CJCE, n° C-467/01, Arrêt de la Cour, Ministero delle Finanze contre Eribrand SpA, 19 juin 2003

  • Production des preuves documentaires·
  • Dépassement du délai réglementaire·
  • Droit à un recours juridictionnel·
  • Mesures monétaires en agriculture·
  • Octroi de délais supplémentaires·
  • Organisation commune des marchés·
  • Sources du droit communautaire·
  • Application du droit national·
  • Ordre juridique communautaire·
  • Restitutions à l'exportation

Chronologie de l’affaire

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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre) 22 décembre 2010 (*) «Protection juridictionnelle effective des droits tirés du droit de l'Union – Droit d'accès à un tribunal – Aide juridictionnelle – Réglementation nationale refusant l'aide juridictionnelle aux personnes morales en l'absence d''intérêts généraux'» Dans l'affaire C-279/09, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par le Kammergericht (Allemagne), par décision du 30 juin 2009, parvenue à la Cour le 22 juillet 2009, dans la procédure DEB Deutsche Energiehandels- und …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 19 juin 2003, Eribrand, C-467/01
Numéro(s) : C-467/01
Arrêt de la Cour (première chambre) du 19 juin 2003. # Ministero delle Finanze contre Eribrand SpA. # Demande de décision préjudicielle: Corte d'appello di Genova - Italie. # Restitutions à l'exportation - Articles 47 et 48 du règlement (CEE) nº 3665/87 - Octroi de délais supplémentaires. # Affaire C-467/01.
Date de dépôt : 6 décembre 2001
Précédents jurisprudentiels : arrêt du 12 juillet 1990, Philipp Brothers, C-155/89
Factortame e.a. ( C-213/89, Rec. p. I-2433
Grundig Italiana, C-255/00
Heylens e.a., précité, point 14, et du 11 janvier 2001, Siples, C-226/99
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62001CJ0467
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:364
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62001J0467

Arrêt de la Cour (première chambre) du 19 juin 2003. – Ministero delle Finanze contre Eribrand SpA. – Demande de décision préjudicielle: Corte d’appello di Genova – Italie. – Restitutions à l’exportation – Articles 47 et 48 du règlement (CEE) nº 3665/87 – Octroi de délais supplémentaires. – Affaire C-467/01.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-06471


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Agriculture – Organisation commune des marchés – Restitutions à l’exportation – Production des preuves documentaires – Dépassement du délai réglementaire – Octroi de délais supplémentaires – Durée relevant du pouvoir d’appréciation des autorités nationales

(Règlement de la Commission n° 3665/87, art. 47, § 4, et 48, § 2)

2. Agriculture – Organisation commune des marchés – Restitutions à l’exportation – Production des preuves documentaires – Dépassement du délai réglementaire – Faculté des États membres d’accorder des délais supplémentaires – Droit à un recours juridictionnel de l’opérateur ayant essuyé un refus – Application du droit national – Limites

(Règlement de la Commission n° 3665/87, art. 47, § 4)

Sommaire


1. Le règlement n° 3665/87, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles, tel que modifié par le règlement n° 1829/94, ne fixant aucune limite à la durée des délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur en vertu de l’article 47, paragraphe 4, de ce règlement pour la production des documents relatifs à la réalisation de l’opération d’exportation, il incombe aux autorités nationales compétentes de fixer la durée de ces délais en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas, en tenant compte notamment de la diligence dont fait preuve l’exportateur qui sollicite le bénéfice d’un délai supplémentaire, de la nature des difficultés objectives auxquelles il est confronté et de la période de temps raisonnablement nécessaire pour surmonter ces difficultés.

( voir point 48, disp. 1 )

2. L’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles, tel que modifié par le règlement n° 1829/94, ne confère pas à l’exportateur le droit d’obtenir un délai supplémentaire comportant une certaine durée pour la production des documents relatifs à la réalisation de l’opération d’exportation, dont il pourrait se prévaloir directement devant le juge national. Néanmoins, l’exercice du pouvoir d’appréciation reconnu aux autorités nationales compétentes pour octroyer des délais supplémentaires ne saurait dépasser les limites qu’impose la finalité de cette disposition. Le principe de la protection juridictionnelle effective exige toutefois que l’exportateur bénéficie d’une voie de recours de nature juridictionnelle à l’encontre de la décision, prise par les autorités nationales compétentes en application de l’article 47, paragraphe 4, du règlement précité, lui refusant le bénéfice de délais supplémentaires. Il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de déterminer les conditions et modalités de ce recours juridictionnel, dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence tels que définis par le droit communautaire.

