CJCE, n° C-432/92, Conclusions de l'avocat général de la Cour, The Queen contre Minister of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte S. P. Anastasiou (Pissouri) Ltd et autres, 20 avril 1994

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 20 avr. 1994, Anastasiou e.a., C-432/92
Numéro(s) : C-432/92
Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 20 avril 1994. # The Queen contre Minister of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte S. P. Anastasiou (Pissouri) Ltd et autres. # Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. # Accord d'association CEE-Chypre - Directive 77/93/CEE - Non-reconnaissance des certificats de circulation et des certificats phytosanitaires en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies. # Affaire C-432/92.
Date de dépôt : 24 décembre 1992
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61992CC0432
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1994:159
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61992C0432

Conclusions de l’avocat général Gulmann présentées le 20 avril 1994. – The Queen contre Minister of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte S. P. Anastasiou (Pissouri) Ltd et autres. – Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen’s Bench Division – Royaume-Uni. – Accord d’association CEE-Chypre – Directive 77/93/CEE – Non-reconnaissance des certificats de circulation et des certificats phytosanitaires en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies. – Affaire C-432/92.


Recueil de jurisprudence 1994 page I-03087


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La High Court of Justice (Queen’ s Bench Division) a déféré à la Cour des questions préjudicielles afin de pouvoir statuer sur des conclusions suivant lesquelles les autorités britanniques agissent en violation du droit communautaire lorsqu’ elles admettent l’ importation d’ agrumes et de pommes de terre originaires de la partie de Chypre située au Nord de la zone tampon des Nations unies, sans que les marchandises considérées soient accompagnées de certificats d’ origine et de certificats phytosanitaires établis par les autorités de la république de Chypre.

2. Il ressort de l’ ordonnance de renvoi que les demandeurs au principal sont un certain nombre de producteurs et exportateurs d’ agrumes chypriotes, ainsi que l’ office chypriote de régulation des ventes de pommes de terres. La partie défenderesse au principal (ci-après « le défendeur ») est le ministre de l’ Agriculture britannique, qui représente en outre, en l’ espèce, les intérêts d’ autres autorités.

3. Il ressort également de l’ ordonnance de renvoi que les demandeurs ont demandé en octobre 1991 au défendeur de confirmer que les autorités britanniques compétentes n’ autoriseraient plus l’ importation au Royaume-Uni d’ agrumes et de pommes de terre originaires de Chypre qui ne seraient pas accompagnés des certificats d’ origine et des certificats phytosanitaires délivrés par les autorités compétentes de la république de Chypre. Le défendeur a répondu, en décembre de la même année, que le Royaume-Uni n’ accepte pas les documents, timbres ou cachets, faisant référence à « la république turque de Chypre du Nord » et qu’ elle n’ autorise l’ entrée d’ agrumes et de pommes de terre en provenance de Chypre que conformément à la législation communautaire applicable. A l’ invitation de la demanderesse, le défendeur a, en mars 1992, approfondi cette réponse, en déclarant, entre autres, ce qui suit:

« A la connaissance des autorités britanniques, toutes les importations dans la Communauté de produits originaires de la partie septentrionale de Chypre ont été effectuées conformément aux exigences communautaires. »

4. Il ressort, en outre, de l’ ordonnance de renvoi, que les parties s’ accordent sur les faits suivants:

° La république de Chypre (ci-après la « RDC ») est un État souverain, reconnu par le Royaume-Uni et tous les autres États membres de la Communauté européenne. La constitution de la république de Chypre a été instaurée en 1960. Le territoire de la république comprend l’ ensemble de l’ île, à l’ exception des zones de bases souveraines.

° Le Royaume-Uni ne reconnaît pas la « république turque de Chypre du Nord » et celle-ci n’ est reconnue par aucun autre État membre.

° Depuis 1974, l’ île de Chypre est traversée par une zone tampon des Nations unies. La communauté chypriote turque habite aujourd’ hui presque entièrement au nord de cette zone tampon.

° Des quantités importantes d’ agrumes et de pommes de terre sont importées au Royaume-Uni de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies.

° Aucun des certificats de circulation des marchandises EUR.1 ou des certificats phytosanitaires qui accompagnent les agrumes ou les pommes de terre importés au Royaume-Uni de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies n’ est délivré par les autorités de la RDC.

° Les autorités douanières britanniques chargées de contrôler les certificats de circulation EUR.1 ont refusé d’ accepter les certificats délivrés par la « république turque de Chypre du Nord ». Les autorités continuent d’ accepter les certificats EUR.1 accompagnant des marchandises exportées de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies et estampillées au nom des « autorités douanières de Chypre », même si le certificat de circulation n’ a pas été délivré par les autorités de la RDC.

° De même, les autorités britanniques compétentes n’ acceptent pas les certificats phytosanitaires délivrés au nom de la « république turque de Chypre du Nord ». Elles acceptent toutefois les certificats phytosanitaires délivrés dans la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, qui accompagnent les produits expédiés de cette partie de l’ île. Certains de ces certificats ont été délivrés au nom de la « république de Chypre ° État fédéré turc de Chypre »; toutefois, à tout le moins depuis 1991, ces certificats ont été délivrés au nom de la « république de Chypre – ministère de l’ Agriculture ».

5. L’ exigence d’ un certificat d’ origine dans le cadre d’ une importation de la RDC tire son origine de l’ accord d’ association conclu en 1972 entre la Communauté européenne et la RDC (1). L’ accord instaure un régime préférentiel pour les marchandises originaires de Chypre (2). Cette préférence est subordonnée à la preuve du caractère originaire des produits de Chypre. Les exigences relatives à la preuve de l’ origine figurent dans un protocole de 1977, relatif à la définition de la notion de « produit originaire » et aux méthodes de coopération administrative (ci-après le « protocole de 1977 sur l’ origine des produits ») (3). Il ressort du protocole que les certificats ° dits certificats de circulation EUR.1 (ci-après les « certificats d’ origine ») ° doivent être délivrés par les « autorités douanières de l’ État d’ exportation ».

6. L’ exigence d’ un certificat phytosanitaire tire son origine de la directive 77/93/CEE, du 21 décembre 1976, concernant les mesures de protection contre l’ introduction dans les États membres d’ organismes nuisibles aux végétaux et produits végétaux (ci-après la « directive phytosanitaire ») (4). Selon l’ article 12, paragraphe 1, sous b), les certificats sont délivrés par les « services autorisés à ces fins … sur la base de dispositions législatives ou réglementaires du pays » (5). Les agrumes (à l’ exception des citrons) et les pommes de terre font partie des produits qui, selon l’ annexe V de la directive, doivent être accompagnés du certificat phytosanitaire prévu à l’ article 12.

7. Les questions préjudicielles déférées à la Cour par la High Court of Justice sont libellées comme suit:

« 1) Lorsque les importations dans un État membre d’ agrumes ou de pommes de terre originaires de Chypre sont accompagnées de certificats de circulation des marchandises EUR.1 délivrés par la communauté turque de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies, et non par des fonctionnaires autorisés par la république de Chypre, le droit communautaire:

a) empêche-t-il l’ État membre d’ autoriser ces importations?

b) exige-t-il que l’ État membre accepte les certificats en question?

2) Lorsque les importations dans un État membre d’ agrumes (à l’ exclusion des citrons) et de pommes de terre originaires de Chypre sont accompagnées de certificats phytosanitaires délivrés par la communauté turque de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies, et non par des fonctionnaires dûment autorisés par la république de Chypre, le droit communautaire:

a) empêche-t-il l’ État membre d’ autoriser ces importations?

b) exige-t-il que l’ État membre accepte les certificats en question?

