CJUE, n° C-127/15, Arrêt de la Cour, Verein für Konsumenteninformation contre INKO, Inkasso GmbH, 8 décembre 2016

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 8 déc. 2016, C-127/15
Numéro(s) : C-127/15
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 8 décembre 2016.#Verein für Konsumenteninformation contre INKO, Inkasso GmbH.#Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberster Gerichtshof.#Renvoi préjudiciel – Directive 2008/48/CE – Protection des consommateurs – Crédit aux consommateurs – Article 2, paragraphe 2, sous j) – Accords de rééchelonnement – Délais de paiement sans frais – Article 3, sous f) – Intermédiaires de crédit – Sociétés de recouvrement agissant au nom des prêteurs.#Affaire C-127/15.
Date de dépôt : 12 mars 2015
Précédents jurisprudentiels : 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283
CA Consumer Finance, C-449/13, EU:C:2014:2464, point 21
CA Consumer Finance, C-449/13, EU:C:2014:2464, point 21, ainsi que du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62015CJ0127
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2016:934
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

8 décembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Directive 2008/48/CE — Protection des consommateurs — Crédit aux consommateurs — Article 2, paragraphe 2, sous j) — Accords de rééchelonnement — Délais de paiement sans frais — Article 3, sous f) — Intermédiaires de crédit — Sociétés de recouvrement agissant au nom des prêteurs»

Dans l’affaire C-127/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 17 février 2015, parvenue à la Cour le 12 mars 2015, dans la procédure

Verein für Konsumenteninformation

contre

INKO, Inkasso GmbH,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 février 2016,

considérant les observations présentées :

pour le Verein für Konsumenteninformation, par Me S. Langer, Rechtsanwalt,

pour INKO, Inkasso GmbH, par Me C. Rabl, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et M. Hellmann ainsi que par Mmes J. Kemper et D. Kuon, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

pour le gouvernement lituanien, par MM. K. Dieninis et D. Kriaučiūnas ainsi que par Mme J. Nasutavičienė, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes S. Grünheid et G. Goddin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous j), et de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14 ; JO 2010, L 199, p. 40 ; JO 2011, L 234, p. 46, et JO 2015, L 36, p. 15).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Verein für Konsumenteninformation (Association pour l’information des consommateurs, ci-après l’« Association ») à INKO, Inkasso GmbH (ci-après « Inko ») au sujet d’une pratique de cette dernière consistant à conclure avec des consommateurs des accords de rééchelonnement de dettes portant sur l’octroi de délais de paiement, sans leur avoir communiqué d’informations précontractuelles.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 24 de la directive 2008/48 énonce :

« Il est nécessaire que le consommateur soit informé de manière exhaustive avant la conclusion du contrat de crédit indépendamment du fait qu’un intermédiaire intervienne ou non dans la vente du crédit. Par conséquent, en règle générale, les exigences en matière d’information précontractuelle devraient aussi s’appliquer aux intermédiaires de crédit. Toutefois, si des fournisseurs de biens ou de services agissent en qualité d’intermédiaires de crédit à titre accessoire, il ne convient pas de leur imposer l’obligation légale de fournir l’information précontractuelle prévue par la présente directive. Les fournisseurs de biens et de services peuvent par exemple être considérés comme agissant en tant qu’intermédiaires de crédit à titre accessoire si leur activité à ce titre ne constitue pas le principal objectif de leurs activités commerciales ou professionnelles. Dans ces cas, un niveau suffisant de protection du consommateur est encore assuré puisque le prêteur a la responsabilité de veiller à ce que le consommateur reçoive une information précontractuelle complète, soit de l’intermédiaire, si le prêteur et l’intermédiaire en conviennent ainsi, soit d’une autre manière appropriée. »

4

Aux termes de l’article 2 de cette directive, intitulé « Champ d’application » :

« 1. La présente directive s’applique aux contrats de crédit.

