CJCE, n° C-9/99, Arrêt de la Cour, Echirolles Distribution SA contre Association du Dauphiné e.a, 3 octobre 2000

  • Législation nationale sur le prix des livres·
  • Politique économique et monétaire·
  • Obligations des états membres·
  • Communauté européenne·
  • Règles communautaires·
  • Concurrence·
  • Marché intérieur·
  • Livre·
  • Éditeur·
  • Prix

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 3 oct. 2000, Échirolles Distribution, C-9/99
Numéro(s) : C-9/99
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 3 octobre 2000. # Echirolles Distribution SA contre Association du Dauphiné e.a. # Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Grenoble - France. # Législation nationale sur le prix du livre. # Affaire C-9/99.
Date de dépôt : 18 janvier 1999
Précédents jurisprudentiels : 14 juillet 1998, Bettati ( C-341/95
arrêt du 7 mai 1997, Pistre e.a., C-321/94 à C-324/94, Rec. p. I-2343
Cour dans l' arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc et Thouars Distribution, 229/83
Cour ( sixième chambre ) du 3 octobre 2000. - Echirolles Distribution SA contre Association du Dauphiné e.a .. - Demande de décision préjudicielle:Cour d'appel de Grenoble - France. - Législation nationale sur le prix du livre. - Affaire C-9/99
Sodiprem e.a. ( C-37/96 et C-38/96
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61999CJ0009
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2000:532
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61999J0009

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 3 octobre 2000. – Echirolles Distribution SA contre Association du Dauphiné e.a.. – Demande de décision préjudicielle: Cour d’appel de Grenoble – France. – Législation nationale sur le prix du livre. – Affaire C-9/99.


Recueil de jurisprudence 2000 page I-08207


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Concurrence – Règles communautaires – Législation nationale sur le prix des livres – Compatibilité postérieurement à l’intégration dans le traité CE des dispositions relatives au marché intérieur

(Traité CE, art. 3, c) et g), 7 A, 30 et 36 (devenus, après modification, art. 3, c) et g), CE, 14 CE, 28 CE et 30 CE), art. 3 A, 5, 85, 102 A et 103 (devenus art. 4 CE, 10 CE, 81 CE, 98 CE et 99 CE) et art. 14 (abrogé par le traité d’Amsterdam))

Sommaire


$$Les articles 3, sous c) et g), du traité (devenu, après modification, article 3, sous c) et g), CE), 3 A et 5 du traité (devenus articles 4 CE et 10 CE), 7 A, second alinéa, du traité (devenu, après modification, article 14, paragraphe 2, CE) ainsi que 102 A et 103 du traité (devenus articles 98 CE et 99 CE) ne s’opposent pas à l’application d’une législation nationale qui oblige les éditeurs à imposer aux libraires un prix fixe du livre à la revente.

En effet, l’article 3 du traité, qui détermine les domaines et les objectifs sur lesquels porte l’action de la Communauté, énonce des principes généraux du marché commun, qui sont appliqués en combinaison avec les chapitres respectifs du traité destinés à mettre en oeuvre ces principes.

L’Acte unique européen a, quant à lui, inséré un article 8 A (devenu article 7 A du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 14 CE), qui définit le marché intérieur et prévoit des mesures en vue de son établissement. Le marché intérieur constitue désormais l’un des objectifs de la Communauté (article 3, sous c), du traité).

Ces dispositions définissent également des objectifs généraux et doivent être lues en combinaison avec les dispositions du traité destinées à mettre en oeuvre ces objectifs. Dès lors que les articles 30 et 36 du traité (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) et 85 du traité (devenu article 81 CE) n’ont pas été modifiés, leur interprétation faite par la Cour dans l’arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc et Thouars Distribution, 229/83, en combinaison avec l’article 5 du traité, ne saurait être remise en question.

S’agissant des articles 3 A, 102 A et 103 du traité, qui se réfèrent à la politique économique, laquelle doit être menée dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre (articles 3 A et 102 A), ils constituent des dispositions qui n’édictent pas à la charge des États membres des obligations claires et inconditionnelles pouvant être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales. En effet, il s’agit d’un principe général qui exige pour son application des appréciations économiques complexes qui relèvent de la compétence du législateur ou de l’administration nationale. (voir points 22-25, disp.)

