CJUE, n° C-177/16, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra / Latvijas Autoru apvienība contre Konkurences padome, 6 avril 2017

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 avr. 2017, C-177/16
Numéro(s) : C-177/16
Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 6 avril 2017.#Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra / Latvijas Autoru apvienība contre Konkurences padome.#Demande de décision préjudicielle, introduite par l’Augstākā tiesa Administratīvo lietu departaments.#Renvoi préjudiciel – Concurrence – Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Notion de “prix non équitable” – Redevances perçues par un organisme de gestion collective des droits d’auteur – Comparaison avec les tarifs pratiqués dans d’autres États membres – Choix des États de référence – Critères d’appréciation des prix – Calcul de l’amende.#Affaire C-177/16.
Date de dépôt : 29 mars 2016
Précédents jurisprudentiels : 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission ( 26/75, EU:C:1975:150
14 février 1978, United Brands ( 27/76, EU:C:1978:22
14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission ( 27/76, EU:C:1978:22
40 ) Arrêt du 6 février 2003, SENA ( C-245/00, EU:C:2003:68
51 ) Arrêt du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission ( 26/75, EU:C:1975:150
57 ) Arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova ( C-179/90, EU:C:1991:464
58 ) Arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission ( C-385/07 P, EU:C:2009:456
Arrêts du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission ( 26/75, EU:C:1975:150
British Airways/Commission ( C-95/04 P, EU:C:2007:166
CIRCA et Maxicar ( 53/87, EU:C:1988:472
Commission ( C-159/08 P, non publiée, EU:C:2009:188
Crespelle ( C-323/93, EU:C:1994:368
Dalmine/Commission ( C-407/04 P, EU:C:2007:53
Eturas e.a. ( C-74/14, EU:C:2016:42
GT-Link ( C-242/95, EU:C:1997:376
Kanal 5 et TV 4 ( C-52/07, EU:C:2008:703
MOTOE ( C-49/07, EU:C:2008:376
Voir arrêt du 27 février 2014, OSA ( C-351/12, EU:C:2014:110
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62016CC0177
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2017:286
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 6 avril 2017 ( 1 )

Affaire C-177/16

Biedrība « Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra – Latvijas Autoru apvienība »

contre

Konkurences padome

[demande de décision préjudicielle formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]

« Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Effet sur le commerce entre États membres – Société de gestion collective – Prix non équitables – Chiffre d’affaires pertinent aux fins d’imposer une amende »

1.

Existe-t-il des prix non équitables ?

2.

Dans le domaine du droit de la concurrence, différents pays ont effectué à cet égard des choix différents. En particulier, dans nombre d’entre eux, dont les États-Unis d’Amérique, le comportement d’entreprises puissantes sur le marché qui ne font qu’exploiter directement la clientèle n’est, en général, pas considéré comme une atteinte à ce droit. Toutefois, le choix effectué par les auteurs des traités de l’Union européenne est, à l’évidence, différent : l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE inclut, parmi les types d’abus de position dominante interdits, une pratique qui consiste à « imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ».

3.

Néanmoins, dans sa pratique, la Commission européenne a fait preuve d’une extrême réticence dans l’usage de cette disposition contre des (prétendus) prix élevés, pratiqués par des entreprises dominantes, cela à juste titre à mon sens. En particulier, il n’est nullement besoin d’appliquer cette disposition dans un marché libre et concurrentiel : en l’absence de barrières à l’entrée, des prix élevés devraient normalement attirer les nouveaux entrants. Le marché s’autocorrigerait en conséquence.

4.

Toutefois, il peut en être autrement sur des marchés où il existe des barrières juridiques à l’entrée ou à l’expansion et, notamment, sur ceux où il existe un monopole légal. En effet, il peut y avoir des marchés qui, en raison de leurs caractéristiques particulières, ne fonctionnent pas efficacement lorsqu’ils sont ouverts à la concurrence. Ainsi, un gouvernement peut avoir des raisons politiques légitimes à limiter la concurrence sur un marché spécifique, sacrifiant ainsi l’efficacité économique au profit d’autres objectifs publics.

5.

Tel est précisément le cas dans l’affaire au principal.

6.

La présente affaire donne à la Cour l’opportunité de clarifier les conditions dans lesquelles l’imposition de prix élevés par une entreprise dominante pourrait enfreindre l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE. En d’autres termes, la présente affaire concerne des prix fixés par des entreprises dominantes qui peuvent être abusifs car, dans la mesure où ces prix sont excessivement élevés, ces entreprises exploitent la clientèle. En revanche, elle ne concerne pas des prix qui peuvent être abusifs en raison de leur effet d’exclusion sur les concurrents.

I. Le droit letton

7.

L’article 13 de la Konkurences likums (loi sur la concurrence) est libellé dans des termes analogues à ceux de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE.

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

8.

La requérante au principal, l’« Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra – Latvijas Autoru apvienība » (l’Agence de consultations sur les droits d’auteurs et la communication/Association lettone des auteurs, ci-après l’« AKKA/LAA »), en sa qualité de société de gestion collective, accorde des licences pour l’exécution publique d’œuvres musicales dans les magasins et les lieux de services aux clients. Les redevances appliquées à ces licences sont fonction de la superficie des locaux. L’AKKA/LAA bénéficie d’un monopole légal en Lettonie.

9.

En 2008, le Konkurences padome (Conseil de la concurrence, Lettonie) a infligé une amende à l’AKKA/LAA pour abus de position dominante au motif qu’elle appliquait des taux de redevance excessivement élevés pour la rémunération des auteurs. Le montant de l’amende infligée a été calculé à partir du chiffre d’affaires de la société de gestion collective, déduction faite des montants transférés aux auteurs à titre de rémunération.

10.

Par la suite, en 2011, l’AKKA/LAA a établi de nouveaux tarifs pour la rémunération des auteurs, au sujet desquels le Conseil de la concurrence a ouvert une procédure en 2012. Pour apprécier si ces tarifs étaient justifiés, cette autorité les a comparés à la fois aux tarifs appliqués en Lituanie et en Estonie, pays voisins, qui étaient considérés comme relativement semblables à la République de Lettonie, compte tenu des habitudes de consommation, de l’économie et du produit intérieur brut, et – à titre d’exemple – avec les tarifs appliqués dans d’autres États membres, en tenant compte de l’indice de parité du pouvoir d’achat (ci-après l’« indice PPA »), dérivant du produit intérieur brut (PIB). Cette autorité a constaté que les tarifs pratiqués par la requérante étaient sensiblement plus élevés que ceux applicables (même le double sur certains segments) dans les pays voisins et parmi les plus élevés de l’Union européenne, dépassant de 50 à 100 % le niveau moyen des tarifs de l’Union. Le Conseil de la concurrence a estimé que, dans la mesure où ces tarifs dépassaient sensiblement ceux établis dans les pays voisins, ils n’étaient pas justifiés et, en outre, ils ne pouvaient pas être justifiés objectivement par l’AKKA/LAA.

11.

Par conséquent, par décision du 2 avril 2013 (ci-après la « décision attaquée »), le Conseil de la concurrence a estimé que la pratique de l’AKKA/LAA était constitutive d’une violation de l’interdiction prévue à l’article 13, paragraphe 4, de la loi sur la concurrence ainsi qu’à l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE et il lui a infligé une amende. Aux fins de calculer le montant de l’amende, il a tenu compte du chiffre d’affaires de l’AKKA/LAA mais en incluant cette fois les sommes collectées au titre de la rémunération des auteurs, qui avaient été versées à ceux-ci. Le Conseil de la concurrence a indiqué que le chiffre d’affaires d’entités telles que des sociétés de gestion collective doit, aux fins du droit de la concurrence, être calculé selon les mêmes principes que ceux applicables aux sociétés de capitaux afin d’assurer que le calcul du montant de l’amende ne diffère pas selon la forme juridique de l’opérateur économique.

12.

Par jugement du 9 février 2015, l’Administratīvā apgabaltiesa (cour administrative régionale, Lettonie) a partiellement fait droit au recours. Elle a confirmé la conclusion selon laquelle des tarifs indûment élevés avaient été appliqués mais elle a annulé la décision attaquée en ce qui concerne l’amende infligée et, en se fondant sur les principes de légalité et d’égalité, elle a ordonné au Conseil de la concurrence de calculer à nouveau le montant de l’amende devant être imposée à l’AKKA/LAA, sans inclure dans son chiffre d’affaires les sommes perçues au titre de la rémunération des auteurs. Chaque partie a interjeté appel de cette décision devant l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie).

13.

Nourrissant des doutes quant à l’interprétation de l’article 102 TFUE, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE est-il applicable dans un litige qui porte sur les tarifs établis par un organisme national de gestion des droits patrimoniaux des auteurs lorsque cet organisme perçoit les redevances également pour des œuvres d’auteurs étrangers et que les tarifs qu’il a fixés peuvent décourager l’utilisation desdites œuvres dans l’État membre concerné ?

2)

La notion de prix non équitables utilisée à [l’]article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE doit-elle être précisée dans le domaine des droits d’auteur et droits voisins au moyen d’une comparaison des prix (tarifs) avec les prix (tarifs) applicables sur les marchés voisins du marché concerné ; cette comparaison est-elle suffisante et dans quels cas ?

3)

La notion de prix non équitables utilisée à [l’]article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE doit-elle être précisée dans le domaine des droits d’auteur et droits voisins au moyen de l’indice [PPA], dérivant du produit intérieur brut, et cette comparaison est-elle suffisante ?

4)

Convient-il d’effectuer la comparaison des tarifs par rapport à chaque segment tarifaire ou par rapport au niveau moyen des tarifs ?

5)

Quand convient-il de considérer comme sensible la différence entre les tarifs examinés aux fins de l’application de la notion de prix (tarifs) non équitables utilisée à [l’]article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE, de sorte que l’opérateur économique qui bénéficie d’une position dominante doit démontrer que ses tarifs sont équitables ?