( voir points 58, 60, 63, disp. 2 )

Parties


Dans l’affaire C-467/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par la Corte d’appello di Genova (Italie), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Ministero delle Finanze,

et Eribrand SpA, anciennement Eurico Italia SpA,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 47 et 48 du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1829/94 de la Commission, du 26 juillet 1994 (JO L 191, p. 5),

LA COUR (première chambre),

composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. P. Jann et A. Rosas (rapporteur), juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Eribrand SpA, par Mes S. Turci et M. Turci, avvocati,

— pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme A. Colomb, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Niejahr et A. Aresu, en qualité d’agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 janvier 2003,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


I. Par ordonnance du 15 novembre 2001, parvenue à la Cour le 6 décembre suivant, la Corte d’appello di Genova a posé, en application de l’article 234 CE, cinq questions préjudicielles relatives à l’interprétation des articles 47 et 48 du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1829/94 de la Commission, du 26 juillet 1994 (JO L 191, p. 5, ci-après le «règlement n° 3665/87»).

II. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant le Ministero delle Finanze (ministère des Finances italien) à Eribrand SpA (ci-après «Eribrand»), anciennement Eurico Italia SpA, au sujet du versement, en conformité avec le règlement n° 3665/87, de restitutions afférentes à l’exportation par cette société de trois lots de riz vers Israël au cours de l’année 1995.

Le cadre juridique

III. Le règlement n° 3665/87 est entré en vigueur le 1er janvier 1988 et a été modifié à plusieurs reprises jusqu’à son abrogation et son remplacement par le règlement (CE) n° 800/1999 de la Commission, du 15 avril 1999, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 102, p. 11). Ce dernier règlement est entré en vigueur le 24 avril 1999 et il est applicable à partir du 1er juillet 1999. Toutefois, en vertu de l’article 54, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 800/99, le règlement n° 3665/87 reste applicable aux exportations pour lesquelles les déclarations d’exportation ont été acceptées avant le 1er juillet 1999.

IV. Conformément à son article 1er, le règlement n° 3665/87 s’appliquait, notamment, aux exportations de riz.

V. L’article 47 du règlement n° 3665/87 disposait:

«1. La restitution n’est payée que, sur demande spécifique de l’exportateur, par l’État membre dans le territoire duquel la déclaration d’exportation a été acceptée.

[¼ ]

2. Le dossier pour le paiement de la restitution ou la libération de la garantie doit être déposé, sauf cas de force majeure, dans les douze mois suivant la date d’acceptation de la déclaration d’exportation.

[¼ ]

4. Lorsque les documents exigés au titre de l’article 18 n’ont pas pu être produits dans le délai fixé au paragraphe 2, bien que l’exportateur ait fait diligence pour se les procurer et les communiquer dans ce délai, des délais supplémentaires peuvent lui être accordés pour la production de ces documents.

5. La demande d’équivalence visée au paragraphe 3, assortie ou non des pièces justificatives, ainsi que la demande de délais supplémentaires visée au paragraphe 4, doivent être déposées dans le délai fixé au paragraphe 2.

[¼ ]»

VI. L’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87 était rédigé comme suit:

«Lorsque la preuve que toutes les exigences prévues par la réglementation communautaire ont été respectées est fournie dans les six mois suivant les délais prévus à l’article 47 paragraphes 2, 4 et 5, la restitution payée est égale à 85 % de la restitution qui aurait été payée si toutes les exigences avaient été respectées.»

VII. L’article 18 du règlement n° 3665/87, mentionné à l’article 47, paragraphe 4, du même règlement, précisait les documents au moyen desquels la preuve de l’accomplissement des formalités de mise à la consommation des produits agricoles dans le pays tiers concerné devait être apportée. Cette disposition a été modifiée à plusieurs reprises en vue de faciliter l’obtention par les exportateurs des preuves établissant la mise à la consommation dans un pays tiers.

VIII. L’article 22, paragraphe 1, dudit règlement disposait:

«Sur demande de l’exportateur, les États membres avancent tout ou partie du montant de la restitution, dès l’acceptation de la déclaration d’exportation, à condition que soit constituée une garantie dont le montant est égal au montant de cette avance, majoré de 15 %.

Les États membres peuvent déterminer les conditions dans lesquelles il est possible de demander l’avance d’une partie de la restitution.»

IX. L’article 23, paragraphe 1, du même règlement prévoyait:

«Lorsque le montant avancé est supérieur au montant effectivement dû pour l’exportation en cause ou pour une exportation équivalente, l’exportateur rembourse la différence entre ces deux montants majorée de 15 %.

Toutefois, lorsque, par suite d’un cas de force majeure:

— les preuves prévues par le règlement pour bénéficier de la restitution ne peuvent être apportées

ou

— le produit atteint une destination autre que celle pour laquelle l’avance a été calculée,

la majoration de 15 % n’est pas recouvrée.»

X. En outre, l’avant-dernier considérant du règlement n° 3665/87 était rédigé comme suit:

«considérant que, pour des raisons de bonne gestion administrative, il convient d’exiger que la demande et tous les autres documents nécessaires au paiement de la restitution soient déposés dans un délai raisonnable, sauf cas de force majeure, notamment lorsque ce délai n’a pu être respecté par suite de retards administratifs non imputables à l’exportateur».

XI. Il importe de préciser que les articles 49 et 50 du règlement n° 800/1999 reprennent en grande partie le contenu des articles 47 et 48 du règlement n° 3665/87, sans y apporter de modifications substantielles. L’article 49, paragraphe 5, du règlement n° 800/1999, qui correspond à l’article 47, paragraphe 5, du règlement n° 3665/87, précise ce qui suit:

«Toutefois, si ces demandes sont déposées dans les six mois suivant ce délai, les dispositions de l’article 50, paragraphe 2, premier alinéa, s’appliquent.»