Parties


Dans l’affaire C-9/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la cour d’appel de Grenoble (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

chirolles Distribution SA

et

Association du Dauphiné e.a.,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 3, sous c) et g), du traité CE [devenu, après modification, article 3, sous c) et g), CE], 3 A et 5 du traité CE (devenus articles 4 CE et 10 CE), 7 A, second alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 14, deuxième alinéa, CE) ainsi que 102 A et 103, paragraphes 3 et 4, du traité CE (devenus articles 98 CE et 99, paragraphes 3 et 4, CE),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), président de chambre, R. Schintgen, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et V. Skouris, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Échirolles Distribution SA, par Me P. Clément-Cuzin, avocat au barreau de Grenoble,

— pour l’Association du Dauphiné, l’Association des libraires de bandes dessinées, Momie Folie SARL et l’Union des libraires de France, par Mes P. Simoneau et C. Cochet, avocats au barreau de Lille,

— pour le gouvernement français, par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. F. Million, chargé de mission à la même direction, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement hellénique, par M. G. Kanellopoulos, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l’État, et Mme E.-M. Mamouna, auditeur au service juridique spécial – section de droit européen communautaire du ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, Oberrätin à la Chancellerie, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement norvégien, par M. J. Bugge-Mahrt, directeur général adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Wils, membre du service juridique, et O. Couvert-Castéra, fonctionnaire national mis à la disposition de ce service, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Échirolles Distribution SA, représentée par Me L. Germain Phion, avocat au barreau de Grenoble, de l’Association du Dauphiné e.a., représentées par Mes P. Simoneau et C. Cochet, du gouvernement français, représenté par M. F. Million, du gouvernement hellénique, représenté par Mme G. Paraskevopoulou, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l’État, en qualité d’agent, du gouvernement autrichien, représenté par M. T. Kramler, Magister, Verfassungsdienst à la Chancellerie, en qualité d’agent, et de la Commission, représentée par M. W. Wils, à l’audience du 6 avril 2000,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 juin 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par arrêt du 13 janvier 1999, parvenu à la Cour le 18 janvier suivant, la cour d’appel de Grenoble a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l’interprétation des articles 3, sous c) et g), du traité CE [devenu, après modification, article 3, sous c) et g), CE], 3 A et 5 du traité CE (devenus articles 4 CE et 10 CE), 7 A, second alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 14, deuxième alinéa, CE) ainsi que 102 A et 103, paragraphes 3 et 4, du traité CE (devenus articles 98 CE et 99, paragraphes 3 et 4, CE).

2 Cette question a été posée dans le cadre d’un litige opposant la société Échirolles Distribution SA, qui exploite un fonds de commerce sous l’enseigne «Centre Leclerc» (ci-après «Échirolles»), à M. Corbet, libraire, et à l’Association du Dauphiné e.a., à propos de la mise en vente par Échirolles de livres à un prix inférieur de plus de 5 % à celui fixé par l’éditeur ou l’importateur.

La législation nationale

3 L’article 1er de la loi n_ 81-766, du 10 août 1981, relative au prix du livre (JORF du 11 août 1981, ci-après la «loi du 10 août 1981»), dispose:

«Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres est tenue de fixer, pour les livres qu’elle édite ou importe, un prix de vente au public.

Ce prix est porté à la connaissance du public. Un décret précisera, notamment, les conditions dans lesquelles il sera indiqué sur le livre et déterminera également les obligations de l’éditeur ou de l’importateur en ce qui concerne les mentions permettant l’identification du livre et le calcul des délais prévus par la présente loi.

Tout détaillant doit offrir le service gratuit de commande à l’unité. Toutefois, et dans ce seul cas, le détaillant peut ajouter au prix effectif de vente au public qu’il pratique les frais ou rémunérations correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par l’acheteur et dont le coût a fait l’objet d’un accord préalable.

Les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l’éditeur ou l’importateur.

Dans le cas où l’importation concerne des livres édités en France, le prix de vente au public fixé par l’importateur est au moins égal à celui qui a été fixé par l’éditeur.

(L. n_ 85-500, 13 mai 1985, art. 1er.) Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables aux livres importés en provenance d’un État membre de la Communauté économique européenne, sauf si des éléments objectifs, notamment l’absence de commercialisation effective dans cet État, établissent que l’opération a eu pour objet de soustraire la vente au public aux dispositions du quatrième alinéa du présent article.»

Le litige au principal

4 Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 12 décembre 1997, Échirolles a été condamnée à payer diverses sommes, à titre de dommages et intérêts, aux défendeurs au principal pour avoir mis en vente des livres à un prix inférieur de plus de 5 % à celui fixé par l’éditeur ou l’importateur, contrairement aux dispositions de l’article 1er, quatrième alinéa, de la loi du 10 août 1981.

