CJCE, n° C-103/01, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne, 22 mai 2003

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 22 mai 2003, Commission / Allemagne, C-103/01
Numéro(s) : C-103/01
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 22 mai 2003. # Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. # Manquement d'État - Directive 89/686/CEE - Champ d'application - Exceptions - Équipements de protection individuelle conçus et fabriqués spécifiquement pour les forces armées ou du maintien de l'ordre. # Affaire C-103/01.
Date de dépôt : 2 mars 2001
Précédents jurisprudentiels : EMU Tabac e.a., C-296/95
Solution : Recours en constatation de manquement : obtention
Identifiant CELEX : 62001CJ0103
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:301
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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62001J0103

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 22 mai 2003. – Commission des Communautés européennes contre République fédérale d’Allemagne. – Manquement d’État – Directive 89/686/CEE – Champ d’application – Exceptions – Équipements de protection individuelle conçus et fabriqués spécifiquement pour les forces armées ou du maintien de l’ordre. – Affaire C-103/01.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-05369


Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Parties


Dans l’affaire C-103/01,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Schieferer, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. W.-D. Plessing, Mme B. Muttelsee-Schön et M. H.-W. Rengeling, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République franaise, représentée par MM. G. de Bergues et D. Colas, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet de faire constater que, en soumettant, par le biais de la réglementation de certains Länder, des équipements de protection individuelle pour pompiers à des exigences supplémentaires, alors qu’ils sont conformes aux exigences de la directive 89/686/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux équipements de protection individuelle (JO L 399, p. 18), et qu’ils sont munis du marquage CE, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er et 4 de ladite directive,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann (rapporteur) et A. Rosas, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H.-A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 24 octobre 2002,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 décembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 mars 2001, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en soumettant, par le biais de la réglementation de certains Länder, des équipements de protection individuelle pour pompiers à des exigences supplémentaires, alors qu’ils sont conformes aux exigences de la directive 89/686/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux équipements de protection individuelle (JO L 399, p. 18, ci-après la «directive EPI»), et qu’ils sont munis du marquage CE, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er et 4 de ladite directive.

Le cadre juridique

2 La directive EPI, telle que modifiée par la directive 93/68/CEE du Conseil, du 22 juillet 1993 (JO L 220, p. 1), prévoit, notamment, à son article 1er:

«1. La présente directive s’applique aux équipements de protection individuelle, ci-après dénommés `EPI'.

Elle fixe les conditions de la mise sur le marché, de la libre circulation intracommunautaire ainsi que les exigences essentielles de sécurité auxquelles les EPI doivent satisfaire en vue de préserver la santé et d’assurer la sécurité des utilisateurs.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par EPI tout dispositif ou moyen destiné à être porté ou tenu par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa santé ainsi que sa sécurité.

Sont également considérés comme EPI:

a) l’ensemble constitué par plusieurs dispositifs ou moyens, associés de façon solidaire par le fabricant en vue de protéger une personne contre un ou plusieurs risques susceptibles d’être encourus simultanément;

b) un dispositif ou moyen protecteur solidaire, de façon dissociable ou non dissociable, d’un équipement individuel non protecteur porté ou tenu par une personne en vue de déployer une activité;

c) des composants interchangeables d’un EPI, indispensables à son bon fonctionnement et utilisés exclusivement pour cet EPI.

[…]

4. Sont exclus du champ d’application de la présente directive:

— les EPI couverts par une autre directive visant les mêmes objectifs de mise sur le marché, de libre circulation et de sécurité que la présente directive,

— indépendamment du motif d’exclusion visé au premier tiret, les genres d’EPI figurant dans la liste d’exclusion de l’annexe I.»

3 L’article 4, paragraphe 1, de la directive EPI énonce:

«Les États membres ne peuvent interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché d’EPI ou composants d’EPIconformes aux dispositions de la présente directive et munis du marquage `CE', qui indique leur conformité à l’ensemble des dispositions de la présente directive, y compris les procédures de certification visées au chapitre II.»