XII. L’article 50, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 800/1999 correspond à l’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

XIII. Au cours des mois de mars et avril 1995, Eribrand a exporté en Israël trois lots de riz qui ont été chargés sur des bateaux en partance du port de Ravenne (Italie) et à destination du port de Haïfa (Israël).

XIV. En juillet 1995, l’administration italienne a versé à Eribrand environ 33 millions de ITL à titre d’avance sur le montant des restitutions à l’exportation qu’elle avait sollicitées.

XV. L’acquéreur israélien n’a pas envoyé à Eribrand les certificats d’entrée douanière nécessaires pour établir la mise à la consommation des marchandises en Israël, en dépit des demandes répétées qui lui ont été adressées. Se rendant compte qu’elle ne serait pas en mesure de respecter le délai de douze mois fixé à l’article 47, paragraphe 2, du règlement n° 3665/87 pour la production de ces documents, Eribrand a, le 6 mars 1996, présenté au Ministero delle Finanze deux demandes d’octroi de délais supplémentaires. Ces demandes ont été introduites en temps utile, c’est-à-dire dans le délai fixé à l’article 47, paragraphe 5, du même règlement.

XVI. Par lettres du 19 octobre 1996, le Ministero delle Finanze a rejeté lesdites demandes. Il a relevé, d’une part, que lorsque Eribrand avait demandé l’octroi de délais supplémentaires, elle disposait encore de six mois pour produire les documents qui lui manquaient. Il a constaté, d’autre part, que ces documents n’avaient toujours pas été présentés et que les délais maximaux prévus aux articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 2, du règlement n° 3665/87 avaient entre-temps expiré. Par conséquent, le Ministero delle Finanze a estimé que les demandes de paiement des restitutions à l’exportation ne pouvaient être accueillies.

XVII. Le 18 décembre 1996, il a en outre été demandé à Eribrand de rembourser l’avance qui lui avait été versée. Les recours ultérieurs de cette société ayant été rejetés le 16 septembre 1997, elle a effectivement remboursé le montant exigé, à savoir la somme reçue majorée de 15 %.

XVIII. Ce n’est qu’à la suite de démarches entreprises par l’intermédiaire de l’ambassade d’Italie en Israël et de l’agence locale de l’Istituto per il Commercio Estero (Institut pour le commerce extérieur, ci-après l'«ICE»), et après avoir confié l’affaire à des avocats italiens, assistés d’avocats israéliens, qu’Eribrand a réussi à obtenir les certificats d’entrée douanière. Le 3 décembre 1997, elle les a remis au Ministero delle Finanze.

XIX. Le 4 décembre 1997, Eribrand a saisi le Tribunale di Genova (Italie), en concluant à la condamnation du Ministero delle Finanze à lui payer un montant d’environ 103 millions de ITL au titre des restitutions à l’exportation qui lui seraient dues.

XX. Par arrêt du 3 février 2000, le Tribunale di Genova, après avoir rejeté les exceptions d’incompétence matérielle et territoriale soulevées par le Ministero delle Finanze, a fait droit à la demande d’Eribrand sur le fondement de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87. Il a estimé que «la société fait valoir son droit d’obtenir la réouverture des délais pour présenter le document relatif à la mise sur le marché, qu’elle n’a pas pu présenter dans le délai de douze mois depuis la date d’acceptation de la déclaration d’exportation, bien que l’exportateur ait fait diligence pour se le procurer (situation qui est en effet établie en l’espèce, Eurico s’y étant employée, en déclenchant l’intervention de la représentation [¼ ] diplomatique et de l’ICE pour demander l’établissement d’une documentation de substitution à la douane israélienne)».

XXI. Le Ministero delle Finanze a interjeté appel de cet arrêt devant la Corte d’appello di Genova.

XXII. Selon l’ordonnance de renvoi, le Ministero delle Finanze conteste, en ce qui concerne le fond du litige au principal, l’interprétation de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87 retenue par le Tribunale di Genova. Il soutient que le délai supplémentaire pouvant être accordé en vertu de cette disposition est limité à six mois seulement, étant donné que le délai maximal pour la production des documents exigés par la réglementation communautaire ne peut en aucun cas dépasser dix-huit mois. Ceci ressortirait de l’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87, disposition selon laquelle, lorsque les preuves nécessaires sont apportées dans les six mois suivant les délais prévus à l’article 47, paragraphes 2, 4 et 5, du même règlement, la restitution payée est égale à 85 % de la restitution qui aurait été payée si toutes les exigences avaient été respectées. Il relève que le dossier pour le paiement des restitutions n’a été complété par Eribrand qu’approximativement trente-deux mois après l’acceptation des déclarations d’exportation.