6)

Dans le cadre de l’application de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE, quelles informations peut-on raisonnablement attendre de l’opérateur économique pour démontrer le caractère équitable des tarifs de l’œuvre protégée si le coût de revient de ladite œuvre ne peut pas être déterminé comme il le serait pour des produits matériels ? S’agit-il uniquement des coûts administratifs de l’organisme de gestion des droits patrimoniaux des auteurs ?

7)

Dans le cadre d’une infraction au droit de la concurrence, convient-il, aux fins de la détermination du montant de l’amende, d’exclure du chiffre d’affaires de l’organisme de gestion des droits patrimoniaux des auteurs les rémunérations payées aux auteurs par ledit organisme ? »

14.

Des observations écrites ont été déposées par l’AKKA/LAA, par les gouvernements letton, allemand, espagnol et néerlandais ainsi que par la Commission. L’AKKA/LAA, les gouvernements letton et espagnol ainsi que la Commission ont également présenté des observations orales lors de l’audience du 8 février 2017.

III. Analyse

A. Introduction

15.

Toute cette affaire porte sur un abus allégué consistant dans l’application de prix non équitables au sens de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE. Il apparaît, dès lors, utile de rappeler brièvement la jurisprudence de la Cour relative à cette disposition.

16.

Dans l’affaire United Brands et United Brands Continentaal/Commission ( 2 ) ainsi que dans d’autres arrêts ultérieurs ( 3 ), la Cour a considéré qu’il était contraire à ce qui est à présent l’article 102 TFUE le fait d’appliquer un prix excessif au motif que ce prix n’avait pas de rapport raisonnable avec la valeur économique du produit fourni. Par conséquent, seuls des prix « disproportionnés » ou « exorbitants » pouvaient méconnaître cette disposition ( 4 ). La Cour a établi une analyse en deux étapes à cet égard.

17.

La première étape de l’analyse consiste à déterminer s’il existe un écart excessif – à savoir une différence très importante – entre le prix effectivement facturé par l’entreprise dominante sur le marché pertinent et le prix que l’entreprise aurait hypothétiquement facturé s’il existait une concurrence efficace sur le marché (ci-après le « prix de référence ») ( 5 ).

18.

La Cour a reconnu qu’il existe plusieurs méthodes pour déterminer si le prix est excessif ( 6 ). Notamment, lorsque cela est possible et approprié, une comparaison peut être effectuée entre le prix de vente et le coût de revient ( 7 ). Cette méthode semble être fondée sur l’idée qu’il existe un prix de seuil qui garantit une marge satisfaisante ( 8 ) s’agissant des coûts et que, au-delà de ce seuil, le prix facturé par une entreprise dominante est excessif ( 9 ). L’élément central de l’analyse porte, dès lors, sur les marges (ou la rentabilité) de l’entreprise dominante sur la vente des produits ou services en question.

19.

En d’autres termes, la Cour a effectué une comparaison entre, d’une part, les prix facturés pour le produit en question par l’entreprise dominante et, d’autre part, les prix facturés sur le même marché par des entreprises non dominantes ( 10 ) ou par la même entreprise dominante à différents moments (comparaison dans le temps) ( 11 ), ou les prix facturés sur d’autres marchés géographiques par la même entreprise dominante ( 12 ) ou par d’autres entreprises (comparaison géographique) ( 13 ). L’idée sous-jacente est que, si les produits ou les marchés géographiques sélectionnés sont suffisamment homogènes, une comparaison des prix peut être significative ( 14 ). De même, les structures de prix d’une entreprise dans le temps peuvent également fournir des indices utiles.

20.

Une fois qu’une ou plusieurs de ces méthodes ont permis de constater qu’il existe une différence significative entre les prix effectivement facturés par l’entreprise dominante et le prix de référence, il convient de déterminer la mesure dans laquelle ce prix effectif est non équitable, en tant que tel ou par comparaison avec d’autres produits ( 15 ).

21.

Cette seconde étape de l’analyse vise à déterminer si la différence de prix est uniquement le résultat d’une utilisation abusive de la puissance sur le marché par l’entreprise dominante ou la conséquence de motifs autres et légitimes.

22.

Ce n’est que s’il n’existe aucune justification valable de la différence entre le prix de référence et le prix effectivement proposé par l’entreprise dominante à ses clients que le prix peut être considéré comme « non équitable », au sens de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE.

23.

La Cour a également appliqué cette analyse en deux étapes pour déterminer si un prix est excessif, et donc non équitable au sens de l’article 102 TFUE, dans des affaires qui portaient – comme dans le litige au principal – sur la pratique de sociétés de gestion collective. Dans ces affaires, la Cour a estimé que « lorsqu’une entreprise en position dominante impose des tarifs pour les services qu’elle rend, qui sont sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans les autres États membres, et lorsque la comparaison des niveaux des tarifs a été effectuée sur une base homogène, cette différence doit être considérée comme l’indice d’un abus de position dominante. Il appartient, dans ce cas, à l’entreprise en question de justifier la différence en se fondant sur des divergences objectives entre la situation de l’État membre concerné et celle prévalant dans tous les autres États membres» ( 16 ).

24.

C’est dans ce contexte que j’analyserai les questions de droit soulevées par la juridiction de renvoi.

B. Sur la première question préjudicielle

25.

Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si la pratique d’une société de gestion collective, qui est chargée de percevoir une rémunération aussi pour les œuvres d’auteurs étrangers, peut avoir une incidence sur le commerce entre États membres aux fins de l’article 102 TFUE.

26.

D’emblée, je rappellerais que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’interprétation de la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres, figurant aux articles 101 et 102 TFUE, doit se fonder sur le but de cette condition, qui est de déterminer, dans le cadre de la réglementation de la concurrence, les limites entre les zones couvertes, respectivement, par le droit de l’Union et par le droit des États membres. Ainsi, relève du domaine du droit de l’Union toute entente ou toute pratique susceptible de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’un marché unique entre États membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence dans le marché unique. Pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres ( 17 ).

27.

Cela étant dit, le fait que le comportement d’une entreprise en position dominante n’ait pour objet que la commercialisation de produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, un tel comportement peut avoir pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité ( 18 ).

28.

Dans la présente affaire, ainsi que la juridiction de renvoi l’a elle-même relevé, la politique de prix mise en œuvre par l’AKKA/LAA concerne également les œuvres des auteurs étrangers et, par conséquent, elle affecte la diffusion de ces œuvres en Lettonie. Dès lors que cet organisme bénéficie d’un monopole légal, ses choix quant à la manière et quant aux prix selon lesquels il autorise la reproduction d’œuvres protégées ont inévitablement une incidence sur les formes de comportement des consommateurs en Lettonie et sur les décisions des titulaires de droits en ce qui concerne le marché de ce pays.

29.

En effet, la Cour a régulièrement considéré que les règles de concurrence de l’Union s’appliquaient aux activités des sociétés de gestion collective qui consistent à accorder des licences pour des œuvres musicales, en dépit du fait que ces activités se limitaient à un seul État membre ( 19 ).

30.

Le fait, auquel il est fait allusion dans la décision de renvoi, que le Tribunal de l’Union européenne ait partiellement annulé en 2013 une décision de la Commission ( 20 ) ( 21 ), adoptée dans le cadre d’une procédure ouverte en vertu de l’article 101 TFUE et adressée à 24 sociétés de gestion collective (y compris l’AKKA/LAA), n’a aucune incidence à cet égard. Le Tribunal a annulé la décision C(2008) 3435 final aux motifs que la Commission n’avait pas prouvé à suffisance de droit l’existence d’une pratique concertée entre les sociétés de gestion collective. Aucune disposition dans l’arrêt du Tribunal ne concerne la question de savoir si le comportement des sociétés de gestion collective était susceptible d’avoir une incidence sur le commerce entre États membres.

31.

Il convient, dès lors, d’en conclure que la pratique d’une société de gestion collective qui est chargée de percevoir une rémunération aussi pour les œuvres d’auteurs étrangers peut, même si elle a lieu dans un seul État membre, avoir une incidence sur le commerce entre États membres aux fins de l’article 102 TFUE.

C. Sur la deuxième question préjudicielle

32.

Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans une situation telle que celle du litige au principal, il était approprié et suffisant que l’autorité nationale de la concurrence établisse une comparaison entre les tarifs du marché national en question et les tarifs applicables sur les marchés voisins.

33.

Cette deuxième question préjudicielle concerne, tout comme la troisième, la quatrième et la cinquième question préjudicielle, la première étape de l’analyse évoquée aux points 17 à 19 ci-dessus : l’appréciation qui consiste à savoir s’il existe un écart excessif entre les prix effectivement facturés par l’entreprise dominante sur le marché pertinent et le prix de référence. À titre de rappel, ce dernier est le prix que les entreprises auraient hypothétiquement facturé si le marché avait été concurrentiel.

34.

Cette question touche manifestement à l’essence même des questions soulevées dans la présente procédure puisqu’elle implique que la Cour précise la méthode et les critères devant être appliqués par les autorités de la concurrence pour déterminer le prix de référence. Avant d’examiner cet aspect en détail, je rappellerai une fois de plus que l’affaire au principal concerne une pratique de prix non équitables dans une situation impliquant un monopole légal.

1. Observations d’ordre général

35.

Ainsi que je l’ai expliqué aux points 18 et 19 ci-dessus, la Cour a laissé aux autorités de l’Union et aux autorités nationales de la concurrence une certaine marge de manœuvre pour ce qui est de la méthodologie qui peut être suivie pour déterminer si un prix est excessif. Pour les raisons exposées ci-après, il s’agit, à mon sens, d’une approche très raisonnable.

a) Sur l’absence de méthode ou de critère unique

36.

Il est possible d’affirmer aisément que, au stade actuel de la pensée juridique et économique, il n’existe pas à cet égard de méthode, de critère ou d’ensemble de critères unique, qui seraient admis en général par la doctrine économique ou les systèmes juridiques. Différents auteurs, ainsi que des juristes et des économistes, ont proposé un certain nombre de méthodes d’analyse (ainsi que des critères, des contrôles ou des « filtres » variés) à cet effet. Toutefois, chacune de ces méthodes fait apparaître, en réalité, des faiblesses qui lui sont inhérentes.

37.

