CJCE, n° C-235/92, Arrêt de la Cour, Montecatini SpA contre Commission des Communautés européennes, 8 juillet 1999

  • Accord ayant pour objet de restreindre la concurrence·
  • Présentation après la clôture de la procédure orale·
  • Absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché·
  • Demande de réouverture de la procédure orale·
  • Absence d'incidence ) 7 droit communautaire·
  • Mise en œuvre des règles de concurrence·
  • Conditions de recevabilité 4 procédure·
  • Liberté d'association ) 8 concurrence·
  • Prescription en matière de poursuites·
  • Procédure en matière de concurrence

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 8 juill. 1999, Montecatini / Commission, C-235/92
Numéro(s) : C-235/92
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 8 juillet 1999. # Montecatini SpA contre Commission des Communautés européennes. # Pourvoi - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Notions d'accord et de pratique concertée - Prescription - Amende. # Affaire C-235/92 P.
Date de dépôt : 22 mai 1992
Précédents jurisprudentiels : 15 décembre 1994, Bayer/Commission ( C-195/91 P, Rec. p. I-5619
15 juin 1994, Commission/BASF e.a. ( C-137/92 P, Rec. p. I-2555
27 février 1992, BASF e.a./Commission ( T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-92/89, T-89/89, T-91/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315
28 février 1992, après l' arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission ( T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89
66 Par ordonnance du 4 novembre 1992, Montecatini/Commission ( T-14/89 Rév., Rec. p. II-2409
arrêt du 27 février 1992, précité, T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89
arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80
BASF e.a./Commission, T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89, T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89 et T-112/89
Baustahlgewebe/Commission, C-185/95
Communautés européennes ( première chambre ) du 10 mars 1992, Montedipe/Commission ( T-14/89, Rec. p. II-1155
Cour dans l' arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission ( C-53/92, Rec. p. I-667
Cour du 13 juillet 1989, Tournier ( 395/87, Rec. p. 2521
Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission ( 41/69
Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission ( 40/73 à 48/73
Cour du 22 décembre 1993, Eppe/Commission ( C-354/92 P, Rec. p. I-7027
Landewyck e.a./Commission, point 153, et Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, points 24 à 29
Landewyck e.a./Commission, précité, ou du 10 décembre 1985
Sandoz prodotti farmaceutici/Commission, C-277/87
Solvay/Commission ( T-30/91
Trabucchi sous l' arrêt du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a., 15/73 à 33/73
Tribunal de première instance du 10 mars 1992, Montedipe/Commission ( T-14/89
Tribunal du 17 décembre 1991, DSM/Commission ( T-8/89, Rec. p. II-1833
Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission ( T-43/92, Rec. p. II-441
Solution : Pourvoi : rejet sur le fond, Recours en annulation
Identifiant CELEX : 61992CJ0235
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1999:362
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61992J0235

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 8 juillet 1999. – Montecatini SpA contre Commission des Communautés européennes. – Pourvoi – Règlement intérieur de la Commission – Procédure d’adoption d’une décision par le collège des membres de la Commission – Règles de concurrence applicables aux entreprises – Notions d’accord et de pratique concertée – Prescription – Amende. – Affaire C-235/92 P.


Recueil de jurisprudence 1999 page I-04539


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Procédure – Intervention – Recevabilité – Réexamen après une ordonnance antérieure admettant la recevabilité

(Statut de la Cour de justice CE, art. 37, al. 2)

2 Actes des institutions – Présomption de validité – Acte inexistant – Notion

(Traité CE, art. 189 (devenu art. 249 CE))

3 Procédure – Demande de mesures d’instruction – Présentation après la clôture de la procédure orale – Demande de réouverture de la procédure orale – Conditions de recevabilité

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 62)

4 Procédure – Procédure orale – Réouverture – Obligation de soulever d’office des moyens tenant à la régularité de la procédure d’adoption de la décision attaquée – Absence

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 62)

5 Pourvoi – Compétence de la Cour – Mesures d’instruction – Exclusion

(Statut de la Cour de justice CE, art. 54, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 113, § 2)

6 Concurrence – Ententes – Pratique concertée – Notion – Objet anticoncurrentiel – Absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché – Absence d’incidence

(Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE))

7 Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Liberté d’expression – Liberté d’association

(Traité sur l’Union européenne, art. F, § 2 (devenu, après modification, art. 6, § 2, UE))

8 Concurrence – Ententes – Interdiction – Justification – État de nécessité – Perte économique – Exclusion

(Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE))

9 Concurrence – Ententes – Accord ayant pour objet de restreindre la concurrence – Objet anticoncurrentiel – Utilisation de l’expression «scopo anticoncorrenziale» («but anticoncurrentiel») dans la version italienne – Synonymie

(Traité CE, art. 85 (devenu art. 81 CE))

10 Droit communautaire – Principes – Droits fondamentaux – Présomption d’innocence – Procédure en matière de concurrence – Applicabilité

11 Concurrence – Procédure administrative – Prescription en matière de poursuites – Point de départ – Infraction continuée – Jour où l’infraction a pris fin

(Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE); règlement du Conseil n_ 2988/74)

Sommaire


1 Le fait que la Cour a, par ordonnance antérieure, admis une personne à intervenir à l’appui des conclusions d’une partie ne s’oppose pas à ce qu’il soit procédé à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention.

2 Les actes des institutions communautaires jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés.

Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique communautaire doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire être regardés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité.

La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes.

3 Une demande de mesures d’instruction présentée après la clôture de la procédure orale ne peut être retenue que si elle porte sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur la solution du litige et que l’intéressé n’a pu faire valoir avant la fin de la procédure orale. La même solution s’impose en ce qui concerne une demande de réouverture de la procédure orale. Il est vrai que, en vertu de l’article 62 du règlement de procédure du Tribunal, cette juridiction dispose, en ce domaine, d’un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, le Tribunal n’est tenu de faire droit à une telle demande que si la partie intéressée se fonde sur des faits de nature à exercer une influence décisive qu’elle n’avait pu faire valoir avant la fin de la procédure orale.

4 Le Tribunal n’est pas tenu d’ordonner la réouverture de la procédure orale en raison d’une prétendue obligation de soulever d’office des moyens tenant à la régularité de la procédure d’adoption d’une décision de la Commission. En effet, une telle obligation de soulever d’office des moyens d’ordre public ne saurait éventuellement exister qu’en fonction des éléments de fait versés au dossier.

5 Sort du cadre d’un pourvoi, limité aux questions de droit, la demande d’une partie à la Cour d’ordonner des mesures d’instruction visant à déterminer les conditions dans lesquelles la Commission a adopté la décision ayant fait l’objet de l’arrêt attaqué.

En effet, d’une part, des mesures d’instruction conduiraient nécessairement la Cour à se prononcer sur des questions de fait et modifieraient l’objet du litige soumis au Tribunal, en violation des dispositions de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

D’autre part, le pourvoi ne porte que sur l’arrêt attaqué et ce n’est qu’au cas où celui-ci serait annulé que, conformément à l’article 54, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, cette dernière pourrait statuer elle-même sur le litige et connaître alors d’éventuels vices de la décision attaquée devant le Tribunal.

6 Une pratique concertée relève de l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché.

D’une part, il découle du texte même de ladite disposition que, comme dans le cas des accords entre entreprises et des décisions d’associations d’entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu’elles ont un objet anticoncurrentiel. D’autre part, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n’implique pas nécessairement que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence.

7 La liberté d’expression et celle de réunion pacifique et d’association, consacrées respectivement, entre autres, aux articles 10 et 11 de la convention européenne des droits de l’homme, font partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article F, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphe 2, UE), sont protégés dans l’ordre juridique communautaire.

8 S’il ne peut être exclu que l’état de nécessité autorise une conduite qui, à défaut, enfreindrait l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), un tel état ne peut en aucun cas résulter de la simple exigence d’éviter une perte économique.

9 Ne saurait être admise la thèse selon laquelle le Tribunal, en utilisant l’expression «scopo anticoncorrenziale» («but anticoncurrentiel») dans le texte en italien de la décision, introduit une troisième condition d’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE). En effet, l’expression «scopo anticoncorrenziale», utilisée comme synonyme d’ «objet anticoncurrentiel», paraît conforme à la notion d’objet figurant à l’article 85, paragraphe 1, telle qu’elle résulte d’une comparaison des différentes versions linguistiques de cette disposition, et notamment des versions danoise («formål»), allemande («bezwecken»), finnoise («tarkoituksena»), irlandaise («gcuspóir»), néerlandaise («strekken»), portugaise («objectivo») et suédoise («syfte»).

10 Le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l’homme, fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article F, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, sont protégés dans l’ordre juridique communautaire.

Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes.

11 Si la notion d’infraction continuée a un contenu quelque peu différent dans les ordres juridiques des différents États membres, elle comporte en tout cas une pluralité de comportements infractionnels, ou d’actes d’exécution d’une seule infraction, réunis par un élement subjectif commun.

Dès lors, le Tribunal a pu considérer à juste titre que des activités s’inscrivant dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d’objectifs de prix et de quotas et poursuivant un seul objectif constituaient une infraction continuée aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), en sorte que le délai de prescription quinquennale prévu à l’article 1er du règlement n_ 2988/74 relatif à la prescription en matière de poursuite et d’exécution dans le domaine de la concurrence ne pouvait commencer à courir qu’à compter du jour où l’infraction avait pris fin.

Parties


Dans l’affaire C-235/92 P,

Montecatini SpA, anciennement Montedison SpA, puis Montepolimeri SpA, puis Montedipe SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes G. Aghina et G. Celona, avocats au barreau de Milan, et P. A. M. Ferrari, avocat au barreau de Rome, ayant élu domicile à Luxembourg en l’étude de Me G. Margue, 20, rue Philippe II,

partie requérante,

soutenue par

DSM NV, établie à Heerlen (Pays-Bas), représentée par Me I. G. F. Cath, avocat au barreau de La Haye, ayant élu domicile à Luxembourg en l’étude de Me L. Dupong, 14 A, rue des Bains,

partie intervenante au pourvoi,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (première chambre) du 10 mars 1992, Montedipe/Commission (T-14/89, Rec. p. II-1155), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Marenco, conseiller juridique principal, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch, G. F. Mancini (rapporteur), J. L. Murray et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffiers: M. H. von Holstein, greffier adjoint, et Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 12 mars 1997,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 mai 1992, Montecatini SpA, anciennement Montedison SpA, puis Montepolimeri SpA puis Montedipe SpA (ci-après «Monte»), a, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992, Montedipe/Commission (T-14/89, Rec. p. II-1155, ci-après l'«arrêt attaqué»).

Faits et procédure devant le Tribunal

2 Les faits qui sont à l’origine du pourvoi, tels qu’ils résultent de l’arrêt attaqué, sont les suivants.

3 Plusieurs entreprises actives dans l’industrie européenne de produits pétrochimiques ont introduit un recours en annulation devant le Tribunal à l’encontre de la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.149 – Polypropylène) (JO L 230, p. 1, ci-après la «décision polypropylène»).

4 Selon les constatations effectuées par la Commission, confirmées sur ce point par le Tribunal, le marché du polypropylène était approvisionné, avant 1977, par dix producteurs, dont quatre [Monte, Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc (ci-après «ICI») et Shell International Chemical Company Ltd (ci-après «Shell»), ci-après les «quatre grands»] représentant ensemble 64 % du marché. A la suite de l’expiration des brevets de contrôle détenus par Monte, de nouveaux producteurs sont apparus sur le marché en 1977, ce qui a conduit à une augmentation substantielle de la capacité réelle de production, sans entraîner pour autant un accroissement correspondant de la demande. Ceci a eu pour conséquence une utilisation des capacités de production comprise entre 60 % en 1977 et 90 % en 1983. Chacun des producteurs établis à l’époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.

5 Monte faisait partie des producteurs approvisionnant le marché en 1977. Elle était le principal producteur de polypropylène et, par conséquent, l’un des quatre grands. Sa position sur le marché ouest-européen se situait entre environ 14,2 et 15 %. En 1983, après avoir repris l’affaire d’Enichem Anic SpA, elle détenait 18 % du marché ouest-européen du polypropylène.

6 A la suite de vérifications effectuées simultanément dans plusieurs entreprises du secteur, la Commission a adressé à plusieurs producteurs de polypropylène des demandes de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Il ressort du point 6 de l’arrêt attaqué que les informations obtenues ont amené la Commission à conclure qu’entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l’article 85 du traité CE (devenu article 81 CE), fixé régulièrement des objectifs de prix à travers des initiatives de prix et élaboré un système de contrôle annuel des ventes en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou de pourcentages convenus. Ceci a conduit la Commission à engager la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 17 et à adresser une communication écrite des griefs à plusieurs entreprises, dont Monte.

7 Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision polypropylène, par laquelle elle a constaté que Monte avait enfreint l’article 85, paragraphe 1, du traité en participant, avec d’autres entreprises, pour ce qui concerne Monte à partir du milieu de l’année 1977 jusqu’en novembre 1983 au moins, à un accord et à une pratique concertée remontant au milieu de l’année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun:

— ont pris contact l’un avec l’autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de l’année 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d’examiner et de définir leur politique commerciale;

— ont fixé périodiquement des prix «cibles» (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

— ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l’application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l’échange d’informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de l’année 1982, un système d'«account management» ayant pour but d’appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

— ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

— se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un «quota» annuel de vente (en 1979, en 1980 et pendant une partie au moins de l’année 1983) ou, à défaut d’un accord définitif pour l’année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (en 1981 et en 1982) (article 1er de la décision polypropylène).

8 La Commission a ensuite ordonné aux différentes entreprises concernées de mettre fin immédiatement à ces infractions et de s’abstenir à l’avenir de tout accord ou toute pratique concertée susceptibles d’avoir un objet ou un effet identique ou similaire. La Commission leur a également ordonné de mettre fin à tout système d’échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel et de faire en sorte que tout système d’échange de données générales (tel que le système Fides) soit géré de manière à exclure toute donnée permettant d’identifier le comportement de plusieurs producteurs déterminés (article 2 de la décision polypropylène).

9 Une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT, a été infligée à Monte (article 3 de la décision polypropylène).

10 Le 6 août 1986, Monte a introduit un recours en annulation à l’encontre de cette décision devant la Cour. La procédure écrite s’est entièrement déroulée devant la Cour. Par ordonnance du 15 novembre 1989, celle-ci a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, en application de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1).

11 Monte a conclu devant le Tribunal à l’annulation de la décision polypropylène en tant qu’elle s’adresse à elle, à titre subsidiaire, à son annulation en tant qu’elle lui inflige une amende, à titre encore plus subsidiaire, à son annulation en tant qu’elle lui inflige une amende de 11 000 000 écus et à la réduction de l’amende à un montant symbolique ou en tout cas équitable, qui tienne compte au moins de la prescription, et en tout état de cause à la condamnation de la Commission aux dépens, au remboursement des dépens encourus dans le cadre de la procédure administrative, ainsi qu’à la réparation de tous les dommages liés à l’exécution de la décision polypropylène ou à la constitution d’une garantie en cas d’exécution de cette décision, y compris les intérêts et la revalorisation pour les sommes versées à titre d’exécution ou pour la constitution de la garantie.

