que dans l’affaire Brogan et autres c. Royaume-Uni, elle a jugé qu’une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle juridictionnel va au-delà des strictes limites de temps permises par l’article 5 § 3, même quand elle a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme (arrêt du 29 novembre 1988, série A n° 145-B, p. 33, § 62).

40.  En l’espèce, la garde à vue a duré au moins vingt-trois jours dans le cas de MM. Demir et Süsin, et au moins seize jours dans celui de M. Kaplan, sans qu’aucun d’entre eux n’ait comparu devant un juge ou un autre magistrat. Eu égard à l’arrêt susmentionné, force est donc de conclure que les périodes de garde à vue en cause ne répondaient pas à l’exigence de promptitude inscrite à l’article 5 § 3.

41.  Certes, la Cour a déjà admis à plusieurs reprises par le passé que les enquêtes au sujet d’infractions à caractère terroriste confrontent indubitablement les autorités à des problèmes particuliers (voir les arrêts Brogan et autres précité, p. 33, § 61, Murray c. Royaume-Uni du 28 octobre 1994, série A n° 300-A, p. 27, § 58, et Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2282, § 78). Cela ne signifie pas toutefois que celles-ci aient carte blanche, au regard de l’article 5, pour arrêter et placer en garde à vue des suspects, à l’abri de tout contrôle effectif par les tribunaux internes et, en dernière instance, par les organes de contrôle de la Convention, chaque fois qu’elles estiment qu’il y a infraction terroriste (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Murray précité, p. 27, § 58).

De même, les nécessités de l’enquête ne sauraient dispenser les autorités d’avoir à faire comparaître « aussitôt », comme l’exige l’article 5 § 3, toute personne arrêtée conformément à l’article 5 § 1 c). Au besoin, il leur appartient de développer des formes de contrôle juridictionnel adaptées aux circonstances mais respectueuses de la Convention (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, pp. 1866 et 1869, §§ 131 et 144).

2.Validité de la dérogation notifiée par la Turquie au titre de l’article 15

42.  Le Gouvernement soutient qu’en tout état de cause, on ne saurait conclure à la violation de l’article 5 § 3, eu égard à la dérogation notifiée par la Turquie conformément à l’article 15 de la Convention, aux termes duquel :

« 1.  En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie Contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la (...) Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.

2.  La disposition précédente n’autorise aucune dérogation à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.

3.  Toute Haute Partie Contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d’être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application. »

43.  La Cour rappelle qu’« il incombe à chaque Etat contractant, responsable de « la vie de [sa] nation », de déterminer si un « danger public » la menace et, dans l’affirmative, jusqu’où il faut aller pour essayer de le dissiper. En contact direct et constant avec les réalités pressantes du moment, les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur la présence de pareil danger, comme sur la nature et l’étendue des dérogations nécessaires pour le conjurer. Partant, on doit leur laisser en la matière une large marge d’appréciation. Les Etats ne jouissent pas pour autant d’un pouvoir illimité en ce domaine. La Cour a compétence pour décider, notamment, s’ils ont excédé la « stricte mesure » des exigences de la crise. La marge nationale d’appréciation s’accompagne donc d’un contrôle européen. Quand elle exerce celui-ci, la Cour doit en même temps attacher le poids qui convient à des facteurs pertinents tels que la nature des droits touchés par la dérogation, la durée de l’état d’urgence et les circonstances qui l’ont créé » (voir les arrêts Brannigan et McBride c. Royaume-Uni du 26 mai 1993, série A n° 258-B, pp. 49–50, § 43, et Aksoy précité, p. 2280, § 68).

a)Sur l’existence d’un danger public menaçant la vie de la nation

44.  Les requérants font valoir qu’à l’époque des faits, il n’existait aucun danger public véritable qui obligeât les autorités nationales à leur imposer une détention aussi longue ; à en supposer néanmoins l’existence, il serait essentiellement dû aux manquements de l’Etat ainsi qu’aux comportements oppressifs de ses agents exerçant dans ladite région.

De son côté, la Commission, à l’instar du Gouvernement, admet l’existence d’une situation exceptionnelle de nature à menacer la vie de la nation dans le Sud-Est de la Turquie.

