CJCE, n° C-41/84, Arrêt de la Cour, Pietro Pinna contre Caisse d'allocations familiales de la Savoie, 15 janvier 1986

  • Interdiction de discrimination en raison de la nationalité·
  • Illégalité 2 . sécurité sociale des travailleurs migrants·
  • Article 73 , paragraphe 2 , du règlement no 1408/71·
  • 1 . sécurité sociale des travailleurs migrants·
  • Déclaration d ' invalidite d ' un règlement·
  • Invalidite 3 . questions prejudicielles·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Sécurité sociale des travailleurs·
  • Discrimination dissimulee·
  • Appréciation de validité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 janv. 1986, Pinna, C-41/84
Numéro(s) : C-41/84
Arrêt de la Cour du 15 janvier 1986. # Pietro Pinna contre Caisse d'allocations familiales de la Savoie. # Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France. # Sécurité sociale - Allocations familiales - Article 73, paragraphe 2, du règlement n. 1408/71. # Affaire 41/84.
Date de dépôt : 15 février 1984
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61984CJ0041
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1986:1
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Avis juridique important

|

61984j0041

Arrêt de la cour du 15 janvier 1986. – pietro pinna contre caisse d’allocations familiales de la savoie. – demande de décision préjudicielle: cour de cassation – france. – sécurité sociale – allocations familiales – article 73, paragraphe 2, du règlement n. 1408/71. – affaire 41/84.


Recueil de jurisprudence 1986 page 00001
Édition spéciale suédoise page 00355
Édition spéciale finnoise page 00369


Sommaire

Parties

Objet du litige

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 . securite sociale des travailleurs migrants – dispositions du traite – objet – coordination et non-harmonisation des legislations nationales – differences de traitement resultant des differences entre les regimes de securite sociale – admissibilite – creation de disparites de traitement par la reglementation communautaire – illegalite

( traite cee , art . 48 a 51 )

2 . securite sociale des travailleurs migrants – egalite de traitement – prestations familiales – legislation applicable – legislation de l ' etat de residence des membres de la famille – discrimination dissimulee – article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 – invalidite

( traite cee , art . 48 et 51 ; reglement du conseil no 1408/71 , art . 73 , par 2 )

3 . questions prejudicielles – appreciation de validite – declaration d ' invalidite d ' un reglement – effets – limitation dans le temps – competence de la cour

( traite cee , art . 174 , alinea 2 , et 177 )

Sommaire


1 . l ' article 51 du traite prevoit une coordination et non une harmonisation des legislations des etats membres et laisse donc subsister des differences entre les regimes de securite sociale des etats membres et , en consequence , dans les droits des personnes qui y travaillent . les differences de fond et de procedure entre les regimes de securite sociale de chaque etat membre et , partant , dans les droits des personnes qui y travaillent ne sont donc pas touchees par l ' article 51 du traite . toutefois , l ' objectif d ' assurer aux travailleurs la libre circulation dans la communaute , tel que vise dans les articles 48 a 51 du traite , est compromis , et sa realisation rendue plus difficile , si des differences evitables dans les regles de securite sociale sont introduites par le droit communautaire . il s ' ensuit que la reglementation communautaire en matiere de securite sociale , prise en vertu de l ' article 51 du traite , doit s ' abstenir d ' ajouter des disparites supplementaires a celles qui resultent deja du defaut d ' harmonisation des legislations nationales .

2 . la regle d ' egalite de traitement prohibe non seulement les discriminations ostensibles , fondees sur la nationalite , mais encore toutes les formes dissimulees de discrimination qui , par application d ' autres criteres de distinction , aboutissent en fait au meme resultat .

Tel est le cas lorsque le critere de la residence des membres de la famille est utilise par la reglementation communautaire en vue de determiner la legislation applicable aux prestations familiales d ' un travailleur migrant . meme si la legislation d ' un etat membre applique le meme critere pour determiner le droit aux prestations familiales d ' un travailleur ressortissant de cet etat employe sur le territoire national , ce critere ne revet nullement la meme importance pour cette categorie de travailleurs , car c ' est essentiellement pour les travailleurs migrants que se pose le probleme d ' une residence des membres de la famille hors de l ' etat membre d ' emploi . des lors , ce critere n ' est pas de nature a assurer l ' egalite de traitement prescrite par l ' article 48 du traite et ne peut donc pas etre employe dans le cadre de la coordination des legislations nationales , qui est prevue par l ' article 51 du traite en vue de promouvoir la libre circulation des travailleurs dans la communaute conformement a l ' article 48 .

