CJUE, n° C-485/17, Arrêt de la Cour, Verbraucherzentrale Berlin eV contre Unimatic Vertriebs GmbH, 7 août 2018

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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Charlyves Salagnon Avocat · 12 avril 2022

EXISTE-T-IL UN DROIT DE RETRACTATION POUR LES CONTRATS CONCLUS A L'OCCASION DE FOIRES, SALONS OU EXPOSITIONS ? Photovoltaïque …

 

Village Justice · 3 décembre 2019

Deux projets de loi octroyant un droit de rétractation à l'acheteur d'œuvre d'art lors de foires et salons ont été déposés devant le Parlement. Aujourd'hui, l'acquéreur d'une œuvre d'art dans les foires et les salons ne bénéficie pas du droit de rétractation de 14 jours prévu par la loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation. Les foires et les salons sont considérés comme des lieux destinés à la commercialisation ce qui prive les acquéreurs du bénéfice du droit de rétractation (I) hormis le cas où l'achat serait financé par un crédit affecté (II). Mais ce régime pourrait …

 

Anouk Jaunasse · Actualités du Droit · 12 septembre 2018
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 7 août 2018, C-485/17
Numéro(s) : C-485/17
Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 7 août 2018.#Verbraucherzentrale Berlin eV contre Unimatic Vertriebs GmbH.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.#Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2011/83/UE – Article 2, point 9 – Notion d’“établissement commercial” – Critères – Contrat de vente conclu sur le stand tenu par un professionnel à l’occasion d’une foire commerciale.#Affaire C-485/17.
Date de dépôt : 10 août 2017
Précédents jurisprudentiels : Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703
arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C-395/16, EU:C:2018:172
Canal Digital Danmark, C-611/14, EU:C:2016:800
Travel Vac ( C-423/97, EU:C:1999:197
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62017CJ0485
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2018:642
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

7 août 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2011/83/UE – Article 2, point 9 – Notion d’“établissement commercial” – Critères – Contrat de vente conclu sur le stand tenu par un professionnel à l’occasion d’une foire commerciale »

Dans l’affaire C-485/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 13 juillet 2017, parvenue à la Cour le 10 août 2017, dans la procédure

Verbraucherzentrale Berlin eV

contre

Unimatic Vertriebs GmbH,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Verbraucherzentrale Berlin eV, par Me R. Jahn, Rechtsanwalt,

pour Unimatic Vertriebs GmbH, par Me P. Rau, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement belge, par M. P. Cottin et Mme J. Van Holm, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. C. Hödlmayr et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, point 9, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Verbraucherzentrale Berlin eV, une association de consommateurs (ci-après l’« association »), à Unimatic Vertriebs GmbH (ci-après « Unimatic »), une société de distribution, au sujet de l’information portant sur le droit de rétractation du consommateur dans le cadre d’une vente conclue à l’occasion d’une foire commerciale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 4, 5, 7, 21, 22 et 37 de la directive 2011/83 énoncent :

« (4)

[…] L’harmonisation de certains aspects des contrats de consommation à distance et hors établissement est nécessaire pour promouvoir un véritable marché intérieur des consommateurs offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité.

(5)

[…] [U]ne harmonisation complète de l’information des consommateurs et du droit de rétractation dans les contrats de vente à distance et hors établissement contribuera à un niveau de protection élevé des consommateurs et à un meilleur fonctionnement du marché intérieur […]

[…]

(7)

L’harmonisation complète de certains aspects réglementaires essentiels devrait considérablement augmenter la sécurité juridique, tant pour les consommateurs que pour les professionnels. […] Les consommateurs devraient bénéficier en outre d’un niveau commun élevé de protection dans toute l’Union.