45.  Dans son arrêt Aksoy précité, la Cour a déjà noté « que l’ampleur et les effets particuliers de l’activité terroriste du PKK dans le Sud-Est de la Turquie ont indubitablement créé dans la région concernée un « danger public menaçant la vie de la nation » (ibidem, p. 2281, § 70). Elle n’aperçoit aucun élément lui permettant de distinguer, sur ce point, l’affaire Aksoy de la présente espèce : les faits à l’origine des deux affaires remontent, à quelques mois près, à la même époque, et rien ne démontre que la situation ait changé entre-temps.

b)Sur le point de savoir si les mesures étaient strictement exigées par la situation

i. Thèses des participants à la procédure

α) Les requérants

46.  Les requérants soutiennent que les mesures de privation de liberté dont ils furent l’objet ne rentraient pas dans le cadre des mesures rendues indispensables par la situation prévalant dans la région de l’état d’urgence, et contrevenaient aux obligations incombant au Gouvernement en vertu du droit international. C’est à tort que le Gouvernement s’efforcerait de prouver leur appartenance au PKK ; la police, elle, n’aurait trouvé aucune preuve de leur participation à une quelconque action armée. Même à supposer fondée l’accusation d’appartenance au PKK, elle n’aurait pas justifié les gardes à vue excessives qu’ils ont subies, privés de tout contrôle judiciaire et de tout contact avec un avocat ou avec leurs familles.

La lutte contre le terrorisme serait certes la raison d’être et la tâche principale de l’Etat. Toutefois, avec des centaines de milliers d’agents des forces de l’ordre déployés dans le Sud-Est de la Turquie, l’Etat serait tenu d’agir de manière à prévenir les actes illégaux et la violence sans pour autant frapper indifféremment les activités que les citoyens mènent en respectant la loi.

β) Le Gouvernement

47.  A titre principal, le Gouvernement soutient que la dérogation turque appelle une interprétation à la lumière de son objet et de son but : permettre que la « normalité conventionnelle » soit rétablie et, par conséquent, la dérogation révoquée le plus rapidement possible. En dérogeant à ses obligations découlant de l’article 5 de la Convention, la Turquie aurait voulu « d’une part trouver un juste équilibre entre la menace terroriste dirigée aussi bien contre l’intégrité de l’Etat que les droits et libertés des individus devenus otages innocents, et d’autre part respecter les droits et libertés [des] individus conformément à ses engagements assumés dans le cadre de la Convention ».

Faisant remarquer à cet égard que la Cour a déjà reconnu dans le passé les difficultés et la spécificité des enquêtes au sujet d’infractions terroristes, le Gouvernement attire l’attention sur la nature extrêmement grave des délits en question. D’après lui, quoique présentant des similarités avec l’affaire Aksoy et, en partie, avec l’affaire Sakık et autres, le cas d’espèce mérite un examen entièrement distinct, eu égard aux particularités des faits à son origine.

Le Gouvernement explique que les requérants ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une instruction menée par le ministère public en conformité avec la loi et ont comparu devant le juge « aussitôt » achevée l’instruction. Celle-ci aurait été extrêmement épineuse, puisqu’elle concernait quelque trente-cinq prévenus accusés d’appartenir au PKK. Dès lors, « une enquête policière plus approfondie et plus attentive était nécessaire pour réunir toutes les preuves et les évaluer afin d’éclaircir les faits et identifier les personnes qui y ont participé », et « l’identification des membres du PKK ayant participé aux actes de terreur s’avère, dans certains cas, difficile, ceux-ci utilisant leur nom de code lors de leurs agissements ».

La ratio legis des dispositions légales sur les gardes à vue refléterait notamment la complexité exceptionnelle des informations judiciaires relatives à des réseaux terroristes. Par conséquent, il serait « normal qu’il y ait des délais de garde à vue plus longs permettant aux autorités turques d’obtenir les résultats de l’instruction menée à l’égard des actes incriminés afin d’être sûr de pouvoir déférer les responsables des actes terroristes devant le juge ». Sur ce point, le Gouvernement souligne que, par contraste avec l’affaire Brogan et autres, dans la présente espèce, les soupçons qui avaient entraîné la garde à vue des requérants se sont confirmés et – comme le prouve le jugement du 14 novembre 1996 (paragraphe 16 ci-dessus) – les accusations pesant sur eux se sont avérées fondées.