4 L’annexe I de la directive EPI comporte la liste exhaustive des genres d’EPI n’entrant pas dans le champ d’application de cette directive. Conformément au point 1 de cette annexe, sont exclus les EPI conçus et fabriqués spécifiquement pour les forces armées ou du maintien de l’ordre (casques, boucliers, etc.).

Les faits et la procédure précontentieuse

5 L’attention de la Commission a été attirée sur le fait que les dispositions légales de certains Länder allemands soumettaient les équipements de pompiers à des exigences qui ne figuraient pas dans la directive EPI. Dans le Land de Basse-Saxe, par exemple, des sangles de sécurité devraient répondre aux spécifications d’une norme technique nationale. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la réglementation imposerait la certification des casques par un organisme établi dans ce Land.

6 Estimant que ces dispositions n’étaient pas compatibles avec les articles 1er et 4 de la directive EPI, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au gouvernement allemand le 19 mars 1998.

7 Dans sa réponse, en date du 25 mai 1998, le gouvernement allemand a fait valoir que l’organisation des corporations de pompiers relève de la compétence législative des Länder. Ceux-ci indiqueraient, dans leur législation, si ces corporations constituent des organismes chargés d’assurer la sécurité ou l’ordre publics. Si tel est le cas, les EPI qui sont exclusivement conçus ou fabriqués pour ce genre d’organismes sont exclus du champ d’application de la directive EPI. Ledit gouvernement fait valoir que l’on ne saurait donc affirmer, de manière générale, que les pompiers allemands ne relèvent pas des forces armées ou du maintien de l’ordre. Les corporations de pompiers du Land de Basse-Saxe, notamment, seraient des organismes chargés d’assurer la sécurité ou l’ordre publics, et la sangle de sécurité en question serait spécifiquement destinée à leur équipement.

8 N’étant pas satisfaite de cette explication, la Commission a adressé un avis motivé à la République fédérale d’Allemagne par lettre du 21 octobre 1998 l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

9 Dans une communication du 18 décembre 1998, le gouvernement allemand a informé la Commission qu’il avait envoyé un courrier aux ministères de l’Intérieur des Länder, leur demandant de modifier leurs réglementations concernant l’approvisionnement en EPI afin de les adapter au droit communautaire. Dans une autre communication du 8 décembre 2000, ce gouvernement a expliqué qu’il attendait toujours une réaction de la part des Länder.

10 C’est dans ces circonstances que la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours

Observations soumises à la Cour

11 La Commission fait valoir que l’applicabilité de la directive EPI dépend uniquement de la définition de la notion de «forces armées ou du maintien de l’ordre» en droit communautaire dont ne relèveraient pas les corps de pompiers. La simple organisation administrative des pompiers serait, à cet égard, dépourvue de pertinence. Leur mission spécifique se distinguerait des tâches conférées aux forces armées ou du maintien de l’ordre. Cette dernière notion ferait référence à l’essence même de l’exercice de la puissance publique.

12 Les termes «forces armées ou du maintien de l’ordre» désigneraient les armées et les forces de l’ordre armées. Les exemples mentionnés dans la liste d’exclusion figurant à l’annexe I de la directive EPI, à savoir les casques et les boucliers, permettent, selon la Commission, de préciser qu’il s’agit de forces d’intervention qui doivent se défendre contre des attaques venant d’autres personnes. Les EPI fabriqués spécifiquement pour ces formations devraient satisfaire aux exigences particulières de sécurité dans le cas d’affrontements violents et ne constitueraient donc pas des marchandises ordinaires se trouvant sur le marché. Tel ne serait pas le cas des équipements qui ne seraient pas fabriqués spécifiquement pour les corps publics de pompiers, mais pour tous les pompiers, y compris ceux d’entreprises ou d’usines.