12 La Commission a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

13 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 1992, Monte a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale et d’ordonner des mesures d’instruction, en raison des déclarations faites par la Commission lors de la conférence de presse tenue le 28 février 1992, après l’arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315, ci-après l'«arrêt PVC du Tribunal»).

L’arrêt attaqué

Sur l’établissement de l’infraction – Constatations de fait

L’accord sur les prix planchers

14 Aux points 68 et 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le texte de la note de l’employé de Hercules, à laquelle la Commission avait fait référence pour établir l’existence d’un accord sur les prix planchers, était clair et dépourvu d’ambiguïté et que Monte n’avait avancé aucun élément de nature à ébranler sa valeur probante.

15 Selon le point 70, le fait que les prix planchers convenus n’aient pas pu être atteints n’est pas de nature à infirmer l’adhésion de Monte à l’accord sur les prix planchers, étant donné que, même à supposer ce fait établi, cela prouverait seulement que ces prix n’ont pas été mis en oeuvre et non qu’ils n’ont pas été convenus. Au point 71, le Tribunal a considéré que les prix planchers ne différaient pas, quant à leur nature, des objectifs de prix fixés ultérieurement par les producteurs de polypropylène.

16 Le Tribunal en a conclu, au point 72, que la Commission avait établi à suffisance de droit que, vers le milieu de l’année 1977, un concours de volontés était intervenu entre plusieurs producteurs, parmi lesquels figurait Monte, portant sur la fixation de prix planchers.

Le système des réunions périodiques

17 Au point 82, le Tribunal a constaté que Monte ne contestait pas sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène et qu’il y avait donc lieu de considérer qu’elle avait participé à l’ensemble des réunions dont la décision polypropylène allègue la tenue. Au point 83, le Tribunal a considéré que la Commission avait pu estimer à bon droit, sur la base des éléments qui avaient été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements et qui avaient été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que l’objet des réunions était, notamment, de fixer des objectifs de prix et de volumes de vente.

18 Le Tribunal a également relevé, au point 84, que le contenu des comptes rendus de réunions émanant d’ICI était confirmé par différents documents, comme un certain nombre de tableaux chiffrés relatifs aux volumes de vente des différents producteurs et comme des instructions de prix correspondant aux objectifs de prix mentionnés dans lesdits comptes rendus, ainsi que – globalement – par les réponses des différents producteurs à la demande de renseignements de la Commission. Par conséquent, selon le point 85, la Commission a pu considérer que les comptes rendus de réunions découverts chez ICI reflétaient assez objectivement le contenu des réunions. Au point 86, le Tribunal a estimé que, dans ces circonstances, c’était à Monte de fournir une autre explication du contenu des réunions auxquelles elle avait participé, en avançant des éléments précis à cet égard, mais il a constaté qu’elle n’avait pas avancé ni offert d’avancer de tels éléments.

19 Selon le point 88 de l’arrêt attaqué, c’est également à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d’ICI relative à la périodicité des réunions de «patrons» et d'«experts», ainsi que de l’identité de nature et d’objet des réunions, que celles-ci s’inscrivaient dans un système de réunions périodiques.

20 En ce qui concerne le rôle particulier joué par les quatre grands dans le système des réunions, le Tribunal a relevé, au point 89, que Monte ne contestait pas que des réunions entre ces entreprises avaient eu lieu aux dates indiquées par la Commission. Selon le point 90, à partir de décembre 1982, ces réunions avaient lieu la veille des réunions de «patrons» et elles avaient pour objet de déterminer les actions que les quatre grands pourraient y prendre ensemble en vue d’aboutir à un relèvement des prix, comme le montre la note d’un employé d’ICI concernant le contenu d’une préréunion du 19 mai 1983 à laquelle avaient participé les quatre grands.

21 Au point 91, le Tribunal en a conclu que la Commission avait établi à suffisance de droit que Monte avait participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre la fin de l’année 1977 et septembre 1983, que ces réunions avaient été présidées par des membres du personnel de Monte jusqu’au mois d’août 1982, qu’elles avaient pour objet, notamment, la fixation d’objectifs de prix et de volumes de vente et qu’elles s’inscrivaient dans un système.

Les initiatives de prix

22 Au point 128, le Tribunal a constaté que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montraient que ceux qui avaient participé à ces réunions y avaient convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision polypropylène. Selon le point 129, dès lors qu’il était établi à suffisance de droit que Monte avait participé à ces réunions, celle-ci ne pouvait affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y avaient été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d’indices de nature à corroborer cette affirmation.

23 Au point 131, le Tribunal a considéré que l’argumentation de Monte, selon laquelle elle n’aurait pas tenu compte des résultats des réunions pour déterminer son comportement sur le marché en matière de prix, ne pouvait être retenue comme indice pour corroborer l’affirmation selon laquelle elle n’avait pas souscrit aux initiatives de prix convenues lors de ces réunions, mais démontrait tout au plus qu’elle n’avait pas mis en oeuvre le résultat des réunions. Au point 132, le Tribunal a relevé que, en tout état de cause, Monte ne pouvait se prévaloir du caractère purement interne de ses instructions de prix, puisque, si ces instructions étaient internes en ce qu’elles avaient été adressées aux bureaux de vente par le siège central, elles avaient été envoyées en vue d’être exécutées et donc de produire directement ou indirectement des effets externes, ce qui leur faisait perdre leur caractère interne.

24 En ce qui concerne le contexte économique dans lequel se sont inscrites les initiatives de prix, le Tribunal a considéré, au point 133, que celui-ci ne permettait pas d’expliquer la concordance des instructions de prix données par les différents producteurs entre elles et leur concordance avec les objectifs de prix fixés lors des réunions de producteurs. Selon le point 134, l’identité de contraintes pesant sur les producteurs quant à certains facteurs de production ne permettait pas non plus d’expliquer la quasi-simultanéité des instructions de prix de Monte et de celles des autres producteurs.

25 En outre, selon le point 135, il ne saurait être question d’une quelconque forme de «price leadership» d’un producteur, dès lors que la Commission a établi à suffisance de droit que ce producteur avait participé avec d’autres à une concertation portant sur les prix. Au point 136, le Tribunal a ajouté que la Commission avait pu déduire à bon droit de la réponse d’ICI à la demande de renseignements que ces initiatives s’inscrivaient dans un système de fixation d’objectifs de prix.

26 Le Tribunal en a conclu, au point 137, que la Commission avait établi à suffisance de droit que Monte figurait parmi les producteurs entre lesquels étaient intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision polypropylène, que celles-ci s’inscrivaient dans un système et que les effets de ces initiatives de prix s’étaient produits jusqu’en novembre 1983.

Les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix

27 Au point 143, le Tribunal a considéré qu’il y avait lieu d’interpréter la décision polypropylène comme faisant grief à chacun des producteurs d’avoir, à divers moments lors des réunions, adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l’offre de polypropylène, ensemble dont l’exécution avait été répartie d’un commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique. Au point 144, le Tribunal a constaté que, en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures avait été adopté, Monte avait souscrit à celui-ci, puisqu’elle n’avait avancé aucun indice de nature à établir le contraire.

28 En ce qui concerne l'«account leadership», le Tribunal a constaté, au point 145, qu’il ressortait des comptes rendus des réunions du 2 septembre 1982, du 2 décembre 1982 et du printemps 1983, auxquelles participait Monte, qu’au cours de celles-ci les producteurs présents avaient adhéré à ce système. Selon le point 146, l’étude produite par Monte, en raison de son caractère excessivement limité, ne permettait pas de démontrer qu’elle n’avait pas joué le rôle d'«account leader» à l’égard des clients pour lesquels elle avait été désignée comme telle.

29 Au points 147 et 148, le Tribunal a constaté que la mise en oeuvre, à tout le moins partielle, de ce système était attestée par le compte rendu de la réunion du 3 mai 1983 et par celui d’une autre réunion du printemps 1983, ainsi que par la réponse d’ICI à la demande de renseignements. Le Tribunal a par ailleurs constaté, au point 149, que Monte ne contestait pas spécifiquement avoir pris part à la décision d’adopter d’autres mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix.

30 Au point 150, le Tribunal en a conclu que la Commission avait établi à suffisance de droit que Monte figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels étaient intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision polypropylène.

Les tonnages cibles et les quotas

31 Le Tribunal a rappelé tout d’abord, au point 175, que Monte avait participé, dès le début, aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles avaient eu lieu des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs et avaient été échangées des informations à ce sujet. Au point 176, il a relevé que, parallèlement à cette participation, le nom de Monte figurait dans des tableaux découverts chez des producteurs de polypropylène, dont le contenu indiquait clairement qu’ils étaient destinés à la définition d’objectifs de volumes de vente. La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux, qui avaient dû être réalisés sur la base d’informations provenant des producteurs et non à partir des statistiques du système Fides, avait été fourni, en ce qui la concerne, par Monte dans le cadre des réunions. Quant au prétendu caractère mensonger de ces informations, le Tribunal a observé, au point 177, d’une part, qu’il était démenti par la mention, sous l’un des tableaux, d’une comparaison entre les chiffres fournis par certains producteurs et les chiffres du système Fides. D’autre part, selon le Tribunal, le caractère éventuellement mensonger des informations tendait à confirmer qu’elles étaient destinées à une prise de décision à la suite des négociations ayant pour objet de concilier des intérêts individuellement contraires, mais globalement convergents. Au point 178, le Tribunal a constaté que la terminologie utilisée dans les tableaux relatifs aux années 1979 et 1980 permettait de conclure que des concours de volontés étaient intervenus entre les producteurs.

32 En ce qui concerne plus particulièrement l’année 1979, le Tribunal a relevé, au point 179, que le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 ainsi que le tableau intitulé «Producer’s Sales to West Europe», saisi chez ICI, indiquaient que le régime initialement envisagé pour l’année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour les trois derniers mois de l’année.

33 Au point 180, le Tribunal a constaté que la fixation, pour l’année 1980, d’objectifs de volumes de vente couvrant l’ensemble de l’année ressortait du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez Atochem SA, ainsi que du compte rendu des réunions de janvier 1981; à cet égard, il a relevé que, si les chiffres figurant dans ces deux sources étaient différents, cela résultait du fait que les prévisions des producteurs avaient dû être révisées à la baisse. Au point 181, il a ajouté que, selon le compte rendu des réunions de janvier 1981, Monte avait fourni ses chiffres de vente pour 1980 afin de les comparer aux volumes de vente définis et acceptés pour 1980.

34 Aux points 182 à 187, le Tribunal a relevé que, pour l’année 1981, il était fait grief aux producteurs d’avoir participé aux négociations en vue d’aboutir à un accord de quotas, d’avoir communiqué leurs «ambitions», d’avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles pour février et mars à 1/12 de 85 % de l'«objectif» convenu pour 1980, de s’être assigné pour le reste de l’année le même quota théorique que l’année précédente, d’avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes et, enfin, d’avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné. Selon le Tribunal, l’existence desdites négociations et la communication des «ambitions» étaient attestées par différents éléments de preuve, tels que des tableaux et une note interne d’ICI; l’adoption de mesures temporaires pendant les mois de février et de mars 1981 résultait du compte rendu des réunions de janvier 1981; le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l’année, le même quota théorique que l’année précédente et aient contrôlé le respect de ce quota en s’échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes était établi par la combinaison d’un tableau daté du 20 décembre 1981, d’un tableau non daté intitulé «Scarti per società» découvert chez ICI et d’un tableau non daté, également découvert chez ICI; selon le Tribunal la participation de Monte à ces différentes activités résultait de sa participation aux réunions aux cours desquelles ces actions avaient eu lieu et de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés.

35 Aux points 188 à 192, le Tribunal a relevé que, pour l’année 1982, il était fait grief aux producteurs d’avoir participé aux négociations en vue d’aboutir à un accord de quotas, d’avoir communiqué leurs «ambitions» en matière de tonnages, d’avoir, à défaut d’accord définitif, communiqué les chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l’année précédente et de s’être efforcés, pendant le second semestre, de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année. Selon le Tribunal, l’existence desdites négociations et la communication des «ambitions» étaient attestées par un document intitulé «Scheme for discussions `quota system 1982'», par une note d’ICI intitulée «Polypropylene 1982, Guidelines», par un tableau daté du 17 février 1982 et par un tableau rédigé en italien qui constituait une proposition complexe; les mesures prises pour le premier semestre étaient établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 et par les déclarations de Monte qui y figurent; l’exécution de ces mesures était attestée par les comptes rendus des réunions des 9 juin, 20 et 21 juillet et 20 août 1982; les mesures prises pour le second semestre étaient prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 et leur maintien était confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982.

36 Le Tribunal a également constaté, au point 193, que, en ce qui concernait les années 1981 et 1982, la Commission avait déduit à bon droit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en oeuvre d’un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.

37 Pour l’année 1983, le Tribunal a constaté, aux points 194 à 200, qu’il résultait des documents produits par la Commission que, à la fin de l’année 1982 et au début de l’année 1983, les producteurs de polypropylène avaient discuté d’un régime de quotas portant sur l’année 1983, que Monte avait participé aux réunions au cours desquelles les discussions avaient eu lieu, qu’elle avait fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes et que la mention «acceptable» figurait à côté du quota mis en regard de son nom dans le tableau 2 joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982, en sorte que Monte avait participé aux négociations organisées en vue de parvenir à un régime de quotas pour l’année 1983. Selon le Tribunal, la Commission a déduit à bon droit de la combinaison du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 et de celui d’une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983, confirmés par deux autres documents mentionnant le chiffre de 11 % comme part de marché pour Shell, que ces négociations avaient conduit à l’instauration d’un tel système. En outre, selon le Tribunal, le fait que les ventes de Monte n’aient pas toujours correspondu aux quotas qui lui avaient été attribués était sans pertinence, puisque la décision de la Commission ne s’appuyait pas sur la mise en oeuvre effective par Monte du système de quotas sur le marché pour établir sa participation à ce système. Le Tribunal a ajouté que, en raison de l’identité d’objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente – à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l’excès d’offre -, la Commission avait pu déduire à bon droit que celles-ci s’inscrivaient dans un système de quotas.

38 Le Tribunal en a conclu, au point 201, que la Commission avait établi à suffisance de droit que Monte figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels étaient intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l’année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision polypropylène et qui s’inscrivaient dans un système de quotas.