En outre, la Turquie aurait assorti sa dérogation – déjà limitée au strict minimum – de garanties fondamentales : pendant les gardes à vue, dont les durées sont fixées par la loi, « toute pratique de torture, de mauvais traitements, l’administration de produits médicamenteux (…), le fait d’induire en erreur, les voies de fait corporelles, l’altération de la volonté par des interventions physiques ou psychologiques, les promesses d’avantages illicites » sont interdits et sanctionnés, et les aveux ainsi extorqués ne peuvent constituer une preuve à charge. En l’espèce, le caractère secret des gardes à vue litigieuses s’avérerait contrebalancé par le fait que, malgré la gravité des soupçons à leur égard, les requérants auraient bénéficié, pendant leur garde à vue, d’une protection contre les traitements et la détention arbitraires : ils ont été examinés par un médecin et ont eu la possibilité de contester la légalité de leur détention par le biais de leur avocat.

γ) La Commission

48.  La Commission se rallie en grande partie à la thèse des requérants. Analysant notamment les conclusions de la Cour dans les arrêts Brannigan et McBride et Aksoy précités, elle conclut qu’en l’absence de garanties effectives contre les abus d’autorité, les mesures de détention qui ont frappé les requérants ont dépassé la marge d’appréciation dont le Gouvernement jouit au regard de l’article 15 de la Convention. Dans ses observations écrites devant la Cour, la déléguée de la Commission met  l’accent notamment sur le fait que l’examen médical effectué sur les requérants ne saurait passer à lui seul pour une garantie suffisante contre pareil abus.

ii. Appréciation de la Cour

49.  La Cour observe que pour justifier les gardes à vue litigieuses, le Gouvernement renvoie aux exigences particulières des enquêtes de police dans la région soumise à l’état d’urgence et aux prises avec le PKK, ainsi qu’à certains aspects spécifiques de la procédure en cause, lesquels distingueraient la présente espèce de l’affaire Aksoy précitée. En outre, le Gouvernement souligne que pendant leur garde à vue, les requérants bénéficiaient de certaines garanties légales.

50.  Dans l’affaire Aksoy, la Cour a, pour apprécier la validité de la dérogation turque, tenu compte en particulier de la gravité manifeste du problème terroriste dans le Sud-Est de la Turquie et des difficultés éprouvées par l’Etat pour prendre des mesures efficaces. Néanmoins, dans cette dernière affaire, elle n’a pas été convaincue que la situation eût exigé la détention au secret de M. Aksoy, soupçonné d’avoir participé à des infractions terroristes, pendant quatorze jours ou plus, sans possibilité pour lui de voir un juge ou un autre magistrat (arrêt précité, pp. 2282 et 2284, §§ 78 et 84). Elle a relevé notamment que le Gouvernement n’avait pas présenté de raisons détaillées expliquant pourquoi la lutte contre le terrorisme dans le Sud-Est de la Turquie rendrait impraticable toute intervention judiciaire (ibidem, § 78).

51.  En l’espèce, le Gouvernement tire argument de certains aspects de la procédure ouverte contre les requérants. Il souligne que ceux-ci ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une instruction visant trente-cinq suspects et menée conformément à la législation en la matière. Ils auraient comparu devant le juge aussitôt l’instruction terminée. D’après le Gouvernement, une « enquête policière plus approfondie et plus attentive » aurait été nécessaire « pour réunir toutes les preuves et les évaluer afin d’éclaircir les faits et identifier les personnes qui y ont participé » ; il serait « normal qu’il y ait des délais de garde à vue plus longs permettant aux autorités turques d’obtenir les résultats de l’instruction menée à l’égard des actes incriminés, afin d’être sûr de pouvoir déférer les responsables des actes terroristes devant le juge » (paragraphe 47 ci-dessus).

52.  De l’avis de la Cour, la seule conformité au droit interne des détentions en cause – laquelle ne prête d’ailleurs pas à controverse (paragraphe 22 ci-dessus) – ne saurait servir à justifier, sur le terrain de l’article 15, des mesures dérogeant à l’article 5 § 3. Il en va de même de la circonstance qu’une enquête ou instruction n’est pas terminée, dès lors que l’article 5 § 3 a précisément pour but de s’appliquer pendant que se poursuit l’enquête ou l’instruction ; il n’y a donc pas lieu d’y déroger parce que celles-ci ne sont pas clôturées.