3) Les réponses aux première et deuxième questions énoncées ci-dessus seraient-elles différentes:

a) s’ il était impossible en pratique, pour les exportateurs de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies, d’ obtenir de la république de Chypre les certificats destinés à accompagner leurs produits?

b) s’ il existait de sérieuses entraves aux exportations de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies vers la partie de Chypre se trouvant sous le contrôle effectif du gouvernement de la république de Chypre?

c) si les méthodes de délivrance et de contrôle des certificats en question dans la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies étaient aussi fiables que les méthodes appliquées dans la partie de Chypre se trouvant sous le contrôle effectif du gouvernement de la république de Chypre?

4) La réponse à la deuxième question énoncée ci-dessus serait-elle différente si l’ expérience des contrôles effectués dans l’ État membre devait démontrer qu’ il n’ existe pas de différence entre le niveau de salubrité de tels produits importés de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies et celui des produits importés de la partie de Chypre se trouvant sous le contrôle effectif de la république de Chypre?

5) Est-il important, pour les réponses aux questions 3 a) et 3 b), de déterminer si, et dans quelle mesure, une impossibilité ou des entraves ont été créées par la communauté turque de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies et/ou par la république de Chypre et, si tel est le cas, quelle différence cela fait-il?"

8. Devant la Cour, les demandeurs au principal, les gouvernements du Royaume-Uni et grec, ainsi que la Commission, ont déposé des observations. Des observations ont, en outre, été présentées au cours de la procédure orale par le gouvernement irlandais et par deux sociétés qui, respectivement, exportent des agrumes et des pommes de terre de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon et importent ces produits dans la Communauté.

Quelques précisions concernant des éléments de fait et de droit

9. La grave question sur laquelle la Cour est appelée à se prononcer en l’ espèce tire son origine de la partition de fait de Chypre en une zone où les autorités de la RDC continuent d’ exercer la plénitude de leurs compétences et une zone ° la partie située au nord de la zone tampon des Nations unies ° où les autorités de la RDC ne peuvent pas de facto exercer leurs compétences constitutionnelles (6). Cette dernière partie de l’ île, où la majorité de la population chypriote turque est actuellement établie, représente 37 % du territoire de Chypre et environ 130 000 habitants, c’ est-à-dire plus d’ un cinquième de la population chypriote, sur un total d’ environ 700 000 habitants (7).

10. La partie septentrionale de Chypre s’ est appelée, au moins à partir de 1975, l’ État turc fédéré de Chypre.

11. L’ invasion turque et la partition de fait de l’ île qui en est résultée ont été évoquées dans une série de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies et par l’ assemblée générale des Nations unies (8). Ces résolutions demandent en substance qu’ il soit mis fin à l’ intervention militaire extérieure, que l’ intégrité territoriale de Chypre soit respectée et que les parties trouvent une solution pacifique.

12. En novembre 1983, la communauté turque installée au nord de la zone tampon des Nations unies a proclamé son indépendance en tant qu’ État, sous le nom de « république turque de Chypre du Nord ». Le Conseil de sécurité des Nations unies s’ est démarqué de cette tentative de création d’ un tel État. Par résolution n 541/1983, le Conseil de sécurité a considéré la proclamation d’ indépendance comme « juridiquement nulle et (demandé) son retrait ». Dans la résolution n 550/1984, le Conseil de sécurité a réitéré « l’ appel lancé à tous les États de ne pas reconnaître le prétendu État dit 'république turque de Chypre du Nord’ créé par des actes de sécession et leur (a demandé) de ne pas encourager ou aider d’ aucune manière l’ entité sécessionniste susmentionnée ». Aucun État, à l’ exception de la Turquie, n’ a reconnu la prétendue république turque de Chypre du Nord (9).

13. La Commission et le Parlement européen, ainsi que les ministres des Affaires étrangères de la Communauté, réunis dans le cadre de la coopération politique européenne, ont, les 16 et 17 novembre 1983, par voie de déclarations ou de résolution, marqué leurs distances vis-à-vis de la déclaration unilatérale d’ indépendance et réitéré leur soutien au gouvernement légitime de la république de Chypre. Par déclaration du 27 mars 1984, les ministres des Affaires étrangères, réunis dans le cadre de la coopération politique européenne, ont appuyé la résolution n 541/1983 du Conseil de sécurité des Nations unies et regretté que la Turquie ait reconnu la soit-disant république turque de Chypre du Nord.

14. On peut tenir pour établi que les exportations émanant de la partie située au nord de la zone tampon sont effectuées uniquement à partir de cette partie de Chypre et qu’ elles consistent principalement en exportations de produits agricoles, essentiellement à destination de la Communauté et de la Turquie.

15. Dans ses observations, la Commission a indiqué que les problèmes particuliers suscités par la partition de fait de Chypre ont été examinés au sein du Conseil d’ association, et que dans ce cadre le représentant de la Communauté a exprimé l’ opinion qu’ il convenait d’ accorder une importance décisive à l’ article 5 de l’ accord d’ association concernant l’ interdiction de discrimination entre les ressortissants et entreprises installés à Chypre.

16. Après la déclaration d’ indépendance de novembre 1983, le gouvernement de la RDC a, selon les informations fournies par la Commission, remis une note verbale à la Communauté, dans laquelle le gouvernement précisait que seules les marchandises accompagnées de certificats établis par le gouvernement officiel, et qui avaient été exportées par la voie maritime ou aérienne sous le contrôle du gouvernement, satisfaisaient aux conditions de l’ accord d’ association.

17. La Commission a indiqué qu’ elle avait toujours été d’ avis que les autorités des États membres peuvent légalement admettre des importations en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, lorsque les marchandises considérées sont accompagnées des certificats d’ origine et phytosanitaires requis, établis par la communauté turque installée sur cette partie de Chypre, aussi longtemps que ces certificats ne sont pas établis au nom de la « république turque de Chypre du Nord » ou toute autre dénomination analogue.

18. La Commission a indiqué avoir informé à cet égard les organes du Conseil et que, après avoir reçu la note verbale précitée, elle avait expressément sollicité des directives précises du Conseil. Le Conseil a examiné à la fin de 1983 et au début de 1984 la position des Communautés européennes vis-à-vis de la partie de l’ île située au nord de la zone tampon. D’ après les observations de la Commission, ces discussions ont débouché sur la confirmation de ce que l’ accord d’ association et le deuxième protocole financier devaient bénéficier à l’ ensemble de la population de l’ île, sans qu’ il soit toutefois possible de déduire de ces discussions des indications précises quant au traitement devant être réservé aux certificats présentement en cause.

19. La Commission a signalé avoir de tout temps fourni aux autorités compétentes des États membres les timbres et signatures utilisés par la communauté turque établie au nord de la zone tampon.

20. Cependant, la Commission a reconnu que son comportement en la matière n’ a pas été libre de toute équivoque. C’ est ainsi que M. Legras, directeur général à la direction générale VI (direction générale de l’ agriculture) a, vers la fin de 1989, adressé, à la suite de plaintes au sujet des différences de traitement dans les États membres en ce qui concerne les certificats phytosanitaires, adressé aux représentants permanents des États membres à Bruxelles une lettre, dans laquelle il relevait, entre autres, ce qui suit:

« Dans le cas de Chypre, l’ article 12, paragraphe 1 b) (de la directive phytosanitaire) est à interpréter dans le sens que les seuls services autorisés sont les services autorisés sur la base des dispositions législatives ou réglementaires de la république de Chypre. En effet, la position de la Communauté est claire à cet égard: si l’ accord d’ association conclu avec Chypre est destiné à bénéficier à l’ ensemble de la population de l’ île, le seul gouvernement reconnu est celui de la république de Chypre. Pour cette raison, les produits circulant sur le couvert d’ un certificat phytosanitaire au sens de la directive 77/93/CEE et originaires de la partie septentrionale de l’ île ne peuvent être considérés comme conformes aux conditions de la directive susmentionnée que lorsque le certificat porte la dénomination 'république de Chypre’ et qu’ il a été établi par les autorités compétentes de ladite république. Aucune autre dénomination telle que par exemple 'État fédéré turc de Chypre’ ou 'république turque de Chypre du Nord’ , n’ est reconnue par la Communauté. »

21. La légalité de cette lettre a fait l’ objet de l’ affaire C-50/90, Sunzest (Europe) et Sunzest (Nederlands)/Commission, que la Cour a rejetée comme irrecevable par ordonnance du 13 juin 1991 (10), en constatant que cette lettre ne constituait pas une décision au sens de l’ article 173 du traité CEE.