En premier lieu, aucune de ces méthodes ne peut être utilisée dans tous les cas, dès lors que son caractère approprié (et, parfois, la possibilité même de les mettre en œuvre) dépend beaucoup des caractéristiques spécifiques de chaque affaire. Pour prendre un exemple, une comparaison prix/coûts a peu de sens au regard de la fourniture de certains biens immatériels tels que, comme dans l’affaire au principal, des droits d’auteurs sur des œuvres musicales.

38.

En deuxième lieu, les informations requises pour effectuer les opérations nécessaires pour le calcul du prix de référence peuvent manquer ou être incomplètes, ou avoir une valeur controversée. Notamment, identifier les coûts et les rattacher à un produit particulier sont une opération hautement complexe pour une majorité d’activités et pour de nombreuses entreprises ( 22 ). Le calcul des marges bénéficiaires est donc un exercice plutôt incertain. Il ne faut pas perdre de vue que les normes comptables et les tarifs peuvent changer en fonction des secteurs ou des pays, en raison de la différence entre les dispositions juridiques ou les conventions comptables applicables qui, en outre, peuvent ne pas refléter toujours les concepts économiques pertinents ( 23 ).

39.

En troisième lieu, comparer les prix sur des marchés géographiques différents, entre différents concurrents et/ou à des périodes différentes présente également des risques. Il est rare que les marchés soient suffisamment homogènes pour qu’une comparaison significative puisse être effectuée immédiatement et automatiquement. Un certain nombre d’ajustements aux données existantes sur les marchés pris comme points de comparaison peut être nécessaire avant que ces données puissent être utilisées pour déterminer le prix de référence.

40.

Tout d’abord, en ce qui concerne les comparaisons géographiques, des éléments tels que, à titre non exhaustif, la fiscalité nationale, les caractéristiques du marché national du travail et les préférences des consommateurs locaux peuvent affecter de manière significative le prix final des produits ou services concernés ( 24 ). S’agissant des comparaisons avec les concurrents, il ne faut pas oublier que des différences de prix peuvent simplement refléter des qualités différentes : un produit plus cher peut être objectivement (ou perçu comme étant) de qualité supérieure.

41.

Enfin, en ce qui concerne les comparaisons dans le temps, il convient de tenir compte du fait que des changements de facteurs susceptibles d’affecter le prix final d’un produit ou d’un service peuvent se produire relativement rapidement sur le marché. Ces facteurs peuvent concerner des stratégies d’entreprise légitimes (notamment, une entreprise peut décider de tenter d’entrer sur un nouveau marché et pratiquer, pendant un certain temps, des prix très bas, acceptant de la sorte de réduire ses marges) ; une augmentation des coûts (en raison de facteurs externes tels que des changements affectant la fiscalité locale ou les coûts d’emprunt, ou des décisions prises par l’entreprise elle-même telles que des choix en matière de campagne publicitaire ou de recherche et développement) ; ou même des préférences des consommateurs (en particulier, des changements dans la perception d’un produit par les clients en réponse à de nouvelles stratégies marketing). Tous ces facteurs peuvent conduire à des changements (souvent légitimes) soudains et significatifs de prix.

42.

En raison de ces limitations, les autorités de la concurrence et les économistes reconnaissent, en général, que l’exercice qui consiste à déterminer le prix de référence dans le cas d’une éventuelle pratique de prix excessifs comporte un risque élevé d’erreurs de type I (faux positifs : un prix est considéré, par erreur, comme étant au-delà du prix de la concurrence) et de type II (faux négatifs : un prix est considéré, par erreur, comme n’étant pas au-delà du prix de la concurrence) ( 25 ).

b) Sur la combinaison de différentes méthodes

43.

Ainsi, en l’absence d’un contrôle omniprésent et compte tenu des limitations inhérentes à toutes les méthodes existantes, il est à mon sens essentiel, pour éviter (ou, plus exactement, pour réduire) les risques d’erreurs, que les autorités de la concurrence s’efforcent d’examiner une affaire en combinant plusieurs méthodes parmi celles qui sont admises par la doctrine économique autorisée et qui semblent appropriées et adaptées à une situation donnée. Selon moi, les méthodes identifiées dans la jurisprudence de la Cour (et qui ont été illustrées aux points 18 et 19 ci-dessus) peuvent permettre d’atteindre cet objectif ( 26 ).

44.

Le choix de combiner plusieurs méthodes est, en fait, une approche qui a été suivie par un certain nombre d’autorités de la concurrence dans le monde : notamment, l’Office of Fair Trading (OFT) (autorité de la concurrence, Royaume-Uni) dans l’affaire Napp ( 27 ). Ce choix est également cohérent par rapport aux suggestions proposées dans les forums de discussion internationaux organisés par ces autorités ( 28 ) ainsi que dans les publications économiques contemporaines ( 29 ).

45.

Il est vrai que cette approche a fait l’objet de critiques au motif que l’application combinée de plusieurs méthodologies imprécises, même lorsqu’elles produisent chacune des résultats cohérents, peut ne pas conduire à une conclusion plus fiable ( 30 ). Certes, les faiblesses de l’une ne sont pas nécessairement compensées par l’application d’une autre tout aussi faible. Cependant, si les méthodes sont appliquées indépendamment l’une de l’autre, une limitation donnée inhérente à l’une d’entre elles n’affectera pas les résultats obtenus en recourant à une autre. Ainsi, pour autant que les méthodologies utilisées ne soient pas, en tant que telles, erronées, et qu’elles soient appliquées avec rigueur et objectivité, la convergence des résultats obtenus peut être considérée comme l’indice du prix de référence possible dans une affaire donnée.

c) Sur les indices supplémentaires

46.

Cela dit, il peut y avoir des cas où seulement une des méthodes permettant de déterminer le prix de référence peut être appropriée ou adaptée. Dans ces cas, j’estime qu’il est de la plus haute importance que l’autorité tienne compte d’autres indices susceptibles de corroborer ou, au contraire, de mettre en doute le résultat de cette méthode.

47.

À mon sens, les indices suivants me paraissent pertinents.

48.

En premier lieu, un prix ne peut pas aisément être fixé au-dessus du niveau de la concurrence lorsque le marché n’est pas protégé par des barrières élevées à l’entrée ou à l’expansion. À défaut, comme indiqué ci-dessus, le marché devrait pouvoir s’autocorriger à court ou moyen terme : des prix élevés devraient normalement attirer de nouveaux entrants ou encourager l’expansion des concurrents existants. C’est pourquoi, comme énoncé au début des présentes conclusions, je suis convaincu que des prix non équitables, au sens de l’article 102 TFUE, ne peuvent exister que sur des marchés réglementés, où les autorités publiques exercent une forme de contrôle sur les forces de l’offre et où, par conséquent, le champ pour une concurrence libre et ouverte est réduit. À l’évidence, plus les barrières créées par le législateur sont élevées et durables, plus une entreprise en position dominante devrait être en mesure d’exercer sa puissance sur le marché.

49.

En deuxième lieu, il est peu probable de rencontrer un prix excédant de manière importante un prix concurrentiel sur des marchés où il existe un régulateur sectoriel chargé, notamment, de fixer ou de contrôler les prix pratiqués par les entreprises actives dans ce secteur. Les autorités sectorielles sont clairement mieux équipées que les autorités de la concurrence pour superviser les prix et agir, le cas échéant, afin de remédier à d’éventuels abus ( 31 ). Il semblerait, dès lors, que les infractions restrictives de la concurrence devraient, dans ces cas-là, se limiter principalement à des cas d’erreurs ou, plus généralement, à des manquements réglementaires, dans lesquels l’autorité de régulation sectorielle aurait dû intervenir et ne l’a pas fait, à tort.

50.

En troisième lieu, une entreprise puissante sur le marché est, à l’évidence, moins en mesure d’utiliser sa position lorsqu’elle négocie avec des acheteurs puissants. Pour prendre un exemple, s’agissant des licences pour l’utilisation d’œuvres musicales protégées par des droits d’auteurs, la position de négociation des petits commerces est susceptible d’être différente de celles des plates-formes internationales (telles que Spotify) ou des groupes constitués par des entreprises importantes et complexes (telles que les majors d’Hollywood). La taille et la force financière d’une entreprise (ou d’un groupe d’entreprises) peuvent effectivement être d’une grande importance dans les négociations. Toutefois, la mesure dans laquelle les produits sous licence constituent une valeur importante (ou même indispensable) pour les clients des entreprises peut également être d’une grande importance dans ce contexte.

51.

Il est clair que d’autres facteurs pertinents peuvent exister, selon les circonstances spécifiques de chaque affaire.

d) Sur une mise en garde

52.

Pour conclure sur ce point, il paraît important de formuler les deux observations suivantes. D’abord, je voudrais rappeler que c’est à l’autorité de la concurrence de prouver une atteinte aux règles de concurrence de l’Union ( 32 ). Ensuite, il est de jurisprudence constante qu’un principe tel que la présomption d’innocence s’applique aux entreprises qui font l’objet d’une enquête en raison d’une éventuelle violation du droit de la concurrence de l’Union ( 33 ).

53.

À mon sens, il en résulte qu’un manque éventuel de données fiables ou la complexité des opérations impliquées dans le calcul du prix de référence (ou dans son établissement) ne sauraient justifier une analyse incomplète, superficielle ou douteuse de la part d’une autorité de la concurrence. En d’autres termes, les éventuelles difficultés rencontrées par une autorité pour effectuer une appréciation ne sauraient porter préjudice à l’entreprise faisant l’objet d’une enquête.

54.

Indépendamment de la situation spécifique propre à une affaire, la ou les méthodes appliquées et les autres indices examinés doivent fournir à l’autorité un ensemble d’éléments suffisamment complets et fiables allant tous dans la même direction : l’existence d’une différence ( 34 ) entre le prix de référence (hypothétique) et le prix effectif facturé par l’entreprise dominante en question.

55.

C’est à nouveau dans ce contexte que j’examinerai les aspects spécifiques de l’affaire au principal.

2. Sur l’affaire au principal

56.