Il s ' ensuit que l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 est invalide en tant qu ' il exclut l ' octroi de prestations familiales francaises aux travailleurs soumis a la legislation francaise , pour les membres de leur famille qui resident sur le territoire d ' un autre etat membre .

3 . lorsque d ' imperieuses considerations le justifient , l ' article 174 , alinea 2 , du traite reserve a la cour un pouvoir d ' appreciation pour determiner concretement , dans chaque cas particulier , les effets d ' un acte reglementaire declare nul qui doivent etre maintenus . si la cour fait usage de la possibilite de limiter l ' effet dans le passe d ' une constatation d ' invalidite dans le cadre de l ' article 177 du traite , il lui appartient de determiner si une exception a cette limitation de l ' effet dans le temps , conferee a son arret , peut etre prevue en faveur soit de la partie qui a introduit le recours devant la juridiction nationale , soit de toute autre personne qui aurait agi de maniere analogue avant la consta tation d ' invalidite ou si , a l ' inverse , meme pour des personnes qui auraient pris en temps utile des initiatives en vue de sauvegarder leurs droits , une declaration d ' invalidite ayant effet seulement pour l ' avenir constitue un remede adequat .

Parties


Dans l ' affaire 41/84 ,

Ayant pour objet une demande adressee a la cour , en application de l ' article 177 du traite cee , par la cour de cassation de la republique francaise et tendant a obtenir , dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Pietro pinna

Et

Caisse d ' allocations familiales de la savoie ,

Objet du litige


Une decision a titre prejudiciel relative a l ' interpretation de l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 , relatif a l ' application des regimes de securite sociale aux travailleurs salaries , aux travailleurs non salaries et aux membres de leur famille qui se deplacent a l ' interieur de la communaute ( jo l 149 , p . 1 ),

Motifs de l’arrêt


1 par ordonnance du 11 janvier 1984 , parvenue a la cour le 15 fevrier suivant , la cour de cassation de france a pose , en vertu de l ' article 177 du traite cee , deux questions prejudicielles concernant l ' interpretation de plusieurs dispositions du reglement no 1408/71 du conseil , du 14 juin 1971 , relatif a l ' application des regimes de securite sociale aux travailleurs salaries et a leur famille qui se deplacent a l ' interieur de la communaute ( jo l 149 , p . 2 ).

2 ces questions ont ete soulevees dans le cadre d ' un litige ayant pour objet le refus de la caisse d ' allocations familiales de la savoie d ' octroyer a m . pinna des prestations familiales dues pour des periodes situees au cours des annees 1977 et 1978 .

3 m . pinna , de nationalite italienne , reside en france avec son epouse et leurs deux enfants sandro et rosetta . en 1977 , les enfants ont effectue avec leur mere un sejour prolonge en italie . la caisse d ' allocations familiales de la savoie a refuse d ' accorder a m . pinna des prestations familiales dues pour sandro , au titre de la periode comprise entre le 1er octobre et le 31 decembre 1977 , et pour rosetta , au titre de la periode comprise entre le 1er octobre 1977 et le 31 mars 1978 , au motif que celles-ci devraient etre versees par l ' istituto nazionale della previdenza sociale de l ' aquila , lieu de sejour des enfants en italie a cette epoque .