Sur l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité

La qualification juridique

39 Le Tribunal a observé, aux points 228 et 229 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait qualifié chaque élément de fait soit, à titre principal, d’accord, soit, à titre subsidiaire, de pratique concertée au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité. Au point 230, en se référant aux arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission (41/69, Rec. p. 661), et du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125), le Tribunal a constaté que, pour qu’il y ait accord au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. La Commission était dès lors en droit de qualifier d’accords les concours de volontés intervenus entre Monte et les autres producteurs et qui portaient sur des prix planchers en 1977, sur des initiatives de prix, sur des mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix, sur des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l’année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par rapport à une période antérieure pour les années 1981 et 1982. En outre, le Tribunal a indiqué, au point 231, que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix avaient continué jusqu’en novembre 1983, avait considéré à bon droit que l’infraction s’était poursuivie jusqu’en novembre 1983 au moins. A cet égard, et en se référant à l’arrêt de la Cour du 3 juillet 1985, Binon (243/83, Rec. p. 2015), le Tribunal a observé que l’article 85 du traité est également applicable aux accords qui ont cessé d’être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle.

40 En vue de définir la notion de pratique concertée, le Tribunal s’est référé, au point 232, à l’arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663). Quant au cas d’espèce, il a constaté, au point 233, que Monte avait participé à des réunions ayant pour objet la fixation d’objectifs de prix et de volumes de vente et comportant des échanges d’informations entre concurrents à ce sujet et qu’elle avait ainsi pris part à une concertation ayant pour objet d’influencer le comportement des producteurs sur le marché et de dévoiler le comportement que chacun d’entre eux envisageait d’adopter lui-même sur le marché. Le Tribunal a ajouté, au point 234, que Monte avait non seulement poursuivi le but d’éliminer par avance l’incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais qu’elle avait nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu’elle entendait suivre sur le marché. De même, selon le Tribunal, ses concurrents avaient nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que Monte leur avait dévoilées sur le comportement qu’elle avait décidé ou qu’elle envisageait d’adopter elle-même sur le marché pour déterminer la politique qu’ils entendaient suivre sur le marché. Le Tribunal en a conclu, au point 235, que, en raison de leur objet, la Commission avait pu qualifier à bon droit, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité les réunions périodiques auxquelles Monte avait participé entre la fin de l’année 1977 et septembre 1983.

41 Quant à l’existence d’une infraction unique, qualifiée à l’article 1er de la décision polypropylène d'«un accord et une pratique concertée», après avoir rappelé, au point 236, que les différentes pratiques concertées et les différents accords s’inscrivaient dans le cas d’espèce, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d’objectifs de prix et de quotas, le Tribunal a souligné, au point 237, que ces systèmes s’inscrivaient à leur tour dans une série d’efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l’évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Selon le Tribunal, il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, Monte avait pris part – pendant des années – à un ensemble intégré de systèmes constituant une infraction unique qui s’était progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.

42 Dès lors, le Tribunal a constaté, au point 238, que la Commission était en droit de qualifier cette infraction unique d'«un accord et une pratique concertée», dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d'«accords» et d’autres devant être qualifiés de «pratiques concertées». Selon le Tribunal, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l’article 1er de la décision polypropylène devait être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présentait les éléments constitutifs d’un accord et d’une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains avaient été qualifiés d’accords et d’autres de pratiques concertées au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe.

L’effet restrictif sur la concurrence

43 Quant à l’argumentation de Monte tendant à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène était dépourvue d’effet anticoncurrentiel, le Tribunal a rappelé, au point 246, que, en tout état de cause, ces réunions avaient eu pour objet de restreindre la concurrence à l’intérieur du marché commun, notamment par la fixation d’objectifs de prix et de volumes de vente, en sorte que sa participation à ces réunions n’était pas dépourvue d’objet anticoncurrentiel au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité.

L’affectation du commerce entre États membres

44 Le Tribunal a relevé, au point 253, que la Commission, à la lumière de l’article 85, paragraphe 1, du traité, n’avait pas l’obligation de démontrer que la participation de la requérante à un accord et à une pratique concertée avait eu un effet sensible sur les échanges entre États membres, mais seulement que les accords et les pratiques concertées étaient susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. A cet égard, et rappelant l’arrêt Van Landewyck e.a./Commission, précité, le Tribunal a constaté que les restrictions de concurrence dans le cas d’espèce étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l’orientation qu’ils auraient autrement connue. Le Tribunal en a conclu, au point 254, que la Commission avait établi à suffisance de droit que l’infraction à laquelle Monte avait participé était susceptible d’affecter le commerce entre États membres, sans qu’il ait été nécessaire qu’elle démontrât que la participation individuelle de Monte avait affecté les échanges entre États membres.

Les faits justificatifs

45 S’agissant des arguments de Monte selon lequel la Commission aurait dû examiner le contenu des accords au regard du contexte économique dans lequel ils s’inséraient et, en tout cas, appliquer la «rule of reason», le Tribunal a rappelé, au point 264, que la Commission avait établi à suffisance de droit que les accords et les pratiques concertées avaient un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors, selon le Tribunal, la pertinence de la question de savoir s’ils avaient eu un effet anticoncurrentiel se limitait à l’appréciation du montant de l’amende. Au point 265, le Tribunal a souligné que le caractère patent de l’infraction s’opposait en tout état de cause à l’application d’une «rule of reason», à supposer qu’une telle règle trouve à s’appliquer dans le cadre du droit communautaire de la concurrence, puisqu’il s’agirait, dans cette hypothèse, d’une infraction per se aux règles de la concurrence.

46 Au point 271, le Tribunal a constaté que Monte ne pouvait se prévaloir de ce que les accords qu’elle avait conclus et les pratiques concertées auxquelles elle avait participé auraient dû bénéficier de l’application de l’article 85, paragraphe 3, du traité. En effet, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n_ 17, Monte aurait tout d’abord dû notifier les accords et les pratiques concertées à la Commission afin de se prévaloir de l’article 85, paragraphe 3, du traité, ce qu’elle n’avait pas fait. Selon le point 272, Monte ne pouvait donc prétendre être victime d’une discrimination par rapport à des entreprises dont les accords auraient été exonérés en vertu de ladite disposition.

47 Monte ayant fait valoir que les mesures prises par les producteurs avaient eu des effets extraordinairement bénéfiques, au prix de très lourdes pertes pour les producteurs, le Tribunal a constaté, aux points 279 et 280, que, à supposer qu’une telle évolution positive du marché ait eu lieu et qu’elle ait une quelconque pertinence en l’occurrence, Monte n’avait, en tout état de cause, pas démontré que cette évolution était imputable aux accords qu’elle avait conclus et aux pratiques concertées auxquelles elle avait participé. Selon le Tribunal, l’argument de Monte, selon lequel les producteurs établis sur le marché auraient pu faire obstacle à l’entrée des nouveaux venus sur le marché, au lieu de canaliser leur arrivée, omettait de prendre en considération le fait que ces nouveaux venus étaient des entreprises de taille considérable qui pouvaient se permettre de subir des pertes, même importantes, pendant plusieurs années pour pénétrer sur le marché du polypropylène.

48 Aux points 286 et 287, le Tribunal a constaté que le principe de répartition des sacrifices entre les entreprises d’un commun accord, invoqué par Monte eu égard à un état de nécessité, s’opposait à la concurrence que l’article 85 du traité a pour objet de préserver. Par conséquent, selon le Tribunal, il n’appartient pas aux entreprises de mettre en oeuvre ce principe sans en référer à l’autorité communautaire compétente et sans respecter les procédures prévues à cet effet.

49 Aux points 295 et 296, le Tribunal a constaté que la vente en dessous du prix de revient peut constituer une forme de concurrence déloyale si elle vise à renforcer la position concurrentielle d’une entreprise au détriment de ses concurrents, mais non si la vente à un prix inférieur au prix de revient résulte du jeu de l’offre et de la demande, comme c’était le cas en l’espèce. Par conséquent, selon le Tribunal, les participants à une entente qui vise à faire passer les prix d’un niveau inférieur au prix de revient à un prix égal ou supérieur à celui-ci ne peuvent se prévaloir de ce que cette entente tendrait à mettre fin à une concurrence déloyale pour justifier leur comportement.

50 Au point 301, le Tribunal a considéré que l’analogie opérée par Monte avec les associations de producteurs et/ou de consommateurs de matières premières, qui auraient stabilisé des marchés, était dépourvue de tout fondement, dès lors que les accords en question constituaient des réglementations publiques de marché, qui ne pouvaient être comparées aux accords conclus en l’espèce par les producteurs de polypropylène.

51 Le Tribunal a constaté, aux points 310 et 311, que les obligations auxquelles Monte prétendait avoir été soumise au titre d’un accord syndical de maintien de l’emploi ainsi que de la déclaration de l’état de crise lui permettant de bénéficier des aides liées à l’application de la loi n_ 675, du 12 août 1977, et qui l’auraient empêchée de procéder aux licenciements qu’elle avait projetés étaient toutes nées plus de trois ans après la conclusion de l’accord sur les prix planchers et avaient été acceptées par Monte pour bénéficier des avantages corrélatifs aux engagements qu’elle prenait. Par conséquent, selon le point 312, celle-ci ne pouvait prétendre que ses obligations l’avaient placée dans une situation rendant inévitable sa participation à des accords et à des pratiques concertées contraires à l’article 85 du traité. Enfin, au point 313, le Tribunal a déclaré irrecevable l’argument avancé par Monte dans sa réplique et pris du chantage que les «brigades rouges» auraient exercé sur elle, en tant que moyen nouveau au sens des articles 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et 42, paragraphe 2, de celui de la Cour.

Sur le montant de l’amende

La prescription

52 Au point 330, le Tribunal a constaté que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), la prescription quinquennale du pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin pour les infractions continues ou continuées. Il résulte des points 331 et 332 que, en l’espèce, Monte a participé, sans interruption, à une infraction unique et continuée (dans la version en italien, langue de procédure, «un’infrazione unica e continuata») à partir de la conclusion de l’accord sur les prix planchers au milieu de l’année 1977 jusqu’au mois de novembre 1983 et ne peut dès lors se prévaloir de la prescription des amendes.

La durée de l’infraction

53 Au point 336, le Tribunal a rappelé que, selon ses constatations, la Commission avait correctement apprécié la période pendant laquelle Monte avait enfreint l’article 85, paragraphe 1, du traité.

La gravité de l’infraction

54 Le Tribunal a constaté, au point 346, que, selon la jurisprudence de la Cour, pour apprécier la gravité d’une infraction en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit prendre en considération non seulement les circonstances particulières de l’espèce, mais également le contexte dans lequel l’infraction se place et veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de la Communauté; il est également loisible à la Commission de tenir compte du fait que des infractions d’un certain type, dont l’illégalité a été établie, sont encore relativement fréquentes en raison du profit que certaines entreprises intéressées peuvent en tirer et, partant, qu’il lui était loisible d’élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif; le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait donc la priver de la possibilité d’élever ce niveau, dans les limites du règlement n_ 17, si cela était nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825).

55 A la lumière de ces considérations, le Tribunal a constaté, au point 347, que la Commission avait qualifié à juste titre d’infractions particulièrement graves et patentes les fixations des objectifs de prix et de volumes de vente ainsi que l’adoption de mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de prix.

56 Aux points 351 à 355, le Tribunal a relevé que, pour déterminer le montant de l’amende, la Commission avait, d’une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision polypropylène (point 108 de celle-ci), qui justifient amplement le niveau général des amendes infligées, et, d’autre part, défini des critères pertinents et suffisants destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de ladite décision). En ce qui concerne cette dernière catégorie de critères, considérés comme pertinents et suffisants, le Tribunal a estimé que la Commission avait suffisamment individualisé, à l’égard de Monte, la prise en compte des critères relatifs au rôle de chaque entreprise dans les arrangements collusoires et à la durée de sa participation et n’avait pas appliqué de façon inéquitable les critères relatifs aux livraisons respectives des différents producteurs de polypropylène dans la Communauté et à leurs chiffres d’affaires totaux.

57 Aux points 361 à 363, le Tribunal a constaté que la Commission avait correctement établi le rôle joué par Monte et qu’elle s’était fondée à bon droit sur ce rôle en vue du calcul de l’amende. En outre, selon le Tribunal, les faits établis révélaient par leur gravité intrinsèque – notamment la fixation d’objectifs de prix et de volumes de vente – que Monte n’avait pas agi par imprudence ni même par négligence, mais de propos délibéré. A cet égard, le Tribunal a relevé que les entreprises impliquées détenaient la quasi-totalité du marché concerné et qu’il était donc manifeste que l’infraction qu’elles avaient commise ensemble avait pu restreindre la concurrence.

58 Le Tribunal a observé, au point 369, que la Commission avait distingué deux types d’effets: d’une part, les instructions de prix que les producteurs avaient adressées à leurs services de vente; d’autre part, l’évolution des prix facturés aux différents clients. Selon le point 370, le premier type d’effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs. En ce qui concerne le second type d’effets, le Tribunal a relevé, au point 371, qu’il ressortait de la décision polypropylène que la Commission avait tenu compte, pour modérer le montant des sanctions, de ce que les initiatives de prix n’avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu’il n’existait pas de mesure de contrainte susceptible d’assurer le respect des quotas ou d’autres arrangements. Le Tribunal en a conclu, aux points 372 et 373, que la Commission avait, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d’effets et tenu compte du caractère limité du second type d’effets, dans une mesure dont Monte n’avait pas démontré qu’elle était insuffisante, que les motifs de la décision de la Commission supportaient son dispositif et qu’il n’y avait aucun indice permettant d’affirmer que la Commission aurait fondé la décision polypropylène sur la prise en compte d’effets plus étendus que ceux qui étaient repris dans l’exposé des motifs de ladite décision, contrairement à ce que Monte prétendait. Il ne saurait dès lors être question de détournement de pouvoir.

59 Le Tribunal a constaté, au point 379, que la Commission avait tenu compte du fait que les entreprises avaient subi des pertes substantielles dans l’exploitation du secteur du polypropylène pendant une longue période et que, de ce fait, elle avait également tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur en vue de déterminer le niveau général des amendes. Il a ajouté, au point 380, que la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires inscrite à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n_ 17 s’appliquait en toute circonstance.

60 Aux points 385 et 386, le Tribunal a rappelé que les différents faits justificatifs invoqués par Monte, et qui tenaient notamment au contexte politique et social national ou aux effets bénéfiques de l’entente, n’étaient pas de nature à anéantir le caractère illicite de son comportement, la participation à une entente ne pouvant constituer un moyen de légitime défense. Selon le Tribunal, la Commission aurait pu éventuellement tenir compte de ces faits à titre de circonstances atténuantes au stade de la fixation des amendes, sans toutefois y être obligée. A cet égard, et pour autant que la requérante fît appel à l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, celui-ci a rappelé que les critères repris au point 108 de la décision polypropylène justifiaient amplement le niveau général des amendes, eu égard notamment au caractère particulièrement patent de l’infraction commise.

61 En conclusion, au point 388, le Tribunal a constaté que l’amende infligée à Monte était adéquate à la durée et à la gravité de la violation des règles de concurrence constatée. Selon le Tribunal, la décision polypropylène n’étant entachée d’aucune illégalité ni d’aucune faute, la responsabilité de la Commission ne saurait être engagée.