Dans la décision attaquée, le Conseil de la concurrence a décidé de comparer les tarifs appliqués par l’AKKA/LAA à ceux appliqués par des organismes analogues qui opèrent sur d’autres marchés géographiques. La juridiction de renvoi demande si une telle méthode est, dans l’affaire concernée, appropriée et suffisante.

a) Sur le caractère approprié de la mesure

57.

Comme indiqué aux points 19 et 23 ci-dessus, la méthode de la comparaison géographique a été reconnue, en principe, comme valable par la Cour. Elle a, en outre, été reprise dans des affaires qui concernaient précisément les pratiques de sociétés de gestion collective.

58.

Ainsi, je partage le point de vue des gouvernements letton, allemand, espagnol et néerlandais ainsi que celui de la Commission, selon lequel une comparaison géographique entre les prix pratiqués exactement pour les mêmes services par des organismes différents dans différents États membres peut, dans une situation telle que celle dans l’affaire au principal ( 35 ), être une méthode appropriée pour déterminer le prix de référence aux fins de l’article 102 TFUE.

59.

À l’évidence, tel est le cas seulement si l’autorité a appliqué la méthode correctement.

b) Sur la bonne mise en œuvre de la méthode

60.

Il est clair qu’il appartient, en principe, à la juridiction nationale de déterminer si une méthode donnée a été bien appliquée ou non dans une affaire spécifique. Toutefois, la Cour peut donner à une telle juridiction, lorsque c’est possible, des orientations de manière à ce qu’elle puisse interpréter et appliquer l’article 102 TFUE de manière appropriée et cohérente.

61.

À cet égard, je considère qu’une autorité devrait d’abord sélectionner les États membres de référence, selon des critères objectifs, appropriés et vérifiables.

62.

Selon la juridiction de renvoi, le Conseil de la concurrence a choisi les pays limitrophes que sont la République de Lituanie et la République d’Estonie, car ils sont tout à fait semblables à la République de Lettonie en ce qui concerne les habitudes de consommation, l’économie et le bien-être des citoyens (PIB) et ils partagent également le même héritage historique et culturel.

63.

Contrairement au point de vue exprimé par l’AKKA/LAA, j’estime que ces critères sont objectifs et vérifiables. En outre, ils paraissent pertinents en ce qu’ils visent à assurer que les marchés sont homogènes à la fois quant à l’offre et à la demande. En effet, il est très important de tenir compte dans ce contexte des deux facteurs suivants qui, à mon sens, peuvent affecter la valeur économique du service fourni par l’AKKA/LAA : i) la capacité et la volonté des clients de l’AKKA/LAA de payer pour les services obtenus, et ii) l’avantage économique que les clients de l’AKKA/LAA peuvent obtenir de ce service lorsque, à leur tour, ils fournissent des produits ou des services à leurs propres clients.

64.

Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les similitudes alléguées entre la République de Lettonie, d’une part, et la République de Lituanie et la République d’Estonie, d’autre part, sont réelles et véritablement pertinentes aux fins de l’analyse effectuée par le Conseil de la concurrence.

65.

En outre, cette juridiction doit également s’assurer qu’aucun État membre autre, bien que n’étant pas un pays voisin ( 36 ), remplit les critères retenus par le Conseil de la concurrence. En d’autres termes, comme l’a invoqué le gouvernement allemand, l’Augstākā tiesa (Cour suprême) doit également vérifier que le Conseil de la concurrence n’a pas exclu des pays arbitrairement ou, pire encore, au motif qu’ils ont produit des données qui ne « convenaient » pas à l’affaire dont il est saisi.

66.

À cet égard, la juridiction de renvoi a indiqué que, dans sa décision, le Conseil de la concurrence a également examiné, à titre d’exemple, les tarifs appliqués dans d’autres États membres (à la fois individuellement et pour calculer la moyenne de l’Union), en tenant compte de l’indice PPA basé sur le PIB. Les résultats de cette analyse semblent confirmer les conclusions obtenues en examinant les marchés letton et estonien.

67.

Cet « élargissement » du groupe de pays avec lesquels le marché letton a été comparé est de la plus haute importance. Une comparaison limitée à deux pays seulement, aussi homogènes soient-ils avec la République de Lettonie, peut ne pas conduire à des résultats fiables. En effet, comme l’AKKA/LAA le souligne, tout facteur atypique susceptible d’exister sur chacun de ces deux marchés aurait un effet particulièrement important sur les calculs effectués par l’autorité de la concurrence. À mon sens, l’échantillon de pays choisi pour effectuer une comparaison doit être aussi large que possible ( 37 ).

68.

Cela étant, toute différence significative entre l’État membre concerné et les autres États membres choisis aux fins d’une comparaison devrait être prise en considération. Comme indiqué ci-dessus, la Cour a clairement énoncé qu’une comparaison entre les pays est possible si elle est effectuée de manière cohérente. La juridiction de renvoi doit ainsi vérifier que les ajustements nécessaires ont été effectués de manière à tenir compte des différences existant entre les différents pays.

c) Sur le caractère suffisant de la méthode

69.

Le dernier aspect qu’il convient d’examiner afin de fournir une réponse à la juridiction de renvoi est de savoir si la méthode de comparaison géographique suivie par le Conseil de la concurrence était suffisante aux fins d’établir le prix de référence.

70.

Là encore, il s’agit d’un aspect qui doit être tranché, en principe, par la juridiction nationale. Toutefois, pour donner des orientations à cette dernière, je relèverai ce qui suit.

71.

La juridiction de renvoi doit, d’abord, vérifier si d’autres méthodes permettant de déterminer le prix de référence auraient pu également être utilisées en même temps que la comparaison géographique. Sous réserve d’une vérification par la juridiction nationale, il se peut que d’autres méthodes n’aient pas été disponibles ou appropriées.

72.

Premièrement, une analyse coûts/prix semble impossible à effectuer dans la situation qui faisait l’objet de la décision attaquée (quel est le coût de composition d’une œuvre musicale ?) ( 38 ).

73.

Cependant, dans ce contexte, j’observe que le gouvernement néerlandais suggère un autre type d’analyse qui se concentre plutôt sur la rémunération effectivement perçue par les auteurs des œuvres sous licence, en vertu des tarifs appliqués par l’AKKA/LAA. En effet, les dispositions d’un certain nombre de directives de l’Union concernent précisément la rémunération que les titulaires de droits d’auteurs doivent percevoir au titre de l’exploitation de leurs œuvres.

74.

L’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE ( 39 ), notamment, énonce que les utilisateurs doivent verser aux titulaires des droits d’auteur une « rémunération équitable […] lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public ». La Cour a interprété la notion de « rémunération équitable » comme « étant de nature à permettre d’atteindre un équilibre adéquat entre l’intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d’un phonogramme déterminé et l’intérêt des tiers à pouvoir radiodiffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables ». La Cour a également indiqué que le caractère équitable de cette rémunération doit être « analysé au regard de la valeur de cette utilisation dans les échanges économiques» ( 40 ).

75.

En outre, l’article 16, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2014/26/UE ( 41 ), qui porte sur l’octroi de licences par des sociétés de gestion collective, dispose notamment que « [l]es titulaires de droits perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits» ( 42 ). Bien que la directive 2014/26 ne soit pas applicable ratione temporis au litige au principal, elle peut néanmoins être pertinente dans la mesure où la notion de « rémunération appropriée » semble analogue à celle de « rémunération équitable » qui figure dans la directive 92/100. Selon le gouvernement néerlandais, les tarifs qui conduisent à une rémunération équitable ou appropriée ne sauraient être considérés comme abusifs, au sens de l’article 102 TFUE.

76.

L’approche du gouvernement néerlandais semble effectivement attractive : si les prix non équitables sont ceux qui permettent d’exploiter de manière excessive les clients au profit des entreprises dominantes, il peut sembler logique de considérer que des tarifs qui ne respectent pas un juste équilibre entre les intérêts des titulaires de droits d’auteurs et ceux des clients peuvent aller à l’encontre de l’article 102 TFUE. L’approche suivie par la Cour dans l’arrêt Kanal 5 et TV 4 semble, en effet, conforter, dans une certaine mesure, cette position ( 43 ).

77.

Cela étant, j’ai des doutes sur le point de savoir si les cadres juridiques établis par les directives 92/100 et 2014/26, d’une part, et l’article 102 TFUE, d’autre part, coïncident pleinement : ils poursuivent des objectifs différents et répondent à des logiques différentes. Les directives visent, notamment, à assurer que les auteurs et les exécutants perçoivent un revenu approprié afin de pouvoir continuer leur travail créateur et artistique ( 44 ). En revanche, l’article 102 TFUE vise à assurer que des entreprises en position dominante (y compris les sociétés de gestion collective) n’abusent pas de leur puissance sur le marché.

78.

En tout état de cause, je ne suis pas certain que des notions telles que celles de « rémunération équitable » ou « rémunération appropriée » puissent être d’une quelconque aide pour une autorité de la concurrence. Elles me semblent aussi vagues que la notion de « prix « excessifs ou non équitables ».

79.

Deuxièmement, dès lors que l’AKKA/LAA est en situation de monopole légal, il n’existe pas de services comparables offerts par des entreprises concurrentes en Lettonie qui pourraient être pris en compte en vue d’une comparaison. En outre, l’AKKA/LAA n’a pas d’activités en dehors de la République de Lettonie. En ce qui concerne les comparaisons des tarifs pratiqués par l’AKKA/LAA au cours de différentes périodes, il n’est pas certain qu’elles pourraient fournir des points de référence utiles dès lors que le Conseil de la concurrence a estimé que les tarifs pratiqués par le passé étaient excessivement élevés.

80.

Néanmoins, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si d’autres méthodes, permettant de déterminer le prix de référence qui aurait pu être utilisé théoriquement en combinaison avec une comparaison avec différents États membres, étaient disponibles et appropriées. Il lui appartient également de vérifier si les résultats auxquels le Conseil de la concurrence est parvenu en ce qui concerne les prix de référence ont été corroborés par des indices supplémentaires.