XXIII. Eribrand fait valoir que l’interprétation préconisée par l’administration italienne priverait l’exportateur non fautif de son droit aux restitutions si l’obstacle à l’obtention des documents exigés par la réglementation communautaire persistait au-delà du délai de six mois susceptible d’être accordé. Selon elle, il ne peut être déduit de l’article 48 du règlement n° 3665/87 que l’octroi de délais supplémentaires, prévu à l’article 47, paragraphe 4, de celui-ci, est soumis à une durée maximale ni que la durée totale des délais pour présenter lesdits documents ne peut dépasser dix-huit mois.

XXIV. La Corte d’appello di Genova, compte tenu des arguments invoqués devant elle par les parties et de la pertinence de l’interprétation de la réglementation communautaire pour la solution du litige dont elle est saisie, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Eu égard aux articles 47, paragraphe 4, et 48 du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles, y a-t-il lieu de considérer que:

a) les délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur ne peuvent en aucun cas dépasser la durée maximale de dix-huit mois, ou que

b) au contraire, la réduction de 15 % s’applique seulement en cas de dépassement de plus de six mois du délai ordinaire et du délai supplémentaire éventuellement accordé à l’exportateur?

2) Si l’interprétation correcte est celle qui figure à la question précédente, sous b), sur la base des deux articles précités et eu égard aux divers éléments, y compris ceux indiqués dans la motivation de la présente ordonnance, qui peuvent présenter une importance en la matière du point de vue du droit communautaire, existe-t-il des limites temporelles maximales dans lesquelles les délais supplémentaires peuvent être accordés?

3) Si l’interprétation correcte est celle qui figure à la première question, sous b), quelles sont ces limites temporelles maximales et, en conséquence, quels sont les délais supplémentaires en vertu des deux articles précités?

4) Si l’interprétation correcte est celle qui figure à la première question, sous b), sur la base des deux articles précités, un particulier peut-il se prévaloir d’un droit juridiquement sanctionné à ce que les délais supplémentaires comportent une certaine durée (considérée comme adéquate au regard des difficultés pour se procurer la documentation requise)?

5) Si l’interprétation correcte est celle qui figure à la première question, sous b), sur la base des articles précités, le juge national peut-il – en cas de refus des autorités administratives d’octroyer des délais supplémentaires – reconnaître le droit de l’exportateur (qui a fait diligence pour se procurer les documents et les présenter dans le délai de douze mois visé à l’article 47, paragraphe 2, de ce règlement) d’obtenir des délais supplémentaires et en fixer la durée en fonction du temps effectivement nécessaire pour obtenir et présenter la documentation requise?»

Sur les trois premières questions

XXV. Par ses trois premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si, au regard des articles 47 et 48 du règlement n° 3665/87, les délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur en vertu de l’article 47, paragraphe 4, sont soumis à des limites temporelles maximales et, en cas de réponse affirmative, quelles sont ces limites, ou si, au contraire, l’octroi de tels délais supplémentaires pour la production des documents établissant l’accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation est possible nonobstant le fait que le délai total de dix-huit mois est dépassé.

Observations soumises à la Cour

XXVI. Eribrand, le gouvernement français et la Commission, qui ont présenté des observations devant la Cour, estiment que, s’agissant de la production des documents visés à l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87, celui-ci n’impose aucune limite à la durée des délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur en vertu de cette disposition. Il reviendrait aux administrations nationales de fixer la durée de ces délais supplémentaires en fonction des nécessités spécifiques de chaque exportateur. À cette fin, l’administration devrait notamment prendre en compte la diligence dont fait preuve l’exportateur qui sollicite un délai supplémentaire, les justifications qu’il présente à l’appui de sa demande et la période de temps raisonnablement nécessaire pour surmonter les difficultés qu’il invoque.

XXVII. Eribrand critique la position de l’administration italienne, laquelle soutiendrait que les délais supplémentaires accordés ne peuvent en aucun cas dépasser six mois et que, même si une prorogation était octroyée, les restitutions à l’exportation devraient de toute façon être réduites de 15 %. Elle estime que cette interprétation de la réglementation communautaire est non seulement erronée, mais également contraire aux finalités du régime des restitutions à l’exportation ainsi qu’aux principes d’équité, d’égalité, de proportionnalité et de confiance légitime.

XXVIII. Selon Eribrand, la référence faite à l’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87 au délai prévu à l’article 47, paragraphe 4, de celui-ci vise le cas où l’exportateur n’aurait pas respecté un délai supplémentaire éventuellement accordé par l’administration. Lorsque des délais supplémentaires sont accordés conformément audit article 47, paragraphe 4, l’exportateur aurait encore la faculté de présenter la documentation après l’expiration de ces délais, pour autant que le retard ne dépasse pas le délai de six mois prévu à l’article 48, paragraphe 2, sous a), et, dans ce cas, sous peine d’une réduction de 15 % du montant de la restitution qui aurait été payée si toutes les exigences avaient été satisfaites.