2. La présente directive ne s’applique pas :

[…]

f)

aux contrats de crédit sans intérêt et sans autres frais et aux contrats de crédit en vertu desquels le crédit doit être remboursé dans un délai ne dépassant pas trois mois, et pour lesquels ne sont requis que des frais négligeables ;

[…]

j)

aux contrats de crédit liés au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d’une dette existante ;

[…]

6. Les États membres peuvent décider que seuls les articles 1er à 4, 6, 7, 9, l’article 10, paragraphe 1, l’article 10, paragraphe 2, points a) à i), points l) et r), l’article 10, paragraphe 4, les articles 11, 13, 16 et 18 à 32 s’appliquent aux contrats de crédit prévoyant que les délais de paiement ou les modes de remboursement font l’objet d’un accord entre le prêteur et le consommateur lorsque le consommateur est déjà en situation de défaut de paiement pour le contrat de crédit initial, dans les cas où :

a)

un tel accord serait susceptible d’écarter l’éventualité d’une procédure judiciaire pour ledit défaut de paiement ; et

b)

le consommateur ne serait ainsi pas soumis à des dispositions moins favorables que celles du contrat de crédit initial.

[…] »

5

L’article 3 de ladite directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

b)

“prêteur” : toute personne physique ou morale qui consent ou s’engage à consentir un crédit dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles ;

c)

“contrat de crédit” : un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu’ils sont fournis, par des paiements échelonnés ;

[…]

f)

“intermédiaire de crédit” : une personne physique ou morale qui n’agit pas en qualité de prêteur et qui, dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles, contre une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d’avantage économique ayant fait l’objet d’un accord :

i)

présente ou propose des contrats de crédit aux consommateurs,

ii)

assiste les consommateurs en réalisant des travaux préparatoires pour des contrats de crédit autres que ceux visés au point i), ou

iii)

conclut des contrats de crédit avec des consommateurs pour le compte du prêteur ;

g)

“coût total du crédit pour le consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire ; ces coûts comprennent également les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre, la conclusion du contrat de service est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales ;

h)

“montant total dû par le consommateur” : la somme du montant total du crédit et du coût total du crédit pour le consommateur ;

i)

“taux annuel effectif global” : le coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 19, paragraphe 2 ;

[…] »

6

L’article 5 de la directive 2008/48, intitulé « Informations précontractuelles », dispose, à son paragraphe 1 :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur et, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit, lui donnent en temps utile, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, le cas échéant, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d’un contrat de crédit. […] »

7

L’article 6 de cette directive, intitulé « Exigences en matière d’information précontractuelle applicables à certains contrats de crédit prenant la forme d’une facilité de découvert et à certains contrats de crédit particuliers », prévoit, à son paragraphe 1 :

« En temps utile avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de crédit ou une offre concernant un contrat de crédit visé à l’article 2, paragraphes 3, 5 ou 6, le prêteur et, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit, lui donnent, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, s’il y a lieu, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur une éventuelle conclusion d’un contrat de crédit.

[…] »

8

Aux termes de l’article 7 de ladite directive, intitulé « Dérogations aux informations précontractuelles requises » :

« Les articles 5 et 6 ne s’appliquent pas aux fournisseurs de biens ou aux prestataires de services agissant en qualité d’intermédiaires de crédit à titre accessoire. La présente disposition ne porte pas atteinte à l’obligation du prêteur de veiller à ce que le consommateur reçoive les informations précontractuelles visées auxdits articles. »

9

Aux termes de l’article 21 de la même directive, intitulé « Certaines obligations des intermédiaires de crédit vis-à-vis des consommateurs » :

« Les États membres veillent à ce que :

a)

un intermédiaire de crédit indique, tant dans sa publicité que dans les documents destinés aux consommateurs, l’étendue de ses pouvoirs, notamment s’il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou en qualité de courtier indépendant ;

b)

tout frais éventuel dû par le consommateur à l’intermédiaire de crédit pour ses services est communiqué au consommateur et convenu entre celui-ci et l’intermédiaire de crédit sur support papier ou autre support durable avant la conclusion du contrat de crédit ;

c)

tout frais éventuel dû par le consommateur à l’intermédiaire de crédit pour ses services est communiqué au prêteur par l’intermédiaire de crédit, aux fins du calcul du taux annuel effectif global. »

Le droit autrichien

10

L’article 6 du Verbraucherkreditgesetz (loi sur le crédit à la consommation), du 20 mai 2010 (BGBl. I, 28/2010, ci-après la « VKrG ») est libellé comme suit :

« 1. Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur met à sa disposition en temps utile, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, le cas échéant, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d’un contrat de crédit. Ces informations sont fournies sur un support papier ou sur un autre support durable et doivent notamment comporter les indications suivantes :

1)

le type de crédit ;

[…]

3)

le montant total du crédit et les conditions de prélèvement ;