3. Sur la réponse à la deuxième question préjudicielle

81.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la deuxième question préjudicielle : dans une situation telle que celle du litige au principal, il est, en principe, approprié d’établir une comparaison entre les tarifs sur le marché en question et ceux sur les autres marchés. Cependant, il appartient à la juridiction nationale de vérifier, à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, si une telle comparaison a été correctement effectuée, d’une part, et si elle est suffisante, d’autre part.

D. Sur la troisième question préjudicielle

82.

Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande s’il est approprié et suffisant d’utiliser l’indice PPA dans la comparaison des tarifs facturés par différentes sociétés de gestion collective.

83.

La juridiction de renvoi explique que, lorsque le Conseil de la concurrence a comparé les tarifs appliqués par l’AKKA/LAA en Lettonie à ceux appliqués dans 19 autres États membres (à savoir des États membres autres que les pays limitrophes), il a recouru à l’indice PPA pour « rectifier » ces tarifs.

84.

D’emblée, je rappellerai une fois de plus que, dans les arrêts Tournier et Lucazeau e.a., la Cour a affirmé qu’une comparaison géographique des tarifs peut être possible si elle est effectuée « sur une base homogène» ( 45 ). À mon sens, l’homogénéité d’une comparaison nécessite que les produits et services en question soient identiques ou très similaires mais aussi que le contexte économique dans lequel ces produits et services sont fournis soit globalement similaire.

85.

Toutefois, il ne saurait être contesté que, au sein de l’Union, des différences significatives de prix existent ; ce qui signifie que, pour les mêmes produits ou services, les citoyens paient des prix différents dans différents pays. Même si ces pays utilisent la même monnaie, le pouvoir d’achat des consommateurs peut varier.

86.

C’est la raison pour laquelle, dans le sens des arguments avancés par les gouvernements allemand, espagnol et néerlandais, j’estime que l’indice PPA peut être un instrument utile pour s’assurer qu’une comparaison des tarifs appliqués à un service identique dans différents pays est effectuée sur une base homogène.

87.

Un indice PPA est, en effet, couramment utilisé dans les études économiques, y compris par des organismes tels qu’Eurostat, l’OCDE ou la Banque mondiale, lorsqu’une comparaison des niveaux de vie entre pays, notamment, doit être effectuée. À cet effet, les indices PPA sont utilisés afin de convertir les indices économiques d’une monnaie nationale dans une monnaie commune fictive, dénommée « standard de pouvoir d’achat » (SPA), qui égalise le pouvoir d’achat de différentes monnaies nationales et permet d’effectuer des comparaisons significatives entre pays. Ces opérations permettent ainsi d’ajuster les données devant être comparées, en fonction des différents niveaux de prix existant dans les différents pays.

88.

L’AKKA/LAA et la Commission objectent, toutefois, qu’un tel instrument ne pourrait être utile que pour la partie des tarifs qui est conservée par la société de gestion collective et non pour la partie des tarifs qui constitue la rémunération des titulaires des droits d’auteur.

89.

Je ne partage pas ce point de vue.

90.

Ce ne sont pas seulement les coûts de la société de gestion collective qui sont touchés par la situation économique du pays dans lequel cette société mène ses activités. La capacité et, dans une certaine mesure, la volonté de payer, affichée par les clients de la société de gestion collective (dans la présente affaire, les magasins), et, à leur tour, par leurs propres clients (dans la présente affaire, les clients de ces magasins) sont également influencées par le niveau de vie et le pouvoir d’achat des citoyens. En clair, si un euro dans un pays n’équivaut pas à un euro dans un autre, cela est vrai indépendamment de la question de savoir si cet argent est destiné à financer les coûts de la société de gestion collective ou à rémunérer les auteurs. En fin de compte, si l’objectif principal de l’analyse est d’identifier la valeur économique d’une transaction donnée, cette analyse ne doit pas être effectuée in abstracto mais elle doit nécessairement tenir compte du contexte économique et financier dans lequel cette transaction a lieu.

91.

L’utilisation d’un indice PPA peut donc être un instrument permettant d’analyser les tarifs pratiqués globalement par une société de gestion collective. Il n’est donc pas nécessaire de faire la distinction entre les différentes composantes de ces tarifs.

92.

Ainsi, j’en conclus que, dans la mesure où l’autorité entreprend d’effectuer une comparaison géographique avec les tarifs appliqués par différentes sociétés de gestion collective, il convient de tenir compte des différentes situations économiques des pays dans lesquels ces sociétés de gestion collective sont actives. L’utilisation d’un indice PPA me paraît être un instrument approprié à cette fin.

93.

La question de savoir si cet instrument est suffisant dépend, toutefois, de la question de savoir si d’autres facteurs susceptibles d’affecter le prix final d’un produit ou d’un service dans un pays donné peuvent également être pris en compte. En effet, il peut y avoir d’autres facteurs, y compris des facteurs qui ne sont pas macroéconomiques, qui peuvent affecter la structure de la demande dans un pays. En particulier, dans une affaire telle que celle au principal, ce qui me paraît essentiel à cet égard, c’est la question de savoir si et dans quelle mesure les clients de la société de gestion collective (en particulier les magasins), dans un pays donné, sont en mesure d’accroître leurs activités commerciales du fait de la reproduction publique de musique dans leurs locaux.

94.

En tout état de cause, il s’agit là de facteurs qui peuvent être également examinés lors de la seconde étape de l’analyse juridique établie par la jurisprudence de la Cour. J’aborderai donc cet aspect lors de l’examen de la sixième question préjudicielle.

95.

À la lumière des considérations qui précèdent, il conviendrait de répondre à la troisième question préjudicielle en ce sens que l’utilisation d’un indice PPA peut être appropriée lorsque les tarifs facturés par différentes sociétés de gestion collective sont comparés. Le point de savoir si cet instrument est suffisant dépend du fait de savoir si d’autres facteurs, susceptibles d’affecter le prix final d’un produit ou d’un service dans un pays donné, sont également pris en compte.

E. Sur la quatrième question préjudicielle

96.

Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans une situation telle que celle du litige au principal, la comparaison des tarifs facturés par différentes sociétés de gestion collective doit être effectuée pour chaque segment séparé du marché ou par rapport au niveau moyen des tarifs.

97.

À mon sens, la réponse à cette question est relativement simple.

98.

Le point de savoir si un comportement donné d’une ou de plusieurs entreprises méconnaît l’article 101 ou l’article 102 TFUE doit être déterminé en fonction du marché pertinent.

99.

Ainsi, à supposer que chaque segment du marché (à savoir une catégorie d’utilisateurs déterminée sur la base de la superficie commercialement exploitée) constitue le marché pertinent du produit aux fins de l’article 102 TFUE, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, une comparaison des tarifs facturés par différentes sociétés de gestion collective devrait être effectuée pour chaque segment du marché.

F. Sur la cinquième question préjudicielle

100.

Par sa cinquième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande des clarifications sur les circonstances dans lesquelles une différence de prix peut être considérée comme excessive au sens de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE.

101.

D’emblée, il convient de rappeler la logique économique qui sous-tend un abus par des prix non équitables : lorsqu’une entreprise dominante applique des prix supérieurs à ceux qui résulteraient d’une situation concurrentielle, il en résulte une répartition inefficace des ressources et une diminution du bien-être des consommateurs (une partie du bien-être est transférée à l’entreprise dominante, tandis qu’une autre partie est tout simplement perdue). Dès lors, d’un point de vue théorique, tout écart par rapport à un prix compétitif sur un marché réglementé pourrait justifier une intervention des autorités de la concurrence. En effet, toute différence entre le prix de référence et le prix effectif implique une perte de bien-être pour le consommateur qui n’aurait pas eu lieu si le marché avait été concurrentiel.

102.

Toutefois, pour une autorité de la concurrence, une telle approche ne serait ni réaliste ni souhaitable.

103.

En premier lieu, comme exposé aux points 36 à 42 ci-dessus, le calcul d’un prix de référence est un exercice plutôt complexe et incertain. Si une autorité de la concurrence devait intervenir à l’égard d’une différence, même faible, entre ces deux prix, le risque d’aboutir à des faux positifs serait tout simplement élevé. Cela soulève un problème non seulement parce qu’une amende importante peut être infligée à l’entreprise responsable, mais aussi parce qu’un comportement neutre – ou, le cas échéant, favorable à la concurrence – pourrait être prohibé. À cet égard, il a été avancé, à juste titre que des erreurs de type I, dans certaines décisions de concurrence relatives à des comportements unilatéraux, impliquent un coût bien plus important pour la société que les erreurs de type II : « le système économique corrige plus facilement les monopoles que les erreurs judiciaires […] Une pratique qui a été condamnée une fois est susceptible de le rester, même si elle a des avantages. Toutefois, une pratique monopolistique, excusée pour de mauvaises raisons, finira par laisser la place à la concurrence, dans la mesure où les prix plus élevés du monopoliste suscitent la concurrence» ( 46 ).

104.

En deuxième lieu, en raison de ces difficultés et de ces incertitudes, il convient d’admettre également qu’il peut être souvent difficile pour une entreprise dominante d’estimer à l’avance, avec un degré suffisant de probabilité, où se situe la ligne de séparation entre un prix compétitif légitime et un prix excessif prohibé. Ainsi, pour des raisons de sécurité juridique, ce seuil ne saurait être fixé trop près du prix de référence.

105.

En troisième lieu, une approche stricte exigerait des autorités de la concurrence qu’elles deviennent, en substance, des régulateurs de prix qui devraient surveiller et intervenir sans cesse sur (potentiellement tous) les marchés réglementés. Il est clair que, à la différence des autorités sectorielles, les autorités de la concurrence n’ont ni les ressources ni l’expertise pour le faire ( 47 ). En outre, la perte de bien-être pour les consommateurs peut parfois être mineure et ne pas justifier une intervention complexe, chronophage et coûteuse de la part des autorités publiques. En effet, la manière dont les consommateurs réagissent à une augmentation de prix varie considérablement d’un marché à un autre et même un monopoliste ne saurait fixer ses prix indépendamment de ses clients ( 48 ). Ainsi, le niveau de préjudice que subit le bien-être des consommateurs en raison de prix élevés peut varier.

106.