22. La Commission a indiqué qu’ à tout le moins « un certain nombre » d’ États membres reconnaissent les certificats d’ origine et, qu’ à tout le moins « quelques-uns » d’ entre eux reconnaissent les certificats phytosanitaires.

23. La Commission n’ a pas été en mesure de donner des informations certaines sur la façon dont sont traitées les marchandises importées de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon lorsque ces marchandises ne sont pas accompagnées de certificats délivrés par les autorités compétentes de la RDC.

24. Les deux sociétés « chypriotes turques » qui ont présenté des observations au cours de la procédure orale ont indiqué avoir un terminal de marchandises à Rotterdam et qu’ elles importent directement à destination de plusieurs États membres sur la base de certificats délivrés par la communauté turque établie au nord de la zone tampon (11).

Sur la portée des questions 3 et 4

25. Comme on le voit, les questions de la High Court s’ articulent de telle manière que les deux premières posent en substance la question de savoir s’ il est loisible aux autorités des États membres, dans le cadre de l’ importation de marchandises en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, d’ admettre des certificats délivrés par la communauté turque établie dans cette partie de Chypre, alors que les questions suivantes posent la question de savoir s’ il en irait différemment au cas où certaines circonstances factuelles seraient ou non réputées établies.

Les première et deuxième parties de la question 3 visent à clarifier si la réponse aux deux premières questions serait différente en cas d’ impossibilité pratique pour les exportateurs de cette partie de Chypre d’ obtenir les certificats dont s’ agit auprès des autorités compétentes de la RDC, ou en cas d’ entraves sérieuses pour les exportateurs de cette partie de Chypre qui souhaiteraient exporter leurs produits à partir de la partie de l’ île se trouvant sous le contrôle effectif du gouvernement de la RDC.

La troisième partie de la question 3 et la question 4 visent à clarifier si la réponse aux deux premières questions serait différente dans l’ hypothèse où les procédures de contrôle dans le cadre de la délivrance des certificats offriraient les mêmes garanties de fiabilité et de sérieux dans la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies, par rapport à la partie de l’ île sous le contrôle effectif du gouvernement de la RDC.

26. Le gouvernement du Royaume-Uni a fait valoir que l’ on doit, sur le plan purement factuel, tenir pour établi qu’ il est pratiquement impossible – ou qu’ il existe à tout le moins des entraves sérieuses ° pour les exportateurs de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies d’ exporter, si cela ne se fait pas au moyen de certificats délivrés par la communauté turque de cette partie de Chypre. De même, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que les procédures de contrôle, tant au regard de l’ origine des marchandises qu’ au niveau de la salubrité des produits, se sont avérées présenter en pratique toutes les garanties voulues dans le cadre des exportations opérées à partir de cette partie de Chypre. La Commission paraît pour l’ essentiel partager le point de vue du gouvernement du Royaume-Uni et tenir une telle situation pour établie dans les observations par elle présentées dans la présente affaire (12).

Les demandeurs au principal et le gouvernement hellénique contestent qu’ il soit impossible ou qu’ il y ait des entraves sérieuses pour les exportateurs de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon d’ exporter sur la base des certificats délivrés par les autorités compétentes de la RDC. Il font en même temps valoir qu’ il existe un risque potentiel lié à l’ acceptation de certificats délivrés par la communauté turque, et que l’ on a récemment mis en évidence des cas dans lesquels les certificats de circulation ont été abusivement utilisés et dans lesquels les certificats phytosanitaires ne présentaient pas les garanties voulues.

27. Il nous paraît difficile de prendre position sur les deux premières questions sans partir, dans le cadre de la réponse à y donner, de l’ une ou l’ autre perception du réel évoquée dans les questions 3 et 4.

Il nous semble plus approprié, dans le cadre de la réponse à ces questions, de prendre comme point de départ la perception retenue par les autorités britanniques et la Commission.

Premièrement, les autorités britanniques semblent, en interprétant les règles communautaires pertinentes, avoir attaché de l’ importance au fait qu’ il est nécessaire et, au reste, défendable d’ admettre les certificats dont s’ agit, précisément parce que la situation réelle est celle qu’ elles font valoir.

Deuxièmement, on ne peut pas exclure que l’ interprétation des règles communautaires dont s’ agit aboutisse à la conclusion qu’ il est illégal d’ admettre les certificats, même si l’ on doit tenir pour établi que l’ idée que se font les autorités britanniques et la Commission de la réalité des faits est correcte.

28. Il y a également lieu de mentionner à cet égard qu’ il est constant, au vu des informations disponibles, que l’ exportation de marchandises émanant de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, si elle doit se faire au moyen de certificats délivrés par les autorités compétentes de la RDC, implique l’ exportation à partir de la zone effectivement contrôlée par les autorités de la RDC. La raison en est tout simplement que la délivrance des certificats présuppose des mesures de contrôle, auxquelles les autorités de la RDC ne peuvent procéder dans la partie de l’ île située au nord de la zone tampon.

En ce qui concerne les questions 1 et 2

29. Les questions 1 et 2 sont parallèles. La première concerne les certificats d’ origine, la seconde les certificats phytosanitaires. Il paraît naturel à première vue d’ admettre qu’ il y a lieu de répondre de la même manière aux deux questions. La question cruciale dans cette affaire est de savoir si des certificats délivrés par des organes qui, selon une interprétation littérale des règles pertinentes, ne sont pas compétents aux fins de la délivrance des certificats en cause, peuvent néanmoins, et eu égard aux circonstances particulières qui président au cas d’ espèce, être reconnus par les autorités des États membres de la Communauté. Les intéressés qui ont présenté des observations en l’ espèce sont unanimes pour considérer que les deux questions appellent une réponse uniforme.

30. On ne saurait toutefois perdre de vue que les systèmes de règles en cause présentent entre eux des différences non négligeables. Le fondement du certificat d’ origine réside dans l’ accord d’ association, d’ où la nécessité, le cas échéant, pour la Communauté, de prendre des égards particuliers vis-à-vis de ses partenaires à l’ accord, lors de l’ interprétation des règles régissant les certificats d’ origine. Le fondement du certificat phytosanitaire réside dans une directive d’ application générale, arrêtée par la Communauté. Les objectifs qui sous-tendent ces deux systèmes de règles sont également différents.

Il serait faux de rejeter par avance l’ idée que ces différences ° et d’ autres encore ° puissent avoir une importance.

31. Nous consacrerons dès lors les développements qui suivent à répondre à la première question concernant le certificat d’ origine.

En ce qui concerne la première question

32. Le demandeur au principal et le gouvernement hellénique font valoir qu’ il est contraire en tout état de cause aux règles de l’ accord d’ association régissant les certificats d’ origine que les États membres admettent, lors d’ une importation de marchandises en provenance de Chypre, des certificats d’ origine autres que ceux délivrés par les autorités compétentes de la RDC.

33. Ils se réfèrent au fait qu’ il ressort des articles 7 et 8 du protocole de 1977 sur l’ origine des produits, que le certificat d’ origine (certificat de circulation des marchandises EUR.1) doit être délivré par les « autorités douanières de l’ État d’ exportation », c’ est-à-dire par les autorités compétentes de la RDC.