4 il ressort de l ' ordonnance de renvoi de la cour de cassation que l ' article 511 du code de la securite sociale dispose que toute personne francaise ou etrangere residant en france , ayant a sa charge , comme chef de famille ou autrement , un ou plusieurs enfants residant en france , beneficie pour ses enfants des prestations familiales enumerees a l ' article l 510 . selon l ' ancien article 6 du decret no 46-2880 du 10 septembre 1946 , tel que modifie par le decret no 65-524 du 29 juin 1965 , et selon l ' article 2 du decret du 10 decembre 1946 , tel que modifie par le decret du 17 mars 1978 , est repute resider en france l ' enfant qui , tout en conservant ses attaches familiales sur le territoire metropolitain ou il vivait jusque-la de facon permanente , accomplit hors de ce territoire un ou plusieurs sejours provisoires dont la duree totale n ' excede pas trois mois au cours de l ' annee civile . la decision faisant l ' objet du litige semble avoir ete fondee sur l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 lequel dispose , en ce qui concerne le travailleur salarie soumis a la legislation francaise , que celui-ci a droit

' … pour les membres de sa famille qui resident sur le territoire d ' un etat membre autre que la france , aux allocations familiales prevues par la legislation de l ' etat sur le territoire duquel resident ces membres de la famille ; il doit remplir les conditions relatives a l ' emploi auxquelles la legislation francaise subordonne l ' ouverture du droit aux prestations ' .

5 saisi du litige sur pourvoi de m . pinna , la cour de cassation a demande a la cour de se prononcer :

1 ) sur la validite et le maintien en vigueur de l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 , du 14 juin 1971 ;

2 ) sur le sens a donner au terme ' residence ' contenu dans ce texte .

6 l ' article 73 , paragraphe 1 , du reglement no 1408/71 dispose que :

' le travailleur salarie soumis a la legislation d ' un etat membre autre que la france a droit , pour les membres de sa famille qui resident sur le territoire d ' un autre etat membre , aux prestations familiales prevues par la legislation du premier etat , comme s ' ils residaient sur le territoire de celui-ci . '

7 toutefois , l ' article 73 , paragraphe 2 , deja cite , enonce une regle differente en ce qui concerne le travailleur salarie soumis a la legislation francaise dont la famille reside dans un etat membre autre que la france .

8 l ' article 98 ( actuellement 99 ) du reglement no 1408/71 prevoit que :

' avant le 1er janvier 1973 , le conseil procede , sur proposition de la commission , a un nouvel examen de l ' ensemble du probleme du paiement des prestations familiales aux membres de la famille ne residant pas sur le territoire de l ' etat competent , en vue de parvenir a une solution uniforme pour tous les etats membres . '

9 il ressort du dossier que la commission a transmis , avec un certain retard du a l ' adhesion des nouveaux etats membres , le 10 avril 1975 , une proposition de reglement au conseil ( jo c 96 , p . 4 ), dans laquelle elle a preconise la generalisation de l ' octroi des prestations familiales du pays de l ' emploi , quel que soit le pays de residence des membres de la famille . cette solution a recu l ' appui du parlement europeen ( avis du 14 octobre 1975 , jo c 257 ) et du comite economique et social ( avis du 24 septembre 1975 , jo c 286 ). la question a ete debattue par le conseil au cours des sessions du 18 decembre 1975 et du 9 decembre 1976 sans toutefois qu ' une decision ait pu intervenir .

10 sur la validite de l ' article 73 , paragraphe 2 , m . pinna a fait valoir que l ' effet de cette disposition serait de conduire au paiement d ' allocations moins elevees et de traiter differemment les travailleurs des pays de la communaute qui sont occupes en france et ceux qui travaillent dans un des neuf autres pays de la communaute . cette discrimination ne serait justifiee ni sur le plan politique , ni sur le plan economique , ni sur le plan juridique . en matiere de pensions de retraite , la cour aurait dit pour droit que l ' article 51 permet au conseil de conferer des droits aux travailleurs migrants , mais ne saurait l ' autoriser a les priver des droits qu ' ils tiennent de la legislation nationale . ce qui vaut en matiere de pensions de retraite vaudrait egalement en matiere de prestations familiales . l ' application simultanee de la loi du pays d ' occupation ( ouverture des droits ) et de celle du pays de sejour de la famille ( nature et taux des prestations ) n ' est pas destinee a entrainer une diminution de la protection sociale . en consequence , l ' article 73 , paragraphe 2 , serait contraire a l ' article 51 du traite . l ' article 51 aurait introduit le principe d ' exportabilite des prestations . le titulaire d ' une prestation en especes quelconque pourrait donc invoquer l ' article 51 , quel que soit le lieu ou il fixe sa residence ou la residence de sa famille , pour exiger que les prestations dues lui soient versees la ou il l ' a decide . l ' ' inexportabilite ' partielle d ' un type de prestation sociale , prevue par l ' article 73 , paragraphe 2 , meconnaitrait la regle generale inscrite dans l ' article 51 . en interdisant l ' ' exportabilite ' des prestations familiales francaises , l ' article 73 , paragraphe 2 , violerait l ' article 51 du traite .