Quant aux assertions du Gouvernement au sujet du caractère « approfondi » et « attentif » de l’enquête policière à mener, elles ne fournissent pas de réponse à la question au centre du présent débat, celle de savoir pour quelles raisons précises tirées des circonstances concrètes de la présente affaire, un contrôle juridictionnel de la détention des requérants eût mis en péril la progression de ladite enquête. En présence de gardes à vue aussi longues, il ne suffit pas de renvoyer de manière générale aux difficultés provenant du terrorisme et au nombre de personnes impliquées dans l’enquête.

53.  Le Gouvernement avance en outre le fait qu’en l’espèce, les soupçons ayant fondé l’arrestation des requérants ont été confirmés : ceux-ci ont bel et bien été reconnus coupables des faits reprochés et ont été condamnés pour une infraction relevant du « terrorisme » (paragraphes 16, 20 et 47 ci-dessus).

A ce sujet, la Cour rappelle que la condamnation ultérieure d’un suspect peut tout au plus servir à confirmer le bien-fondé des soupçons ayant mené à son arrestation (article 5 § 1 c)), sans pour autant qu’il s’agisse là d’un élément indispensable (voir, par exemple, l’arrêt Murray précité, p. 30, § 67). En revanche, elle est sans incidence sur la question de savoir s’il existait une situation exigeant la détention au secret de suspects pendant des périodes aussi longues, car leur condamnation ne fournit, comme telle, aucune indication sur les circonstances ayant entouré à la fois la privation de liberté et l’enquête litigieuses, pas plus qu’elle ne peut écarter a posteriori les risques d’arbitraire que l’article 5 § 3 vise à prévenir. En conséquence, la condamnation d’un suspect ne saurait pas non plus servir à justifier, sur le terrain de l’article 15, les mesures de garde à vue prises en l’espèce.

54.  S’agissant enfin des garanties légales et, en particulier, de l’interdiction générale de mauvais traitements des détenus dont, d’après le Gouvernement, les requérants ont bénéficié pendant leur garde à vue, la Cour observe que sur le plan légal, la situation des requérants était identique à celle qui prévalait dans l’affaire Aksoy (arrêt précité, p. 2279, § 64).

55.  Dans l’arrêt Aksoy, la Cour a relevé que l’intéressé n’avait pas joui de garanties suffisantes contre les comportements arbitraires et les détentions au secret ; « la privation de l’accès à un avocat, un médecin, un parent ou un ami, et l’absence de toute possibilité réaliste d’être traduit devant un tribunal aux fins de contrôle de la légalité de sa détention, signifiaient que le requérant était complètement à la merci de ses gardiens » (arrêt précité, p. 2283, § 83).

56.  Sur ce point également, la présente espèce ne diffère guère de l’affaire Aksoy. Le Gouvernement fait remarquer toutefois que MM. Demir, Süsin et Kaplan ont chacun été examinés deux fois par un bureau de médecine légale (paragraphes 10 et 12 ci-dessus) et que l’avocat des requérants a pu porter plainte contre le chef de la direction de la sûreté qui avait ordonné les gardes à vue litigieuses (paragraphe 11 ci-dessus). Ces arguments ne peuvent convaincre la Cour.

D’une part, d’après les ordonnances adressées par la direction de la sûreté au bureau de médecine légale (paragraphes 10 et 12 ci-dessus), celui-ci était seulement chargé d’examiner si, au début et à la fin des gardes à vue, les corps des intéressés « présentaient ou non des marques de coups ou de violence ». De l’avis de la Cour, pareils examens médicaux, espacés de seize et vingt-trois jours respectivement, ne constituent pas en eux-mêmes des garanties suffisantes pour justifier la durée excessive des détentions.

D’autre part, la plainte qu’a pu déposer le conseil des requérants peut d’autant moins passer pour une garantie effective contre l’arbitraire que, tenus au secret, les requérants étaient  privés de tout contact avec ledit conseil.

57.  En conséquence, la Cour n’est pas convaincue que la détention au secret des requérants pendant au moins seize et vingt-trois jours, sans possibilité pour eux de voir un juge ou un autre magistrat, était strictement exigée par la situation de crise dont se prévaut le Gouvernement.

58.  Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 3.

II.sur l’application de l’article 50 de la convention

59.  Aux termes de l’article 50 de la Convention,

« Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »

A.Dommages, et frais et dépens

60.  Les requérants réclament chacun 200 000 francs français (FRF), soit 600 000 FRF au total, au titre du préjudice matériel et moral résultant de leur détention.