XXIX. Eribrand invoque les points 146 à 148 de l’arrêt du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission (C-54/95, Rec. p. I-35), dont il ressortirait que l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87 a justement pour objet d’empêcher qu’un opérateur non fautif, qui a fait diligence pour se procurer les documents douaniers, soit automatiquement privé du bénéfice des restitutions au seul motif qu’il n’a pas réussi, dans le délai prévu, à fournir la preuve d’une opération qui a effectivement eu lieu. Il ne serait pas conforme à cette finalité de sanctionner par la perte de 15 % des restitutions un opérateur qui peut objectivement justifier le retard avec lequel les documents requis ont été présentés.

XXX. Le gouvernement français soutient qu’il résulte des termes mêmes de l’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87 que l’interprétation selon laquelle, pour faire valoir ses droits, l’exportateur disposerait au maximum d’un délai de dix-huit mois à compter de la date d’acceptation de sa déclaration d’exportation est erronée. L’emploi de la conjonction «et» attesterait que les délais prévus à l’article 47, paragraphes 2, 4 et 5, doivent avoir été successivement épuisés pour que commence à courir le délai de six mois figurant à l’article 48, paragraphe 2, sous a).

XXXI. Selon ledit gouvernement, une interprétation des dispositions des articles 47 et 48 du règlement n° 3665/87 consistant en une simple addition des deux délais, l’un de douze mois et l’autre de six mois, conduirait à méconnaître les finalités de ce règlement. Elle aurait pour conséquence, d’une part, de supprimer le pouvoir d’appréciation reconnu aux États membres, en ce qui concerne la durée du ou des délais qu’il leur est possible d’accorder à l’exportateur diligent. D’autre part, elle priverait automatiquement ce dernier, en cas de dépassement du délai de dix-huit mois, de toute possibilité de faire valoir ses droits.

XXXII. Le gouvernement français soutient que les conséquences d’une telle interprétation seraient en totale contradiction avec la jurisprudence de la Cour. En effet, cette dernière, aux points 146 et suivants de son arrêt Allemagne/Commission, précité, aurait rappelé le principe du pouvoir d’appréciation des autorités nationales compétentes, auxquelles il incombe de vérifier si l’exportateur a fait preuve de diligence et de décider s’il y a lieu d’exercer leur faculté d’octroyer un délai supplémentaire.

XXXIII. L’obligation desdites autorités d’apprécier in concreto la situation de chaque exportateur implique, selon le gouvernement français, un devoir de sanctionner les comportements dilatoires, en refusant d’accorder les délais supplémentaires sollicités par l’exportateur qui n’a pas fait preuve de diligence. Dans ce contexte, les autorités nationales seraient également tenues de faire en sorte que l’exportateur diligent ne soit pas pénalisé en raison de circonstances qui ne lui sont pas imputables. Tel serait notamment le cas dans l’hypothèse où l’importateur du pays tiers n’a pas fourni en temps utile les documents requis.

XXXIV. Le gouvernement français rappelle que, en vertu des dispositions de l’article 22, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 3665/87, l’exportateur qui sollicite le versement d’une avance sur le montant de la restitution est tenu de constituer une garantie dont le montant est égal à celui de cette avance, majoré de 15 %. Il souligne que ces dispositions incitent l’exportateur à faire preuve de diligence, étant donné qu’il est contraire à ses intérêts de tarder à produire les documents douaniers requis.

XXXV. En ce qui concerne la durée des délais supplémentaires que peuvent accorder les autorités nationales compétentes à l’exportateur diligent, le gouvernement français relève qu’elle n’est fixée par aucune disposition du règlement n° 3665/87. Toutefois, l’avant-dernier considérant de celui-ci contiendrait certaines indications à cet égard.

XXXVI. Selon la Commission, l’article 47, paragraphe 2, du règlement n° 3665/87 fixe à douze mois le délai ordinaire pour le dépôt des documents relatifs aux dossiers des restitutions à l’exportation afin d’inciter les exportateurs à remplir leurs obligations avec diligence et d’éviter que les autorités nationales compétentes soient tenues de garder indéfiniment ouverts lesdits dossiers. Dans ce contexte, il serait raisonnable et équitable de déroger à cette règle lorsqu’un exportateur a fait diligence pour se procurer et communiquer les documents requis, mais qu’il n’est pas parvenu à respecter ce délai pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. Elle relève que l’article 47, paragraphe 4, prévoit explicitement la possibilité d’octroi de délais supplémentaires et que l’exportateur doit, pour en bénéficier, présenter en temps opportun une demande en ce sens auxdites autorités. À cet égard, elle se réfère également à l’avant-dernier considérant dudit règlement.

XXXVII. La Commission estime qu’aucun argument contraire à cette interprétation ne peut être tiré de l’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87, lequel prévoit seulement un nouveau délai de tolérance de six mois qui vient s’ajouter aux délais ordinaire et supplémentaires déjà accordés. Elle fait valoir, par ailleurs, que l’article 49 du règlement n° 800/1999 conserve la même formulation que celle de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87.