Sur la réouverture de la procédure orale

62 Statuant sur la demande de réouverture de la procédure orale mentionnée au point 389, le Tribunal, après avoir entendu à nouveau l’avocat général, a considéré, au point 390, qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner, conformément à l’article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale ou les mesures d’instruction demandées par Monte.

63 Au point 391, le Tribunal a indiqué:

«Il y a lieu de relever que l’arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-92/89, T-89/89, T-91/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315), ne justifie pas en lui-même la réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En effet, le Tribunal constate qu’un acte notifié et publié doit être présumé valide. Il incombe donc à celui qui se prévaut du défaut de validité formelle ou de l’inexistence d’un acte de fournir au Tribunal des raisons de passer outre à l’apparence de validité de l’acte formellement notifié et publié. En l’espèce, les requérantes dans la présente affaire n’ont avancé aucun indice de nature à suggérer que l’acte notifié et publié n’avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège. En particulier, contrairement aux affaires PVC (arrêt du 27 février 1992, précité, T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, points 32 et suivants), les requérantes n’ont avancé, en l’espèce, aucun indice de ce que le principe de l’intangibilité de l’acte adopté aurait été violé par une modification du texte de la décision après la réunion du collège des commissaires au cours de laquelle celle-ci a été adoptée.»

64 Le Tribunal a rejeté le recours et a condamné Monte aux dépens.

La demande de révision et l’ordonnance du Tribunal

65 Par demande déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 1992, Monte a introduit, en vertu des articles 41 du statut CE de la Cour de justice et 125 du règlement de procédure du Tribunal, un recours en révision de l’arrêt attaqué.

66 Par ordonnance du 4 novembre 1992, Montecatini/Commission (T-14/89 Rév., Rec. p. II-2409), le Tribunal a rejeté la demande en révision comme irrecevable.

Le pourvoi

67 Dans son pourvoi, Monte conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— à titre préalable, déclarer le recours recevable;

— à titre principal, annuler entièrement l’arrêt attaqué et renvoyer l’affaire devant une autre chambre du Tribunal pour nouvel examen des faits lorsqu’il a été omis et application des principes de droit exacts lorsqu’ils ont été violés;

— à titre subsidiaire, annuler partiellement l’arrêt attaqué, avec renvoi comme ci-dessus;

— en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens des deux degrés d’instance.

68 Par ordonnance de la Cour du 30 septembre 1992, la société DSM NV (ci-après «DSM») a été admise à intervenir au soutien des conclusions de Monte. DSM conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— annuler l’arrêt attaqué;

— déclarer inexistante ou annuler la décision polypropylène;

— déclarer inexistante ou annuler la décision polypropylène pour tous ses destinataires, à défaut pour DSM, indépendamment du point de savoir si les destinataires de la décision polypropylène ont introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt les concernant ou si leur pourvoi a été rejeté;

— à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le point de savoir si la décision polypropylène est inexistante ou s’il y a lieu de l’annuler;

— en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens, en ce qui concerne tant la procédure devant la Cour que celle devant le Tribunal, y compris les dépens exposés par DSM à l’occasion de son intervention.

69 La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

— rejeter le pourvoi dans son ensemble;

— confirmer le rejet du recours devant le Tribunal;

— condamner Monte aux dépens afférents aux deux niveaux d’instance;

— rejeter l’intervention dans son ensemble comme irrecevable;

— à titre subsidiaire, rejeter comme irrecevables les conclusions de l’intervention visant à ce que la Cour déclare inexistante ou annule la décision polypropylène pour tous ses destinataires, à défaut pour DSM, indépendamment du point de savoir si les destinataires de ladite décision ont introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt les concernant ou si leur pourvoi a été rejeté, et rejeter le reste de l’intervention comme non fondé;

— à titre encore plus subsidiaire, rejeter l’intervention comme non fondée;

— en tout état de cause, condamner DSM aux dépens de l’intervention.

70 A l’appui de son pourvoi, Monte invoque cinq moyens tirés de la violation du droit communautaire, au sens de l’article 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, tenant, en premier lieu, à l’omission de vérifier d’office l’existence de la décision polypropylène; en second lieu, à la violation de l’article 85 du traité; en troisième lieu, à l’établissement des faits; en quatrième lieu, à la violation des règles applicables en matière de prescription, et, en cinquième lieu et à titre subsidiaire, à la détermination du montant de l’amende.

71 Sur demande de la Commission et en l’absence d’objections de la part de Monte, la procédure a été suspendue, par décision du président de la Cour du 27 juillet 1992, jusqu’au 15 septembre 1994 afin d’examiner les conséquences à tirer de l’arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137/92 P, Rec. p. I-2555, ci-après l'«arrêt PVC de la Cour»), rendu à la suite du pourvoi introduit à l’encontre de l’arrêt PVC du Tribunal.

Sur la recevabilité de l’intervention

72 La Commission considère que la demande en intervention de DSM doit être déclarée irrecevable. En effet, DSM aurait expliqué que, en tant que partie intervenante, elle avait un intérêt à faire annuler l’arrêt attaqué en ce qui concerne Monte. Selon la Commission, l’annulation ne saurait profiter à tous les destinataires individuels d’une décision, mais seulement à ceux qui ont formé un recours en ce sens; ce serait précisément une des différences entre l’annulation d’un acte et son inexistence. La négation de cette distinction reviendrait à nier toute force obligatoire aux délais dans lesquels les recours en annulation doivent être introduits. DSM ne pourrait donc pas se prévaloir d’une annulation éventuelle puisqu’elle aurait omis de contester devant la Cour l’arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, DSM/Commission (T-8/89, Rec. p. II-1833), qui la concernait. Par son intervention, DSM ne chercherait ainsi qu’à échapper à un délai de forclusion.

73 L’ordonnance du 30 septembre 1992, précitée, qui a autorisé l’intervention de DSM aurait été rendue à une époque où la Cour ne s’était pas encore prononcée sur la question de l’annulation ou de l’inexistence dans son arrêt PVC. Selon la Commission, après cet arrêt, les vices invoqués, à supposer qu’ils soient fondés, pourraient uniquement comporter l’annulation de la décision polypropylène et non pas la constatation de son inexistence. Dans ces conditions, DSM aurait cessé d’avoir un intérêt à intervenir.

74 Par ailleurs, la Commission s’oppose en particulier à la recevabilité de la conclusion de DSM selon laquelle l’arrêt de la Cour devrait comporter des dispositions déclarant inexistante ou annulant la décision polypropylène pour tous ses destinataires, à défaut pour DSM, indépendamment du point de savoir si ceux-ci ont introduit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt les concernant ou si leur pourvoi a été rejeté. Cette conclusion serait irrecevable, dans la mesure où DSM chercherait à introduire une question qui ne concerne qu’elle, alors que celle-ci ne pourrait prendre le litige que dans l’état dans lequel il se trouve. En vertu de l’article 37, quatrième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, un intervenant ne pourrait que soutenir les conclusions d’une autre partie, sans introduire les siennes. Ce point des conclusions de DSM confirmerait qu’elle vise à utiliser l’intervention pour se soustraire à l’expiration du délai imparti pour former un pourvoi contre l’arrêt DSM/Commission, précité, la concernant.

75 S’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre de l’intervention dans son ensemble, il convient de relever, à titre liminaire, que l’ordonnance du 30 septembre 1992 par laquelle la Cour a admis DSM à intervenir à l’appui des conclusions de Monte ne s’oppose pas à ce qu’il soit procédé à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333).

76 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 37, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, le droit d’intervenir à un litige soumis à la Cour appartient à toute personne justifiant d’un intérêt à la solution de ce litige. En vertu du quatrième alinéa de cette disposition, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties.

77 Or, les conclusions présentées par Monte dans son pourvoi visent, notamment, à obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a omis de constater l’inexistence de la décision polypropylène. Il ressort du point 49 de l’arrêt PVC de la Cour que, par exception à la présomption de légalité dont bénéficient les actes des institutions, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique communautaire doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire doivent être regardés comme juridiquement inexistants.

78 Contrairement à ce que la Commission a soutenu, l’intérêt de DSM n’a pas disparu à la suite de l’arrêt par lequel la Cour a annulé l’arrêt PVC du Tribunal et a considéré que les vices relevés par ce dernier n’étaient pas de nature à entraîner l’inexistence de la décision qui était attaquée dans les affaires PVC. En effet, l’arrêt PVC de la Cour ne concernait pas l’inexistence de la décision polypropylène et n’a donc pas fait disparaître l’intérêt de DSM à obtenir la constatation de cette inexistence.

79 Quant à l’exception soulevée par la Commission à l’encontre du chef des conclusions dans lesquelles DSM demande à ce que la Cour déclare inexistante ou annule la décision polypropylène pour tous ses destinataires, à défaut pour DSM, il convient de constater que ce chef de demande concerne spécifiquement DSM et ne correspond pas aux conclusions de Monte. Dès lors, il ne répond pas aux conditions énoncées à l’article 37, quatrième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, en sorte qu’il doit être déclaré irrecevable.

Sur les moyens invoqués à l’appui du pourvoi

80 A l’appui de son pourvoi, Monte fait valoir premièrement, en se référant aux points 389 à 391 de l’arrêt attaqué, que, pour autant qu’il a omis de vérifier l’existence de la décision polypropylène, le Tribunal a violé les principes régissant la charge de la preuve et a manqué à son obligation de procéder d’office aux vérifications nécessaires. Deuxièmement, en se référant aux points 57 à 202 et 203 à 315 de l’arrêt attaqué, Monte fait valoir que, lors de la constatation des faits soumis à son appréciation et du contrôle de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité à ces faits, le Tribunal a violé ledit article 85 du traité. Troisièmement, eu égard encore aux points 57 à 202, susmentionnés, la requérante fait valoir que, lors de la constatation des faits soumis à son appréciation, le Tribunal a violé les principes applicables en matière de preuve et d’appréciation de la responsabilité individuelle des participants à l’infraction. Quatrièmement, en se référant aux points 236 et 237, ainsi que 328 à 337 de l’arrêt attaqué, Monte fait valoir que le Tribunal a violé les règles applicables en matière de prescription. Cinquièmement et à titre subsidiaire, Monte fait valoir que, en refusant de réduire l’amende qui lui avait été infligée, le Tribunal a violé les règles applicables à la détermination du montant de l’amende.

Quant au défaut de constater l’inexistence de la décision polypropylène ou de l’annuler pour violation de formes substantielles

81 Par son premier moyen, Monte fait grief au Tribunal d’avoir violé les principes régissant la charge de la preuve, ainsi que le principe selon lequel le juge devrait vérifier d’office l’existence de l’acte attaqué et écarter tout acte illégal. Monte souligne que, à la suite de l’affaire PVC devant le Tribunal et des déclarations du porte-parole de la Commission, reprises par la presse, il était devenu clair que, au moment de la signature et donc de l’adoption de la décision polypropylène, certains textes n’existaient pas matériellement et que, entre les textes prêts au moment de la signature et ceux notifiés, il existait des divergences parfois importantes, dues aux interventions des services de la Commission après l’adoption de l’acte. De tels procédés seraient d’autant plus graves lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une décision infligeant une amende.

82 En outre, en l’espèce, Monte aurait toute raison de croire que la décision polypropylène n’a pas été adoptée le 26 avril 1986 dans sa version italienne. Ce vice entraînerait l’inexistence de ladite décision et le Tribunal aurait dû vérifier d’office cet élément, conformément à un principe bien établi dans les ordres juridiques des États membres. Seraient assimilées à l’inexistence toutes les formes les plus graves de nullité, qui produiraient des effets ex tunc et qui seraient imprescriptibles.

83 Monte soutient que la Commission elle-même aurait reconnu l’identité des deux cas PVC et polypropylène lorsqu’elle a demandé que la présente affaire soit suspendue jusqu’à l’arrêt PVC de la Cour. Lorsque la Commission affirme que les vices qui, conformément aux principes énoncés dans cet arrêt, entraînent la nullité et non l’inexistence de la décision auraient dû être allégués avec le recours en première instance, elle oublierait que, dans l’arrêt PVC, la Cour a annulé la décision de la Commission sans que ce vice eût fait l’objet d’un grief spécifique. Or, même s’il s’agissait d’inexistence et non de nullité, la Cour, dans son arrêt PVC, aurait estimé que cela ne modifiait en rien son pouvoir de procéder à l’annulation de la décision attaquée.

84 L’inexistence ne constituerait pas une catégorie indépendante des vices de l’acte administratif, mais seulement une espèce particulière au sein de la catégorie de la nullité. Les actes affectés de vices très importants ne seraient considérés comme inexistants que dans des limites très restreintes et dans des cas extrêmes (voir les conclusions de l’avocat général M. Trabucchi sous l’arrêt du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a., 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, Rec. p. 177). En l’espèce, il n’y aurait pas lieu d’invoquer une constatation d’office du vice de nullité, parce que ce vice aurait été invoqué dans le pourvoi, encore que sous le titre d’inexistence.

85 En l’occurrence, tout comme dans les affaires PVC, il y aurait de sérieux indices que le texte de la décision en langue italienne a été rédigé après l’adoption de la décision et que la décision a fait l’objet de modifications avant la notification à Monte. Le Tribunal aurait donc dû, comme le devrait aujourd’hui la Cour, demander à la Commission la production du texte original de sa décision.

86 DSM expose que de nouveaux développements ont eu lieu dans d’autres affaires devant le Tribunal. Ces éléments confirmeraient qu’il incombe à la Commission de prouver qu’elle a suivi les règles de procédure essentielles qu’elle s’est elle-même fixées et que, pour clarifier ce point, le Tribunal doit, d’office ou sur demande d’une partie, ordonner des mesures d’instruction pour vérifier les preuves documentaires pertinentes. Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-30/91, Rec. p. II-1775 et ICI/Commission (T-36/91, Rec. p. II-1847) ci-après les «affaires carbonate de soude»), la Commission aurait fait valoir que le complément du mémoire en réplique déposé par ICI dans ces affaires après l’arrêt PVC du Tribunal ne contenait aucune preuve quant à la violation par la Commission de son règlement intérieur et que la demande de mesures d’instruction présentée par ICI constituait un moyen nouveau. Le Tribunal n’en aurait pas moins posé des questions à la Commission et à ICI quant aux conséquences à tirer de l’arrêt PVC de la Cour et n’en aurait pas moins demandé à la Commission si, eu égard au point 32 de l’arrêt PVC de la Cour, elle était en mesure de produire les extraits du procès-verbal et les textes authentifiés des décisions contestées. Après d’autres développements de la procédure, la Commission aurait finalement admis que les documents produits comme authentifiés ne l’avaient été qu’après la demande de production formulée par le Tribunal.

87 Selon DSM, dans les affaires dites du «polyéthylène de basse densité» (arrêt du 6 avril 1995, BASF e.a./Commission, T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89, T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89 et T-112/89, Rec. p. II-729, ci-après les «affaires PEBD»), le Tribunal aurait également ordonné à la Commission de produire une version certifiée conforme de la décision qui était contestée. La Commission aurait admis qu’aucune authentification n’avait eu lieu lors de la réunion d’adoption de cette décision par le collège des commissaires. DSM relève, dès lors, que la procédure d’authentification des actes de la Commission doit avoir été mise en place après le mois de mars 1992. Il s’ensuivrait que le même vice tenant au défaut d’authentification doit affecter la décision polypropylène.