11 la caisse d ' allocations familiales de la savoie , partie defenderesse au principal , fait valoir que l ' article 73 , paragraphe 2 , est compatible avec les articles 48 et 51 du traite . l ' article 51 prevoirait que les prestations doivent toujours etre payees au travailleur migrant . l ' application de l ' article 73 , paragraphe 2 , assurerait que le travailleur migrant percoit toujours les allocations familiales , quel que soit le lieu de residence de sa famille . l ' institution debitrice et la legislation applicable aux allocations differeraient par rapport aux travailleurs qui tombent dans le champ d ' application de l ' article 73 , paragraphe 1 , mais le droit du travailleur de percevoir les allocations familiales serait respecte . l ' article 73 , paragraphe 2 , serait valide au regard de l ' article 7 du traite , car il n ' instituerait en aucune facon des discriminations entre les travailleurs migrants . il ne serait pas contestable que , dans certaines hypotheses , le travailleur migrant puisse voir ses prestations diminuer selon le choix du pays de residence de sa famille , mais cette diminution resulterait des differences de legislation des etats membres , notamment quant au taux des prestations . dans ces conditions , il serait clair que l ' article 73 , paragraphe 2 , ne cree , en lui-meme , aucune discrimination . il serait donc compatible avec les dispositions du droit communautaire .

12 le gouvernement francais estime que l ' article 73 , paragraphe 2 , est valide . les disparites de traitement qui peuvent resulter de l ' article 73 , paragraphe 2 , ne constitueraient pas une discrimination contraire aux articles 7 , 48 et 51 du traite . la cause de la difference de traitement prejudiciable aux travailleurs non francais soumis a la legislation francaise residerait , en fait , dans les disparites existant entre les regimes d ' allocations familiales en vigueur dans les differents etats membres . de telles disparites de traitement ne pourraient etre eliminees que par l ' harmonisation des regimes nationaux de securite sociale , laquelle ne serait pas l ' objet du reglement no 1408/71 , qui ne viserait qu ' une coordination de ces regimes en vue d ' eliminer , dans le domaine de la securite sociale , les obstacles a la libre circulation des travailleurs .

13 le gouvernement grec fait valoir que le but du reglement no 1408/71 serait de garantir a tous les travailleurs ressortissants des etats membres se deplacant dans la communaute l ' egalite de traitement au regard des differentes legislations nationales et le benefice des prestations de securite sociale . le probleme de l ' octroi des prestations familiales aux travailleurs soumis a la legislation d ' un etat membre autre que celui dans lequel resident les membres de leur famille devrait donc recevoir une solution uniforme dans tous les etats membres . les auteurs du reglement auraient compris cette necessite lorsqu ' ils ont adopte l ' article 98 . la realisation de la solution uniforme , au sens de l ' article 98 , consisterait a appliquer le critere du lieu d ' emploi du travailleur . le principe du regime du lieu de l ' emploi du travailleur serait conforme , d ' une part , a l ' esprit du reglement no 1408/71 , qui aurait vise la libre circulation des travailleurs a l ' interieur de la communaute et , d ' autre part , au principe de l ' egalite de traitement entre les travailleurs etrangers et les travailleurs nationaux en matiere de securite sociale . le gouvernement grec n ' estime pas que le paragraphe 2 de l ' article 73 soit justifie , etant donne qu ' il ne contribue pas a l ' egalite de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux en ce qui concerne le versement des prestations familiales lorsque les membres de la famille du travailleur resident dans un autre etat membre que le travailleur lui-meme . le travailleur migrant doit avoir droit a des prestations de securite sociale conformement a la legislation a laquelle il est soumis et en vertu de laquelle il paie des cotisations et des impots .