XXXVIII. En outre, la réduction de 15 % du montant des restitutions, prévue à l’article 48, paragraphe 2, sous a), resterait pleinement applicable lorsque l’exportateur produit les documents requis après l’expiration des délais supplémentaires accordés, mais dans le délai de tolérance de six mois. Il s’agirait d’une sorte de sanction à l’égard de l’exportateur qui, bien qu’il ait bénéficié d’une prorogation du délai ordinaire de douze mois, a néanmoins produit les documents nécessaires en retard, même si ce retard n’est pas jugé suffisamment grave pour justifier la perte totale du droit aux restitutions à l’exportation.

Réponse de la Cour

XXXIX. En vertu du règlement n° 3665/87, le paiement de la restitution à l’exportation est subordonné notamment à la présentation par l’exportateur d’un ou plusieurs documents, énumérés à l’article 18 de ce règlement, établissant que les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers, mentionné le cas échéant dans la déclaration d’exportation, ont été accomplies.

XL. Selon l’article 47, paragraphe 2, du même règlement, l’exportateur dispose, sauf cas de force majeure, d’un délai de douze mois suivant la date d’acceptation de la déclaration d’exportation pour soumettre aux autorités nationales compétentes la demande de restitution et tous les autres documents nécessaires au paiement de celle-ci. Un tel délai tient compte de l’intérêt des administrations des États membres à clôturer les dossiers de restitutions à l’exportation dans un délai raisonnable, en particulier lorsque des avances sur le montant des restitutions ont été payées conformément à l’article 22 du règlement n° 3665/87 [voir, en ce sens, à propos de dispositions équivalentes figurant dans le règlement (CEE) n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 317, p. 1), applicable avant l’entrée en vigueur du règlement n° 3665/87, arrêt du 12 juillet 1990, Philipp Brothers, C-155/89, Rec. I-3265, point 39].

XLI. Toutefois, la réglementation communautaire prend également en considération le fait que les exportateurs risquent de se heurter à des difficultés pour obtenir les documents douaniers de la part des autorités de l’État tiers d’importation, sur lesquelles ils ne disposent d’aucun moyen de pression (arrêt Philipp Brothers, précité, point 27).

XLII. Dans ce contexte, l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87 donne aux autorités nationales compétentes la possibilité d’accorder à l’exportateur concerné des délais supplémentaires, à la condition que ce dernier ait fait diligence pour se procurer et communiquer la documentation requise dans le délai de douze mois fixé au paragraphe 2 du même article. Ainsi que la Cour l’a jugé au point 148 de l’arrêt Allemagne/Commission, précité, la finalité de cette règle est de ne pas priver automatiquement l’exportateur des restitutions prévues par la réglementation communautaire, lorsque celui-ci, bien qu’ayant déployé tous les efforts qu’il lui incombait d’effectuer, a été empêché, par des circonstances objectives, de produire dans le délai de douze mois les documents requis.

XLIII. En outre, il convient de relever que, selon l’avant-dernier considérant du règlement n° 3665/87, les retards administratifs non imputables à l’exportateur peuvent constituer des cas de force majeure susceptibles de justifier le non-respect du délai de douze mois fixé à l’article 47, paragraphe 2, de ce règlement.

XLIV. Par ailleurs, il résulte expressément de l’article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87 que, même en dehors de l’allégation par l’exportateur d’un cas de force majeure au sens de ce règlement, le non-respect dudit délai de douze mois n’implique pas nécessairement la perte totale de la restitution à laquelle il pouvait prétendre. En effet, cette disposition prévoit que, si l’ensemble de la documentation exigée par la réglementation communautaire est fournie aux autorités nationales compétentes dans les six mois suivant, notamment, le délai fixé à l’article 47, paragraphe 2, la restitution payée est égale à 85 % de la restitution qui aurait été payée si toutes les exigences avaient été respectées.

XLV. S’agissant de la question de savoir si ledit article 48, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 3665/87 fait cependant obstacle à l’octroi de délais supplémentaires pouvant excéder un délai total de dix-huit mois à compter de la date d’acceptation de la déclaration d’exportation, il y a lieu de relever que le libellé de cette disposition ne contient aucune restriction relative à la durée des délais supplémentaires pouvant être accordés en vertu de l’article 47, paragraphe 4, du même règlement. Au contraire, il ressort de la référence expresse aux délais prévus à l’article 47, paragraphes 2, 4 et 5, que, au cas où un délai supplémentaire a été accordé à l’exportateur, conformément audit paragraphe 4, celui-ci dispose encore d’une période de six mois suivant l’expiration de ce délai pour compléter son dossier et obtenir ainsi le versement de 85 % de la restitution qui aurait dû être payée si toutes les exigences avaient été satisfaites.

XLVI. La réduction de 15 %, appliquée dans un tel cas au montant total de la restitution, vise précisément à sanctionner le fait que l’exportateur n’est pas en mesure de démontrer que le retard excédant le délai supplémentaire prévu pour la transmission des documents ne lui est pas imputable. Dès lors, il convient de constater que, si l’exportateur démontre qu’il a fait preuve de toute la diligence requise pour se procurer et communiquer les documents exigés, la réglementation communautaire ne prévoit pas de sanction à son égard.