13 Les corps de pompiers publics et privés remplissant des tâches semblables dans la lutte contre les incendies, les explosions, les accidents et les catastrophes naturelles, leur compétence en matière de maintien de l’ordre ne constituerait pas l’essence même de leurs tâches. Par ailleurs, cette compétence n’aurait aucun rapport avec leurs équipements de protection, conçus pour le combat du feu et pour les autres tâches propres aux pompiers.

14 Le gouvernement allemand s’efforce de démontrer, à titre liminaire, que la sangle de sécurité qui est à l’origine de la présente procédure en manquement a été conçue et fabriquée spécifiquement pour la protection des pompiers contre les dangers au cours de leur formation, des exercices et des interventions. Selon ce gouvernement, la circulaire technique relative à ladite sangle de sécurité en réglemente les dimensions, les exigences ainsi que les mesures de contrôle et impose l’obligation de la munir d’une marque. L’utilisation d’une sangle identique, portée pendant l’exercice et l’intervention par tous les pompiers, serait d’une importance décisive pour le sauvetage de soi-même, celui de tiers et, en particulier, de collègues en difficulté. Elle permettrait au pompier de se protéger par la corde de sécurité contre le danger de chutes des échelles et d’autres endroits non sécurisés. Le gouvernement allemand précise qu’elle comprend une hache et sa housse de protection, conformément à la norme DIN 14924. En outre, des indications détaillées concernant la sangle seraient nécessaires, car il se pourrait, par exemple, que des mesures de sauvetage ne puissent être mises en oeuvre qu’à l’aide de cordes et d’appareils de sauvetage définis avec précision. C’est pourquoi l’utilisation et la mise en service des équipements de pompiers seraient réglementées par des règles applicables de manière uniforme au niveau fédéral. Une intervention réussie impliquant la coopération de plusieurs unités ne pourrait être assurée que si ces unités disposent d’outils de sauvetage correspondant tous aux mêmes normes de fabrication et de sécurité.

15 En ce qui concerne l’interprétation de la notion de «forces du maintien de l’ordre», le gouvernement allemand soutient que les pouvoirs et tâches des corps de pompiers dans les Länder relèvent du noyau dur de l’exercice de la puissance publique. En effet, les corps de pompiers publics devraient, conformément aux lois des Länder, prendre les mesures nécessaires pour protéger la collectivité et les individus contre les dangers que représentent pour leur vie, leur santé ou leurs biens, les incendies, explosions, accidents et autres situations d’urgence, telles que les catastrophes naturelles. Les interventions des corps de pompiers publics pourraient par ailleurs comporter des restrictions aux droits fondamentaux. Pour accomplir leur mission, les corps de pompiers seraient dotés de pouvoirs d’exécution et pourraient, le cas échéant, faire usage de la force contre les biens ou les personnes.

16 S’agissant de l’interprétation systématique des dispositions de la directive EPI, le gouvernement allemand renvoie aux directives 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1), et 89/656/CEE du Conseil, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de protection individuelle (troisième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 393, p. 18). Ces deux directives comporteraient des exigences minimales. Le fait qu’il puisse être licite de poser des conditions supplémentaires ou différentes en matière d’équipements ne peut, selon le gouvernement allemand, être sans conséquence pour la directive EPI. Une interprétation cohérente de ces trois directives devrait tenir compte, en matière de libre circulation des marchandises, des dispositions sur la protection des travailleurs utilisant des équipements de protection individuelle.

17 Le gouvernement allemand établit par ailleurs une comparaison avec les règles du traité CE en matière de libre circulation des travailleurs. Conformément à l’article 48, paragraphe 4, du traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 4, CE), serait placé en dehors du champ d’application des dispositions sur la libre circulation des travailleurs l’ensemble des emplois qui comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités publiques. De la même manière, ce sont les tâches et les fonctions qui ont été attribuées aux corps de pompiers qui doivent être déterminantes, selon ce gouvernement, s’agissant de l’interprétation des dérogations inscrites dans la directive EPI.

18 Le gouvernement allemand fait valoir en outre qu’il dispose, en ce qui concerne l’interprétation de la disposition dérogatoire de la directive EPI, d’une marge d’appréciation pour déterminer, d’une part, les missions de puissance publique des forces de l’ordre et, d’autre part, le niveau de protection des EPI fabriqués pour celles-ci.