4)

la durée du contrat de crédit ;

[…]

7)

le taux annuel effectif global et le montant total dû par le consommateur, à l’aide d’un exemple représentatif qui mentionne toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux, conformément à l’article 27 ; […]

[…]

8. Les obligations d’information prévues aux points 1 à 7 s’appliquent également à l’intermédiaire de crédit, pour autant que celui-ci n’est pas un fournisseur de produits ou de services qui participe d’une manière seulement subordonnée à l’octroi de crédits. »

11

L’article 25 de la VKrG prévoit :

« 1. Les dispositions de la section 2 […] s’appliquent aux contrats par lesquels un professionnel consent à un consommateur, contre rémunération, un délai de paiement ou une autre facilité de paiement. […]

2. […] Le prix au comptant ainsi que le bien ou le service doivent également figurer dans les informations précontractuelles (article 6, paragraphe 1) […] »

12

Aux termes de l’article 1000, paragraphe 1, de l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil) :

« Sans préjudice d’une disposition légale différente, un taux de 4 % par an s’applique aux intérêts stipulés sans précision de montant ou aux intérêts qui découlent de la loi. »

13

L’article 1333 de ce code dispose :

« 1. Le préjudice que le débiteur a causé à son créancier par le retard de paiement d’une créance de somme d’argent est compensé par les intérêts légaux (article 1000, paragraphe 1).

2. Le créancier peut réclamer, outre les intérêts légaux, la réparation d’autres préjudices qu’il a subis en raison de la faute du débiteur, notamment les coûts nécessaires à des mesures de poursuite ou de recouvrement extrajudiciaires adéquates, pour autant que celles-ci soient proportionnées à la créance faisant l’objet de poursuites. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

L’Association est habilitée, en application de la législation autrichienne, à introduire des actions collectives en cessation pour protéger les intérêts des consommateurs.

15

Inko exploite une agence de recouvrement de créances. Dans le cadre de son activité, elle envoie aux débiteurs, pour le compte de créanciers, des lettres de mise en demeure dans lesquelles elle mentionne le montant de la créance impayée, y compris les intérêts échus, et ses propres frais de recouvrement. Elle invite les débiteurs soit à payer leur dette dans un délai de trois jours, soit à remplir un formulaire préalablement rédigé portant acceptation d’un plan de rééchelonnement de leur dette et à le lui renvoyer. En formalisant leur accord, les débiteurs reconnaissent l’existence de la créance, « y compris les intérêts et frais de dossier à calculer jusqu’à l’échéance ». Ils s’engagent à payer leur dette, par échéances mensuelles d’un montant déterminé, conformément audit plan, les paiements effectués étant imputés d’abord sur les frais d’Inko, puis sur le capital et sur les intérêts.

16

L’Association a saisi le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche) d’une demande tendant à ce qu’il soit interdit à Inko de conclure avec les consommateurs des accords de remboursement de dettes portant sur l’octroi de délais de paiement sans communication préalable des informations visées à l’article 6 de la VKrG.

17

Par décision du 14 novembre 2013, cette juridiction a accueilli la demande de l’Association.

18

Saisi d’un appel interjeté contre cette décision, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) l’a partiellement réformée par arrêt du 30 juillet 2014.

19

Tant l’Association qu’Inko ont formé un pourvoi en Revision contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

20

Cette dernière observe qu’une agence de recouvrement de créances, telle qu’Inko, agit à titre professionnel et rémunère son activité par la facturation de divers frais. Elle propose aux débiteurs, au nom des créanciers, de conclure des accords portant sur des délais de paiement ou un rééchelonnement des remboursements.

21

Il ressort de la décision de renvoi que l’objet social d’Inko consiste, en premier lieu, dans le recouvrement de créances. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche à savoir si une agence de recouvrement telle qu’Inko, dont l’activité en tant qu’intermédiaire de crédit n’a qu’un caractère secondaire par rapport aux autres activités professionnelles qu’elle exerce à titre principal, peut être considérée comme étant un « intermédiaire de crédit », au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48.

22

S’agissant des conséquences financières, prévues par la réglementation autrichienne, d’un retard de paiement d’une dette, la juridiction de renvoi relève que le débiteur est tenu non seulement de payer les intérêts légaux d’un taux de 4 %, mais aussi de réparer les autres préjudices subis par le créancier, y compris ceux afférents aux frais de recouvrement de la créance, dans la mesure où ces derniers sont proportionnés.