C’est la raison pour laquelle, conformément à la ligne adoptée par les autorités compétentes et les juridictions à la fois au niveau de l’Union et des États membres, et ainsi que le propose la doctrine économique, j’estime qu’un prix peut être qualifié d’excessif au sens de l’article 102 TFUE uniquement si deux conditions sont remplies : il doit se situer de manière significative et persistante au-dessus du prix de référence.

107.

En ce qui concerne la première condition, je soulignerais que toutes les différences de prix ne doivent pas être considérées comme pertinentes au sens de l’article 102 TFUE mais uniquement les écarts importants. Cette approche a été largement partagée par la Cour : notamment, dans les arrêts du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319), ainsi que du 13 juillet 1989, Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326), celle-ci s’est référée à des barèmes qui étaient « sensiblement plus élevés » que ceux auxquels ils étaient comparés. Ce point de vue est également largement défendu par la doctrine économique ( 49 ).

108.

En ce qui concerne la seconde condition, le fait que le prix d’un produit ou d’un service donné soit épisodiquement au-dessus du prix de référence n’a, à mon sens, que peu de pertinence. L’existence de périodes de prix élevés alternant avec des périodes de prix bas est considérée, par la doctrine économique, comme « cohérente avec une économie de marché bien rodée» ( 50 ). Ainsi, un prix qui varie sans cesse et qui n’est que de temps à autre au-dessus des niveaux de la concurrence est, à mon sens, non susceptible de soulever de sérieux problèmes de concurrence. Ce n’est que lorsqu’un prix reste (ou est de manière récurrente) au-dessus du prix de référence pendant une période importante qu’il peut être abusif au sens de l’article 102 TFUE. Dans l’arrêt General Motors Continental/Commission ( 51 ), la Cour corrobore cette approche.

109.

L’ensemble des considérations qui précèdent soulève la question suivante : quelles doivent être l’importance et la persistance de cette différence pour justifier une intervention en vertu de l’article 102 TFUE ?

110.

La réponse est loin d’être évidente. La jurisprudence de la Cour ne fournit pas de précisions claires à cet égard. La pratique des autorités nationales ou la doctrine économique ne fournissent pas non plus de modèles clairs ( 52 ).

111.

Cela n’est pas surprenant. En effet, ainsi que l’allèguent le gouvernement allemand et la Commission, il est impossible de fixer a priori et in abstracto des seuils précis, applicables en toutes circonstances. Une différence de prix donnée peut être plus ou moins significative, au sens de l’article 102 TFUE, selon le produit ou le service en question et les caractéristiques du marché.

112.

À cet égard, j’ajouterais simplement les deux considérations suivantes. D’une part, une autorité devrait intervenir en vertu de l’article 102 TFUE uniquement lorsqu’elle est assurée, indépendamment des limitations et des incertitudes qui entourent le calcul du prix de référence, que la différence entre ce prix et le prix effectif est d’une importance telle qu’il ne subsiste pratiquement plus aucun doute quant au caractère abusif de ce dernier. D’autre part, plus la différence entre le prix de référence et le prix effectif est importante, plus la période au cours de laquelle ce prix élevé est appliqué est longue et plus l’autorité devrait s’acquitter aisément de la charge de la preuve ( 53 ).

113.

Il convient en conséquence d’apporter la réponse suivante à la cinquième question préjudicielle posée : seuls les prix qui sont situés de manière significative et persistante au-dessus du prix de référence peuvent être considérés comme tombant sous le coup de l’article 102 TFUE.

G. Sur la sixième question préjudicielle

114.

Par sa sixième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande comment une société de gestion collective peut démontrer le caractère équitable des tarifs facturés.

115.

En substance, cette question invite la Cour à fournir davantage d’explications sur la seconde étape de l’analyse juridique requise en vertu de l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE.

116.

Comme indiqué ci-dessus, le fait qu’il existe un écart excessif, même substantiel, entre le prix de référence et le prix effectif ne suffit pas pour que ce prix soit considéré automatiquement comme non équitable au sens de l’article 102 TFUE ou, en tout état de cause, pour justifier une intervention en vertu de cette disposition.

117.

Normalement, des prix élevés ne sont pas, per se, abusifs. Au contraire, ils jouent un rôle important dans le processus concurrentiel. Ainsi que l’US Supreme Court (Cour suprême des États-Unis) l’a énoncé dans l’affaire Trinko : « non seulement le simple fait […] de facturer des prix monopolistiques n’est pas illicite ; c’est un élément important d’une économie de marché libre. La faculté de facturer des prix monopolistiques, du moins pendant une courte période, est ce qui attire les “entrepreneurs” en premier lieu ; cela induit une prise de risques qui produit de l’innovation et de la croissance économique. Pour protéger l’incitation à l’innovation, la possession d’une puissance monopolistique ne sera pas considérée comme illicite à moins qu’elle s’accompagne d’un comportement restrictif de la concurrence» ( 54 ).

118.

Le point central de cette seconde étape de l’analyse doit ainsi porter sur le comportement de l’entreprise dominante et sur ses motivations économiques. En particulier, les raisons objectives qui se trouvent à la base de sa politique de prix sont très importantes.

119.

Dans l’arrêt du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22), et dans la jurisprudence postérieure, la Cour a précisé qu’un prix pouvait être non équitable « soit au niveau absolu, soit par comparaison avec les produits concurrents» ( 55 ).

120.

Quelles sont les raisons qui expliquent ces conditions alternatives ( 56 ) ?

1. Sur le prix non équitable au niveau absolu

121.

La première condition (un prix non équitable au niveau absolu) recouvre les cas où le caractère non équitable d’un prix peut être déterminé sans qu’aucune comparaison soit nécessaire avec d’autres produits analogues ou concurrents. Un prix particulièrement élevé est révélateur, en lui-même, d’un abus.

122.

Tel peut être le cas, notamment, des prix qui sont facturés à des clients qui, toutefois, ne reçoivent aucun produit ou service en contrepartie. En particulier, dans l’arrêt Merci convenzionali porto di Genova ( 57 ), la Cour a considéré qu’était incompatible avec (ce qui est devenu) l’article 102 TFUE une législation nationale ayant conduit une entreprise, à laquelle des droits spéciaux avaient été octroyés, à exiger, notamment, le paiement de services non demandés. De même, dans l’arrêt Der Grüne Punkt– Duales System Deutschland/Commission ( 58 ), la Cour a confirmé que la décision de la Commission relative au pouvoir qu’avait une entreprise dominante d’exiger des paiements de la part de ses partenaires contractuels pour des services qu’elle n’avait pas fournis méconnaissait (ce qui est devenu) l’article 102 TFUE.

123.

Tel peut également être le cas de situations dans lesquelles une entreprise dominante fixe un prix particulièrement élevé car, en réalité, elle n’est pas intéressée par la vente du produit ou du service en question mais entend poursuivre un but différent, restrictif de la concurrence. Cette situation peut être relevée dans les affaires General Motors Continental/Commission et British Leyland/Commission ( 59 ). Dans ces affaires, les entreprises en position dominante (des fabricants automobiles) avaient fixé des prix très élevés pour mener des inspections techniques et délivrer des certificats de conformité. La raison en était, ainsi que la Cour l’a expliqué dans ses arrêts, que les fabricants automobiles souhaitaient faire obstacle aux importations parallèles vers le Royaume-Uni en neutralisant le niveau plus avantageux des prix applicables dans d’autres zones de ce qui était alors la Communauté. Il n’existait manifestement aucun rapport raisonnable entre les prix facturés par les fabricants automobiles et la quantité ainsi que la qualité des services fournis aux importateurs.

2. Sur le prix non équitable par comparaison avec des produits concurrents

124.

La seconde condition (prix non équitable par comparaison avec les produits concurrents) est, souvent, une « évaluation du bien-fondé » de l’appréciation effectuée par rapport au prix de référence : il peut exister des facteurs pertinents qui soit ont été négligés dans ce contexte, soit n’ont soigneusement pas été pris en considération car ils n’étaient pas aisément quantifiables financièrement.

125.

En effet, pour un grand nombre de raisons, même légitimes, une entreprise peut fixer pour un produit ou un service un prix supérieur au prix qui a été calculé par l’autorité comme étant le prix (hypothétique) concurrentiel. Ce qui signifie que, même si le marché était concurrentiel, le prix appliqué par l’entreprise dominante pourrait peut-être encore ne pas correspondre au prix de référence, ses produits ou services ayant une valeur économique supérieure.

126.

Les raisons expliquant un prix plus élevé peuvent se rapporter, notamment, à la production et à la commercialisation du produit ou du service en question, mais elles peuvent également se rapporter à la demande d’un client pour ce produit ou service.

127.

S’agissant du premier aspect, je souligne que les coûts d’une entreprise dominante pour produire et commercialiser son produit ou son service peuvent être supérieurs à ceux encourus par d’autres entreprises qui ne sont pas dominantes ou qui sont actives sur un autre marché de produit ou un autre marché géographique. Une autorité devrait examiner non seulement les coûts de production directs et indirects du produit ou service en question ainsi que le coût du capital, mais aussi tous les types de frais généraux (y compris, notamment, de publicité, de recherche et développement, etc.) ( 60 ). Même si une entreprise dominante ne saurait simplement justifier ses prix plus élevés par une éventuelle structure de prix inefficace et qui n’est pas rentable ( 61 ), les coûts effectivement supportés par cette entreprise sont à l’évidence d’une grande importance à cet égard. Certains types de coûts supportés par une entreprise peuvent ne pas apparaître immédiatement ou être aisément imputables à la fourniture d’un produit ou d’un service donné (en particulier, une recherche et développement infructueuse) ( 62 ), mais ils ne sauraient néanmoins être mis de côté. Une approche différente risquerait de décourager gravement l’investissement et l’innovation.

128.