5 Dans l’appel interjeté de ce jugement devant la cour d’appel de Grenoble, Échirolles a demandé que la Cour de justice soit saisie d’une question préjudicielle en vue de statuer sur la compatibilité de la législation française avec les règles relatives à «un marché intérieur étendu à l’ensemble des États de l’Union», tel que prévu aux articles 3, sous g), 5 et 7 A du traité.

6 Les défendeurs au principal ont soutenu que, selon la jurisprudence de la Cour, la loi du 10 août 1981 est conforme aux articles 30, 34 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE, 29 CE et 30 CE) et que la Cour a jugé que, en l’absence d’une politique communautaire de concurrence dans le secteur des livres, les obligations des États membres découlant des articles 3, 5 et 85 du traité CE (devenu article 81 CE) n’étaient pas suffisamment déterminées pour leur interdire d’édicter une législation prévoyant une fixation du prix du livre.

7 Dans l’arrêt de renvoi, il est rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour, la pratique des prix imposés du livre est sanctionnée par le droit communautaire comme contraire soit à l’article 85 du traité lorsqu’elle résulte d’une concertation des professionnels (arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19), soit aux articles 30 et 36 du traité lorsqu’elle entrave le commerce entre États membres. La juridiction nationale rappelle également que la législation française a déjà fait l’objet de plusieurs amendements en raison des réponses données par la Cour à plusieurs questions préjudicielles auxquelles elle a donné lieu (certaines ont été à l’origine du décret n_ 90-73, du 10 janvier 1990, et d’une circulaire de la même date) et que le fait que la Commission n’a plus pris aucune mesure permet de penser que cette législation ne méconnaît plus les règles communautaires relatives à la libre circulation des marchandises.

8 La juridiction de renvoi indique, ensuite, que la Cour a dit pour droit, dans l’arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc et Thouars Distribution (229/83, Rec. p. 1), que, en l’état actuel du droit communautaire, l’article 5, second alinéa, en combinaison avec les articles 3, sous f), du traité CEE [devenu article 3, sous g), du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 3, sous g), CE] et 85 dudit traité, n’interdit pas aux États membres d’édicter une législation selon laquelle le prix de vente au détail des livres doit être fixé par l’éditeur ou l’importateur d’un livre et s’impose à tout détaillant. Elle relève que, au point 20 de cet arrêt, la Cour s’est référée à l’absence de politique communautaire de concurrence concernant des systèmes ou pratiques purement nationaux dans le secteur des livres que les États membres seraient tenus de respecter en vertu de leur devoir de s’abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité. Elle met en exergue le fait que la Cour a pris soin de se référer à l’état du droit communautaire au moment où elle statuait.

9 Se référant à la question préjudicielle telle que proposée par Échirolles, la juridiction de renvoi constate que, lorsque la Cour s’est prononcée sur la compatibilité de la législation française avec le droit communautaire, l’article 3, sous c), du traité ne mentionnait pas le marché intérieur et l’article 7 A du traité n’existait pas. Elle considère que, pour apprécier la pertinence d’une éventuelle question préjudicielle, il faut rechercher si la notion de marché intérieur se limite à un marché où les marchandises circulent librement d’un État membre à l’autre ou s’il s’agit d’un marché unique dont les règles relatives au fonctionnement s’imposent aux États membres comme aux particuliers.

10 À cet égard, la cour d’appel déduit du fait que le principe de la libre circulation des marchandises figurait dans l’article 3, sous c), du traité CEE avant l’introduction de la notion de marché intérieur que ce dernier ne peut être assimilé à un espace de libre circulation des marchandises, ce qui réduirait la volonté du législateur communautaire. Un tel marché avait d’ailleurs déjà été considéré, au point 33 de l’arrêt du 5 mai 1982, Schul, 15/81, Rec. p. 1409, comme la fusion des marchés nationaux dans un marché unique, fusion qui paraît mettre un terme au pouvoir pour un État de constituer sur son territoire une zone de non-concurrence pour un produit déterminé en obligeant les fabricants (les éditeurs) à fixer un prix auquel les revendeurs (les libraires) ne peuvent pas déroger de façon significative en prenant en compte la position de l’acheteur sur le marché.

11 Elle considère également que la constatation contenue au point 20 de l’arrêt Leclerc et Thouars Distribution, précité, aurait perdu sa pertinence dès lors que le «marché intérieur», à la différence du marché commun de l’article 2 du traité CE (devenu, après modification, article 2 CE), est devenu, en vertu de l’article 3, sous c) et g), du traité, une notion de droit positif.