23

Il ressort de la décision de renvoi que l’Association n’a pas établi que les intérêts et les frais imputés aux emprunteurs défaillants par Inko excèdent, par leurs montants, ceux dus aux créanciers conformément à la législation autrichienne, lorsque ces derniers octroient des délais de paiement à de tels débiteurs.

24

Par conséquent, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les accords de rééchelonnement de dettes portant sur l’octroi de délais de paiement, conclus par Inko avec les consommateurs, peuvent être considérés comme consentis « sans frais », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, et, de ce fait, exclus du champ d’application de cette directive.

25

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Une agence de recouvrement qui, dans le contexte du recouvrement à titre professionnel de créances au nom de ses clients, propose aux débiteurs de ceux-ci la conclusion d’accords d’échelonnement, en facturant pour son activité des frais dont, au final, les débiteurs sont tenus de supporter la charge, agit-elle en tant qu’“intermédiaire de crédit” au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48 ?

2)

S’il est donné une réponse affirmative à la première question :

Un accord d’échelonnement qui est conclu entre un débiteur et son créancier par l’intermédiaire d’une agence de recouvrement constitue-t-il un “délai de paiement consenti sans frais” au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48, lorsque, par ledit accord, le débiteur s’engage seulement à payer la créance non remboursée ainsi que les intérêts et frais auxquels il aurait été en tout état de cause tenu même en l’absence d’accord, sur le fondement de la loi ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

26

Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’un accord de rééchelonnement d’un crédit, qui est conclu, à la suite de la défaillance du consommateur, entre celui-ci et le prêteur par l’intermédiaire d’une agence de recouvrement, est consenti « sans frais », au sens de cette disposition, lorsque, par cet accord, le consommateur s’engage à rembourser le montant total de ce crédit et à payer les intérêts et les frais auxquels il aurait été tenu conformément à la réglementation nationale en l’absence dudit accord.

27

Afin de répondre à cette question, il convient, à titre liminaire, de relever que la directive 2008/48 prévoit, en matière de crédit aux consommateurs, une harmonisation complète et impérative dans un certain nombre de domaines clés, laquelle est considérée comme nécessaire pour assurer à tous les consommateurs de l’Union européenne un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et pour faciliter l’émergence d’un marché intérieur performant du crédit à la consommation (voir arrêt du 18 décembre 2014, CA Consumer Finance, C-449/13, EU:C:2014:2464, point 21).

28

Cette directive s’applique, conformément à son article 2, paragraphe 1, aux contrats de crédit, à l’exception, notamment, selon le paragraphe 2, sous j), de cet article, des contrats de crédit liés au délai de paiement consenti, sans frais, pour le règlement d’une dette existante.

29

S’agissant, d’une part, de la notion de « contrat de crédit », celle-ci est définie à l’article 3, sous c), de ladite directive comme désignant un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu’ils sont fournis, par des paiements échelonnés.

30

Il convient de constater que la notion de « contrat de crédit », définie par ladite disposition, est particulièrement large et couvre un accord, tel que celui en cause au principal, qui prévoit le rééchelonnement des remboursements d’une dette existante.

31

À cet égard, il ressort expressément de l’article 2, paragraphe 6, de la directive 2008/48 que celle-ci s’applique en principe aux contrats prévoyant un accord sur des délais de paiement ou des modes de remboursement entre le prêteur et le consommateur lorsque ce dernier est déjà en situation de défaut de paiement pour le contrat de crédit initial.

32

Par conséquent, un tel accord, conclu avec le consommateur soit directement par le prêteur, soit par un intermédiaire de crédit agissant au nom de ce prêteur, doit être considéré comme étant un « contrat de crédit », au sens de l’article 3, sous c), de ladite directive, sans préjudice des dérogations prévues à l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci.

33

Cela étant, il convient, d’autre part, d’apprécier si un tel contrat est consenti « sans frais », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la même directive, lorsque le consommateur s’engage à rembourser le montant total du crédit ainsi qu’à payer les intérêts et les frais auxquels il aurait été tenu, en l’absence de contrat, conformément à la réglementation nationale.

34

Si la directive 2008/48 ne définit pas spécifiquement la notion de « frais », il importe de relever que, selon l’article 3, sous g), de cette directive, le coût total du crédit pour le consommateur désigne tous les coûts que celui-ci est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur (voir arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283, point 84).