[…]

(21)

Un contrat hors établissement devrait être défini comme un contrat conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, ailleurs que dans l’établissement commercial du professionnel, par exemple au domicile du consommateur ou à son lieu de travail. Dans un contexte hors établissement, le consommateur peut être soumis à une pression psychologique éventuelle ou être confronté à un élément de surprise, qu’il ait ou non sollicité la visite du professionnel. La définition d’un contrat hors établissement devrait également viser des situations dans lesquelles le consommateur est sollicité personnellement et individuellement dans un contexte hors établissement, mais où le contrat est conclu immédiatement après, dans l’établissement commercial du professionnel ou par le recours à une technique de communication à distance. […] Les achats effectués lors d’une excursion organisée par le professionnel, au cours de laquelle les produits acquis sont promus et mis en vente, devraient être considérés comme des contrats hors établissement.

(22)

Il convient de considérer comme établissement commercial tout établissement, de quelque type que ce soit (qu’il s’agisse par exemple d’un magasin, d’un étal ou d’un camion), servant de siège d’activité permanent ou habituel au professionnel. Les étals dans les marchés et les stands dans les foires devraient être considérés comme des établissements commerciaux s’ils satisfont à cette condition. Les magasins de vente au détail où le professionnel exerce son activité à titre saisonnier, par exemple pendant la saison touristique dans une station de ski ou dans une station balnéaire, devraient être considérés comme des établissements commerciaux étant donné que le professionnel y exerce son activité à titre habituel. Les espaces accessibles au public, tels que les rues, les galeries commerçantes, les plages, les installations sportives et les transports publics, que le professionnel utilise à titre exceptionnel pour ses activités commerciales, ainsi que les domiciles privés ou les lieux de travail, ne devraient pas être considérés comme des établissements commerciaux. […]

[…]

(37)

[…] En ce qui concerne les contrats hors établissement, le consommateur devrait avoir un droit de rétractation, compte tenu de la pression psychologique et/ou de l’élément de surprise éventuels. L’exercice du droit de rétractation devrait avoir pour effet d’éteindre l’obligation qui incombe aux parties contractantes en matière d’exécution du contrat. »

4

Aux termes de l’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

8)

“contrat hors établissement”, tout contrat entre le professionnel et le consommateur :

a)

conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel ; ou

b)

ayant fait l’objet d’une offre du consommateur dans les mêmes circonstances, comme indiqué au point a) ; ou

c)

conclu dans l’établissement commercial du professionnel ou au moyen d’une technique de communication à distance immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu qui n’est pas l’établissement commercial du professionnel, en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur ; ou

d)

conclu pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur ;

9)

“établissement commercial” :

a)

tout site commercial immeuble où le professionnel exerce son activité en permanence ; ou

b)

tout site commercial meuble où le professionnel exerce son activité de manière habituelle ;

[…] »

5

L’article 5 de ladite directive est relatif aux « [o]bligations d’information concernant les contrats autres que les contrats à distance ou hors établissement ».

6

L’article 6 de la même directive, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement », dispose, à son paragraphe 1 :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes :

[…]

h)

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit conformément à l’article 11, paragraphe 1, ainsi que le modèle de formulaire de rétractation figurant à l’annexe I, point B ;

[…] »

7

L’article 7 de la directive 2011/83, intitulé « Obligations formelles concernant les contrats hors établissement », prévoit, à son paragraphe 1 :

« S’agissant des contrats hors établissement, le professionnel fournit les informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, au consommateur sur papier ou, moyennant accord du consommateur, sur un autre support durable. Ces informations sont lisibles et rédigées dans un langage clair et compréhensible. »

8

L’article 9 de cette directive, intitulé « Droit de rétractation », est, à son paragraphe 1, libellé comme suit :

« En dehors des cas où les exceptions prévues à l’article 16 s’appliquent, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans encourir d’autres coûts que ceux prévus à l’article 13, paragraphe 2, et à l’article 14. »

Le droit allemand

9

La directive 2011/83 a été transposée dans le droit allemand par la Gesetz zur Umsetzung der Verbraucherrechterichtlinie und zur Änderung des Gesetzes zur Regelung der Wohnungsvermittlung (loi concernant la transposition de la directive relative aux droits des consommateurs et la modification de la loi pour la réglementation des agences immobilières), du 20 septembre 2013 (BGBl. 2013 I, p. 3642).