88 DSM ajoute que le Tribunal a argumenté d’une manière analogue à celle des affaires polypropylène dans les arrêts du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission (T-34/92, Rec. p. II-905, points 24 à 27), et Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957, points 28 à 31), lorsqu’il a rejeté les moyens des requérantes au motif qu’elles n’avaient pas présenté le moindre indice de nature à mettre en cause la présomption de validité de la décision qu’elles contestaient. Dans l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission (T-43/92, Rec. p. II-441), l’argumentation de la requérante aurait été rejetée au motif que la décision avait été adoptée et notifiée conformément au règlement intérieur de la Commission. Dans aucune de ces affaires, le Tribunal n’aurait rejeté l’argumentation des requérantes tenant à l’irrégularité de l’adoption de l’acte attaqué au motif que les règles de procédure n’avaient pas été respectées.

89 Les seules exceptions résulteraient des ordonnances du 26 mars 1992, BASF/Commission (T-4/89 Rév., Rec. p. II-1591), et du 4 novembre 1992, DSM/Commission (T-8/89 Rév., Rec. p. II-2399); cependant, même dans ces affaires, les requérantes n’auraient pas invoqué l’arrêt PVC du Tribunal comme fait nouveau, mais d’autres faits. Dans l’arrêt du 15 décembre 1994, Bayer/Commission (C-195/91 P, Rec. p. I-5619), la Cour aurait rejeté l’argument de la violation par la Commission de son propre règlement de procédure, car il n’avait pas été valablement présenté devant le Tribunal. En revanche, dans la procédure polypropylène, le même moyen aurait été présenté devant le Tribunal et aurait été rejeté au motif qu’il n’y avait pas d’indices suffisants.

90 DSM considère que la défense de la Commission dans la présente affaire est fondée sur des arguments de procédure qui sont dépourvus de pertinence, eu égard au contenu de l’arrêt attaqué qui, pour l’essentiel, concerne la question de la charge de la preuve. Selon DSM, si, dans les affaires polypropylène, la Commission ne fournit pas elle-même de preuves quant à la régularité des procédures à suivre, c’est parce qu’elle n’est pas en mesure de prouver qu’elle a respecté son propre règlement intérieur.

91 La Commission soutient que, à la suite de l’arrêt PVC de la Cour, la critique émise par Monte se trouve dépassée par les événements. Même s’il devait être admis que l’inexistence doit être constatée d’office, il ressortirait dudit arrêt que Monte n’aurait pu invoquer les prétendus vices de procédure que pour demander l’annulation de la décision polypropylène. Or, les moyens d’annulation devraient être invoqués dans la requête, ce qui n’aurait pas été fait.

92 La Commission souligne que, même s’il devait être considéré que la demande de déclaration d’inexistence inclut celle de nullité, la critique développée par Monte dans le pourvoi, selon laquelle le Tribunal aurait dû agir d’office, a trait au cas de l’inexistence et non à celui de la nullité. Elle ajoute que la procédure dans les affaires polypropylène n’a pas fait apparaître d’éléments de fait analogues à ceux apparus au cours des affaires PVC.

93 Quant aux arguments de DSM, la Commission indique qu’ils comportent un vice irrémédiable, puisqu’ils ne tiennent pas compte des différences entre les affaires PVC et la présente affaire et reposent sur une mauvaise compréhension de l’arrêt PVC de la Cour.

94 Par ailleurs, la Commission persiste à considérer que, dans les affaires carbonate de soude, les requérantes n’avaient pas fourni d’indices suffisants pour justifier la demande de documents adressée par le Tribunal à la Commission. En tout état de cause, tant dans lesdites affaires que dans les affaires PEBD, également invoquées par DSM, le Tribunal se serait prononcé au regard des circonstances particulières de l’espèce dont il était saisi. Dans la procédure polypropylène, de prétendues imperfections de la décision polypropylène auraient pu être signalées dès 1986, mais nul ne l’aurait fait.

95 Si le Tribunal, dans les arrêts Fiatagri et New Holland Ford/Commission et, Deere/Commission, précités, a rejeté les allégations des requérantes formulées en temps utile au motif qu’elles n’étaient pas accompagnées de preuves, la même solution s’imposerait a fortiori dans la présente affaire, dans laquelle les arguments relatifs aux irrégularités formelles de la décision polypropylène ont été formulés tardivement et sans preuves.

96 S’agissant, en premier lieu, des conditions susceptibles de rendre un acte inexistant, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort notamment des points 48 à 50 de l’arrêt PVC de la Cour, les actes des institutions communautaires jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et, partant, produisent des effets juridiques, même s’ils sont entachés d’irrégularités, aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés.

97 Toutefois, par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique communautaire doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire être regardés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité.

98 La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes.

99 Or, tout comme c’était le cas dans les affaires PVC, considérées isolément ou même dans leur ensemble, les prétendues irrégularités invoquées par Monte, qui concernent la procédure d’adoption de la décision polypropylène, n’apparaissent pas d’une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme juridiquement inexistante.

100 Dès lors, en ce qui concerne les conditions susceptibles de rendre un acte inexistant, le Tribunal n’a pas violé le droit communautaire.

101 En second lieu, s’agissant du refus, par le Tribunal, de constater des vices tenant à l’adoption et à la notification de la décision polypropylène, de nature à entraîner son annulation, il suffit de constater que ce moyen a été soutenu pour la première fois dans la demande de réouverture de la procédure et de mesures d’instruction. Par conséquent, la question de savoir si le Tribunal était tenu de l’examiner se confond avec celle de savoir si cette juridiction devait faire droit à ladite demande.

102 A cet égard, et pour autant que cette demande porte sur des mesures d’instruction, il résulte de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts du 16 juin 1971, Prelle/Commission, 77/70, Rec. p. 561, point 7, et du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 53) que, lorsqu’elle est présentée après la clôture de la procédure orale, une telle demande ne peut être retenue que si elle porte sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur la solution du litige et que l’intéressé n’avait pu faire valoir avant la fin de la procédure orale.

103 La même solution s’impose pour ce qui concerne la demande de réouverture de la procédure orale. Il est vrai que, en vertu de l’article 62 du règlement de procédure du Tribunal, cette juridiction dispose, en ce domaine, d’un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, le Tribunal n’est tenu de faire droit à une telle demande que si la partie intéressée se fonde sur des faits de nature à exercer une influence décisive qu’elle n’avait pu faire valoir avant la fin de la procédure orale.

104 En l’espèce, la demande de réouverture de la procédure orale et de mesures d’instruction présentée devant le Tribunal se fondait sur des déclarations faites lors d’une conférence de presse ayant eu lieu après le prononcé de l’arrêt PVC du Tribunal.

105 A cet égard, il convient de constater, d’une part, que des indications à caractère général concernant une pratique supposée de la Commission résultant d’un arrêt rendu dans d’autres affaires ou de déclarations faites à l’occasion d’autres procédures ne pouvaient être considérées, en tant que telles, comme décisives pour la solution du litige dont le Tribunal était saisi.

106 D’autre part, il y a lieu d’observer que la requérante était en mesure de fournir au Tribunal, dès sa requête, au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité des mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction pour les besoins de l’instance afin de prouver que la décision polypropylène avait été prise en violation du régime linguistique applicable ou modifiée après son adoption par le collège des membres de la Commission, ou encore que les originaux faisaient défaut, comme l’ont fait certaines des requérantes dans les affaires PVC (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, points 93 et 94).

107 Il convient d’ajouter que le Tribunal n’était pas tenu d’ordonner la réouverture de la procédure orale en raison d’une prétendue obligation de soulever d’office des moyens tenant à la régularité de la procédure d’adoption de la décision polypropylène. En effet, une telle obligation de soulever d’office des moyens d’ordre public ne saurait éventuellement exister qu’en fonction des éléments de fait versés au dossier.

108 Le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit en refusant de rouvrir la procédure orale et d’ordonner des mesures d’organisation de la procédure et d’instruction.

109 En troisième et dernier lieu, pour autant que la requérante demande à la Cour d’ordonner des mesures d’instruction visant à déterminer les conditions dans lesquelles la Commission a adopté la décision polypropylène, il suffit de relever que de telles mesures sortent du cadre d’un pourvoi, limité aux questions de droit.

110 En effet, d’une part, des mesures d’instruction conduiraient nécessairement la Cour à se prononcer sur des questions de fait et modifieraient l’objet du litige soumis au Tribunal, en violation des dispositions de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

111 D’autre part, le pourvoi ne porte que sur l’arrêt attaqué et ce n’est qu’au cas où celui-ci serait annulé que, conformément à l’article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, cette dernière pourrait statuer elle-même sur le litige. Il s’ensuit que, aussi longtemps que l’arrêt attaqué n’est pas annulé, la Cour n’a pas à connaître d’éventuels vices de la décision polypropylène.

112 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

Quant à la violation de l’article 85 du traité

113 Par son deuxième moyen, Monte fait grief au Tribunal d’avoir violé l’article 85 du traité, tant par rapport à sa lettre que dans l’interprétation qu’en ont donnée la Commission et la Cour.

Les distorsions de concurrence

114 Par la première branche de ce moyen, Monte allègue que le Tribunal a omis de prendre en compte des distorsions de concurrence provoquées par des éléments étrangers aux entreprises et notamment par le contexte économique. Monte aurait fait valoir, dès son recours en première instance, que, vers la fin des années 70, le marché se caractérisait par une situation de surcapacité, aggravée par le triplement du prix du pétrole par le cartel de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (ci-après l'«OPEP»), auquel la Commission n’aurait jamais tenté de s’opposer. Les graves distorsions du marché du polypropylène seraient dues non aux réunions des producteurs, mais aux prix imposés par l’OPEP et proviendraient donc d’éléments étrangers à la conduite des entreprises. Monte se réfère à cet égard à l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, et aux conclusions de l’avocat général M. Mayras sous cet arrêt.

115 Contrairement à ce que prétendrait la Commission, le principe énoncé dans l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, n’aurait pas été dépassé par la jurisprudence ultérieure et notamment par les arrêts Van Landewyck e.a./Commission, précité, ou du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission (240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831).

116 Face à son obligation de considérer le contexte économique, le Tribunal aurait limité la prise en considération du contexte économique à la circonstance, mentionnée au point 257 de l’arrêt attaqué, que tous les fabricants produisaient à perte, négligeant les raisons, l’importance et la durée de cette période négative, due aux facteurs susmentionnés. Par ailleurs, le Tribunal n’aurait nullement considéré l’existence d’instructions formelles données par le gouvernement italien de maintenir les contacts entre les entreprises italiennes et entre celles-ci et les multinationales, ni la force contractuelle supérieure des utilisateurs de polypropylène, ni l’obligation juridique et morale de diminuer les pertes qui incombait aux entreprises concernées.

117 Devant cet ensemble de circonstances, dont chacune aurait pu justifier une interprétation totalement différente de la conduite de Monte, le Tribunal se serait contenté d’indiquer, au point 264, que la Commission avait établi à suffisance de droit que les accords et les pratiques concertées constatés avaient un objectif anticoncurrentiel. Or, Monte allègue qu’aucun accord et aucune pratique concertée n’ont jamais été constatés, la Commission n’ayant pu établir que l’existence de réunions. Ce serait donc en ignorant toutes les circonstances de fait que le Tribunal aurait pu confirmer l’appréciation des faits supposés par la Commission. Ce faisant, il aurait violé le principe réaffirmé par la Cour dans l’arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission (C-53/92, Rec. p. I-667), selon lequel, lorsque le raisonnement de la Commission est fondé sur une supposition, il suffit au requérant qui nie l’existence de la violation d’établir des circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits constatés par la Commission et permettent ainsi de substituer une autre explication des faits à celle retenue par la Commission.$

118 La Commission rétorque qu’aucun texte ou principe général n’autorise les entreprises à violer l’article 85 du traité en réaction à l’activité anticoncurrentielle de tiers. Selon l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, la Commission aurait dû tenir compte des effets de la réglementation d’un État membre, alors que l’activité de l’OPEP ne ferait pas l’objet d’une telle réglementation. Ledit arrêt serait d’ailleurs dépassé sur ce point par les arrêts Van Landewyck e.a./Commission et Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, précités, dans lesquels la Cour aurait examiné si la réglementation nationale excluait en pratique toute possibilité de concurrence. Or, l’augmentation du prix du pétrole n’aurait pas exclu en soi la concurrence entre les producteurs de polypropylène, qui aurait en revanche été réduite par les ententes constatées par la Commission et par le Tribunal. En tout état de cause, les invitations provenant de l’administration italienne et la difficulté d’atteindre en pratique les objectifs de prix poursuivis par l’entente ne sauraient excuser la violation de l’article 85 du traité.

119 Premièrement, il convient de rappeler que, en vertu des articles 168 A du traité CE (devenu article 225 CE) et 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi ne peut s’appuyer que sur des moyens portant sur la violation des règles de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits. L’appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve produits devant lui ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt Hilti/Commission, précité, points 10 et 42).

120 Il en résulte que, pour autant qu’il viserait l’appréciation que le Tribunal a faite des éléments de preuve qui lui ont été soumis, ce grief ne peut être examiné dans le cadre d’un pourvoi.

121 Deuxièmement, pour autant que Monte reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du contexte économique pour apprécier les effets de l’infraction, il importe de relever que le Tribunal, ayant considéré que la Commission avait établi à suffisance de droit que les accords et les pratiques concertées constatés avaient un objet anticoncurrentiel, a pu estimer à juste titre qu’il n’était pas nécessaire d’examiner si ces accords et ces pratiques avaient eu des effets sur les conditions de concurrence.

122 En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, aux fins de l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue dès lors qu’il apparaît qu’il a pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence (arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496; voir, également, en ce sens, arrêts du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici/Commission, C-277/87, Rec. p. I-45, et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 14 et 15).

123 De même, une pratique concertée relève de l’article 85, paragraphe 1, du traité, même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché.

124 D’abord, il découle du texte même de ladite disposition que, comme dans le cas des accords entre entreprises et des décisions d’associations d’entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu’elles ont un objet anticoncurrentiel.

125 Ensuite, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n’implique pas nécessairement que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence.

126 Enfin, l’interprétation retenue n’est pas incompatible avec le caractère restrictif de l’interdiction édictée à l’article 85, paragraphe 1, du traité (voir arrêt du 29 février 1968, Parke Davis, 24/67, Rec. p. 81, 109), dès lors que, loin d’étendre son champ d’application, elle correspond au sens littéral des termes employés dans ladite disposition.