34. Ils se réfèrent, en outre, au fait qu’ il ressort des articles 22 et 24 du protocole que les règles relatives à l’ origine ne peuvent pas être mises en oeuvre sans une coopération entre les autorités douanières de l’ État d’ exportation et celles de l’ État d’ importation. L’ article 22 dispose que, « en vue d’ assurer une application correcte du présent titre, Chypre et la Communauté se prêtent mutuellement assistance, par l’ entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l’ authenticité des certificats de circulation des marchandises EUR.1… ». L’ article 24, paragraphe 1, prévoit que « le contrôle a posteriori des certificats de circulation des marchandises EUR.1 … est effectué à titre de sondage et chaque fois que les autorités douanières de l’ État d’ importation ont des doutes fondés quant à l’ authenticité du document ou quant à l’ exactitude des renseignements relatifs à l’ origine réelle de la marchandise en cause ». L’ article 24, paragraphe 2, prévoit que « pour l’ application du paragraphe 1, les autorités douanières de l’ État d’ importation renvoient le certificat de circulation des marchandises EUR.1 … aux autorités douanières de l’ État d’ exportation, en indiquant les motifs de fond ou de forme qui justifient une enquête ». L’ article 24, paragraphe 3, prévoit que « les résultats du contrôle a posteriori sont portés dans les meilleurs délais à la connaissance des autorités douanières de l’ État d’ importation … Lorsque ces contestations n’ ont pu être réglées entre les autorités douanières de l’ État d’ importation et celles de l’ État d’ exportation, ou lorsqu’ elles soulèvent un problème d’ interprétation du présent protocole, elles sont soumises au Comité de coopération douanière ».

Sur l’ applicabilité directe de ces dispositions

35. Le gouvernement du Royaume-Uni, soutenu par la Commission, fait valoir que les règles relatives à l’ origine des produits contenues dans le protocole de 1977 (notamment les dispositions concernant le système administratif), envisagées conjointement avec l’ accord d’ association, ne sont pas de nature à pouvoir être invoquées par les demandeurs dans une affaire portée devant les juridictions nationales.

Le gouvernement se réfère au fait que l’ accord d’ association a pour objectif d’ éliminer progressivement les obstacles aux échanges commerciaux entre la Communauté et Chypre, et de contribuer ainsi au développement du commerce international. Cette coopération doit être réalisée progressivement et s’ échelonne donc sur plusieurs étapes. Les dispositions invoquées par les demandeurs figurent toutes dans la partie du protocole qui a trait au système administratif concernant le contrôle de l’ origine des produits. Eu égard à leur formulation et à leur contexte, le gouvernement du Royaume-Uni estime que ces dispositions ne doivent pas être considérées comme étant d’ application directe devant les juridictions nationales.

36. Ce point de vue ne saurait être partagé.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’ une disposition d’ un accord conclu par la Communauté avec un pays tiers doit être considérée comme étant d’ application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’ à l’ objet et à la nature de l’ accord, elle comporte une obligation claire et précise, qui n’ est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’ intervention d’ aucun acte ultérieur (13).

37. Les règles pertinentes du protocole de 1977 sur l’ origine des produits satisfont assurément aux exigences en matière de précision ou relatives à l’ absence de conditions, et le gouvernement du Royaume-Uni n’ a, en ce qui concerne l’ objet et la nature de l’ accord d’ association, mis en évidence aucune particularité propre à dénier un effet direct aux dispositions.

38. La Cour a, en effet, dans une série d’ affaires, présupposé que des dispositions analogues, figurant dans des accords commerciaux conclus par la Communauté avec d’ autres pays tiers, peuvent être appliquées par les juridictions nationales (14).

En ce qui concerne l’ interprétation du protocole de 1977 sur l’ origine des produits

39. En se référant aux dispositions susvisées du protocole sur l’ origine des produits, les demandeurs au principal et le gouvernement hellénique font valoir qu’ il est manifestement contraire au protocole d’ accepter, dans le cadre des importations de marchandises originaires de Chypre, des certificats délivrés par la communauté turque établie dans la partie de Chypre située au nord de la zone tampon. Ces certificats ne sont pas délivrés par les autorités compétentes, selon l’ accord d’ association, aux fins de la délivrance des certificats et il est exclu, par rapport à la communauté turque établie dans la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, de mettre en oeuvre entre les autorités compétentes de l’ État d’ exportation et celles de l’ État d’ importation, la coopération qui, dans le système des règles applicables, constitue assurément un point essentiel du dispositif garantissant que la préférence est accordée aux seuls produits originaires de Chypre.

40. Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission ne contestent pas que les certificats acceptés à titre de preuve que les produits sont originaires de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon ne sont pas délivrés par les autorités compétentes en vertu de l’ accord d’ association et que, par suite de la non-reconnaissance de cette partie de Chypre, il est exclu de mettre complètement en oeuvre la coopération entre autorités compétentes prévue dans le protocole sur les produits originaires.

41. Ils font toutefois valoir, de manière globalement concordante, que cet écart par rapport aux règles de l’ accord trouve son fondement et sa justification dans la prise en compte, conformément à l’ accord, également des intérêts de la population de Chypre établie au nord de la zone tampon. Ils font remarquer que l’ accord d’ association s’ applique à l’ ensemble du territoire chypriote ° voir article 16 de l’ accord d’ association ° et ils se réfèrent, notamment, à la disposition contenue à l’ article 5 de l’ accord, aux termes de laquelle

« le régime des échanges entre les parties contractantes ne peut donner lieu à aucune discrimination … entre les ressortissants ou sociétés de Chypre ».

42. Ils font valoir qu’ il avait été clairement entendu lors de la conclusion de l’ accord d’ association que les avantages commerciaux découlant de l’ accord devaient s’ étendre à l’ ensemble de la population de l’ île et que c’ est, entre autres, à cette fin qu’ avait été insérée la clause de non-discrimination contenue à l’ article 5. Il y a donc lieu d’ interpréter les règles relatives à l’ origine des produits de telle sorte qu’ elles ne s’ opposent pas à l’ objectif fondamental de l’ accord, qui est la suppression progressive des obstacles au commerce entre Chypre et la Communauté. Ils renvoient à cet égard à l’ article 3 de l’ accord d’ association, aux termes duquel les parties contractantes s’ engagent à « s’ abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts de l’ accord ».

43. A l’ appui de sa thèse, la Commission se réfère à l’ avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) dans l’ affaire de la Namibie (15). Elle fait valoir que la CIJ a défini dans son avis une « ligne interprétative », dont on peut déduire qu’ une politique de non-reconnaissance ne doit pas aller jusqu’ à dénier à la population chypriote des avantages accordés par un traité.

44. Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission sont d’ avis que les États membres ont tiré les conséquences nécessaires de la non-reconnaissance de la partie de l’ île située au nord de la zone tampon des Nations unies, dès lors qu’ il est acquis qu’ ils refusent des certificats délivrés sous couvert de l’ appellation « république turque de Chypre du Nord » ou toute autre appellation du même ordre, et que les institutions communautaires et les autorités des États membres s’ abstiennent de contacts officiels avec la communauté turque établie dans cette partie de Chypre.

Une acceptation de fait des certificats d’ origine délivrés par des autorités autres que les autorités compétentes de la RDC est un corollaire nécessaire et justifiable de la prise en compte des intérêts de l’ ensemble de la population de Chypre en tant qu’ intérêts explicites et essentiels devant gouverner l’ interprétation et l’ application des dispositions du traité.

45. En outre, les certificats délivrés en cas d’ exportation au départ de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon satisfont matériellement aux mêmes buts que les certificats délivrés par les autorités compétentes de la RDC, et il est possible par le biais de contacts informels avec la communauté turque de résoudre les problèmes pratiques qui se posent par suite de l’ impossibilité de la mise en oeuvre de la coopération administrative prévue dans le protocole sur l’ origine des produits.