35

Les définitions particulièrement larges de la notion de « contrat de crédit », au sens de l’article 3, sous c), de la directive 2008/48, ainsi que de la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », au sens de l’article 3, sous g), de cette directive, répondent à l’objectif poursuivi par ladite directive, rappelé au point 27 du présent arrêt, en ce qu’elles permettent d’assurer une protection étendue des consommateurs.

36

Aussi toute limitation du champ d’application de la même directive, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, doit-elle être interprétée au regard de cet objectif.

37

Par conséquent, lorsque, par un accord qui prévoit de nouvelles conditions de paiement d’une dette existante, le consommateur s’engage non seulement à rembourser le montant total du crédit mais également à payer des intérêts ou des frais n’ayant pas été prévus par le contrat initial aux termes duquel le crédit non remboursé a été accordé, un tel accord ne saurait être considéré comme étant consenti « sans frais », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48.

38

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les accords de rééchelonnement de crédit proposés par Inko aux consommateurs, à la suite de défaillances, prévoient que ceux-ci s’engagent à payer leur dette par échéances mensuelles, les paiements effectués étant imputés d’abord sur les frais d’Inko, puis sur le capital restant dû et sur les intérêts.

39

Un tel accord, qui prévoit l’obligation pour un consommateur de payer les frais d’une agence de recouvrement de créances, en l’occurrence Inko, qui n’étaient pas prévus par le contrat initial de crédit, ne saurait être considéré comme étant lié à un délai de paiement consenti « sans frais », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48.

40

Compte tenu de l’objectif, visé au point 27 du présent arrêt, d’assurer à tous les consommateurs un niveau élevé de protection de leurs intérêts, une telle constatation n’est pas susceptible d’être remise en cause par les montants cumulés des intérêts et des frais prévus par un tel accord, même si ces montants ne dépassent pas ceux qui seraient exigibles en l’absence d’accord entre les parties, conformément à la réglementation nationale applicable à la suite d’un retard de paiement.

41

Dans ces conditions, il convient de répondre à la seconde question que l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’un accord de rééchelonnement d’un crédit, qui est conclu, à la suite de la défaillance du consommateur, entre celui-ci et le prêteur par l’intermédiaire d’une agence de recouvrement, n’est pas consenti « sans frais », au sens de cette disposition, lorsque, par cet accord, le consommateur s’engage à rembourser le montant total de ce crédit et à payer des intérêts ou des frais n’ayant pas été prévus par le contrat initial aux termes duquel ledit crédit a été accordé.

Sur la première question

42

Par sa première question, qu’il convient d’examiner en second lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous f), et l’article 7 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’une agence de recouvrement qui conclut, au nom d’un prêteur, un accord de rééchelonnement d’un crédit impayé mais qui n’agit en qualité d’intermédiaire de crédit qu’à titre accessoire doit être considérée comme étant un « intermédiaire de crédit », au sens de cet article 3, sous f), et être soumise à l’obligation d’information précontractuelle du consommateur, au titre des articles 5 et 6 de cette directive.

43

À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes dudit article 3, sous f), est un « intermédiaire de crédit » une personne physique ou morale qui n’agit pas en qualité de prêteur et qui, dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles, contre une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d’avantage économique ayant fait l’objet d’un accord, présente ou propose des contrats de crédit aux consommateurs, assiste les consommateurs en réalisant des travaux préparatoires pour des contrats de crédit, ou conclut des contrats de crédit avec des consommateurs pour le compte du prêteur.

44

Par conséquent, une agence de recouvrement, telle qu’Inko, qui agit au nom d’un prêteur pour la conclusion d’un accord de rééchelonnement d’un crédit impayé, aux termes duquel le consommateur s’engage à rembourser le montant total du crédit et à payer des intérêts et des frais, doit être qualifiée d’« intermédiaire de crédit » au sens de cette disposition.

45

Le litige au principal porte sur la question de savoir si une agence de recouvrement telle qu’Inko est tenue, au titre de ses activités en tant qu’intermédiaire de crédit, de communiquer aux consommateurs les informations précontractuelles visées à l’article 6 de la VKrG qui transpose en droit autrichien l’article 5 de la directive 2008/48.

46

À cet égard, il convient d’observer qu’un tel intermédiaire de crédit est, en principe, soumis à l’obligation d’information précontractuelle du consommateur prévue aux articles 5 et 6 de ladite directive.