XLVII. Il y a lieu de relever, en outre, que la fixation de limites temporelles maximales aux délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur diligent, notamment l’impossibilité de dépasser un délai total de dix-huit mois à compter de la date d’acceptation de la déclaration d’exportation, réduirait considérablement le pouvoir d’appréciation reconnu aux autorités nationales et serait contraire à la finalité de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87. Cette disposition permet par elle-même de concilier les exigences de protection de l’intérêt de l’exportateur à obtenir l’intégralité des restitutions auxquelles il a droit et de celui de l’administration qui souhaite ne pas garder indéfiniment ouverts les dossiers relatifs aux opérations d’exportation.

XLVIII. Force est donc de conclure qu’il ne ressort pas des articles 47 et 48 du règlement n° 3665/87 que les délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur en vertu de l’article 47, paragraphe 4, sont soumis à des limites temporelles maximales s’imposant aux autorités nationales compétentes.

XLIX. Par conséquent, il convient de répondre aux trois premières questions que le règlement n° 3665/87 ne fixe aucune limite à la durée des délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur en vertu de l’article 47, paragraphe 4, de ce règlement. Il incombe aux autorités nationales compétentes de fixer la durée de ces délais en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas, en tenant compte notamment de la diligence dont fait preuve l’exportateur qui sollicite le bénéfice d’un délai supplémentaire, de la nature des difficultés objectives auxquelles il est confronté et de la période de temps raisonnablement nécessaire pour surmonter ces difficultés.

Sur les quatrième et cinquième questions

L. Par ses quatrième et cinquième questions, qu’il convient également d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’étendue de la protection juridictionnelle qui doit être accordée à l’exportateur lorsque les autorités nationales compétentes refusent à tort de lui octroyer un délai supplémentaire au titre de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87. Elle demande en substance si le juge national peut reconnaître à l’exportateur le droit d’obtenir un délai supplémentaire comportant une certaine durée et fixer lui-même ce délai en fonction du temps effectivement nécessaire pour obtenir et présenter la documentation requise.

Observations soumises à la Cour

LI. Selon Eribrand, il découle de la jurisprudence de la Cour que, lorsque l’administration a omis de manière injustifiée d’accorder les délais supplémentaires visés à l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87, le juge national peut reconnaître à l’exportateur le droit de les obtenir et en déterminer la durée sur la base du temps effectivement nécessaire pour obtenir et présenter la documentation requise. Elle invoque dans ce contexte les arrêts du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, Rec. p. 4097); du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C-213/89, Rec. p. I-2433), et du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C-97/91, Rec. p. I-6313).

LII. Le gouvernement français estime que, si tous les éléments permettant d’établir que l’octroi du délai supplémentaire est justifié sont réunis, les autorités nationales sont tenues d’accorder un tel délai à l’exportateur diligent. En effet, admettre que les autorités nationales sont en droit, dans ces circonstances, de refuser l’octroi d’un délai supplémentaire aboutirait, selon ce gouvernement, à reconnaître auxdites autorités un pouvoir arbitraire.

LIII. En conséquence, l’exportateur diligent qui estimerait que les autorités nationales compétentes lui ont refusé le bénéfice de délais supplémentaires en violation de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87 doit pouvoir se prévaloir de cette disposition devant le juge national. Dans le cadre des règles de droit nationales, l’exportateur doit être en mesure d’obtenir l’annulation de la décision par laquelle lesdites autorités lui ont refusé à tort un délai supplémentaire. Ces dernières seraient alors tenues d’adopter une nouvelle décision conforme aux exigences du droit communautaire.

LIV. En revanche, le gouvernement français considère que ni le règlement n° 3665/87 ni, plus généralement, le droit communautaire n’imposent au juge national de fixer lui-même la durée du délai supplémentaire nécessaire pour obtenir et présenter la documentation requise. En effet, conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartiendrait à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, étant entendu que ces modalités ne sauraient être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

LV. Selon ce gouvernement, la circonstance que l’ordre juridique d’un État membre ne prévoit pas que le juge national puisse se substituer à l’administration en fixant lui-même la durée du délai supplémentaire ne saurait être considérée comme rendant en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits qu’un exportateur diligent tire de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87.

LVI. La Commission estime, pour sa part, que, sur le fondement de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87, l’exportateur ne peut pas revendiquer un véritable droit à l’obtention de délais supplémentaires. Elle souligne que ladite disposition précise que de tels délais «peuvent lui être accordés».

LVII. Selon la Commission, les autorités nationales compétentes disposent d’un pouvoir discrétionnaire lors de l’examen de la demande d’octroi de délais supplémentaires, conformément aux traditions administratives des États membres. Il leur appartiendrait notamment de vérifier l’existence effective et la pertinence des cas de force majeure invoqués par l’exportateur pour justifier la demande, d’apprécier si ce dernier a effectivement fait diligence lorsqu’il a tenté de se procurer et de communiquer les documents nécessaires ainsi que de déterminer la durée éventuelle des délais supplémentaires pouvant être accordés.