127 Troisièmement, pour autant que la critique émise par Monte tend à démontrer que, en raison de circonstances extérieures à la conduite des entreprises impliquées, les accords et les pratiques concertées faisant l’objet de la décision polypropylène ne pouvaient avoir aucun objet anticoncurrentiel, il y a lieu de relever que les allégations de Monte, à supposer même qu’elles soient fondées, ne sont pas de nature à prouver que le contexte économique excluait toute possibilité de concurrence efficace (voir, en ce sens, arrêts précités Van Landewyck e.a./Commission, point 153, et Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, points 24 à 29).

128 Quatrièmement, dans la mesure où Monte fait grief au Tribunal d’avoir négligé les invitations qui lui avaient été adressées par le gouvernement italien, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si une pression irrésistible exercée par les autorités d’un État membre est de nature à exclure la responsabilité d’une entreprise quant à la violation du droit communautaire de la concurrence, il suffit de relever que Monte n’a même pas prétendu avoir subi une telle pression et avoir donc été contrainte de participer à une entente avec les autres producteurs de polypropylène. Cet argument n’est donc pas de nature à exclure la responsabilité de Monte quant aux violations constatées de l’article 85, paragraphe 1, du traité.

129 Il s’ensuit que la première branche de ce moyen doit être rejetée.

La «rule of reason»

130 Par la deuxième branche de ce moyen, Monte fait valoir que, au point 265 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté à tort l’application du principe de la «rule of reason» au seul motif que l’infraction serait manifeste. La doctrine et le Parlement européen auraient critiqué l’attitude de la Commission consistant à considérer la protection de la concurrence en termes purement formels, sans l’éclairage de l’esprit dont les dispositions communautaires sont inspirées. La Cour aurait, à cet égard, toujours soutenu qu’aucune protection de la concurrence ne peut être mise en oeuvre en faisant abstraction du contexte économique et réglementaire, ainsi que des effets des prétendues infractions.

131 Selon Monte, la Commission soutiendrait que le principe de la «rule of reason» est propre à l’ordre juridique des États-Unis d’Amérique et semblerait limiter ce principe à l’obligation qu’aurait le juge d’effectuer une analyse afin d’apprécier si, éventuellement, les avantages procurés à la concurrence ne sont pas supérieurs aux dommages. Selon Monte, d’une part, on ne voit pas pourquoi, pour appliquer la loi de manière rationnelle plutôt qu’insensée, il faudrait recourir à un principe de droit nord-américain. D’autre part, il conviendrait d’abord de rechercher la ratio legis de la règle à appliquer et ensuite d’établir si les comportements sont ou non contraires à cette règle. A cette fin, il serait indispensable d’apprécier le contexte dans lequel lesdits comportements ont été adoptés. Dans le cas d’espèce, à supposer que les réunions aient eu des buts anticoncurrentiels, loin de constituer une constatation de fait, cela serait dépourvu de toute rationalité et de toute vraisemblance. Il ne serait même pas possible d’établir un bilan entre les dommages causés et les avantages apportés à la concurrence, car une proposition de prix plus proche du coût de production ne pourrait être considérée comme un acte portant atteinte à la concurrence, dès lors que l’acheteur est en mesure de refuser cette proposition, menaçant de choisir un autre fournisseur.

132 La Commission rappelle que, à l’argument de Monte selon lequel, pour interpréter l’article 85 du traité, il y aurait lieu d’appliquer la «rule of reason», le Tribunal a répondu que la Commission avait établi à suffisance de droit que l’entente avait un objet anticoncurrentiel au sens de cette disposition. A raison, le Tribunal aurait ajouté que, à supposer que ce principe trouve à s’appliquer dans le cadre du droit communautaire de la concurrence, la Commission aurait pu se dispenser d’analyser l’effet sur la concurrence, car il ne ferait aucun doute qu’une entente sur la fixation des prix, sur la limitation de la production et sur la répartition des marchés constitue une infraction per se. Autrement dit, en raison de la nature extrêmement dommageable d’une telle infraction pour la concurrence, il n’y aurait pas lieu de se demander s’il existe des circonstances positives contrebalançant les effets négatifs. En tout état de cause, la Commission souligne que, en Europe comme aux États-Unis d’Amérique, les ententes horizontales sur les prix sont interdites, même lorsque les entreprises produisent à perte. En pareil cas, les ententes freineraient la nécessaire restructuration de l’offre par le biais de la disparition des entreprises marginales et de la consolidation des plus rentables.

133 A cet égard, il suffit de constater que, à supposer même que la «rule of reason» ait sa place dans le cadre de l’article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne peut en aucun cas exclure l’application de cette disposition dans le cas d’une entente impliquant des producteurs qui détenaient la quasi-totalité du marché communautaire et concernant des objectifs de prix, la limitation de la production et la répartition du marché. Le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit en considérant que le caractère patent de l’infraction s’opposait en tout état de cause à l’application de la «rule of reason».

134 Dès lors, la deuxième branche de ce moyen doit être également rejetée.

La présomption d’illégalité des réunions entre producteurs

135 Par la troisième branche de ce moyen, Monte fait valoir que le Tribunal a estimé à tort, aux points 82 et 91 de l’arrêt attaqué, que, pour un entrepreneur, participer à des réunions entre membres de la même catégorie est en soi délictueux. Il aurait ainsi créé, au mépris des droits de réunion, de la liberté d’opinion, de discussion et d’association, une présomption arbitraire d’illégalité des réunions entre producteurs, qui pourtant n’auraient jamais été secrètes.

136 Selon la Commission, par ce grief, Monte procède à une lecture erronée de l’arrêt attaqué et qui serait également contraire à ce qui ressort dudit arrêt. Ce grief serait donc irrecevable ou du moins manifestement non fondé. Il serait clair que le Tribunal rattache la violation des règles de concurrence non pas à la simple participation à des réunions, mais également au but de ces dernières qui aurait été de fixer des objectifs de prix et de volumes de vente.

137 A cet égard, il convient de rappeler que la liberté d’expression et celle de réunion pacifique et d’association, consacrées respectivement, entre autres, aux articles 10 et 11 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), font partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article F, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne (devenu, après modification, article 6, paragraphe 2, UE), sont protégés dans l’ordre juridique communautaire (voir, en ce sens, arrêt Bosman, précité, point 79).

138 Cependant, il résulte expressément du point 91 de l’arrêt attaqué, auquel Monte a fait référence, que les réunions périodiques des producteurs de polypropylène n’ont pas été jugées contraires à l’article 85, paragraphe 1, du traité, en tant que telles, mais pour autant qu’elles avaient un objet anticoncurrentiel. Par ailleurs, cet objet a été établi par le Tribunal sur la base des preuves mentionnées aux points 83 à 90 de l’arrêt attaqué et non sur le fondement d’une présomption.

139 Il s’ensuit que la troisième branche de ce moyen ne peut davantage être retenue.

La présomption arbitraire d’un lien de causalité

140 Par la quatrième branche de ce moyen, selon Monte, le Tribunal a présumé de manière arbitraire, aux points 132 à 134 de l’arrêt attaqué, qu’il existait un lien de causalité entre deux événements successifs. Pour que la thèse de la Commission ait un sens, il aurait fallu que les réunions engendrent dans le chef des entreprises un comportement différent de celui qu’elles auraient probablement eu en leur absence. Dans le cas d’espèce, il n’y aurait pas eu d’alternative au comportement des entreprises, puisque tous les producteurs auraient subi de lourdes et substantielles pertes financières, qu’elles auraient dû nécessairement réduire. Le comportement incriminé correspondrait alors à un devoir impératif de la part des entreprises, sur le plan tant économique que juridique et éthique. Lorsque des naufragés nagent tous vers la terre qui est en vue, cela ne serait pas le fruit d’un accord, mais l’expression d’un instinct naturel de survie. Les règles de concurrence viseraient à préserver la liberté des entreprises d’effectuer des choix eu égard aux contraintes extérieures et non par rapport aux nécessités qui dérivent de la fonction même de l’entreprise, dont celle de réaliser des bénéfices.

141 La Commission constate que, pour Monte, les réunions devaient avoir un objet différent de celui de créer des engagements réciproques. Ce moyen serait irrecevable, car il tenterait de remettre en question la constatation des faits. Il serait de toute façon non fondé, car le Tribunal aurait considéré, comme la Commission, que les réunions avaient pour but de fixer les prix et les parts de marché, en fondant sa conclusion sur des preuves documentaires.

142 Il y a lieu d’observer que, pour autant que ce grief vise à remettre en cause l’appréciation du Tribunal, figurant au point 133 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le contexte économique ne permet pas d’expliquer la concordance des instructions de prix données par les différents producteurs entre elles et leur concordance avec les objectifs de prix fixés lors des réunions de producteurs, il porte sur l’appréciation des éléments de preuve soumis au Tribunal et ne saurait être examiné par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

143 Dans la mesure où Monte critique l’arrêt attaqué au motif qu’il n’aurait pas tenu compte d’un état de nécessité, de nature à imposer aux entreprises destinataires de la décision polypropylène d’adopter le comportement qui leur a été reproché, il convient de constater que, s’il ne peut être exclu que l’état de nécessité autorise une conduite qui, à défaut, enfreindrait l’article 85, paragraphe 1, du traité, un tel état ne peut en aucun cas résulter de la simple exigence d’éviter une perte économique.

144 Dès lors, la quatrième branche de ce moyen ne peut davantage être accueillie.

La motivation apte à justifier le comportement

145 Par la cinquième branche de ce moyen, Monte souligne, eu égard aux points 232 et 233 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a violé le principe selon lequel, dans le doute entre deux motivations possibles d’un comportement, il faut adopter celle qui est apte à le justifier. Si un comportement parallèle peut avoir une justification différente de la concertation, le juge ne pourrait plus présumer qu’il est provoqué par un accord anticoncurrentiel plutôt que par une autre cause. Monte se réfère à l’arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, Rec. p. 2521). Dans le cas d’espèce, il serait normal que les initiatives des entreprises se soient déroulées avec une certaine simultanéité, s’agissant de la pratique du marché, lequel concernait une matière semi-finie, destinée à des utilisateurs industriels. Il se serait agi là d’une clientèle qui devait programmer les livraisons nécessaires et opérer ses choix d’achat longtemps à l’avance. Dans des marchés de ce type, il serait pratique que les prix soient annoncés par les entreprises selon une périodicité et pour une durée préétablies. Monte observe que le fait que, après l’annonce d’une modification de prix, tous les autres producteurs ont indiqué dans les jours suivants leurs propres prix répond auxdites exigences des utilisateurs et à la pratique du secteur. En outre, il serait de pratique courante qu’une ou plusieurs grandes entreprises fassent fonction de «price-leaders» et précèdent les autres dans la fixation des prix. Cela éliminerait toute suspicion de concertation. En ce qui concerne l’ampleur des augmentations tentées, elles auraient été rendues plus ou moins homogènes par l’obligation de coller à la réalité du marché.

146 Selon la Commission, malgré la référence aux points 232 et 233, la violation alléguée ne peut porter sur aucune partie de l’arrêt, car ni la Commission ni le Tribunal n’ont jamais éprouvé des doutes sur l’interprétation des comportements de Monte. Ce moyen serait dès lors irrecevable, car il serait totalement étranger à l’arrêt attaqué. A cet égard, la Commission se réfère à l’arrêt de la Cour du 22 décembre 1993, Eppe/Commission (C-354/92 P, Rec. p. I-7027), ainsi qu’aux ordonnances de la Cour du 26 avril 1993, Kupka-Floridi/Comité économique et social (C-244/92 P, Rec. p. I-2041), et du 7 mars 1994, De Hoe/Commission (C-338/93 P, Rec. p. I-819), dont il résulterait que, conformément aux articles 51 du statut CE de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit présenter des arguments de droit qui critiquent de manière spécifique un aspect précis de l’arrêt attaqué. Ne répondrait pas à cette exigence le pourvoi qui se borne à répéter les arguments déjà présentés devant le Tribunal sans contenir aucun argument juridique au soutien des conclusions du pourvoi. En effet, cela équivaudrait à une simple demande de réexamen de la requête, qui échapperait à la compétence de la Cour et devrait être rejetée comme irrecevable au sens de l$article 119 du règlement de procédure de la Cour. Rentreraient dans cette catégorie le simple renvoi aux moyens et arguments déjà présentés devant le Tribunal ou la simple affirmation que ce dernier aurait pu juger différemment.

147 A cet égard, il convient de relever, d’une part, que la jurisprudence invoquée par Monte concerne la situation dans laquelle, en présence d’un parallélisme de comportement de plusieurs entreprises sur le marché, il s’agit de déterminer si ce phénomène est l’effet d’une concertation entre ces entreprises ou s’il peut s’expliquer par d’autres raisons. Elle n’est donc pas pertinente en l’espèce, la Commission ayant prouvé à suffisance de droit, selon les constatations du Tribunal, l’existence d’une concertation ayant un objet anticoncurrentiel.

148 D’autre part, le Tribunal a considéré à juste titre, au point 135 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être question d’une forme quelconque de «price leadership» d’un producteur, dès lors que ce producteur a participé avec d’autres à une concertation portant sur les prix.

149 Il résulte de ce qui précède que la cinquième branche de ce moyen doit être également rejetée.

Le devoir de comportement loyal entre les entreprises contraintes de produire à perte

150 Par la sixième branche de ce moyen, Monte critique le rejet, par le Tribunal, de l’argumentation selon laquelle le devoir de comportement loyal imposait aux entreprises d’essayer de réduire leurs pertes et de ne pas pratiquer de «predatory pricing». La thèse exposée au point 295 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la vente en dessous du prix de revient peut constituer une forme de concurrence déloyale si elle vise à renforcer la position concurrentielle d’une entreprise au détriment de ses concurrents, et non quand elle résulte du jeu de l’offre et de la demande, ne s’appliquerait pas au cas d’espèce. Ce dont les entreprises s’accusaient entre elles, ce serait de vendre encore plus que nécessaire au-dessous du prix de revient pour conquérir des clients et contraindre des concurrents à quitter le marché. Les tentatives d’augmenter les prix auraient visé à réduire les pertes et à éviter la solution, hautement illicite, du «predatory pricing». Monte n’aurait jamais affirmé qu’il existait une entente, même ayant pour seul but de ne pas se faire une concurrence déloyale. Au contraire, elle aurait toujours soutenu qu’un comportement déterminé par le contexte économique n’était pas et ne pouvait pas être le résultat de concertations, puisqu’il constituait la seule conduite juridiquement et économiquement obligée.

151 Selon la Commission, Monte aurait soutenu devant le Tribunal qu’un accord entre entreprises dans le but de ne pas pratiquer des prix inférieurs au prix de revient n’est pas contraire à l’article 85 du traité, car il vise à exclure une forme de concurrence déloyale. Cette thèse aurait certes été formulée de manière ambiguë, mais il ne saurait être contesté qu’elle a été soutenue et que le Tribunal y a répondu au point 295 de son arrêt. Dans son pourvoi, Monte se contenterait de reprocher au Tribunal d’avoir retenu un certain contenu de l’entente plutôt que l’autre, en affirmant que les entreprises vendaient en dessous du prix de revient à un niveau plus bas que nécessaire, en sorte qu’elles s’étaient entendues pour vendre à un niveau moins bas, mais toujours en dessous du prix de revient. Cet argument serait irrecevable, car il tendrait, d’une part, à voir réexaminer les faits et, d’autre part, à modifier l’objet du litige devant le Tribunal, en violation de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. En effet, devant le Tribunal, Monte n’aurait pas parlé de vente à un niveau encore inférieur à ce qui était nécessaire. Ce moyen serait de toute façon non fondé, car le Tribunal aurait estimé à bon escient que la seule vente à un niveau de prix inférieur au prix de revient, qualifiable de concurrence déloyale, est celle pratiquée par une entreprise occupant une position dominante afin d’éliminer la concurrence restant sur le marché.