19 Au demeurant, l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EPI, lu en combinaison avec l’annexe I, point 1, de celle-ci, devrait respecter les principes d’exercice des compétences que sont les principes de subsidiarité et de proportionnalité, prévus à l’article 3 B, deuxième et troisième alinéas, du traité CE (devenu article 5, deuxième et troisième alinéas, CE).

20 La Commission conteste l’interprétation systématique préconisée par le gouvernement allemand en faisant valoir qu’il convient d’examiner les prescriptions de la directive EPI avant tout sous l’angle du marché intérieur, s’agissant d’une directive visant au rapprochement des législations des États membres. Pour faciliter la libre circulation des marchandises, cette directive définirait les exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les EPI.

21 En revanche, les directives 89/391 et 89/656, invoquées par le gouvernement allemand, auraient pour but l’amélioration des conditions de sécurité et de protection de la santé des travailleurs au travail et contiendraient des prescriptions minimales de sécurité et de protection de la santé pour l’utilisation par les travailleurs d’EPI. Les équipements de protection des pompiers seraient exclus de l’application de ces directives, comme il ressortirait de l’article 2, paragraphe 2, de celles-ci.

22 Le gouvernement français fait valoir que l’interprétation de la notion d'«EPI conçus et fabriqués spécialement pour les forces armées ou du maintien de l’ordre (casques, boucliers, etc.)» revient à s’interroger non sur le point de savoir si les utilisateurs des équipements en question peuvent ou non être qualifiés de forces armées ou de maintien de l’ordre, mais si le matériel en cause est spécifiquement destiné à des fins militaires ou policières. Pour répondre à l’argument invoqué par le gouvernement allemand, il conviendrait par conséquent de démontrer que les équipements en cause ne sont pas des équipements qui ne peuvent être utilisés qu’à des fins militaires ou policières.

23 En revanche, le raisonnement adopté par la Commission serait susceptible de l’amener à empiéter sur l’organisation des forces armées, qui est une prérogative des seuls États membres. Une telle approche serait contraire à la jurisprudence de la Cour ainsi qu’au traité sur l’Union européenne, dans le cadre duquel les éléments de la politique étrangère et de sécurité commune relèvent du deuxième pilier.

Appréciation de la Cour

24 À titre liminaire, il convient de souligner qu’il ressort du sixième considérant de la directive EPI que celle-ci vise, en harmonisant les dispositions nationales relatives aux EPI, à garantir la libre circulation de ces produits, sans que leur niveau de protection existant, lorsqu’il est justifié dans les États membres, soit abaissé.

25 Il est précisé au septième considérant de la directive EPI que les dispositions de conception et de fabrication des EPI prévues par celle-ci sont essentielles, notamment dans la recherche d’un milieu de travail plus sûr.

26 Pour tenir compte des objectifs de santé, de sécurité du travail et de protection des usagers, l’article 3 de la directive EPI prévoit que les EPI auxquels elle s’applique doivent satisfaire aux exigences essentielles de santé et de sécurité énoncées à l’annexe II de cette directive.

27 Le point 3.1.2.2 de ladite annexe II comporte des exigences spécifiques à la prévention des chutes de hauteurs, son point 3.6 est consacré à la protection contre la chaleur et/ou le feu et le point 3.10.1 à la protection respiratoire.

28 Il en ressort que la directive EPI prend en compte, notamment, les risques spécifiques auxquels sont exposés les pompiers en établissant les exigences essentielles de sécurité auxquelles doivent satisfaire les EPI destinés à leur protection.

29 Dès lors, des considérations liées aux dangers auxquels sont exposés les pompiers au cours de leur formation, des exercices et des interventions ne sauraient justifier, en tant que telles, une dérogation aux dispositions de la directive EPI.