14 le gouvernement italien fait valoir que l ' article 73 , paragraphe 2 , cree une difference de traitement fondee sur la nationalite entre les travailleurs occupes sur le meme territoire . selon une jurisprudence constante de la cour , les dispositions en vertu desquelles tout deplacement du travailleur d ' un etat membre a l ' autre entrainant une reduction des droits acquis en matiere de securite sociale seraient contraires aux garanties accordees par le traite en matiere de libre circulation des travailleurs . l ' application de la legislation de l ' etat membre de residence pour le calcul des allocations familiales viserait a reduire la substance du droit acquis par le travailleur en vertu de la legislation francaise .

15 la commission estime que l ' article 73 , paragraphe 2 , est compatible avec l ' article 51 du traite . elle ne conteste pas que l ' application de l ' article 73 , paragraphe 2 , puisse , dans certains cas , avoir pour resultat que le travailleur dont les enfants resident dans un autre etat membre a droit a des allocations familiales inferieures a ce qu ' elles auraient ete si les membres de la famille avaient reside en france ou si les allocations familiales francaises avaient ete octroyees egalement pour les membres de la famille residant dans un autre etat membre . mais elle estime que l ' article 73 , paragraphe 2 , n ' est pas source de discrimination contraire au traite . les inegalites constatees resulteraient essentiellement de la nature du reglement no 1408/71 en tant qu ' instrument pour realiser les objectifs de l ' article 51 du traite par une coordination des regimes de securite sociale visant a eliminer les obstacles a la libre circulation des personnes .

16 le conseil estime que les questions posees par la juridiction nationale mettent en cause la validite de l ' article 73 , paragraphe 2 , pour deux motifs : en premier lieu , parce qu ' il s ' agirait d ' une derogation exceptionnelle qui , des l ' origine , aurait ete envisagee comme devant comporter un terme , le 1er janvier 1973 ; en second lieu , parce qu ' il existerait au detriment des travailleurs non francais soumis a la legislation francaise une pretendue double discrimination par rapport , d ' une part , aux travailleurs francais et , d ' autre part , aux travailleurs soumis a la legislation d ' un etat membre autre que la france . le conseil estime qu ' une telle double discrimination n ' existe pas . le travailleur francais et le travailleur etranger recevraient tous les deux les memes allocations sur le territoire francais ; le travailleur francais perdrait ses allocations apres une periode de trois mois dans la mesure ou ses enfants ne sont plus residents sur le sol francais , tandis que le travailleur migrant recevrait les allocations en vertu du reglement no 1408/71 pour ses enfants qui resident dans un etat membre autre que la france . par ailleurs , il ne serait pas possible de deceler une discrimination entre le traitement accorde aux travailleurs migrants dans deux ou plusieurs etats membres differents parce que les legislations nationales en matiere de securite sociale sont uniquement coordonnees . les etats membres auraient , en effet , chacun garde en matiere de securite sociale le pouvoir de determiner la nature des prestations et le niveau des paiements , l ' article 51 du traite n ' ayant pas impose au conseil de creer pour les etats membres de la communaute un systeme uniforme de securite sociale .

Sur la premiere question

17 en vue de trancher le probleme litigieux , il convient d ' abord de rappeler que l ' article 40 du reglement no 3/58 du conseil , du 25 septembre 1958 , concernant la securite sociale des travailleurs migrants ( jo 1958 , p . 561 ), disposait qu ' un travailleur salarie ou assimile , occupe sur le territoire d ' un etat membre et ayant ses enfants qui resident ou sont eleves sur le territoire d ' un autre etat membre , a droit pour lesdits enfants aux allocations familiales selon les dispositions de la legislation du premier etat jusqu ' a concurrence des montants d ' allocations que la legislation du second etat accorde .

18 le reglement no 1408/71 a modifie la reglementation concernant les enfants des travailleurs migrants en elargissant la gamme des prestations auxquelles les travailleurs migrants peuvent pretendre . il leur a donne droit aux prestations familiales , c ' est-a-dire a ' toutes les prestations en nature ou en especes destinees a compenser les charges de famille ' ( article 1er , sous u ) i )), tandis que le reglement no 3/58 leur accordait seulement les allocations familiales , c ' est-a-dire des ' prestations periodiques en especes accordees exclusivement en fonction du nombre et , le cas echeant , de l ' age des membres de la famille ' ( article 1er , sous u ) ii ), du reglement no 1408/71 ).