152 A cet égard, il suffit d’observer que ce grief, en ce qu’il porte sur la circonstance que les entreprises concernées vendaient à un niveau encore plus bas que celui résultant du jeu de l’offre et de la demande, doit être rejeté comme irrecevable au double motif qu’il vise à contester les appréciations de fait du Tribunal et qu’il constitue un moyen nouveau, qui modifie l’objet du litige devant le Tribunal, en violation de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

L’application discriminatoire de l’article 85 du traité au profit exclusif des utilisateurs

153 Par la septième branche de ce moyen, Monte considère, en se référant aux points 132 et 237 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a appliqué l’article 85 du traité de façon discriminatoire, exclusivement au profit des utilisateurs, alors que la liberté des producteurs était limitée du fait de leur position entre les fournisseurs de pétrole, qui abusaient d’une position dominante, et les clients, dotés d’une force contractuelle supérieure. A ce propos, elle conteste que le fait d’annoncer une légère augmentation de prix à quelqu’un qui, ayant en main le marché, sait déjà qu’il peut refuser cette augmentation constitue une grave distorsion de la concurrence. Il y aurait là une protection de la concurrence visant à sauvegarder uniquement les intérêts des industries utilisatrices au détriment des autres. Une telle lecture de l’article 85 du traité serait incompatible avec l’article 2 du traité CE (devenu, après modification, article 2 CE), qui donnerait pour mission à la Communauté de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques, une expansion continue et équilibrée et une stabilité accrue. Il serait en effet contraire à toute ratio legis de considérer la situation existant à la suite de l’augmentation du prix du pétrole comme la rencontre normale de la demande et de l’offre, alors que les retombées auraient frappé uniquement les producteurs de polypropylène. Il serait en outre contraire à l’article 2 du traité d’empêcher un secteur économique de réagir contre le pouvoir prédominant d’un autre secteur.

154 La Commission observe sur le fond que, si la formulation générique de ce grief n’est pas une raison suffisante pour entraîner son irrecevabilité, l’article 85 du traité s’applique aux entreprises qui concluent des ententes restrictives de la concurrence et que, si ces ententes portent sur la vente, les acheteurs en profiteront. La Commission ne voit pas en quoi consisterait la discrimination. En tout état de cause, le Tribunal aurait à juste titre jugé que la situation de «marché de l’acheteur» n’exonérait pas de l’obligation de respecter l’article 85 du traité.

155 A cet égard, il suffit de relever, d’une part, ainsi que l’a fait à juste titre la Commission, qu’une décision portant sur des ententes restrictives de concurrence conclues par des vendeurs pourra profiter aux acheteurs sans que cela entraîne une forme quelconque de discrimination. D’autre part, l’application de l’article 85, paragraphe 1, du traité, à de telles ententes n’est pas exclue du seul fait que les acheteurs se trouvent dans une situation favorable sur le marché.

156 Dès lors, la septième branche de ce moyen ne peut davantage être retenue.

Le défaut de prendre en considération la réalité économique

157 Par la huitième branche de ce moyen, Monte soutient, par référence aux points 143, 199 et 200 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal n’a pas pris en considération la réalité économique en retenant le grief de «réduction artificielle de l’offre et d’instauration d’un système de quotas». Elle rappelle que les entreprises produisaient à 60 % de leur capacité et à perte et ne pouvaient vendre davantage qu’en augmentant leurs pertes. Les producteurs auraient dû accepter les conditions imposées par les acheteurs. L’existence d’un système de quotas, dans le cas d’espèce, serait non seulement une infraction non prouvée, mais encore une infraction impossible à réaliser, car la limitation de son quota de vente ne serait possible que pour une entreprise libre de choisir son niveau de production. Or, cette situation ne pourrait se réaliser lorsque l’augmentation du quota signifierait augmenter les pertes en réduisant ultérieurement le prix, tandis que réduire son quota ne voudrait pas dire augmenter le prix, mais seulement augmenter les pertes dérivant de la faible utilisation des installations.

158 La Commission indique que Monte soutient, en substance, les mêmes objections que celles exposées dans la quatrième branche de ce moyen. D’une part, ces allégations seraient irrecevables, car elles viseraient à remettre en question les faits constatés. D’autre part, elles seraient non fondées, puisque la participation de Monte à l’entente se fonderait sur des preuves documentaires.

159 Il convient de constater que cette branche du deuxième moyen comporte, en substance, les mêmes griefs que ceux examinés dans le cadre des première et quatrième branches. Dès lors, elle doit être rejetée pour identité de motifs.

L’introduction de nouveaux éléments d’infraction: le concours de volontés et le but anticoncurrentiel

160 Par la neuvième branche de ce moyen, Monte se réfère aux points 150, 201, 230 et 264 de l’arrêt attaqué et soutient que, en entérinant la thèse de la Commission, le Tribunal a introduit de nouveaux éléments d’infraction, notamment le «concours de volontés» et le «scopo anticoncorrenziale» («but anticoncurrentiel»). Quant au premier, il serait dénué de pertinence lorsqu’il n’est pas le fruit d’un accord ou d’une concertation. Quant au «but anticoncurrentiel», Monte considère que cette possibilité aboutit à sanctionner une conduite licite en soi, qui n’a eu aucun effet prohibé, mais qui avait peut-être des objectifs «anticoncurrentiels». Cela équivaudrait à sanctionner de simples intentions. N’ayant pas constaté l’existence d’un objet ou d’un effet anticoncurrentiel, le Tribunal aurait introduit une troisième condition permettant l’application de l’article 85 du traité, à savoir le but anticoncurrentiel.

161 Selon la Commission, par «concours de volontés», le Tribunal entendait se référer à l’élément fondamental qui permet d’établir l’existence d’un accord au sens de l’article 85 du traité. Quant au «but anticoncurrentiel», le texte italien de l’arrêt attaqué utiliserait un terme alternatif («scopo») pour désigner l’objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. «Scopo» serait ainsi l’équivalent d'«objet». Ce moyen serait par conséquent non fondé.

162 S’agissant, d’une part, du «concours de volontés», il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il ressort clairement de l’arrêt attaqué, cette expression a été utilisée pour décrire un comportement susceptible de recevoir la qualification juridique d’accord au sens de l’article 85, paragraphe 1, du traité. Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, rappelée au point 230 de l’arrêt attaqué, un tel accord résulte de l’expression de la volonté commune, de la part des entreprises concernées, de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir, notamment, arrêts précités ACF Chemiefarma/Commission, point 112, et Van Landewyck e.a./Commission, point 86). Dès lors, le Tribunal, loin de créer de nouvelles formes d’infractions, a utilisé à bon escient l’expression de «concours de volontés» pour désigner un comportement susceptible d’être qualifié d’accord.

163 D’autre part, quant à l’expression «scopo anticoncorrenziale», elle a été utilisée, au point 264 de l’arrêt attaqué, comme synonyme d'«objet anticoncurrentiel», ce qui paraît conforme à la notion d’objet figurant à l’article 85, paragraphe 1, du traité, telle qu’elle résulte d’une comparaison des différentes versions linguistiques de cette disposition, et notamment des versions danoise («formål»), allemande («bezwecken»), finnoise («tarkoituksena»), irlandaise («gcuspóir»), néerlandaise («strekken»), portugaise («objectivo») et suédoise («syfte»).

164 Il y a donc lieu de rejeter ce grief.

L’attribution erronée d’un caractère secret à des données divulguées par la presse spécialisée

165 Par la dixième branche de ce moyen, Monte reproche au Tribunal d’avoir, aux points 175 à 177 de l’arrêt attaqué, faussement attribué un caractère secret à des données, telles celles sur la production, communément divulguées par la presse spécialisée. N’importe qui aurait pu accéder à ces «secrets». La Commission aurait dû prouver que les données étaient rassemblées de manière informelle avant toute divulgation par la presse et expliquer que la connaissance de ces données avait eu pour effet de provoquer des distorsions de la concurrence, ce qu’elle aurait omis de faire.

166 La Commission souligne que ce moyen est irrecevable pour plusieurs raisons. Ni les données auxquelles Monte fait allusion ni la partie de l’arrêt attaqué sur laquelle porte sa critique ne sauraient être déterminées, la mention des points 175 à 177 étant insuffisante à cet effet. En outre, ce moyen tendrait à soulever des questions de fait, dont il ne semblerait d’ailleurs pas qu’elles aient été soulevées devant le Tribunal. Monte tenterait dès lors de modifier l’objet du litige, en violation de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

167 Ce grief portant sur l’appréciation des faits effectuées par le Tribunal, il y a lieu de le rejeter comme étant irrecevable.

L’affectation des échanges

168 Dans le cadre de la onzième branche de ce moyen, Monte observe, par référence aux points 253 et 254 de l’arrêt attaqué, que les échanges n’ont aucunement été affectés, une entreprise ne pouvant pas faire plus que continuer à vendre six ans à perte pour rester sur le marché. Si Monte avait cessé son activité, les courants d’échanges s’en seraient trouvés modifiés, mais sans aucune utilité.

169 Selon la Commission, cette branche du moyen ne comporte aucune argumentation susceptible de critiquer le raisonnement du Tribunal. Elle reviendrait à affirmer que le Tribunal aurait dû juger autrement. Ce moyen serait donc irrecevable conformément à l’arrêt Eppe/Commission, précité, ainsi qu’aux ordonnances Kupka-Floridi/Comité économique et social et De Hoe/Commission, précitées.

170 A cet égard, il importe de constater que ce grief repose sur une mauvaise compréhension de la notion d’affectation du commerce entre États membres. Conformément à la jurisprudence constante, cette condition est remplie lorsque, sur la base d’un ensemble d’éléments de droit et de fait, l’entente constatée permet d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’elle peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 10 juillet 1980, Lancôme, 99/79, Rec. p. 2511, point 23).

171 Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, de sorte que ce dernier grief doit être également rejeté. Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

Quant aux violations du droit communautaire lors de la constatation des faits soumis à l’appréciation du Tribunal

172 Par son troisième moyen, en se référant aux points 82, 86, 89, 129, 144, 146 et 149 de l’arrêt attaqué, Monte fait valoir que, lors de la constatation des faits, le Tribunal a inversé la charge de la preuve, violé les principes de la présomption d’innocence et du caractère personnel de la faute, attribué à Monte des confessions et des aveux inexistants, affirmé sans preuves que les producteurs avaient souscrit à un plan commun et rejeté de manière erronée l’argument incluant le terrorisme des «brigades rouges» parmi les facteurs ayant conditionné le comportement de Monte.

173 Le Tribunal aurait, à tort, affirmé que Monte n’avait pas contesté sa participation aux réunions périodiques de producteurs et qu’il y avait donc lieu de considérer qu’elle avait participé à l’ensemble des réunions. C’est également à tort que le Tribunal aurait ajouté qu’il appartenait à Monte de fournir une autre explication du contenu des réunions auxquelles elle avait participé. Il aurait ainsi renversé la charge de la preuve et introduit une présomption de culpabilité, la participation à une réunion étant pour le Tribunal une adhésion à toutes les initiatives qui sont supposées y avoir été prises. Il incomberait dès lors à l’inculpé de fournir la preuve de son innocence. A ce sujet, Monte observe également que, selon un principe commun à tous les ordres juridiques civilisés, le juge ne peut pas utiliser un aveu présumé en en extrayant seulement les éléments favorables à l’accusation. Il serait illégal de ne s’arrêter qu’à la reconnaissance de l’existence de ces réunions en lui donnant un contenu que Monte aurait toujours nié. Monte aurait, au contraire, démontré que le prétendu système de l'«account leadership» n’avait pas fonctionné en ce qui la concerne, pour un grand nombre de ses prétendus clients préférentiels, sans que la Commission ait pu démontrer qu’il avait été appliqué à d’autres clients. Monte rappelle avoir aussi fourni la preuve que l’évolution de ses prix avait été autonome tant par rapport aux prix de son barème que par rapport aux prix ciblés allégués ou aux prix indiqués par la presse spécialisée. Elle ajoute que le Tribunal lui fait grief de ne pas avoir produit les comptes rendus des réunions rédigés par les membres de son personnel, sans avoir aucun élément pour en affirmer l’existence.

174 Selon la Commission, une fois que la participation de Monte aux réunions était établie et que l’on disposait des comptes rendus des réunions retrouvés auprès d’ICI, il incombait à Monte de fournir une autre explication du contenu desdites réunions. Ce serait là l’application de règles élémentaires relatives à la charge de la preuve. Quant aux comptes rendus du personnel de Monte, la Commission constate que le Tribunal n’a pas affirmé leur existence, mais les a mentionnés en tant qu’exemple des éléments que Monte aurait dû invoquer pour justifier sa participation aux réunions. La Commission constate également que Monte semble vouloir affirmer qu’elle n’a participé à aucune entente, même licite, alors même que cette participation résulte de preuves documentaires. S’agissant du système d'«account leadership», le Tribunal aurait correctement constaté la participation de Monte sur la base des preuves documentaires disponibles. Selon la Commission, Monte oublie que la conclusion du Tribunal porte sur l’existence de l’accord, et non sur sa mise en oeuvre, et que cette constatation est fondée sur un certain nombre de preuves. Elle ajoute que l’éventuel échec de l’accord sur le plan pratique n’aurait de toute façon pas suffi à neutraliser les autres preuves de son existence. Ce moyen serait donc non fondé.

175 A cet égard, il y a lieu de reconnaître d’abord que le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, rappelée au point 137 du présent arrêt et par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article F, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, sont protégés dans l’ordre juridique communautaire.

176 Il convient également d’admettre que, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, notamment, Cour eur. D. H., arrêts Öztürk du 21 février 1984, série A n_ 73, et Lutz du 25 août 1987, série A n_ 123-A).

177 Quant au bien-fondé des griefs formulés par Monte, il y a lieu de relever, en premier lieu, que celle-ci n’a pas contesté, devant le Tribunal, avoir pris part aux réunions mentionnées dans la décision polypropylène, mais a soutenu que ces réunions n’avaient pas la nature et la portée décrites dans ladite décision.

178 Dans ces conditions, le Tribunal a pu estimer à bon droit et sans dénaturer les déclarations de Monte que celle-ci ne contestait pas la matérialité de sa participation aux réunions en question.

179 Il convient de rappeler, en second lieu, que, en cas de litige sur l’existence d’une infraction aux règles de concurrence, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 58).