S’agissant du second aspect, je soulignerais que la valeur économique du bien ou du service fourni par une entreprise dominante peut, aux yeux des clients, être supérieure au prix de référence. Là encore, il peut y avoir de nombreuses raisons à cela : le produit ou le service en question peut, notamment, être (ou simplement perçu comme étant, probablement pour des raisons de marketing ou de coûts d’investissement dans la marque) d’une qualité supérieure. Certaines caractéristiques du produit ou du service peuvent être considérées comme étant d’une valeur particulière pour les clients (ou certains groupes de clients), en dépit du fait qu’ils ne sont pas reflétés dans les coûts. Dans ces cas-là, les avantages ou profits supplémentaires accordés aux clients justifient une majoration des coûts ( 63 ). Dans ce contexte, je relève que la pratique de la Commission semble suivre cette approche ( 64 ).

129.

Cela étant dit, j’ajouterais qu’en ce qui concerne la situation dans l’affaire au principal, l’aspect essentiel semble être le suivant : la demande de licences par les clients de l’AKKA/LAA tels que les magasins ou autres entreprises analogues dépend directement des avantages économiques que ceux-ci peuvent tirer de ces licences. Ainsi, des tarifs plus élevés en Lettonie pourraient être justifiés s’il était prouvé que les avantages que les clients de l’AKKA/LAA retirent de la reproduction de musique devaient être plus importants que ceux qu’en tirent des clients du même type dans d’autres pays. Notamment, il ne peut être exclu que, en raison d’habitudes d’achat et de traditions commerciales, des magasins et d’autres entreprises commerciales dans certains pays peuvent accroître leurs activités davantage que dans d’autres pays du fait de l’exécution publique de musique dans leurs locaux. En pareilles circonstances, la valeur économique des licences accordées par la société de gestion collective serait naturellement plus élevée dans cette seconde catégorie de pays que dans la première.

130.

Je reconnais qu’il peut ne pas être facile d’examiner un tel aspect. C’est la raison pour laquelle d’autres indices (tels que le pouvoir d’achat des citoyens et le PIB des pays) sont souvent utilisés pour déterminer si et dans quelle mesure deux ou plusieurs pays sont comparables du point de vue de la situation économique.

131.

En conclusion, ce n’est que lorsque aucune explication économique, autre que la simple capacité et volonté d’utiliser la puissance sur le marché même abusive, ne peut justifier un prix élevé appliqué par une entreprise dominante que ce prix peut être qualifié d’abusif au sens de l’article 102 TFUE.

3. Sur la charge de la preuve

132.

Avant de conclure sur ce sujet, un dernier point mérite d’être abordé. L’analyse en deux étapes établie par la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne les infractions à l’article 102, deuxième alinéa, sous a), TFUE présente un aspect procédural.

133.

En effet, comme indiqué au point 23 ci-dessus, la Cour a affirmé à plusieurs reprises qu’une fois qu’il a été constaté qu’un prix excédait le prix de référence, il appartient « à l’entreprise en question de justifier la différence en se fondant sur des divergences objectives » entre les produits ou les services comparés ( 65 ).

134.

Cette déclaration de la Cour doit, à mon sens, être lue dans le cadre d’une ligne jurisprudentielle bien établie selon laquelle, s’il incombe à l’autorité de prouver que toutes les conditions requises pour constater une violation de l’article 102 TFUE sont remplies ( 66 ), les entreprises dominantes doivent avoir la possibilité de justifier objectivement leur comportement ( 67 ).

135.

Ainsi, une fois qu’une autorité a enregistré un dépassement excessif entre le prix effectif et le prix de référence, il appartient à l’entreprise dominante en question de fournir à l’autorité toutes les justifications possibles relatives au prix plus élevé (réel ou apparent).

136.

Cela paraît raisonnable : l’autorité chargée de l’enquête ne dispose pas souvent de toutes les informations qui peuvent être nécessaires pour évaluer si un prix qui semble être au-dessus du prix de la concurrence ne reflète pas, en réalité, seulement la valeur plus importante de la transaction sous-jacente. De telles informations peuvent porter, notamment, sur la structure des coûts de l’entreprise dominante, sur ses politiques de prix, sur la structure de la demande sur le marché pertinent, etc.

137.

L’autorité doit examiner soigneusement et de manière impartiale les facteurs invoqués par l’entreprise en question, avant de se prononcer sur le caractère non équitable, le cas échéant, du prix.

138.

Dans la présente affaire, cela signifie qu’il appartenait, d’abord, au Conseil de la concurrence de démontrer à suffisance de droit que les tarifs appliqués par l’AKKA/LAA étaient significativement supérieurs au prix de la concurrence. À cet effet, cette autorité était tenue de prendre en compte, lors d’un examen objectif et approfondi, tous les éléments pertinents afin de déterminer le prix de référence adéquat.

139.

Il appartenait ensuite à l’AKKA/LAA de démontrer le caractère équitable des tarifs appliqués, en dépit du fait qu’ils étaient plus élevés que le prix de référence retenu par le Conseil de la concurrence. L’AKKA/LAA pouvait, en particulier, préciser les éléments pertinents qui avaient été négligés à tort par le Conseil de la concurrence lorsqu’il a calculé le prix de référence ou démontrer, en tout état de cause, que la valeur économique du service fourni à ses clients était plus élevée que celle du service fourni par des organismes analogues dans d’autres États membres.

140.

En conclusion, je propose de répondre à la sixième question préjudicielle en ce sens qu’une entreprise dominante peut démontrer le caractère équitable des prix appliqués, notamment pour des raisons de coûts de production et de commercialisation plus élevés ou, plus généralement, en raison de la valeur économique plus élevée du produit ou du service fourni.

H. Sur la septième question préjudicielle

141.

Par sa septième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, aux fins de déterminer le montant de l’amende devant être imposée à la société de gestion collective pour violation des règles de concurrence de l’Union, si la rémunération payée aux auteurs devrait être exclue du chiffre d’affaires de cette société.

142.

À cet égard, je partage le point de vue du gouvernement espagnol et de la Commission : je ne vois pas de raison pour laquelle la rémunération payée aux auteurs devrait être écartée du chiffre d’affaires pris comme assiette pour le calcul du montant de l’amende imposée à une société de gestion collective.

143.

Dans un certain nombre d’arrêts, et récemment dans l’arrêt OSA ( 68 ), la Cour a déclaré que les sociétés de gestion collective devraient être considérées comme des entreprises en vertu des règles de concurrence de l’Union. Pour ces entreprises, le « chiffre d’affaires total », notamment visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et aux lignes directrices de la Commission ( 69 ), comprend la partie des tarifs correspondant à la rémunération des auteurs. Peu importe que cette partie soit par la suite versée aux auteurs. En ce sens, la rémunération versée aux auteurs pourrait être considérée comme un élément de « coût » pour la société de gestion collective.

144.

En définitive, si le chiffre d’affaires pertinent devait être considéré comme limité uniquement à la part des revenus que la société de gestion collective peut conserver, l’amende serait d’un montant relativement faible. Cela soulèverait des doutes quant au point de savoir si le montant de cette amende serait suffisamment dissuasif, proportionné au regard du préjudice causé aux consommateurs et équitable par rapport au montant des amendes imposées aux autres entreprises qui ont commis des infractions semblables aux règles de concurrence de l’Union.

IV. Conclusion

145.

En conclusion, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie) comme suit :

le comportement d’une société de gestion collective chargée de percevoir une rémunération aussi pour les œuvres des auteurs étrangers peut avoir une incidence sur le commerce entre États membres, au sens de l’article 102 TFUE ;

dans une situation telle que celle du litige au principal, il convient, en principe, d’établir une comparaison entre les tarifs pratiqués sur le marché en cause et les tarifs appliqués sur les autres marchés. Toutefois, il appartient à la juridiction nationale de vérifier, à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, si la comparaison effectuée a été, d’une part, correctement exécutée et est, d’autre part, suffisante ;

lorsque l’on compare les tarifs facturés par les différentes sociétés de gestion collective, il peut être approprié d’utiliser un indice de parité du pouvoir d’achat basé sur le produit intérieur brut (PIB) ; la question de savoir si cet instrument est suffisant dépend de la question de savoir si d’autres facteurs susceptibles d’affecter le prix final d’un produit ou d’un service dans un pays donné sont également pris en considération ;

une comparaison des tarifs facturés par différentes sociétés de gestion collective devrait être effectuée pour chaque marché pertinent ;

seuls les prix qui dépassent de manière significative et persistante le prix de référence peuvent être considérés comme excessifs ;

une entreprise dominante peut démontrer le caractère équitable des prix appliqués, notamment pour des raisons de coûts de production et de commercialisation plus élevés ou, plus généralement, en raison de la valeur économique plus élevée du produit ou du service fourni ;

aux fins de déterminer le montant de l’amende à imposer à une société de gestion collective pour violation des règles de concurrence de l’Union européenne, la rémunération versée aux auteurs ne doit pas être exclue du chiffre d’affaires de cette société.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (27/76, EU:C:1978:22, ci-après l’« arrêt United Brands »).

( 3 ) Voir, notamment, arrêt du 17 juillet 1997, GT-Link (C-242/95, EU:C:1997:376, point 39).

( 4 ) Voir, notamment, arrêt du 5 octobre 1994, Centre d’insémination de la Crespelle (C-323/93, EU:C:1994:368, points 19 et 21).

( 5 ) Voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22, note 249).

( 6 ) Arrêt du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22, point 253).

( 7 ) Voir, notamment, arrêt du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22, point 251).

( 8 ) Voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro (66/86, EU:C:1989:140:549, point 43).

( 9 ) Voir, notamment, Motta, M., de Streel, A., « Excessive Pricing in Competition Law : Never say Never ? », The Pros and Cons of High Prices, Konkurrensverket (Autorité de la concurrence, Suède), Kalmar, 2007, p. 33.

( 10 ) Voir, notamment, arrêts du 29 février 1968, Parke, Davis and Co. (24/67, EU:C:1968:11), ainsi que du 5 octobre 1988, CIRCA et Maxicar (53/87, EU:C:1988:472).

( 11 ) Voir arrêts du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150), et du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421).

( 12 ) Voir arrêts du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150), et du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421).

( 13 ) Voir arrêts du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon Gesellschaft (78/70, EU:C:1971:59), et du 4 mai 1988, Bodson (30/87, EU:C:1988:225).