30 Au demeurant, la directive EPI ne s’oppose pas à ce qu’un État membre exige que les corps de pompiers soient équipés d’outils de sauvetage correspondant tous aux mêmes normes de fabrication et de sécurité en vue d’assurer leur compatibilité.

31 Par ailleurs, il découle de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive EPI que les EPI destinés à être utilisés par les corps de pompiers n’échappent au champ d’application de cette directive que s’il peut être considéré qu’ils ont été conçus et fabriqués spécifiquement pour les forces du maintien de l’ordre au sens de l’annexe I, point 1, de ladite directive.

32 Cette disposition constituant une exception au principe de la libre circulation des marchandises, tel que prévu à l’article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE) et mis en oeuvre pour les EPI par l’article 4, paragraphe 1, de la directive EPI, il convient de l’interpréter de manière stricte [voir, en ce qui concerne les exceptions prévues à l’article 36 du traité CE (devenu, après modification, article 30 CE), arrêt du 25 janvier 1977, Bauhuis, 46/76, Rec. p. 5, point 12, et, en général, arrêt du 7 octobre 1985, Migliorini et Fischl, 199/84, Rec. p. 3317, point 14].

33 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’ordre juridique communautaire n’entend pas en principe définir ses qualifications en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux sans précision expresse (arrêts du 14 janvier 1982, Corman, 64/81, Rec. p. 13, point 8, et du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a., C-296/95, Rec. p. I-1605, point 30).

34 Or, le texte de l’annexe I, point 1, de la directive EPI ne comporte aucune référence expresse aux ordres juridiques nationaux.

35 De plus, ladite disposition définit l’exception au champ d’application de la directive EPI par référence à la tâche précise qui consiste à maintenir l’ordre public. Les EPI qui échappent ainsi au champ d’application de ladite directive doivent avoir été conçus et fabriqués spécifiquement pour l’accomplissement de cette tâche.

36 Il convient de constater que les missions des corps de pompiers consistent normalement dans des opérations de sauvetage de personnes et de biens en cas d’incendies, d’accidents de circulation, d’explosions, d’inondations ou d’autres catastrophes. Ces tâches se distinguent de celles qui incombent aux forces dont la mission principale est le maintien de l’ordre public.

37 Par conséquent, les EPI destinés à protéger les pompiers contre les dangers auxquels ils sont exposés dans l’exercice de leurs fonctions habituelles ainsi décrites ne sauraient être considérés comme ayant été conçus et fabriqués spécifiquement pour être utilisés pour le maintien de l’ordre public.

38 Les besoins de protection des corps de pompiers publics dans l’exercice de leurs fonctions habituelles ne se distinguent pas de ceux des corps de pompiers ayant un statut de droit privé, même si ces derniers sont dépourvus de pouvoirs de puissance publique.

39 En revanche, si les corps de pompiers étaient appelés, dans des circonstances déterminées, à contribuer au maintien de l’ordre public et étaient pourvus à cet effet d’EPI conçus et fabriqués spécifiquement pour l’accomplissement de cette tâche, ces derniers seraient couverts par l’exception prévue à l’annexe I, point 1, de la directive EPI.

40 Toutefois, cette constatation ne s’applique pas aux EPI en cause dans la présente affaire, la République fédérale d’Allemagne ne prétendant pas que les sangles de sécurité et les casques en question servaient à la protection des pompiers en dehors de l’exercice de leurs fonctions habituelles.

41 Il s’ensuit que des EPI conçus et fabriqués pour l’utilisation par les pompiers lors de l’exercice des fonctions décrites au point 36 du présent arrêt ne relèvent pas de la liste d’exclusion figurant à l’annexe I, point 1, de la directive EPI.

42 Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments que la défenderesse entend tirer des directives 89/391 et 89/656. En effet, ces dernières, qui ont été adoptées sur le fondement de l’article 118 A du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), visent à améliorer la sécurité et la santé des travailleurs. Il est conforme à cet objectif que ces directives contiennent des règles minimales et admettent des dispositions plus favorables à la protection des travailleurs.