46. La Commission fait enfin valoir que la ligne juridique qu’ elle soutient en l’ espèce a, du moins en ce qui concerne les certificats d’ origine, été suivie de manière constante par les services de la Commission et qu’ elle en a informé les organes du Conseil ainsi que les États membres. Le Conseil a en tout cas manifesté son accord de principe quant à l’ obligation de faire bénéficier l’ ensemble de la population de Chypre de cet accord, et qu’ à tout le moins un certain nombre d’ États membres ont administré les règles conformément à cette conception juridique.

47. Il est incontestable, à notre sens, que la partition de fait du territoire chypriote, qui était la conséquence de l’ invasion de Chypre par la Turquie, impliquait des problèmes difficiles à résoudre pour les Communautés européennes, une fois posé le principe que l’ accord continuait de s’ appliquer à l’ ensemble de Chypre.

48. Comme dans le même temps on posait également le principe que l’ accord devait, dans toute la mesure du possible, continuer de bénéficier à l’ ensemble de la population de Chypre, il est à tout le moins compréhensible que la Commission et les autorités britanniques aient estimé que la solution devait consister à accepter des certificats délivrés par des représentants de la communauté turque de Chypre établie au nord de la zone tampon. Il est également compréhensible que l’ on ait admis que cette solution supposait nécessairement une coopération, certes limitée et tout à fait informelle, avec la communauté turque aussi longtemps que l’ on soulignait qu’ il ne fallait pas y voir une quelconque reconnaissance de la prétendue république turque de Chypre du Nord.

49. Il y a cependant, à notre avis, une série de raisons qui montrent qu’ il n’ est pas possible, sur la base de l’ accord, d’ étendre les préférences aux exportateurs utilisant les certificats délivrés par la communauté turque établie dans la partie de Chypre au nord de la zone tampon.

50. Un traitement préférentiel de la communauté turque suppose l’ acceptation de certificats délivrés par des organes qui ne sont pas compétents selon les règles de l’ accord d’ association, et supposent, en outre, l’ acceptation de certificats délivrés par des organes avec lesquels les autorités des États membres ° par suite de la politique de non-reconnaissance adoptée par les Nations unies ° ne coopèrent pas. Il ne s’ agit donc pas simplement d’ une violation des règles de l’ accord quant à la détermination de l’ autorité formellement compétente aux fins de la délivrance des certificats, mais également et surtout d’ une impossibilité de respecter les règles relatives à la coopération administrative postérieure à la délivrance des certificats, et qui revêt une importance décisive pour le fonctionnement efficace des règles relatives à l’ origine des produits.

51. L’ importance de cette coopération a été soulignée à plusieurs reprises par la Cour, par exemple dans son arrêt du 12 juillet 1984, dans l’ affaire 218/83, Les Rapides Savoyards e.a. (16), dans lequel la Cour a, dans le cadre de règles analogues régissant l’ accord de libre échange avec la Suisse, déclaré ce qui suit:

« Il résulte de l’ ensemble de ces dispositions que la détermination de l’ origine des marchandises selon le protocole n 3, est fondée sur une répartition des compétences entre les autorités douanières des parties à l’ accord de libre échange, en ce sens que l’ origine est établie par les autorités de l’ État d’ exportation, le contrôle du fonctionnement de ce régime étant assuré grâce à la coopération entre les administrations intéressées de part et d’ autre …

Ce mécanisme ne peut toutefois fonctionner que si l’ administration douanière de l’ État d’ importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l’ État d’ exportation.

Il n’ est pas à craindre que l’ application de ces dispositions puisse faciliter des pratiques abusives, compte tenu du fait que les articles 16 et 17 du protocole n 3, notamment dans leur version nouvelle, ont réglé en détail les méthodes de coopération entre les administrations douanières intéressées, en cas de contestations sur l’ origine ou en cas de fraudes de la part des exportateurs ou importateurs". (points 26 à 28).

52. Les intérêts de l’ ensemble de la population de Chypre, auxquels la Commission et le gouvernement du Royaume-Uni prêtent une importance décisive aux fins de l’ interprétation des dispositions de l’ accord, ne sauraient selon nous justifier que l’ on s’ écarte des dispositions claires du protocole de 1977 sur l’ origine des produits.

Il est exact que l’ accord s’ applique, du point de vue de son contenu, à l’ ensemble du territoire de Chypre et il est également exact que les règles en matière d’ échanges prévues par l’ accord doivent s’ appliquer de manière non discriminatoire à l’ ensemble de la population chypriote.

On doit également tenir pour établi que la clause particulière sur la non-discrimination entre les groupes de population avait, entre autres, pour but d’ assurer une égalité de traitement de la population chypriote grecque et de la population chypriote turque à Chypre, lors de la mise en oeuvre de l’ accord.

On peut également tenir pour établi que, au cours des délibérations sur la manière dont il convenait de réagir à la partition de fait de l’ île, les États membres ont manifesté l’ intérêt qu’ ils attachaient à ce que l’ accord continue de bénéficier à l’ ensemble de la population et, qu’ à tout le moins à une certaine époque, ce point de vue a été considéré avec compréhension au sein du Conseil d’ association, également sur le plan des échanges entre Chypre et la Communauté.

53. Mais il n’ en résulte pas pour autant que les efforts déployés en vue de faire bénéficier l’ ensemble de la population chypriote des avantages de l’ accord ° même après que les choses aient profondément changé ° puissent avoir pour effet d’ écarter des règles essentielles faisant partie de l’ accord et qui constituent une condition du fonctionnement de l’ accord dans le sens voulu par ce dernier. Les efforts doivent être déployés dans le cadre découlant de l’ accord et en tenant dûment compte des intérêts légitimes de l’ autre partie contractante.

54. Il importe, à cet égard, de relever que la compréhension citée ci-dessus, en vue de trouver une solution au problème en cause, et dont les autorités de la RDC auraient fait preuve au cours des délibérations du Conseil d’ association, a disparu après que la communauté turque eut unilatéralement et illégalement proclamé son indépendance en 1983, ce qui a probablement été à l’ origine de la note verbale visée au point 16, dans laquelle la RDC faisait état de ce qu’ une acceptation des certificats d’ origine délivrés par des autorités autres que celles de la RDC serait contraire à l’ accord d’ association.

55. Il est clair, en outre, que l’ on peut toujours, dans une certaine mesure, prendre en compte les intérêts de l’ ensemble de la population de Chypre sur la base des dispositions en vigueur. C’ est ainsi que certaines informations tirées du dossier montrent que l’ accord continue de bénéficier à l’ ensemble de la population, puisque les protocoles financiers conclus entre les parties sont administrés de telle manière que les moyens mis à disposition par la Communauté européenne soient, également en pratique, affectés à des fins bénéficiant également à la population établie au nord de la zone tampon.

56. La prétendue nécessité d’ interpréter les règles de l’ accord de telle manière qu’ il soit possible de les appliquer également en ce qui concerne la population habitant au nord de la zone tampon résulte notamment, selon la Commission et le gouvernement du Royaume-Uni, ainsi qu’ il a été indiqué, de l’ interdiction de discrimination entre les deux groupes composant la population, inscrite à l’ article 5 de l’ accord. C’ est, selon nous, à juste titre que l’ on a fait valoir que les conditions justifiant l’ application du principe ont disparu avec la partition de fait de Chypre, et qu’ il n’ est dès lors plus possible de traiter pleinement de la même manière les deux groupes de population. Il doit en être ainsi, à tout le moins dans les circonstances de la présente affaire, étant donné qu’ un traitement uniforme suppose que les autorités dans les États membres de la Communauté européenne puissent coopérer avec des autorités chypriotes.

57. Ainsi qu’ il a été indiqué, la Commission a fait valoir que son interprétation de l’ accord d’ association peut trouver appui dans l’ avis consultatif de la CIJ, dans l’ affaire de la Namibie.