Ils sollicitent également le remboursement de leurs frais et dépens judiciaires, qui s’élèveraient à 150 000 FRF et qu’ils ventilent comme suit :

– frais de déplacements de leur avocat entre İdil et Istanbul, où celui-ci exerce : 30 000 FRF ;

– honoraires de l’avocat, y compris les dépenses administratives diverses : 105 000 FRF ;

– honoraires des conseillers : 15 000 FRF.

61.  Le Gouvernement considère les demandes de réparation exorbitantes et dépourvues de toute justification. Se référant à l’arrêt Brogan et autres, il soutient que si la Cour devait conclure à la violation de la Convention, ce constat représenterait en soi une satisfaction équitable suffisante, aucun lien de causalité n’ayant été établi entre les dommages invoqués et les faits dénoncés.

Quant à la demande relative aux frais et dépens, le Gouvernement soutient que les sommes réclamées à ce titre sont excessives et sans aucun rapport avec les conditions socio-économiques régnant en Turquie. Il fait également valoir qu’elles ne sont aucunement documentées.

62.  De son côté, la déléguée de la Commission estime qu’un constat de violation ne saurait suffire à réparer le préjudice subi par les requérants. Elle estime en outre qu’ils devraient aussi se voir rembourser, en principe, leurs frais et dépens.

63.  La Cour relève que l’existence d’un préjudice matériel ne ressort pas du dossier ; elle ne peut donc y faire droit. En revanche, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer aux requérants une indemnité au titre du dommage moral, considérant qu’ils ont, à n’en pas douter, éprouvé une détresse considérable en raison des faits de la cause. Statuant en équité comme le veut l’article 50, la Cour alloue à ce titre 20 000 FRF à M. Kaplan et 25 000 FRF chacun à MM. Demir et Süsin, sommes à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement.

64.  S’agissant des frais et dépens, la Cour relève que les requérants n’ont fourni aucune pièce justificative à l’appui de leurs demandes formulées à ce titre. En conséquence, elle ne saurait accueillir celles-ci (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique du 3 juillet 1997 (article 50), Recueil 1997-IV, p. 1299, § 24).

B.Intérêts moratoires

65.  La Cour juge approprié de retenir le taux d’intérêt légal applicable en France à la date d’adoption du présent arrêt, soit 3,36 % l’an.

par ces motifs, la cour, à l’unanimité,

1.Rejette l’exception préliminaire du Gouvernement ;

2.Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

3.Dit

a)que l’Etat défendeur doit verser pour dommage moral, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement :

i.20 000 (vingt mille) francs français à M. Kaplan ;

ii.25 000 (vingt-cinq mille) francs français chacun à MM. Demir et Süsin ;

b)que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 3,36 % l’an, à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

4.Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 23 septembre 1998.

Signé : Thór Vilhjálmsson

Président

Signé : Herbert Petzold

Greffier

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 § 2 de la Convention et 53 § 2 du règlement A, l’exposé de l’opinion concordante de M. De Meyer.

                                                                                      Paraphé : Th. V.

                                                                                      Paraphé : H. P.


Opinion concordante de M. le Juge de meyer

Dans la mesure où la Cour se réfère, au paragraphe 43 du présent arrêt, à ce qu’elle a dit antérieurement au sujet de la « marge d’appréciation » des Etats, il me semble devoir observer qu’aux paragraphes 49 à 57, elle démontre plutôt clairement, dans le domaine particulier des états d’exception prévus à l’article 15 de la Convention, l’inanité de cette notion fallacieuse.

Lorsqu’il s’agit des droits de l’homme, les Etats ne peuvent se permettre que ce que la Cour considère comme permissible[4].


[1]Notes du greffier

.  L’affaire porte le n° 71/1997/855/1062-1064. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l’année d’introduction, le troisième la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l’origine et les deux derniers la position sur la liste des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

[2].  Le règlement A s’applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l’entrée en vigueur du Protocole n° 9 (1er octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole. Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.

[3].  Note du greffier : pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans l’édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1998), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.

[4].  Voir la partie III de mon opinion partiellement dissidente dans l’affaire Z c. Finlande (arrêt du 25 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, pp. 357–358).

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Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
  2. CODE PENAL
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CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE DEMİR ET AUTRES c. TURQUIE, 23 septembre 1998, 21380/93 et autres