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Unimatic est une société de distribution qui commercialise des biens notamment à l’occasion de la foire Grüne Woche (semaine verte), qui se tient chaque année à Berlin (Allemagne). Il ressort de la décision de renvoi qu’Unimatic procède à la vente de ses biens exclusivement dans le cadre de foires.

11

Le 22 janvier 2015, un client a commandé sur le stand tenu par Unimatic sur cette foire un nettoyeur à vapeur/aspirateur au prix de 1600 euros. Unimatic n’a pas informé ce client de l’existence d’un droit de rétractation prévu par la législation allemande, conformément à l’article 9 de la directive 2011/83.

12

L’association a considéré qu’Unimatic aurait dû informer ledit client de l’existence d’un droit de rétractation, dès lors que le contrat de vente a été conclu hors d’un établissement commercial.

13

Par conséquent, l’association a saisi le Landgericht Freiburg (tribunal régional de Fribourg, Allemagne) d’une demande visant à interdire à Unimatic de vendre ses produits sans apporter d’informations aux consommateurs sur le droit de rétractation dont ils bénéficient.

14

La demande de l’association a été rejetée par le Landgericht Freiburg (tribunal régional de Fribourg), tout comme l’appel interjeté par celle-ci devant l’Oberlandesgericht Karlsruhe (tribunal régional supérieur de Karlsruhe, Allemagne).

15

Dans ces conditions, l’association a formé un recours en Revision devant la juridiction de renvoi, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne).

16

La juridiction de renvoi estime que le libellé des dispositions de la directive 2011/83 n’indique pas les critères permettant d’apprécier dans quelle mesure, dans un cas concret, le professionnel exerce son activité sur un site commercial « de manière habituelle », au sens de l’article 2, point 9, sous b), de cette directive.

17

À cet égard, d’un côté, au regard notamment du considérant 22 de la directive 2011/83, il serait envisageable de tenir compte du fait que le professionnel utilise de manière habituelle une certaine méthode de vente, c’est-à-dire qu’il vend régulièrement, et non pas seulement occasionnellement, ses produits dans un site commercial.

18

D’un autre côté, cette approche aurait pour conséquence que le consommateur qui acquiert un bien proposé à la vente dans le cadre d’une foire par un professionnel, qui dispose d’un magasin « fixe » dans lequel il commercialise habituellement ce même bien et seulement à titre occasionnel sur les foires, bénéficierait du droit de rétractation visé à l’article 9 de la directive 2011/83, tandis que la vente effectuée par un autre professionnel qui vend habituellement ses biens sur les foires et ne dispose pas d’un magasin fixe ne serait pas considérée comme effectuée « hors établissement » et, par conséquent, ne serait pas assortie dudit droit de rétractation.

19

Selon une autre approche, exposée par la juridiction de renvoi, ce ne serait pas la manière dont le professionnel organise son activité commerciale qui serait décisive pour apprécier si le contrat est conclu hors de l’« établissement commercial », au sens de l’article 2, point 9, de la directive 2011/83. Cette appréciation devrait être effectuée au regard de la nature du bien vendu. S’il s’agit d’un bien qui se vend typiquement sur les foires, il faudrait considérer que le consommateur devait s’attendre, en se rendant à la foire en question, qu’un tel bien lui serait proposé à la vente. En revanche, il conviendrait de veiller à la protection du consommateur s’agissant des autres types de biens, qu’il ne pouvait s’attendre à se voir proposer à cette foire. Cette approche serait fondée sur la finalité du droit de rétractation prévu par la directive 2011/83, qui consiste à protéger le consommateur contre la conclusion précipitée d’un contrat dans une situation de surprise ou sous une pression psychologique.

20

Dans le cadre de l’approche visée au point précédent, seraient pertinentes les attentes et la perception du consommateur. À cet égard, d’une part, il serait possible de tenir compte des attentes du consommateur au moment de sa décision de se rendre à la foire, ces attentes étant fondées sur les informations concernant les biens ou les services qui y seront offerts. D’autre part, aux fins de l’interprétation de l’article 2, point 9, de la directive 2011/83, il conviendrait d’avoir plutôt égard aux circonstances concrètes dans lesquelles le contrat est conclu à l’occasion d’une foire.