58. La prémisse figurant dans l’ avis consultatif rendu par la CIJ, citée par la Commission, n’ a selon nous qu’ une importance mineure ° si tant est qu’ elle en ait une ° en l’ espèce. La Commission sollicite un peu trop le fait que la CIJ souligne la nécessité de tenir compte des intérêts de la population concernée et sous-estime l’ importance des différences réelles entre les deux situations.

Il avait été demandé à la CIJ de rendre un avis sur les conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’ Afrique du Sud en Namibie, nonobstant la résolution 276/1970. L’ Afrique du Sud n’ avait pas administré la Namibie conformément au régime prévu pour les territoires sous mandat, de sorte que l’ assemblée générale des Nations unies avait dans plusieurs résolutions enjoint à l’ Afrique du Sud de mettre fin au mandat qu’ elle exerçait sur ce territoire. L’ Afrique du Sud n’ ayant pas respecté ces résolutions, le Conseil de sécurité avait imposé aux États membres des Nations unies « l’ obligation de ne pas entretenir avec l’ Afrique du Sud agissant au nom de la Namibie, ou en ce qui la concerne, des rapports ou des relations de nature économique ou autre qui seraient de nature à affermir l’ autorité de l’ Afrique du Sud sur ce territoire ».

La CIJ a constaté, entre autres, ce qui suit:

° « Pour les raisons indiquées plus haut et sous réserve des observations formulées plus loin au paragraphe 125, les États membres sont tenus de ne pas établir avec l’ Afrique du Sud des relations conventionnelles dans tous les cas où le gouvernement sud-africain prétendrait agir au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne. S’ agissant des traités bilatéraux en vigueur, les États membres doivent s’ abstenir d’ invoquer ou d’ appliquer les traités ou dispositions des traités conclus par l’ Afrique du Sud au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne qui nécessitent une collaboration intergouvernementale active. Pour ce qui est des traités multilatéraux, la même règle ne peut s’ appliquer à certaines conventions générales, comme les conventions de caractère humanitaire, dont l’ inexécution pourrait porter préjudice au peuple namibien. Il appartient aux organes internationaux compétents de prendre des mesures précises à cet égard. » (paragraphe 122),

° « Les restrictions qu’ implique la non-reconnaissance des la présence de l’ Afrique du Sud en Namibie et les dispositions expresses du paragraphe 5 de la résolution 216 (1970) imposent aux États membres l’ obligation de ne pas entretenir avec l’ Afrique du Sud agissant au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne des rapports ou des relations de caractère économique ou autre qui seraient de nature à affermir l’ autorité de l’ Afrique du Sud dans le territoire. » (paragraphe 124),

° « D’ une manière générale, la non-reconnaissance de l’ administration sud-africaine dans le territoire ne devrait pas avoir pour conséquence de priver le peuple namibien des avantages qu’ il peut tirer de la coopération internationale. En particulier, alors que les mesures prises officiellement par le gouvernement sud-africain au nom de la Namibie ou en qui la concerne après la cessation du mandat sont illégales ou nulles, cette nullité ne saurait s’ étendre à des actes, comme l’ inscription des naissances, mariages ou décès à l’ état civil, dont on ne pourrait méconnaître les effets qu’ au détriment des habitants du territoire. » (paragraphe 125).

Il est manifeste que dans son avis, la CIJ a attaché de l’ importance au fait que les sanctions du Conseil de sécurité avaient été décidées dans l’ intérêt de la population namibienne (17). Ce fait a indubitablement eu son importance dans la constatation opérée par la CIJ, que les sanctions ne devaient pas être étendues aux actes de l’ autorité publique qui étaient favorables au citoyen namibien, et dont la reconnaissance ne pouvait pas en pratique conforter la présence sud-africaine en Namibie.

Les circonstances de la présente affaire sont différentes, ne serait-ce que parce que l’ affaire a trait à la question de savoir si les États membres de la Communauté ont le droit ° à l’ encontre de règles expresses d’ un accord international existant, concernant ce point ° d’ accepter des « actes de puissance publique » dont le but est de permettre le commerce avec des opérateurs d’ une région qui ne saurait être reconnue selon les résolutions du Conseil de sécurité.

59. La présente affaire a trait à la question de la reconnaissance d’ actes juridiques qui ne sont guère envisagés dans ce passage de l’ avis de la CIJ concernant les actes de puissance publique pris dans l’ intérêt de la population, et il s’ agit, en l’ espèce, d’ une situation dans laquelle la position respective des groupes de population concernés n’ est pas comparable.

60. On ne peut pas non plus tenir pour acquis que la conception juridique développée par la Commission et le gouvernement du Royaume-Uni corresponde à une conception juridique généralement admise dans la Communauté. Une chose est de dire que l’ accord doit, dans toute la mesure du possible, bénéficier à l’ ensemble de la population; une autre est, à partir de cette prémisse, de tirer la conséquence que les autorités des États membres peuvent ou doivent accepter des certificats autres que ceux délivrés par les autorités compétentes de la RDC. Au cours de leurs discussions au sein du Conseil, les États membres ont constamment été unanimes pour considérer que l’ accord doit en principe bénéficier à l’ ensemble de la population, mais, à l’ évidence, ils ne se sont pas accordés pour en tirer la conséquence susvisée, en ce qui concerne la reconnaissance des certificats.

61. La Commission fait valoir qu’ elle a constamment soutenu l’ idée que l’ accord pouvait être interprété de telle sorte que les certificats litigieux puissent être utilisés par les autorités des États membres, et que cette position s’ est traduite en pratique par le fait qu’ elle a transmis aux États membres des spécimens, entre autres, des timbres de la communauté turque pouvant être utilisés dans le cadre de la délivrance des certificats d’ origine.

Abstraction faite des doutes qui ont été soulevés en l’ espèce quant au point de savoir si la conception juridique de la Commission a été claire et nette, et abstraction faite des doutes soulevés par le gouvernement hellénique quant au point de savoir si la Commission a effectivement transmis les timbres susvisés à tous les États membres, nous ne pensons pas que la conception juridique de la Commission puisse se voir reconnaître per se une importance décisive. Dans son ordonnance du 13 juin 1991 dans l’ affaire Sunzest (18), la Cour a souligné qu’ « aucune des dispositions de la directive 77/93 ne confère à la Commission une compétence pour prendre des décisions sur leur interprétation, celle-ci n’ ayant que la possibilité, qui lui est toujours offerte, d’ exprimer son opinion, laquelle ne lie en aucun cas les autorités nationales. » (point 13). Il en va de même, selon nous, en ce qui concerne les certificats d’ origine.

62. Ainsi qu’ il a été indiqué, la Commission a informé la Cour qu’ à tout le moins un certain nombre d’ États membres ont suivi la position défendue par la Commission. Un élément d’ interprétation important serait, à notre sens, que l’ on puisse tenir pour établi que les États membres ont en pratique accepté, après que le problème se soit posé, des certificats d’ origine délivrés par des autorités autres que les autorités compétentes de la RDC. D’ après les informations disponibles, il est certain que tel a été le cas des autorités du Royaume-Uni. Selon d’ autres informations, les autorités des Pays-Bas et ° d’ après les renseignements fournis par des entreprises chypriotes turques ° certains autres États membres ont adopté la même attitude. Il est, en revanche, tout aussi certain que les autorités grecques ne l’ ont jamais fait, et que le gouvernement irlandais a indiqué, lors de l’ audience, qu’ il ne partage pas la conception juridique de la Commission. On ne trouve dès lors pas de conception juridique uniforme parmi les États membres de la Communauté.

63. Il y a lieu, selon nous, d’ accorder à cette regrettable situation une importance majeure.

64. Cette situation est à mettre en rapport avec l’ argument exposé par le gouvernement hellénique et les demandeurs au principal, suivant lequel l’ application de l’ accord d’ association par les autorités britanniques constitue une violation des règles du traité en matière de politique commerciale commune. Selon ce raisonnement, en procédant de la sorte, les autorités britanniques se sont arrogé une compétence pour déroger à titre autonome aux règles communes applicables lors de l’ importation de marchandises de pays tiers.