12 Cette juridiction ajoute que le «marché intérieur» semble être un instrument déjà acquis au service de l’objectif de «cohésion économique et sociale» visé à l’article B, premier tiret, du traité sur l’Union européenne (devenu, après modification, article 2, premier tiret, UE) et se réfère également au «respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre» (énoncé aux articles 3 A et 102 A et rendu effectif par l’article 103, paragraphes 3 et 4, du traité), considérant que ces règles paraissent édicter, pour les États membres, des obligations claires et inconditionnelles caractéristiques du droit positif.

13 Ensuite, la cour d’appel relève que le marché intérieur unique, régi par un principe d’économie de marché où la concurrence est libre, ne paraît pas connaître d’exception au bénéfice du livre, ainsi qu’il résulte du point 30 de l’arrêt Leclerc et Thouars Distribution, précité. Elle relève également que la décision 97/C 305/02 du Conseil, du 22 septembre 1997, relative à un système transfrontière de prix fixes du livre dans les zones linguistiques européennes (JO C 305, p. 2), qui reconnaît «le caractère dualiste du livre, à la fois support de valeurs culturelles et bien économique négociable», prend en considération «l’ajout de l’article 128 paragraphe 4 au traité», lequel donne de la notion de culture une définition dirigée surtout vers la création artistique et littéraire. Selon la juridiction de renvoi, la législation française sur le prix du livre est générale et inclut les livres techniques, en renchérissant ainsi le coût de l’activité des entreprises où l’information livresque est nécessaire et importante et qui sont privées du droit à la concurrence (juristes, médecins, architectes). La Commission a été invitée à prendre en considération de tels éléments pour «évaluer de manière équilibrée les aspects culturels et économiques du livre».

14 Sans toutefois pouvoir attendre une modification future du droit communautaire quant au prix du livre et Échirolles ayant indiqué que la création du marché intérieur pouvait conduire la Cour de justice à modifier ses décisions antérieures rendues par référence à l'«état actuel du droit communautaire», la cour d’appel de Grenoble a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La législation française obligeant les éditeurs à imposer aux libraires un prix fixe de revente des livres, quel que soit leur contenu, tant aux consommateurs qu’aux acquéreurs à but professionnel, est[-elle] compatible avec le marché intérieur mis en place le 1er janvier 1993 et notamment avec les articles 3, sous c) et g), 3 A, 5, 7 A, second alinéa, 102 A et 103 paragraphes 3 et 4 du traité instituant la Communauté économique européenne tel que modifiés par l’Acte unique européen et le traité sur l’Union européenne?»

Sur la question préjudicielle

15 Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, la Cour, dans le cadre de l’article 177 du traité, ne peut être valablement saisie que des questions relatives à l’interprétation et à la validité du droit communautaire, l’appréciation des dispositions de droit national incombant à la juridiction nationale, à la lumière de la décision préjudicielle (voir, notamment, arrêt du 30 avril 1998, Sodiprem e.a. (C-37/96 et C-38/96, Rec. p. I-2039, point 22).

16 Dès lors, il y a lieu de comprendre la question préjudicielle en ce sens que la juridiction de renvoi demande si les articles 3, sous c) et g), 3 A, 5 et 7 A, second alinéa, ainsi que 102 A et 103 du traité s’opposent à l’application d’une législation nationale qui oblige les éditeurs à imposer aux libraires un prix fixe du livre à la revente.

17 Échirolles soutient, en premier lieu, que la loi du 10 août 1981, ayant créé une zone de non-concurrence, est contraire à la notion de marché impliquant la confrontation de l’offre et de la demande. Si l’adoption d’une loi établissant un système de prix fixe du livre répond aux préoccupations du législateur français de protéger le livre en tant que support de création artistique et littéraire, l’adoption d’une telle loi ne tiendrait toutefois pas compte du fait que, étant de portée générale, elle s’appliquerait également aux livres techniques qui n’ont pas besoin d’une telle protection.

18 Échirolles relève également l’existence d’un lien entre le livre, considéré comme support culturel, et l’économie, ainsi qu’il résulte, notamment, de la hausse des prix du livre et des actions des sociétés d’édition d’ouvrages qualifiés de littéraires, provoquée par la loi du 10 août 1981.