LVIII. Si l’exportateur forme un recours devant la juridiction nationale compétente contre la décision lui refusant le bénéfice de délais supplémentaires, la Commission considère, sur la base d’une jurisprudence constante, que ladite juridiction dispose du même pouvoir de contrôle – incluant notamment la possibilité d’un contrôle de substitution – que celui qui lui est reconnu par l’ordre juridique national dans des cas similaires de refus, par lesdites autorités, d’octroyer des délais supplémentaires à des opérateurs économiques nationaux. Cette procédure ne devrait donc pas être moins favorable à l’exportateur que celle applicable dans des cas nationaux comparables.

Réponse de la Cour

LIX. Il convient en premier lieu de constater que l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87 ne confère pas à l’exportateur le droit d’obtenir un délai supplémentaire comportant une certaine durée, dont il pourrait se prévaloir directement devant le juge national. Ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, cette disposition prévoit que «les délais supplémentaires peuvent lui être accordés» et laisse donc aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation quant à l’octroi du délai supplémentaire et à la durée de celui-ci.

LX. Néanmoins, la Cour a déjà jugé que l’exercice du pouvoir d’appréciation ainsi reconnu aux autorités nationales compétentes ne saurait dépasser les limites qu’impose la finalité de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87, qui est de ne pas priver automatiquement l’exportateur diligent des restitutions prévues par la réglementation communautaire (arrêt Allemagne/Commission, précité, point 148). En outre, il résulte du point 49 du présent arrêt que lesdites autorités sont tenues, lors de la fixation du délai qu’elles accordent, de prendre en considération les circonstances spécifiques de chaque cas, notamment la diligence dont fait preuve l’exportateur qui sollicite le délai supplémentaire, la nature des difficultés objectives auxquelles il est confronté et la période de temps raisonnablement nécessaire pour surmonter ces difficultés.

LXI. Il convient en second lieu de relever que le principe de la protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18; Heylens e.a., précité, point 14, et du 11 janvier 2001, Siples, C-226/99, Rec. p. I-277, point 17), exige que l’exportateur bénéficie d’une voie de recours de nature juridictionnelle à l’encontre de la décision des autorités nationales compétentes prise en application de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87. En effet, il appartient aux États membres d’assurer un contrôle juridictionnel effectif sur le respect des dispositions applicables du droit communautaire (arrêt Johnston, précité, point 19).

LXII. Selon la jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de dispositions communautaires, ce contrôle juridictionnel est soumis aux règles du droit national, sous réserve des limites qu’impose le droit communautaire, en ce sens que les modalités prévues ne peuvent aboutir à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la mise en oeuvre de la réglementation communautaire (principe d’effectivité) et que l’application de la législation nationale doit se faire d’une façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type (principe d’équivalence) (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 19; du 16 juillet 1998, Oelmühle et Schmidt Söhne, C-298/96, Rec. p. I-4767, point 24, et du 24 septembre 2002, Grundig Italiana, C-255/00, Rec. p. 8003, point 33).

LXIII. Il en résulte que la question de savoir si le juge national doit se limiter à contrôler la décision prise par les autorités nationales compétentes ou s’il peut, au contraire, fixer lui-même la durée du délai supplémentaire que ces dernières auraient refusé à tort à l’exportateur doit être résolue selon les règles du droit national applicables à des litiges comparables de pur droit national, étant entendu qu’un contrôle effectif de ladite décision doit, en toute hypothèse, être assuré.

LXIV. Il convient donc de répondre aux quatrième et cinquième questions que l’exportateur ne peut pas se prévaloir directement devant le juge national du droit d’obtenir un délai supplémentaire comportant une certaine durée. Il doit toutefois bénéficier d’une voie de recours de nature juridictionnelle à l’encontre de la décision prise par les autorités nationales compétentes en application de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87. Il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de déterminer les conditions et modalités de ce recours juridictionnel, dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence tels que définis par le droit communautaire.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens LXV. Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la Corte d’appello di Genova, par ordonnance du 15 novembre 2001, dit pour droit:

1) Le règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1829/94 de la Commission, du 26 juillet 1994, ne fixe aucune limite à la durée des délais supplémentaires pouvant être accordés à l’exportateur en vertu de l’article 47, paragraphe 4, de ce règlement. Il incombe aux autorités nationales compétentes de fixer la durée de ces délais en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas, en tenant compte notamment de la diligence dont fait preuve l’exportateur qui sollicite le bénéfice d’un délai supplémentaire, de la nature des difficultés objectives auxquelles il est confronté et de la période de temps raisonnablement nécessaire pour surmonter ces difficultés.

2) L’exportateur ne peut pas se prévaloir directement devant le juge national du droit d’obtenir un délai supplémentaire comportant une certaine durée. Il doit toutefois bénéficier d’une voie de recours de nature juridictionnelle à l’encontre de la décision prise par les autorités nationales compétentes en application de l’article 47, paragraphe 4, du règlement n° 3665/87, tel que modifié par le règlement n° 1829/94. Il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de déterminer les conditions et modalités de ce recours juridictionnel, dans le respect des principes d’effectivité et d’équivalence tels que définis par le droit communautaire.

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CJCE, n° C-467/01, Arrêt de la Cour, Ministero delle Finanze contre Eribrand SpA, 19 juin 2003