( 14 ) Voir, en ce sens, Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), Tables rondes sur la politique de la concurrence, « Prix excessifs, 2012 » [DAF/COMP(2011)18] (ci-après le « rapport de l’OCDE »), p. 70.

( 15 ) Arrêt du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22, points 249 à 253). Voir, également, ordonnance du 25 mars 2009, Scippacercola and Terezakis/Commission (C-159/08 P, non publiée, EU:C:2009:188, point 47).

( 16 ) Voir arrêts du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319, point 38), ainsi que du 13 juillet 1989, Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326, point 25).

( 17 ) Voir arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C-407/04 P, EU:C:2007:53, points 89 et 90 ainsi que jurisprudence citée).

( 18 ) Voir arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE (C-49/07, EU:C:2008:376, point 42).

( 19 ) Voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319), ainsi que du 13 juillet 1989, Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326). Voir, également, arrêts du 25 octobre 1979, Greenwich Film Production (22/79, EU:C:1979:245, points 11 à 13), et du 2 mars 1983, GVL/Commission (7/82, EU:C:1983:52, points 37 à 39).

( 20 ) Voir, notamment, arrêt du 12 avril 2013, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra/Latvijas Autoru apvienība/Commission (T-414/08, non publié, EU:T:2013:174).

( 21 ) Décision de la Commission C(2008) 3435 final, du 16 juillet 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire no COMP/C2/38.698 – CISAC).

( 22 ) J’ai esquissé quelques-uns de ces aspects dans Wahl, N., « Exploitative high prices and European competition law – a personal reflection », Konkurrensverket, op. cit., p. 71 et 72.

( 23 ) Voir Edwards, J., Kay, J., Mayer, C., The Economic Analysis of Accounting Profitability, Clarendon Press, 1987.

( 24 ) Voir, notamment, O’Donoghue, R., Padilla, A. J., The Law and Economics of Article 82 EC, 2e éd., Hart Publishing, Oxford, 2013, p. 617.

( 25 ) Voir rapport de l’OCDE, p. 10 et 26 à 28.

( 26 ) À l’évidence, il peut y en avoir d’autres mais elles n’ont pas été discutées dans le cadre de la présente procédure et je ne les examinerai pas dans les présentes conclusions.

( 27 ) En appel, cette approche a également été reprise par le Competition Appeal Tribunal (tribunal de la concurrence, Royaume-Uni) ; voir décision du 15 janvier 2002 dans l’affaire Napp Pharmaceutical Holdings Limited and Subsidiaries/Director General of Fair Trading [2002] CAT 1, points 56 à 69 et 390 à 405.

( 28 ) Voir rapport de l’OCDE, p. 12.

( 29 ) Voir Röller, L. H., « Exploitative Abuses », dans Ehlermann, C. D, Marquis, M. (éd.), European Competition Law Annual 2007 : A Reformed approach to Article 82, Hart Publishing, Oxford, 2008, p. 525 à 532 ; et Motta, M., de Streel, A., op. cit., p. 367 et suiv.

( 30 ) Voir, notamment, Evans, D. S., Padilla, J. A., « Excessive Prices : Using Economics to Define Administrable Legal Rules », Journal of Competition Law and Economics, 2005, p. 109.

( 31 ) Voir, notamment, Geradin, D., Layne-Farrar, A., Petit, N., EU Competition Law and Economics, Oxford University Press, Oxford, 2012, p. 270 et autres références.

( 32 ) Voir article 2 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et arrêt du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22, point 264). Je reviendrai sur cette question aux points 132 à 139 des présentes conclusions.

( 33 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a. (C-74/14, EU:C:2016:42, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

( 34 ) Pour être plus précis : l’existence d’une différence significative et persistante, comme nous l’expliquerons dans le cadre de l’analyse de la cinquième question préjudicielle (points 101 à 113).

( 35 ) Je suppose que les répertoires auxquels les titulaires de licences ont accès dans les différents pays sont analogues. Ce point doit être vérifié par la juridiction nationale.

( 36 ) La proximité géographique d’un pays ne me paraît pas devoir avoir une valeur particulière en soi. Ce facteur n’a de valeur que dans la mesure où il a une incidence sur des éléments qui sont pertinents aux fins de l’analyse, tels que les habitudes ou les préférences des clients ou la structure des marchés, notamment.

( 37 ) Si j’ai bien compris, dans tous (ou presque tous) les pays choisis pour la comparaison dans la décision attaquée, il existe un monopole analogue à celui qui existe en Lettonie. Par conséquent, il ne peut être exclu que, dans ces pays également, les tarifs appliqués par les sociétés de gestion collective soient situés au-dessus du prix concurrentiel. Cela aurait manifestement un effet sur le prix de référence calculé par l’autorité. Toutefois, une telle défaillance des données utilisées par l’autorité pourrait, le cas échéant, avantager l’entreprise faisant l’objet de l’enquête : le prix de référence serait plus élevé que le prix concurrentiel.

( 38 ) Voir point 37 des présentes conclusions. Voir, également, conclusions que l’avocat général Jacobs a présentées dans l’affaire Tournier (395/87, non publiées, EU:C:1989:215, point 53).

( 39 ) Directive du Conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 1992, L 346, p. 61).

( 40 ) Arrêt du 6 février 2003, SENA (C-245/00, EU:C:2003:68, points 36 et 37).

( 41 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur (JO 2017, L 84, p. 72).

( 42 ) Cette disposition reflète également la jurisprudence de la Cour relative à l’article 102 TFUE lorsqu’elle énonce que « [l]es tarifs appliqués pour les droits exclusifs et les droits à rémunération sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et autres objets, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion collective. Les sociétés de gestion collective informent l’utilisateur concerné des critères utilisés pour fixer ces tarifs. » (Mise en italique par mes soins.)

( 43 ) Arrêt du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4 (C-52/07, EU:C:2008:703).

( 44 ) Voir septième considérant de la directive 92/100 et considérants 1 et 31 de la directive 2014/26.

( 45 ) Voir arrêts du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319, point 38), ainsi que du 13 juillet 1989, Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326, point 25).

( 46 ) Easterbrook, F. H., « The limits of antitrust », Texas Law Review, 1984, p. 15.

( 47 ) En effet, on prétend souvent que la mise en place d’une autorité sectorielle ou l’adoption d’une réglementation des prix peuvent être les moyens les plus efficaces pour éviter les prix excessifs sur le marché. D’une manière plus générale, on considère que le remède le plus efficace contre les prix excessifs consiste pour le législateur à intervenir ex ante afin d’éliminer les obstacles juridiques qui empêchent une concurrence normale, plutôt que d’agir ex post pour renforcer une mise en conformité.

( 48 ) Voir Fletcher, A., Jardine, A., « Toward an Appropriate Policy for Excessive Pricing », dans Ehlermann, C. D., Marquis, M. (éd.), European Competition Law Annual 2007 : A Reformed Approach to Article 82, Hart Publishing, Oxford, 2007, p. 536.

( 49 ) Voir, notamment, Paulis, E., « Article 82 EC and Exploitative Conduct », dans Ehlermann, C. D., Marquis, M. (éd.), op. cit.

( 50 ) Voir, Lyons B., « The Paradox of the Exclusion of Exploitative Abuse », dans Konkurrensverket, op. cit., p. 74.

( 51 ) Arrêt du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150, points 16 à 20).

( 52 ) Voir, pour des exemples d’affaires dans les États membres de l’Union, Williams, M., « Excessive Pricing », dans Konkurrensverket, op. cit., p. 152 et 153 ; et O’Donoghue, R., Padilla, A. J., op. cit., p. 619 à 621.

( 53 ) Voir Paulis, E., op. cit.

( 54 ) Arrêt de l’US Supreme Court (Cour suprême des États-Unis) dans l’affaire Verizon Communications Inc. v. Law Offices of Curtis V. Trinko, LLP (02-682) 540 U. S. 398 (2004) (mise en italique figurant dans l’original).

( 55 ) Voir point 20 des présentes conclusions.

( 56 ) Voir, concernant la nature alternative de ces conditions, ordonnance du 25 mars 2009, Scippacercola et Terezakis/Commission (C-159/08 P, non publiée, EU:C:2009:188, point 47).

( 57 ) Arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova (C-179/90, EU:C:1991:464, point 19).

( 58 ) Arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C-385/07 P, EU:C:2009:456, points 141 à 147).

( 59 ) Arrêts du 13 novembre 1975, General Motors Continental/Commission (26/75, EU:C:1975:150), et du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, EU:C:1986:421).

( 60 ) Voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro (66/86, EU:C:1989:140, point 43), et conclusions que l’avocat général Mischo a présentées dans l’affaire CIRCA et Maxicar (53/87, non publiées, EU:C:1988:330, point 62).

( 61 ) Voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1989, Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, EU:C:1989:326, points 28 et 29).

( 62 ) Voir Korah, V., An Introductory Guide to EC Competition Law and Practice, 6e éd., Hart Publishing, Oxford, 1999, p. 114 ; et Bishop, S., Walker, M., The Economics of EC Competition Law, 3e éd., Sweet & Maxwell, Londres, 2010, p. 238.

( 63 ) Voir rapport de l’OCDE, p. 57.

( 64 ) Voir, notamment, décision de la Commission dans l’affaire COMP/A.36.568/D 3, Scandlines Sverige AB/Port of Helsingborg.

( 65 ) Voir point 23 des présentes conclusions.

( 66 ) Voir point 52 des présentes conclusions.

( 67 ) Voir, notamment, arrêts du 14 février 1978, United Brands (27/76, EU:C:1978:22, point 184) ; du 3 octobre 1985, CBEM (311/84, EU:C:1985:394, point 27), ainsi que du 15 mars 2007, British Airways/Commission (C-95/04 P, EU:C:2007:166, points 69 et 86).

( 68 ) Voir arrêt du 27 février 2014, OSA (C-351/12, EU:C:2014:110, point 80 et jurisprudence citée).

( 69 ) Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2).

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CJUE, n° C-177/16, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra / Latvijas Autoru apvienība contre Konkurences padome, 6 avril 2017