65. Cette thèse n’ est à notre sens certainement pas correcte. Il est évident, en effet, que la thèse des autorités britanniques est qu’ elles agissent dans le cadre d’ une interprétation correcte des règles communautaires pertinentes.

66. La référence à la politique commerciale commune est néanmoins essentielle, pour une autre raison. Elle appelle, en effet, l’ attention sur le fait qu’ un état du droit, dans lequel des règles communautaires ne sont pas interprétées ni appliquées uniformément dans les États membres en cas d’ importation de marchandises en provenance de Chypre, est en principe contraire aux exigences qui découlent de l’ existence d’ une politique commerciale commune. Il est inacceptable dans ce domaine – comme dans tous les autres domaines régis par le droit communautaire ° que des règles soient interprétées et appliquées différemment dans les États membres, à moins d’ une habilitation claire en sens contraire. Dans le domaine de la politique commerciale, il est particulièrement important que les règles communautaires soient appliquées uniformément, parce que l’ application du droit faite par l’ État d’ importation peut avoir une incidence directe dans le chef d’ autres États membres, par suite de la libre circulation des marchandises dans le cadre du marché intérieur.

67. Même si l’ on peut comprendre dans une certaine mesure, comme on l’ a indiqué, que dans les circonstances tout à fait particulières de l’ espèce, la Commission ait estimé qu’ il n’ y avait pas de raison suffisante pour essayer de faire en sorte que les droits communautaires soient uniformément appliqués dans les États membres, une telle situation juridique ne saurait se perpétuer.

68. Dans ses observations en l’ espèce, la Commission a d’ ailleurs indiqué avoir conscience de ce que la réalisation du marché intérieur rend l’ actuel état du droit de plus en plus intenable et que, pour cette raison, la Commission a l’ intention de proposer des initiatives susceptibles de résoudre les problèmes existants de manière satisfaisante.

69. Tant que les initiatives de la Commission n’ ont pas abouti à des modifications des règles en vigueur, il ne nous paraît pas possible de conclure autrement que l’ état du droit commun à l’ ensemble des États membres doit être celui qui résulte des règles expresses de l’ accord d’ association, à savoir que les autorités des États membres ne sont pas autorisées à accepter des certificats d’ origine délivrés par des personnes autres que les autorités compétentes de la RDC.

70. Il n’ y a dès lors pas lieu, selon nous, d’ examiner la question de savoir si le fait que les autorités des États membres des Communautés européennes acceptent des certificats délivrés par la communauté turque établie dans la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies constitue une violation du droit international et notamment des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur la non-reconnaissance du régime établi dans cette partie de l’ île.

Sur la question 2 concernant les certificats phytosanitaires

71. Ainsi qu’ il a été indiqué, la directive phytosanitaire dispose en son article 12, paragraphe 1, sous b), que les certificats doivent être délivrés par « les services autorisés sur la base des dispositions légales et réglementaires du pays ».

72. L’ argumentation de base contenue dans les mémoires d’ observation, en ce qui concerne la question de la légalité de l’ acceptation de certificats phytosanitaires délivrés par des personnes autres que les autorités compétentes de la RDC est la même que celle que les intéressés font valoir (voir ci-dessus) à propos des certificats d’ origine.

73. On peut toutefois indiquer, à propos du certificat phytosanitaire, que la directive ne contient pas de règles spéciales concernant une coopération formalisée entre autorités sanitaires de l’ État d’ exportation et de l’ État d’ importation. La directive suppose que les autorités sanitaires du pays d’ importation peuvent procéder à un contrôle à titre autonome. C’ est pourquoi les autorités des États membres ont la faculté, le cas échéant, d’ opérer un contrôle sanitaire particulièrement intensif dans le cadre de l’ importation de marchandises en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon. En revanche, il est également juste de faire observer qu’ il est particulièrement important dans ce domaine qu’ il y ait en pratique une possibilité de coopération confiante entre les autorités phytosanitaires respectives du pays d’ exportation et du pays d’ importation. Dans ce domaine, il ne s’ agit pas simplement d’ intérêts économiques, mais également d’ un intérêt décisif de protection phytosanitaire dans les États membres de la Communauté.

74. Il importe de relever que, à la suite de modifications de la directive entrées en vigueur le 1er juin 1993, un nouveau régime a été instauré, selon lequel les produits relevant de la directive peuvent désormais, après avoir été importés et examinés dans un État membre, être librement commercialisés dans l’ ensemble de la Communauté (19). Le nouveau régime accroît la nécessité d’ une administration uniforme des règles dans le cas d’ importations en provenance de Chypre. Jusqu’ à présent, en cas de réexpédition à l’ intérieur de la Communauté de marchandises importées dans un État membre, les États membres dans lesquels les marchandises étaient expédiées pouvaient interdire l’ importation en refusant de reconnaître un certificat spécial de réexpédition destiné à accompagner ces marchandises.

75. Il n’ y a pas lieu, à notre sens, dans le domaine présentement examiné, de recourir à une interprétation différente de celle qui a été faite dans le cadre des certificats d’ origine. Il en résulte que la directive phytosanitaire doit également être interprétée en ce sens que des marchandises exportées de Chypre peuvent uniquement être accompagnées de certificats phytosanitaires délivrés par les services désignés à cette fin par la RDC.

En ce qui concerne les questions 3 à 5

76. On se souviendra que la juridiction de renvoi avait posé la question de l’ importance qu’ il convenait d’ accorder à la circonstance que l’ exportation de produits de la partie de Chypre située au nord de la zone-tampon des Nations unies accompagnés de certificats délivrés par la communauté turque soit éventuellement impossible ou sérieusement entravée, et que les certificats délivrés par la communauté turque présentent éventuellement le même degré de fiabilité que ceux délivrés par les autorités de la RDC.

77. On se souviendra également que dans le cadre de notre réponse aux deux premières questions, nous avons estimé qu’ il était plus approprié de considérer comme établi que l’ exportation à partir de la partie concernée de l’ île était à tout le moins sérieusement entravée si elle ne pouvait avoir lieu au moyen de certificats délivrés par la communauté turque établie dans la partie de Chypre située au nord de la zone-tampon, et que les certificats susvisés étaient réputés présenter des garanties de fiabilité.

78. Il ressort de notre réponse aux deux premières questions que les règles pertinentes s’ opposent, en principe, à l’ acceptation des certificats dont s’ agit, même si l’ on tient pour établies les circonstances évoquées dans les questions 3 et 4.

79. Il y a toutefois lieu, à notre sens, d’ être attentif aux observations du gouvernement hellénique concernant la question des possibilités pratiques de procéder aux exportations, également de marchandises en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, au moyen de certificats délivrés par les autorités de la RDC. Premièrement, le gouvernement fait valoir que c’ est la communauté turque établie au nord de la zone tampon qui a elle-même pris la décision de ne pas utiliser les certificats d’ exportation délivrés par les autorités de la RDC, et que, de l’ avis du gouvernement hellénique, les autorités de la RDC délivreraient les certificats requis, également en ce qui concerne les marchandises en provenance de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon, dans la mesure où elles pourraient procéder au contrôle requis dans le cadre de l’ exportation par les ports et aéroports de la RDC. Le gouvernement est d’ avis que, si cette dernière supposition devait s’ avérer non fondée, on serait en présence d’ une situation différente de celle existant actuellement.

80. On ne peut pas, selon nous, exclure que si la supposition mentionnée par le gouvernement devait s’ avérer vaine, on puisse trouver une base juridique correcte pour résoudre le problème ainsi posé, de manière à ce qu’ il devienne possible d’ admettre les certificats d’ origine phytosanitaires délivrés par la communauté turque établie au nord de la zone tampon.