21

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Un stand situé dans un hall d’exposition, qui est utilisé par un professionnel pendant une foire qui se tient quelques jours par an en vue de vendre ses produits, constitue-t-il un “site commercial immeuble”, au sens de l’article 2, point 9, sous a), de la directive 2011/83, ou un “site commercial meuble”, au sens de l’article 2, point 9, sous b), de ladite directive ?

2)

S’il s’agit d’un site commercial meuble :

convient-il de répondre à la question de savoir si un professionnel exerce son activité “de manière habituelle” sur des stands de foire, en fonction

a)

de la manière dont le professionnel organise son activité ou

b)

de la question de savoir si le consommateur doit s’attendre à la conclusion d’un contrat relatif aux produits concernés à l’occasion de la foire en question ?

3)

Si la perception du consommateur est décisive pour la réponse à la deuxième question [deuxième question, sous b)] :

en ce qui concerne la question de savoir si le consommateur doit s’attendre à la conclusion d’un contrat relatif aux produits concernés à l’occasion de la foire en question, convient-il de se placer du point de vue du public en général, en examinant la manière dont la foire se présente audit public ou du point de vue du consommateur concerné, en examinant la manière dont la foire se présente effectivement à lui lorsqu’il conclut le contrat ? »

Sur les questions préjudicielles

22

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 2, point 9, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens qu’un stand, tel que celui en cause au principal, tenu par un professionnel sur une foire commerciale, sur lequel il exerce ses activités quelques jours par an, est un « établissement commercial », au sens de cette disposition.

23

À titre liminaire, il importe de rappeler que la directive 2011/83 définit un « établissement commercial », d’une part, à son article 2, point 9, sous a), comme tout site commercial immeuble où le professionnel exerce son activité en permanence et, d’autre part, à son article 2, point 9, sous b), comme tout site commercial meuble où le professionnel exerce son activité de manière habituelle.

24

Le considérant 22 de cette directive précise, à cet égard, qu’il convient de considérer comme établissement commercial tout établissement, de quelque type que ce soit, qu’il s’agisse par exemple d’un magasin, d’un étal ou d’un camion, servant de siège d’activité permanent ou habituel au professionnel.

25

Ainsi, le législateur de l’Union a prévu que l’établissement commercial puisse être un site commercial soit immeuble, soit meuble, l’activité du professionnel étant exercée en permanence ou de manière habituelle.

26

La directive 2011/83 ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par une activité exercée « en permanence » ou « de manière habituelle » et n’opère pas non plus de renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne le sens précis de ces termes.

27

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il découle de l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où une disposition de celui-ci ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de la disposition concernée, mais également de son contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont cette disposition fait partie (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C-395/16, EU:C:2018:172, point 20 et jurisprudence citée).

28

Partant, les notions visées à l’article 2, point 9, sous a) et b), de la directive 2011/83 doivent être considérées, aux fins de l’application de cette directive, comme des notions autonomes du droit de l’Union, qui doivent être interprétées de manière uniforme sur le territoire de l’ensemble des États membres.

29

À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que les activités d’un professionnel exercées sur un stand, tel que celui en cause au principal, qui est installé sur une foire pour une période de quelques jours au cours d’une année civile, ne sauraient être considérées comme exercées « en permanence », au sens habituel de cette expression.

30

En second lieu, quant à l’expression « de manière habituelle », il convient de relever que, dans son sens usuel, cette expression peut être comprise comme renvoyant soit à une certaine constance dans le temps de l’activité en cause, soit au caractère normal que revêt l’exercice de cette activité sur le site en cause. Par conséquent, le sens de cette expression dans le langage courant ne permet pas, à lui seul, de donner d’emblée une interprétation univoque de celle-ci.

31

Il n’en demeure pas moins que le fait qu’un professionnel exerce ses activités en permanence ou de manière habituelle dans un « établissement commercial », au sens de l’article 2, point 9, de la directive 2011/83, détermine l’étendue de la protection du consommateur prévue par cette directive.