47

Toutefois, conformément à l’article 7, première phrase, de la directive 2008/48, les fournisseurs de biens ou les prestataires de services agissant en qualité d’intermédiaires de crédit à titre accessoire ne sont pas soumis à cette obligation. À cet égard, le considérant 24 de cette directive énonce que ces fournisseurs ou ces prestataires peuvent par exemple être considérés comme agissant en tant qu’intermédiaires de crédit à titre accessoire si leur activité à ce titre ne constitue pas le principal objectif de leurs activités commerciales ou professionnelles.

48

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire au principal, notamment de l’objet principal de l’activité de l’intermédiaire de crédit considéré, il peut être considéré que celui-ci agit en qualité d’intermédiaire de crédit à titre accessoire, au sens de l’article 7, première phrase, de cette directive.

49

Dans le même temps, il convient de relever que l’exception, dont est susceptible de bénéficier l’intermédiaire de crédit, à l’obligation de pourvoir à l’information précontractuelle du consommateur, n’est pas de nature à affecter la notion d’« intermédiaire de crédit », au sens de l’article 3, sous f), de la directive 2008/48, mais a pour seul effet d’exclure que les personnes qui n’agissent en qualité d’intermédiaires qu’à titre accessoire soient soumises à l’obligation d’information précontractuelle, prévue aux articles 5 et 6 de cette directive, les autres dispositions de ladite directive, notamment son article 21 relatif à certaines obligations des intermédiaires de crédit vis-à-vis des consommateurs, restant applicables à l’égard de ces personnes.

50

Cette exception n’a pas non plus pour effet d’affecter le niveau de protection du consommateur prévu par la directive 2008/48.

51

À cet égard, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocat général aux points 28 à 30 de ses conclusions, l’obligation, énoncée aux articles 5 et 6 de cette directive, d’information précontractuelle du consommateur par le prêteur et, le cas échéant, par l’intermédiaire de crédit, contribue à la réalisation de l’objectif, visé au point 27 du présent arrêt, d’assurer à tous les consommateurs un niveau élevé de protection de leurs intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2014, CA Consumer Finance, C-449/13, EU:C:2014:2464, point 21, ainsi que du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, EU:C:2016:283, point 61).

52

Or, ainsi qu’il résulte de l’article 7, seconde phrase, de ladite directive, lu à la lumière du considérant 24 de celle-ci, l’exception, prévue à l’article 7, première phrase, de la directive 2008/48, à l’égard des fournisseurs de biens ou des prestataires de services agissant en qualité d’intermédiaires de crédit à titre accessoire, ne porte pas atteinte à l’obligation du prêteur de veiller à ce que le consommateur reçoive les informations précontractuelles visées aux articles 5 et 6 de cette directive.

53

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, sous f), et l’article 7 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’une agence de recouvrement qui conclut, au nom d’un prêteur, un accord de rééchelonnement d’un crédit impayé mais qui n’agit en qualité d’intermédiaire de crédit qu’à titre accessoire, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, doit être considérée comme étant un « intermédiaire de crédit », au sens de cet article 3, sous f), et n’est pas soumise à l’obligation d’information précontractuelle du consommateur, au titre des articles 5 et 6 de cette directive.

Sur les dépens

54

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)

L’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’un accord de rééchelonnement d’un crédit, qui est conclu, à la suite de la défaillance du consommateur, entre celui-ci et le prêteur par l’intermédiaire d’une agence de recouvrement, n’est pas consenti « sans frais », au sens de cette disposition, lorsque, par cet accord, le consommateur s’engage à rembourser le montant total de ce crédit et à payer des intérêts ou des frais n’ayant pas été prévus par le contrat initial aux termes duquel ledit crédit a été accordé.

2)

L’article 3, sous f), et l’article 7 de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’une agence de recouvrement qui conclut, au nom d’un prêteur, un accord de rééchelonnement d’un crédit impayé mais qui n’agit en qualité d’intermédiaire de crédit qu’à titre accessoire, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, doit être considérée comme étant un « intermédiaire de crédit », au sens de cet article 3, sous f), et n’est pas soumise à l’obligation d’information précontractuelle du consommateur, au titre des articles 5 et 6 de cette directive.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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CJUE, n° C-127/15, Arrêt de la Cour, Verein für Konsumenteninformation contre INKO, Inkasso GmbH, 8 décembre 2016