19 en ce qui concerne les travailleurs migrants employes dans un etat membre dont la famille reside dans un autre etat membre , le reglement no 1408/71 a introduit une distinction entre les travailleurs employes en france et ceux employes dans les autres etats membres . l ' article 73 , paragraphe 1 , dispose que le travailleur soumis a la legislation d ' un etat membre autre que la france a droit , pour les membres de sa famille qui resident sur le territoire d ' un autre etat membre , aux prestations familiales prevues par la legislation du premier etat comme s ' ils residaient sur le territoire de celui-ci . l ' article 73 , paragraphe 2 , prevoit que le travailleur soumis a la legislation francaise a droit , pour les membres de sa famille qui resident sur le territoire d ' un etat membre autre que la france , aux allocations familiales prevues par la legislation de l ' etat sur le territoire duquel resident les membres de sa famille .

20 en ce qui concerne la difference de traitement entre les travailleurs auxquels s ' applique l ' article 73 , paragraphe 1 , et ceux qui sont soumis au regime prevu par l ' article 73 , paragraphe 2 , il faut signaler que l ' article 51 du traite prevoit une coordination des legislations des etats membres et non une harmonisation . l ' article 51 laisse donc subsister des differences entre les regimes de securite sociale des etats membres et , en consequence , dans les droits des personnes qui y travaillent . les differences de fond et de procedure entre les regimes de securite sociale de chaque etat membre , et partant , dans les droits des personnes qui y travaillent , ne sont donc pas touchees par l ' article 51 du traite .

21 la realisation de l ' objectif d ' assurer aux travailleurs la libre circulation dans la communaute , tel que vise dans les articles 48 a 51 du traite , est cependant facilitee quand les conditions de travail , parmi lesquelles figurent les regles de securite sociale , sont aussi proches que possible dans les differents etats membres . cet objectif est , au contraire , compromis , et sa realisation rendue plus difficile , si des differences evitables dans les regles de securite sociale sont introduites par le droit communautaire . il s ' ensuit que la reglementation communautaire en matiere de securite sociale , prise en vertu de l ' article 51 du traite , doit s ' abstenir d ' ajouter des disparites supplementaires a celles qui resultent deja du defaut d ' harmonisation des legislations nationales .

22 l ' article 73 du reglement no 1408/71 cree , pour les travailleurs migrants , deux systemes differents , selon que ces travailleurs sont soumis a la legislation francaise ou a celle d ' un autre etat membre . ainsi , il ajoute aux disparites resultant des legislations nationales elles-memes et , par consequent , entrave la realisation des buts enonces dans les articles 48 a 51 du traite .

23 s ' agissant plus precisement d ' apprecier la validite de l ' article 73 , paragraphe 2 , lui-meme , il y a lieu de constater que la regle d ' egalite de traitement prohibe non seulement les discriminations ostensibles , fondees sur la nationalite , mais encore toutes formes dissimulees de discrimination qui , par application d ' autres criteres de distinction , aboutissent en fait au meme resultat .

24 tel est justement le cas lorsque le critere de l ' article 73 , paragraphe 2 , est utilise en vue de determiner la legislation applicable aux prestations familiales d ' un travailleur migrant . bien que , en regle generale , la legislation francaise applique le meme critere pour determiner le droit aux prestations familiales d ' un travailleur francais occupe sur le territoire francais , ce critere ne revet nullement la meme importance pour cette categorie de travailleurs , car c ' est essentiellement pour les travailleurs migrants que se pose le probleme d ' une residence des membres de la famille hors de la france . des lors , ce critere n ' est pas de nature a assurer l ' egalite de traitement prescrite par l ' article 48 du traite et ne peut donc pas etre employe dans le cadre de la coordination des legislations nationales , qui est prevue par l ' article 51 du traite en vue de promouvoir la libre circulation des travailleurs dans la communaute conformement a l ' article 48 .