32

En effet, d’une part, les articles 6 et 7 de la directive 2011/83 prévoient des obligations d’information et des obligations formelles concernant les « contrats hors établissement », au sens de l’article 2, point 8, de cette directive. En outre, les articles 9 à 16 de celle-ci accordent au consommateur un droit de rétractation à la suite de la conclusion d’un tel contrat et établissent les conditions et les modalités de l’exercice de ce droit. D’autre part, la définition du « contrat hors établissement » se réfère à la notion d’« établissement commercial », au sens de l’article 2, point 9, de ladite directive.

33

L’objectif des dispositions visées au point précédent est exposé notamment au considérant 21 de la directive 2011/83, aux termes duquel, lorsqu’il se trouve en dehors de l’établissement commercial du professionnel, le consommateur peut être soumis à une pression psychologique éventuelle ou être confronté à un élément de surprise, qu’il ait ou non sollicité la visite du professionnel. Dans cette mesure, le législateur de l’Union a entendu également viser des situations dans lesquelles le consommateur est sollicité personnellement et individuellement dans un contexte hors établissement, mais où le contrat est conclu immédiatement après, dans l’établissement commercial du professionnel ou en ayant recours à une technique de communication à distance.

34

Il s’ensuit que si le législateur de l’Union a prévu la protection du consommateur, en ce qui concerne les contrats hors établissement, dans le cas où, au moment de la conclusion du contrat, le consommateur ne se trouve pas dans un établissement occupé d’une façon permanente ou habituelle par le professionnel, c’est parce qu’il a estimé que, en se rendant spontanément dans un tel établissement, ledit consommateur peut s’attendre à être sollicité par le professionnel, de sorte que, le cas échéant, il ne saurait valablement soutenir par la suite avoir été surpris par l’offre de ce professionnel.

35

En outre, il importe de rappeler que la notion d’« établissement commercial » figurait déjà à l’article 1er, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO 1985, L 372, p. 31), qui a été abrogée et remplacée par la directive 2011/83.

36

Le quatrième considérant de la directive 85/577 énonçait que les contrats conclus en dehors des établissements commerciaux du commerçant se caractérisent par le fait que l’initiative des négociations émane normalement du commerçant et que le consommateur ne s’est, en aucune façon, préparé à ces négociations, qu’il se trouve pris au dépourvu et que, souvent, il n’est pas à même de comparer la qualité ainsi que le prix de l’offre avec d’autres offres. Ce considérant précisait encore que cet élément de surprise entre généralement en ligne de compte non seulement pour les contrats conclus par démarchage à domicile, mais également pour d’autres formes de contrat dont le commerçant prend l’initiative en dehors de ses établissements commerciaux.

37

C’est notamment eu égard à ce quatrième considérant de la directive 85/577 que, aux points 34 et 37 de l’arrêt du 22 avril 1999, Travel Vac (C-423/97, EU:C:1999:197), la Cour a jugé que la notion d’« établissement commercial », au sens de cette directive, visait les établissements dans lesquels le commerçant exerce habituellement ses activités et qui sont clairement identifiés comme lieux de vente au public.

38

Dans la mesure où il ressort du considérant 22 de la directive 2011/83 que celle-ci entend également viser, par la notion d’« établissement commercial », les lieux dans lesquels le fait, pour un consommateur, de recevoir une sollicitation commerciale ne constitue pas un élément de surprise, l’enseignement qui se dégage de cet arrêt de la Cour portant sur l’interprétation de la directive 85/577 demeure pertinent aux fins de l’interprétation de cette même notion, au sens de la directive 2011/83.

39

Eu égard à ces considérations et à celles exposées au point 34 du présent arrêt, l’expression « de manière habituelle », au sens de l’article 2, point 9, sous b), de la directive 2011/83, doit être comprise comme renvoyant au caractère normal que revêt, sur le site concerné, l’exercice de l’activité en cause.