180 Or, contrairement aux allégations de Monte, le Tribunal ne s’est nullement fondé sur des présomptions pour établir le caractère anticoncurrentiel des réunions en question, mais il s’est appuyé sur les éléments de preuve mentionnés aux points 83 à 85 de l’arrêt attaqué. Son appréciation de ces éléments ne peut être remise en cause dans le cadre d’un pourvoi.

181 Dès lors que, selon les constatations du Tribunal, la Commission avait pu établir que Monte avait participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel, le Tribunal a pu estimer à juste titre qu’il incombait à Monte de fournir une autre explication du contenu de ces réunions. Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas opéré un renversement indu de la charge de la preuve et n’a pas violé la présomption d’innocence.

182 A cet égard, ainsi que la Commission l’a à juste titre relevé, la mention des notes prises par les membres du personnel de Monte au cours des réunions, figurant au point 86 de l’arrêt attaqué, doit être comprise comme un simple exemple des éléments de preuve que Monte aurait pu avancer pour étayer ses thèses quant à la nature et à l’objet des réunions, de sorte que le Tribunal n’a avancé aucune présomption quant à l’existence de ces notes.

183 En troisième lieu, pour autant que Monte vise à contester les constatations figurant aux points 145 à 148 de l’arrêt attaqué et concernant sa participation au système d'«account leadership» et à la mise en oeuvre, à tout le moins partielle, de ce système, son grief porte sur l’appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve produits devant lui et ne peut donc être examiné dans le cadre d’un pourvoi.

184 En quatrième lieu, le Tribunal a à juste titre considéré que l’argument pris du chantage que les «brigades rouges» auraient exercé sur Monte devait être déclaré irrecevable en vertu de l’article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, en tant que moyen nouveau présenté pour la première fois dans la réplique. En effet, le Tribunal a constaté que ce moyen se fondait sur un élément de fait qui ne s’était pas révélé pendant la procédure, mais dès 1981, soit bien avant le début de celle-ci.

Quant à la prescription

185 Selon Monte, qui se réfère aux points 236, 237 et 336 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 2988/74 en matière de prescription, ainsi que la charge de la preuve sur la continuité du comportement, pertinente aux fins de la prescription. Ainsi que l’aurait admis M. le juge Vesterdorf, désigné comme avocat général devant le Tribunal, il n’existerait pas de preuve sur la continuité du comportement entre 1977 et 1983. Cela entraînerait donc la prescription de la période de cinq ans ayant précédé la mise en demeure. Cette prescription ne saurait être interrompue par des actes adressés à d’autres entreprises, une complicité à cet égard n’ayant pas été prouvée. Cette complicité ne pourrait pas consister dans une simple participation à des réunions.

186 Dans sa réplique, Monte ajoute que, en vertu dudit règlement, le Tribunal aurait dû, pour rejeter l’exception de prescription, fonder sa motivation sur la continuité de l’infraction et sur la participation de Monte à cette continuité. A la lumière de l’arrêt attaqué, le seul élément commun à tous les comportements incriminés, retenu par le Tribunal, serait celui de viser un seul but économique, celui de fausser l’évolution normale des prix sur le marché du polypropylène, qui, à son tour, constituerait un comportement continu. En conséquence, le seul élément unificateur de la conduite serait, pour le Tribunal, de «fausser l$évolution normale des prix». Monte observe qu’un marché ayant les caractéristiques déjà décrites ne peut pas être qualifié de «normal», de sorte que les tentatives de réduire les pertes ne pouvaient constituer l’unique dessein unificateur des comportements des entreprises. En outre, le Tribunal n’aurait allégué aucun élément permettant de considérer le comportement de Monte comme continu ou continué. Enfin, le Tribunal aurait dû préciser le nombre de réunions auxquelles aurait participé Monte ainsi que la période au cours de laquelle elle y aurait participé; en l’absence de ces précisions, l’application de la prescription prévue pour les infractions multiples continues ou continuées serait dépourvue de motivation.

187 La Commission estime que ce moyen est irrecevable pour plusieurs raisons. D’une part, il serait impossible de comprendre le raisonnement de Monte et la critique formulée à l’encontre de l’arrêt attaqué. Tandis que le Tribunal aurait qualifié les faits d’infraction unique en mettant en évidence le lien entre les divers comportements des entreprises, il serait question, dans le titre de ce moyen, de violation de la charge de la preuve de la continuité du comportement, puis il serait fait renvoi aux conclusions de M. l’avocat général et, enfin, il serait exclu que des actes adressés à d’autres entreprises puissent interrompre la prescription. La Commission rappelle, à cet égard, qu’une argumentation par renvoi est irrecevable. D’autre part, dans la mesure où le moyen porterait sur la qualification des faits comme infraction unique, il s’agirait d’une question de fait, qui échapperait à la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi.

188 Selon la Commission, Monte a, pour la première fois dans sa réplique, argumenté que, pour exclure la prescription, le Tribunal aurait eu recours à la notion de «continuité du comportement». La Commission s’en remet à la sagesse de la Cour quant à la recevabilité de ces arguments.

189 A cet égard, il importe de relever d’abord que, contrairement aux allégations de Monte, le Tribunal a considéré, au point 202 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait établi à suffisance de droit toutes les constatations de fait opérées par elle dans l’acte attaqué à l’encontre de Monte. Il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que les différents comportements imputés à Monte aient connu une interruption à un moment quelconque.

190 Or, il n’appartient pas à la Cour, statuant dans le cadre d’un pourvoi, de vérifier le bien-fondé de cette appréciation de fait.

191 Le Tribunal a constaté ensuite, aux points 230, 231 et 235 de l’arrêt attaqué, que Monte avait participé à des activités qualifiées d’accords et de pratiques concertées couvrant la période comprise entre 1977 et septembre 1983 et produisant leurs effets, dans le cas des accords, jusqu’en novembre 1983. Il a considéré, aux points 236 et 237, que ces accords et ces pratiques concertées s’inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d’objectifs de prix et de quotas, systèmes qui s’inscrivaient à leur tour dans une série d’efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l’évolution des prix. Il a estimé qu’il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes, alors qu’il s’agit au contraire d’une infraction unique qui s’est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées.

192 La seule critique émise par Monte à cet égard consiste à soutenir que le but économique commun à tous les efforts des entreprises impliquées, que le Tribunal décrit comme étant de «fausser l’évolution normale des prix», était sans objet dans le cas du marché du polypropylène, qui ne pouvait être considéré comme normal.

193 Ce grief ne peut être retenu, dès lors que l’expression «évolution normale des prix» doit être comprise comme désignant l’évolution que les prix auraient eue en l’absence des comportements anticoncurrentiels imputés aux entreprises. La circonstance que le marché du polypropylène de l’époque se trouvât dans une situation de déséquilibre qui ne pouvait être qualifiée de normale est donc sans pertinence.

194 Enfin, au point 331, le Tribunal a estimé que Monte avait participé à une infraction unique et continuée (dans la version en italien, langue de procédure, «un’infrazione unica e continuata») à partir de la conclusion de l’accord sur les prix planchers au milieu de l’année 1977 jusqu’au mois de novembre 1983.

195 A cet égard, il suffit de constater que, si la notion d’infraction continuée a un contenu quelque peu différent dans les ordres juridiques des différents États membres, elle comporte en tout cas une pluralité de comportements infractionnels, ou d’actes d’exécution d’une seule infraction, réunis par un élément subjectif commun.

196 Dès lors, le Tribunal a pu considérer à juste titre que des activités s’inscrivant dans des systèmes et poursuivant un seul objectif constituaient une infraction continuée aux dispositions de l’article 85, paragraphe 1, du traité, en sorte que le délai de prescription quinquennale prévu à l’article 1er du règlement n_ 2988/74 ne pouvait commencer à courir qu’à compter du jour où l’infraction avait pris fin, jour qui, selon les constatations du Tribunal, se situe en novembre 1983.

197 Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les griefs tenant aux actes interrompant la prescription, il y a lieu de conclure que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que Monte ne pouvait se prévaloir de la prescription des amendes.

198 Le quatrième moyen doit donc être également rejeté.

Quant à la détermination du montant de l’amende

199 Par son cinquième moyen, considéré comme subsidiaire, Monte fait grief au Tribunal, eu égard aux points 70, 374, 379 et 385 de l’arrêt attaqué, de ne pas avoir motivé la prétendue prise en compte de faits justificatifs par la Commission dans le calcul de l’amende, d’avoir opéré une assimilation injuste entre entente ou pratique non notifiée et comportements illicites au plus haut degré et de ne pas avoir motivé le refus de lui accorder une réduction substantielle de l’amende. Une infraction qui n’a pas eu d’effets sur le marché serait certainement moins grave que celle qui en a eu. L’amende aurait, outre une fonction dissuasive, également la fonction de rétablir une situation de concurrence équilibrée en infligeant à l’entreprise responsable d’une violation un sacrifice financier en rapport, notamment, avec les bénéfices qu’elle a tirés de sa conduite illicite. Selon Monte, il s’ensuit que, lorsque la constatation de l’infraction n’est pas corroborée par la preuve de l’application concrète des prétendues ententes ni par des données qui démontrent le bénéfice tiré par les entreprises responsables, l’amende doit être calculée avec une prudence particulière, étant donné que, en pareille hypothèse, sa fonction est purement dissuasive. Le Tribunal aurait à tort omis de prendre en considération ces éléments dans son appréciation du caractère proportionné de l$amende.

200 Monte observe en outre qu’il est difficile de comprendre la manière dont le Tribunal a pu apprécier le caractère approprié de l’amende sans résoudre le problème qui en est le préliminaire logique, à savoir celui de la gravité de la violation de l’article 85 du traité. Quant à l’appréciation des effets restrictifs d’une entente, la Commission aurait dû tenir compte de la situation particulière du marché, dominé par les acheteurs. Par ailleurs, elle serait tenue d’apprécier la part spécifique prise par chaque entreprise dans ces effets lorsqu’elle examine la possibilité d’infliger une amende et le calcul de son montant. L’article 15, paragraphe 2, du règlement n_ 17 étant une disposition à caractère répressif, il ne pourrait être appliqué sans établir de manière rigoureuse la responsabilité individuelle de la personne sanctionnée.

201 En accueillant l’argument de la Commission, selon lequel il ne serait pas nécessaire de rechercher si les ententes présumées étaient ou non susceptibles d’être exemptées au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité, le Tribunal aurait négligé de considérer que cet examen était en tout état de cause nécessaire au moins pour établir le niveau de l’amende. Une entente susceptible, en substance, d’être exemptée ne pourrait être sanctionnée de la même manière qu’une autre qui ne le serait pas. Le Tribunal aurait dû relever ce défaut de motivation dans la décision polypropylène.

202 Le Tribunal ne semblerait pas non plus avoir considéré dans son intégralité le moyen de recours relatif au caractère intentionnel de la violation. A cet égard, Monte souligne que l’élément subjectif de l’infraction est une condition indispensable pour pouvoir infliger l’amende et non seulement une circonstance aggravante comme le considère la Commission. Le Tribunal n’aurait pas examiné cet aspect du moyen de recours relatif au caractère intentionnel de l’infraction. Après avoir conclu que Monte avait agi intentionnellement, le Tribunal aurait encore dû examiner si cet élément pouvait être utilisé comme circonstance aggravante susceptible d’entraîner une aggravation de la sanction. Selon Monte, la constatation du caractère intentionnel de l’infraction est un élément important aux fins de l’évaluation de la gravité intrinsèque de la violation et, donc, du montant de la sanction pécuniaire. Le défaut par le Tribunal de prendre en considération cet élément reviendrait par conséquent à un vice de motivation de l’arrêt.

203 La Commission souligne tout d’abord que les points auxquels se réfère Monte ne sont pas vraiment pertinents, tandis qu’aucun argument ne vise les points 365 à 374, dans lesquels le Tribunal prend soigneusement en considération le problème des effets. Une grande importance reviendrait également au point 386 qui, à la lumière également du point 385 (le seul cité par Monte), montrerait que le Tribunal a approuvé tant la liste des circonstances prises en considération par la Commission, y compris la circonstance atténuante selon laquelle les initiatives de prix n’ont généralement pas atteint pleinement leur but, que le niveau de l’amende décidé en prenant ces circonstances en considération.

204 Ensuite, au point 254, le Tribunal aurait estimé que, pour prouver l’existence du préjudice porté aux échanges entre États membres, il fallait prendre en considération les effets de l’entente et non ceux dues à la participation à l’entente de chaque entreprise. A cet égard, la Commission observe qu’il s’agit là de vérifier l’existence de l’une des conditions de l’infraction. En revanche, ce raisonnement du Tribunal ne prouverait nullement que la responsabilité individuelle de l’entreprise aux fins de la détermination de l’amende n’aurait pas été correctement prise en considération.

205 Enfin, quant aux arguments tirés du défaut de tenir compte de la possibilité d’obtenir une décision d’exemption de l’entente au sens de l’article 85, paragraphe 3, du traité, et du défaut d’apprécier si le caractère intentionnel de l’infraction pouvait constituer une circonstance aggravante, la Commission fait valoir qu’ils n’ont pas été soulevés devant le Tribunal et qu’ils sont dès lors irrecevables en vertu de l$article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. De toute façon, le Tribunal aurait souligné à plusieurs reprises la gravité particulière de l’infraction, si bien que la question du caractère au fond exemptable de l’infraction ne se posait pas.

206 En premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte expressément des points 369, 371 et 372 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission avait, à juste titre, tenu compte du caractère limité des effets de l’infraction quant à l’évolution des prix facturés aux différents clients. Le grief formulé par Monte à cet égard n’est donc pas fondé.$

207 En second lieu, il est certes de jurisprudence que, pour autant qu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation de chacune d’entre elles (voir, en ce sens, arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, point 623). Cependant, le Tribunal a constaté, au point 361 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait correctement établi le rôle joué par Monte dans l’infraction et qu’elle s’était fondée à bon droit sur ce rôle en vue du calcul de l’amende à infliger à Monte. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit à cet égard.

208 En troisième lieu, le grief tenant au défaut de vérifier si l’entente pouvait être exemptée au titre de l’article 85, paragraphe 3, du traité, est irrecevable en tant que moyen nouveau, qui modifie l’objet du litige devant le Tribunal, en violation de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

209 En quatrième et dernier lieu, il ressort du point 362 de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, les faits établis révèlent, par leur gravité intrinsèque, que Monte n’a pas agi par imprudence ni même par négligence, mais de propos délibéré. Il est donc manifeste que, en se prononçant sur l’amende infligée à Monte, le Tribunal a pris en compte l’élément intentionnel de l’infraction en tant que circonstance aggravante, de sorte que la critique émise par Monte est dépourvue de fondement.

210 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être également rejeté.

211 Aucun des moyens présentés par Monte n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

212 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Monte ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. DSM supportera ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Montecatini SpA est condamnée aux dépens. 3) DSM NV supportera ses propres dépens.

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CJCE, n° C-235/92, Arrêt de la Cour, Montecatini SpA contre Commission des Communautés européennes, 8 juillet 1999