25 il s ' ensuit que l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 est invalide en tant qu ' il exclut l ' octroi de prestations familiales francaises aux travailleurs soumis a la legislation francaise , pour les membres de leur famille qui resident sur le territoire d ' un autre etat membre .

26 en ce qui concerne les consequences de l ' invalidite de l ' article 73 , paragraphe 2 , il convient de rappeler que la cour a deja dit pour droit , dans son arret du 27 fevrier 1985 ( societe des produits de mais sa/administration des douanes et droits indirects , 112/83 , rec . 1985 , p . 732 ), que , lorsque d ' imperieuses considerations le justifient , l ' article 174 , alinea 2 , du traite reserve a la cour un pouvoir d ' appreciation pour determiner concretement , dans chaque cas particulier , les effets d ' un acte reglementaire declare nul qui doivent etre maintenus .

27 en presence du fait que le conseil n ' a pas pu parvenir a la solution uniforme exigee par l ' article 98 du reglement no 1408/71 , il convient de tenir compte , a titre exceptionnel , de ce que la france a ete amenee , pendant une periode prolongee , a maintenir des pratiques qui etaient conformes aux termes du reglement no 1408/71 , mais qui ne trouvaient pas de base legale dans les articles 48 et 51 du traite .

28 dans ces conditions , il y a lieu de constater que des considerations imperieuses de securite juridique tenant a l ' ensemble des interets en jeu , tant publics que prives , empechent , en principe , de remettre en cause la perception des prestations familiales pour des periodes anterieures au prononce du present arret .

29 dans un tel cas , ou la cour fait usage de la possibilite de limiter l ' effet dans le passe d ' une constatation d ' invalidite dans le cadre de l ' article 177 du traite , il lui appartient de determiner si une exception a cette limitation de l ' effet dans le temps , conferee a son arret , peut etre prevue en faveur , soit de la partie qui a introduit le recours devant la juridiction nationale , soit de toute autre personne qui aurait agi de maniere analogue avant la constatation d ' invalidite , ou si , a l ' inverse , meme pour des personnes qui auraient pris en temps utile des initiatives en vue de sauve garder leurs droits , une declaration d ' invalidite ayant effet seulement pour l ' avenir constitue un remede adequat .

30 en l ' espece , il convient de determiner que l ' invalidite constatee de l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 , ne peut etre invoquee a l ' appui de revendications relatives a des prestations pour des periodes anterieures a la date du present arret , sauf en ce qui concerne les travailleurs qui ont , avant cette date , introduit un recours en justice ou souleve une reclamation equivalente .

31 dans ces conditions , il n ' y a pas lieu de repondre a la deuxieme branche de la premiere question concernant le maintien en vigueur de l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 , ni a la deuxieme question concernant la notion de residence dans ledit article 73 , paragraphe 2 .

Décisions sur les dépenses


Sur les depens

32 les frais exposes par les gouvernements de la republique hellenique , de la republique italienne et de la republique francaise ainsi que par le conseil et la commission des communautes europeennes , qui ont soumis des observations a la cour , ne peuvent faire l ' objet d ' un remboursement . la procedure revetant , a l ' egard des parties au principal , le caractere d ' un incident souleve devant la juridiction nationale , il appartient a celle-ci de statuer sur les depens .

Dispositif


Par ces motifs ,

La cour ,

Statuant sur les questions a elle soumises par la cour de cassation de france , par ordonnance du 11 janvier 1984 , dit pour droit :

1 ) l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 est invalide en tant qu ' il exclut l ' octroi de prestations familiales francaises aux travailleurs soumis a la legislation francaise , pour les membres de leur famille qui resident sur le territoire d ' un autre etat membre .

2 ) l ' invalidite constatee de l ' article 73 , paragraphe 2 , du reglement no 1408/71 ne peut etre invoquee a l ' appui de revendications relatives a des prestations pour des periodes anterieures a la date du present arret , sauf en ce qui concerne les travailleurs qui ont , avant cette date , introduit un recours en justice ou souleve une reclamation equivalente .

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-41/84, Arrêt de la Cour, Pietro Pinna contre Caisse d'allocations familiales de la Savoie, 15 janvier 1986