Il n’ y a toutefois pas lieu d’ examiner ce point dans le cadre de la présente affaire. Au vu des informations disponibles, il est, en effet, acquis qu’ il n’ y a pas eu, en pratique, de la part de la communauté turque, de tentative de procéder à l’ exportation de marchandises accompagnées de certificats délivrés par les autorités compétentes de la RDC.

81. Tous les intéressés qui ont déposé des observations en l’ espèce s’ accordent pour estimer qu’ il est sans importance, aux fins de la réponse à donner à la partie de la question n 3 concernant une éventuelle impossibilité d’ exporter ou une entrave sérieuse à l’ exportation, de déterminer si cette impossibilité ou cet obstacle a été provoqué par la communauté turque de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon.

82. Moyennant la modification qui pourrait résulter du point 80 ci-dessus évoqué, nous sommes d’ accord avec cette affirmation.

83. En considération des points que nous venons de mentionner à propos de l’ importance des question 3 à 5, il est, selon nous, justifié de ne présenter de conclusions formelles qu’ en ce qui concerne les deux premières questions.

Conclusions

84. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions déférées par la High Court, comme suit:

« 1) Lorsque les importations dans un État membre d’ agrumes ou de pommes de terre originaires de Chypre sont accompagnées de certificats de circulation des marchandises EUR.1, délivrés par la communauté turque de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies, et non par des fonctionnaires autorisés par la république de Chypre, le droit communautaire implique qu’ un État membre est empêché d’ autoriser ces importations.

2) Lorsque les importations dans un État membre d’ agrumes (à l’ exclusion des citrons) et de pommes de terre originaires de Chypre sont accompagnées de certificats phytosanitaires délivrés par la communauté turque de la partie de Chypre située au nord de la zone tampon des Nations unies, et non par des fonctionnaires dûment autorisés par la république de Chypre, le droit communautaire implique qu’ un État membre est empêché d’ autoriser ces importations."

(*) Langue originale: le danois.

(1) – Voir à cet égard le règlement (CEE) n 1246/73 du Conseil, du 14 mai 1973, portant conclusion de l’ accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la république de Chypre, et auquel est annexé le texte de l’ accord (JO L 133, p. 1).

(2) – L’ accord d’ association prévoit une coopération toujours plus étroite entre la Communauté et Chypre. Dans une première étape, qui aurait dû s’ achever en juin 1977 mais qui a été prolongée jusqu’ à la fin de 1987, il a été procédé à une diminution mutuelle des droits de douane sur les produits industriels et agricoles. Un protocole additionnel à l’ accord d’ association, entré en vigueur le 1er janvier 1988, régit la deuxième étape et a pour but de créer une union douanière entre la Communauté et Chypre. Cette deuxième étape est répartie en deux phases. La première phase, de 1988 à 1997, implique entre autres une nouvelle réduction des droits de douane et la suppression des restrictions quantitatives.

(3) – Ce protocole a été approuvé par la Communauté par le règlement (CEE) n 2907/77 du Conseil, du 20 décembre 1977, concernant la conclusion du protocole additionnel à l’ accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la république de Chypre (JO L 339, p. 1). Le protocole, qui est une édition révisée du protocole originaire de 1972, constitue une annexe à l’ accord d’ association de 1972.

(4) – (JO 1977, L 26, p. 20). Cette directive a été modifiée à de nombreuses reprises. Parmi les modifications les plus importantes aux fins de la présente affaire, figurent celles qui ont été adoptées dans les directives 80/392/CEE (JO L 100, p. 32), et 85/574/CEE (JO L 372, p. 25).

(5) – A titre de principe, cette disposition prévoit que les certificats phytosanitaires doivent être établis par les autorités compétentes à cette fin dans le cadre de la convention relative à la protection des végétaux. Cette partie de la disposition n’ est pas applicable en ce qui concerne Chypre, qui n’ a pas adhéré à la convention relative à la protection des végétaux.

(6) – Dans l’ avis de la Commission sur la demande d’ adhésion de la république de Chypre, Bulletin des Communautés européennes, Supplément 5/93, p. 7, il est fait état de ce qui suit:

La coexistence de deux communautés, grecque et turque, de langues, de cultures, de religions et de traditions nationales distinctes, a donné à cette jeune république une histoire agitée, parsemée de crises et de flambées de violence intercommunautaire, qui ont culminé en 1974 par un coup d’ État fomenté par les partisans du rattachement de l’ île à la Grèce, suivi d’ une intervention militaire de la Turquie. La crise d’ août 1974 et l’ occupation d’ une partie du territoire par l’ armée turque, qui a conduit à la séparation de fait de l’ île en deux parties, ont eu pour conséquence des déplacements massifs de populations de part et d’ autre de la ligne de cessez-le-feu, et plus particulièrement du nord vers le sud de l’ île … Au cours de l’ année 1992, il était d’ abord apparu que les négociations intercommunautaires, conduites sous les bons offices du secrétaire général des Nations unies, pouvaient faire émerger peu à peu une solution fondée sur une fédération bicommunautaire et bizonale. Les principes de cette solution ont été unanimement approuvés par le Conseil de sécurité en avril 1992 (résolution 774/92). Les discussions intercommunautaires conduites en octobre et en novembre 1992 ont cependant montré qu’ il restait encore un grand nombre de points de désaccord, y compris sur les principes généraux et les aspects institutionnels de la fédération future. Les discussions ont repris au printemps 1993, et, si l’ espoir demeure d’ aboutir à un accord final, l’ hypothèse de désaccords persistants ne peut être aujourd’ hui exclue.

(7) – L’ avis de la Commission sur la demande d’ adhésion de la république de Chypre, p. 11, fait état de ce que, sur la partie de l’ île située au nord de la zone tampon, séjournent en outre une force militaire d’ environ 30 000 hommes et environ 45 à 50 000 colons turques.

(8) – Résolutions du Conseil de sécurité, n 353/1974, 354/1974, 355/1974, 357/1974, 358/1974, 360/1974 et 365/1974 ainsi que la résolution n 3212/XXIX de l’ assemblée générale.

(9) – La France et le Royaume-Uni, ainsi que les Pays-Bas, qui étaient à l’ époque également membres du Conseil de sécurité, ont voté la résolution 541 ainsi que la résolution 550.

(10) – Rec. 1991, p. I-2917.

(11) – Outre le Royaume-Uni, les autres États membres cités ont été la Belgique, la France, l’ Allemagne, l’ Irlande, l’ Italie et les Pays-Bas.

(12) – Dans l’ avis de la Commission sur la demande d’ adhésion de la république de Chypre, il est fait état, page 7, de ce que la ligne (de cessez-le-feu) ne laisse passer ni hommes, ni marchandises, ni services ° à quelques rarissimes exceptions près .

(13) – Voir arrêts du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, Rec. p. 3719, point 24), et du 26 octobre 1982, Kupferberg (104/81, Rec. p. 3641, points 22 et 23).

(14) – Voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 1984, Les Rapides Savoyards e.a. (218/83, Rec. p. 3105), et du 7 décembre 1993, Huygen e.a. (C-12/92, Rec. p. I-6381).

(15) – Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’ Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la CIJ, 1971.

(16) – Rec. p. 3105.

(17) – La CIJ a déclaré à cet égard ce qui suit: Quant aux conséquences générales de la présence illégale de l’ Afrique du Sud en Namibie, tous les États doivent se souvenir qu’ elle porte préjudice à un peuple qui doit compter sur l’ assistance de la communauté internationale pour atteindre les objectifs auxquels correspond la mission sacrée de civilisation. (paragraphe 127).

(18) – Affaire précitée ci-dessus.

(19) – Voir directive 93/19/CEE (JO L 96, p. 33).

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CJCE, n° C-432/92, Conclusions de l'avocat général de la Cour, The Queen contre Minister of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte S. P. Anastasiou (Pissouri) Ltd et autres, 20 avril 1994