19 En second lieu, Échirolles se réfère au fait que, lorsque la Cour a, dans ses arrêts relatifs au système français du prix fixe du livre, jugé le principe d’un prix imposé par l’éditeur conforme au droit communautaire, elle l’a fait en se référant expressément à l’état actuel du droit communautaire (arrêt Leclerc et Thouars Distribution, précité), à un moment antérieur à la création du marché intérieur créé le 1er janvier 1993. Or, l’introduction des dispositions relatives au marché intérieur peut impliquer que ledit système soit incompatible avec les dispositions concernées du traité CE.

20 En troisième lieu, Échirolles considère, à l’instar de ce que la juridiction de renvoi a relevé, que le marché intérieur ne peut être assimilé à un espace de libre circulation des marchandises sans dénaturer la volonté du législateur et qu’un tel marché, en tant que résultat de la fusion des marchés nationaux (arrêt Schul, précité), doit être défini comme un marché unique, un espace où la concurrence est libre et dont les règles relatives au fonctionnement s’imposent aux États comme aux particuliers. Elle ajoute, en se référant aux principes contenus dans les articles 3, sous c) et g), 3 A, 5 et 102 A du traité, que l’article 103, paragraphes 3 et 4, du traité vise à rendre effectifs, que le marché intérieur doit être considéré comme une notion de droit positif.

21 En dernier lieu, Échirolles fait valoir que la législation française n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30 du traité, puisqu’elle s’applique lorsque le livre est acheté en France pour être expédié dans un État membre, en sorte que le ressortissant de cet État membre se voit imposer un prix fixé par l’éditeur français, ce qui est une atteinte à la libre circulation des marchandises. Elle estime que tel est également le cas si l’entrave n’est que potentielle (arrêt du 7 mai 1997, Pistre e.a., C-321/94 à C-324/94, Rec. p. I-2343).

22 Pour répondre à la question posée par la juridiction nationale, il y a lieu de relever d’abord, ainsi que la Cour l’a déjà fait dans l’arrêt du 14 juillet 1998, Bettati (C-341/95, Rec. p. I-4355, point 75), que l’article 3 du traité, qui détermine les domaines et les objectifs sur lesquels porte l’action de la Communauté, énonce des principes généraux du marché commun, qui sont appliqués en combinaison avec les chapitres respectifs du traité destinés à mettre en oeuvre ces principes.

23 L’Acte unique européen a inséré un article 8 A (devenu article 7 A du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 14 CE), qui définit le marché intérieur et prévoit des mesures en vue de son établissement. Le marché intérieur constitue désormais l’un des objectifs de la Communauté [article 3, sous c), du traité].

24 Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, ces dispositions définissent également des objectifs généraux et doivent être lues en combinaison avec les dispositions du traité destinées à mettre en oeuvre ces objectifs. Dès lors que les articles 30, 36 et 85 du traité n’ont pas été modifiés, leur interprétation faite par la Cour dans l’arrêt Leclerc et Thouars Distribution, précité, en combinaison avec l’article 5 du traité, ne saurait être remise en question.

25 S’agissant des articles 3 A, 102 A et 103 du traité, qui se réfèrent à la politique économique, laquelle doit être menée dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre (articles 3 A et 102 A), ils constituent des dispositions qui n’édictent pas à la charge des États membres des obligations claires et inconditionnelles pouvant être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales. En effet, il s’agit d’un principe général qui exige pour son application des appréciations économiques complexes qui relèvent de la compétence du législateur ou de l’administration nationale.

26 Il y a donc lieu de répondre à la question préjudicielle que les articles 3, sous c) et g), 3 A, 5 et 7 A, second alinéa, ainsi que 102 A et 103 du traité ne s’opposent pas à l’application d’une législation nationale qui oblige les éditeurs à imposer aux libraires un prix fixe du livre à la revente.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

27 Les frais exposés par les gouvernements français, hellénique, autrichien et norvégien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par la cour d’appel de Grenoble, par arrêt du 13 janvier 1999, dit pour droit:

Les articles 3, sous c) et g), du traité CE [devenu, après modification, article 3, sous c) et g), CE], 3 A et 5 du traité CE (devenus articles 4 CE et 10 CE), 7 A, second alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 14, deuxième alinéa, CE) ainsi que 102 A et 103 du traité CE (devenus articles 98 CE et 99 CE) ne s’opposent pas à l’application d’une législation nationale qui oblige les éditeurs à imposer aux libraires un prix fixe du livre à la revente.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJCE, n° C-9/99, Arrêt de la Cour, Echirolles Distribution SA contre Association du Dauphiné e.a, 3 octobre 2000