40

Cette interprétation n’est pas remise en cause par la circonstance que l’article 2, point 9, sous a), de la directive 2011/83 se réfère, s’agissant des sites immeubles, aux activités commerciales exercées non pas « de manière habituelle », mais « en permanence » par le professionnel concerné. En effet, s’agissant de tels sites, le fait même que l’activité concernée y soit exercée de manière permanente impliquera nécessairement que celle-ci revêtira un caractère « normal » ou « habituel » pour un consommateur. Compte tenu du caractère permanent auquel doit répondre l’activité exercée dans de tels établissements commerciaux, le consommateur ne saurait être pris au dépourvu par le type d’offre qu’il y recevrait.

41

En ce qui concerne, plus particulièrement, une situation, telle que celle en cause au principal où un professionnel exerce ses activités sur le stand d’une foire commerciale, il importe de rappeler que, ainsi que l’énonce le considérant 22 de la directive 2011/83, les étals dans les marchés et les stands sur les foires doivent être considérés comme des établissements commerciaux s’ils satisfont à cette condition.

42

Il ressort également dudit considérant que les magasins de vente au détail où le professionnel exerce son activité à titre saisonnier, par exemple pendant la saison touristique dans une station de ski ou dans une station balnéaire, doivent être considérés comme des établissements commerciaux, étant donné que ce professionnel y exerce son activité à titre habituel. En revanche, les espaces accessibles au public, tels que les rues, les galeries commerçantes, les plages, les installations sportives et les transports publics, que ledit professionnel utilise à titre exceptionnel pour ses activités commerciales, ainsi que les domiciles privés ou les lieux de travail, ne doivent pas être considérés comme des établissements commerciaux.

43

Compte tenu de ce qui précède, afin de déterminer, dans un cas donné, si un stand sur une foire doit être qualifié d’« établissement commercial », au sens de l’article 2, point 9, de cette directive, il convient de tenir compte de l’apparence concrète que revêt ce stand aux yeux du public et, plus particulièrement, si, aux yeux d’un consommateur moyen, il se présente comme un lieu où le professionnel qui l’occupe exerce ses activités, y compris saisonnières, de manière habituelle, de telle sorte qu’un tel consommateur peut raisonnablement s’attendre, en s’y rendant, à faire l’objet d’une sollicitation commerciale.

44

Est pertinente, à cet égard, la perception du consommateur moyen, à savoir un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, point 74 ; du 26 octobre 2016, Canal Digital Danmark, C-611/14, EU:C:2016:800, point 39, ainsi que du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 47).

45

Dans ce contexte, il appartient au juge national d’apprécier l’apparence que le stand concerné offre au consommateur moyen, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui entourent les activités du professionnel et, notamment, des informations relayées dans les locaux de la foire elle-même. La durée de la foire en cause n’est pas, en elle-même, déterminante à cet égard, le législateur de l’Union ayant entendu, ainsi qu’il ressort du considérant 22 de la directive 2011/83, que l’établissement où le professionnel exerce son activité à titre saisonnier soit susceptible de constituer un « établissement commercial », au sens de l’article 2, point 9, de cette directive.

46

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux questions posées que l’article 2, point 9, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens qu’un stand, tel que celui en cause au principal, tenu par un professionnel sur une foire commerciale, sur lequel il exerce ses activités quelques jours par an, est un « établissement commercial », au sens de cette disposition, si, au regard de l’ensemble des circonstances de fait qui entourent ces activités, et notamment de l’apparence de ce stand et des informations relayées dans les locaux de la foire elle-même, un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce professionnel y exerce ses activités et le sollicite afin de conclure un contrat, ce qu’il incombe au juge national de vérifier.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 2, point 9, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’un stand, tel que celui en cause au principal, tenu par un professionnel sur une foire commerciale, sur lequel il exerce ses activités quelques jours par an, est un « établissement commercial », au sens de cette disposition, si, au regard de l’ensemble des circonstances de fait qui entourent ces activités, et notamment de l’apparence de ce stand et des informations relayées dans les locaux de la foire elle-même, un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce professionnel y exerce ses activités et le sollicite afin de conclure un contrat, ce qu’il incombe au juge national de vérifier.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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CJUE, n° C-485/17, Arrêt de la Cour, Verbraucherzentrale Berlin eV contre Unimatic Vertriebs GmbH, 7 août 2018