43 En revanche, la directive EPI a été adoptée sur le fondement de l’article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE). Pour atteindre l’objectif visant à assurer la libre circulation des EPI entre les États membres, ladite directive doit empêcher ces derniers d’interdire, de restreindre ou d’entraver la mise sur le marché desdits équipements qui satisfont à ses dispositions et qui sont munis du marquage CE.

44 La République fédérale d’Allemagne ne saurait pas non plus s’appuyer sur l’article 48, paragraphe 4, du traité. En effet, si cette disposition exclut du champ d’application de la libre circulation des travailleurs les emplois dans l’administration publique qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités publiques (voir arrêts du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, 149/79, Rec. p. 3881, point 10, et du 2 juillet 1996, Commission/Grèce, C-290/94, Rec. p. I-3285, point 2), elle ne fournit aucun élément relatif à l’étendue d’une exception contenue dans une directive ayant pour objet de faciliter la libre circulation des marchandises et n’excluant que des EPI spécifiquement conçus et fabriqués pour des forces armées ou du maintien de l’ordre. Cette exception ne couvre de toute évidence pas tous les EPI utilisés par des personnes investies de pouvoirs de puissance publique ou chargées de sauvegarder les intérêts généraux de l’État.

45 Quant à la marge d’appréciation que la défenderesse souhaite se voir reconnaître, il convient de constater qu’elle ne saurait s’étendre au-delà des limites tracées par la disposition comportant l’exception en question. S’il est vrai qu’il est loisible aux États membres de définir les missions et pouvoirs attribués aux forces du maintien de l’ordre et de décider du niveau de leur protection, il n’en découle pas qu’ils sont également en droit d’utiliser leurs propres définitions des EPI aux fins de l’application de l’exception en cause.

46 En harmonisant les dispositions nationales relatives aux EPI destinés à la protection des pompiers dans l’exercice de leurs fonctions habituelles, la directive EPI ne méconnaît par ailleurs ni le principe de subsidiarité ni celui de proportionnalité.

47 En effet, quant au principe de subsidiarité, les dispositions nationales en question différant sensiblement d’un État membre à l’autre, elles sont susceptibles, comme il est constaté au cinquième considérant de la directive EPI, de constituer une entrave aux échanges qui se répercute immédiatement sur l’établissement et le fonctionnement du marché commun. L’harmonisation de ces dispositions divergentes ne peut, en raison de ses dimensions et de ses effets, être entreprise que par le législateur communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C-491/01, non encore publié au Recueil, points 180 à 182).

48 Quant au principe de proportionnalité, l’inclusion des EPI destinés à la protection des pompiers dans le champ d’application de la directive EPI est apte à assurer la libre circulation desdits équipements entre les États membres et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce but. Elle n’empiète pas sur la compétence de ces États de définir les missions et les pouvoirs des corps de pompiers ainsi que d’assurer leur protection individuelle. Elle n’empiète pas non plus, comme le soutient le gouvernement français, sur l’organisation des forces armées ou du maintien de l’ordre.

49 L’exception prévue à l’annexe I, point 1, de la directive EPI n’étant pas applicable en l’espèce, les Länder n’étaient pas en droit, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci, d’imposer des conditions supplémentaires aux EPI satisfaisant aux dispositions de cette directive et munis du marquage CE.

50 Il résulte de tout ce qui précède que, en soumettant, par le biais de la réglementation de certains Länder, des EPI pour pompiers à des exigences supplémentaires, alors qu’ils sont conformes aux exigences de la directive EPI, et qu’ils sont munis du marquage CE, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er et 4 de ladite directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

51 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et celle dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, de ce règlement, la République française supporte ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) En soumettant, par le biais de la réglementation de certains Länder, des équipements de protection individuelle pour pompiers à des exigences supplémentaires, alors qu’ils sont conformes aux exigences de la directive 89/686/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux équipements de protection individuelle, et qu’ils sont munis du marquage CE, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er et 4 de ladite directive.

2) La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

3) La République française supporte ses propres dépens.

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