Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 19 juillet 2016, n° 12775

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Résumé de la juridiction

A rédigé une attestation litigieuse, concernant son neveu, pour qu’elle soit produite en justice par son frère dans l’affaire l’opposant à son ex-compagne. Le praticien ne peut soutenir qu’il n’a mentionné sa qualité de médecin uniquement pour répondre aux exigences du code de procédure civile en matière de témoignage. L’attestation montre clairement qu’il revendique cette qualité "d’oncle et de médecin" pour faire un "présignalement " au SNATED. L’attestation rédigée un mois après les évènements qui y sont mentionnés, attire surtout l’attention sur l’initiative que le médecin a prise et joue en défaveur de la mère de l’enfant. Même s’il ne peut être reproché au médecin de s’être immiscé dans les affaires de famille, du fait de son statut d’oncle, son attestation reste tendancieuse.

A pu mentionner la demande qui lui a été faite de procéder à un vaccin au bénéfice de l’enfant et évoqué ses inquiétudes sur la santé ou la stabilité de ce dernier en l’absence de violation du secret médical.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 19 juill. 2016, n° 12775
Numéro(s) : 12775
Dispositif : Rejet Avertissement Rejet de la requête

Sur les parties

Texte intégral

N° 12775 _____________________________
Dr François D _____________________________
Audience du 9 juin 2016
Décision rendue publique par affichage le 19 juillet 2016
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 2 juin 2015, la requête présentée pour le Dr François D, qualifié en médecine générale ; le Dr D demande à la chambre d’annuler la décision n° C.2014-3778, en date du 4 mai 2015, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, statuant sur la plainte de Mme Laurence L, transmise par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, sans s’y associer, l’a condamné à la sanction de l’avertissement et, subsidiairement, à ce que soit prononcée à son égard une dispense de peine et la non-inscription de la décision dans son dossier administratif ;

Le Dr D soutient que l’attestation dont il lui est fait grief, en date du 13 novembre 2013, établie dans un contexte purement familial, et d’ordre purement personnelle, relative à la séparation entre son frère, Olivier D et sa compagne, Laurence L, et à la situation de leur fils Valentin, son filleul, ne peut en aucun cas constituer un rapport tendancieux ou un certificat de complaisance, dès lors qu’elle n’est pas un certificat médical, et que la mention de sa qualité de médecin constitue une obligation légale posée par l’article 202 du code de procédure civile ; qu’il ne s’est pas immiscé dans les affaires de famille ou la vie privée des patients, dès lors que les intervenants dans le litige familial ne sont pas ses patients, et qu’il est lui-même membre de cette famille ; qu’en fait, l’attestation n’a pu influencer la décision rendue par le juge aux affaires familiales qui, dans un jugement postérieur au dépôt de la plainte devant le juge ordinal, a confirmé les dispositions de son précédent jugement fixant la résidence de l’enfant chez son père ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 18 avril 2016, le mémoire présenté par Mme Laurence L, tendant au rejet de la requête ainsi qu’à l’aggravation de la peine et à ce que le Dr D soit condamné à lui rembourser 3000 euros de frais d’avocats, ainsi qu’au versement de 3000 euros pour procédure abusive ;

Mme L soutient que, dans l’attestation litigieuse, le Dr D mentionne sa décision d’ouvrir un dossier de « présignalement » auprès des services de protection de l’enfance en téléphonant au service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) en tant qu’oncle et médecin, en la mettant en cause, alors qu’un signalement de mineur en situation de danger doit être réalisé sans mettre en cause une tierce personne ; que l’attestation établie par le Dr D comporte des éléments d’ordre médical et ne peut, de ce fait, être qualifiée de simple attestation ; que cette attestation est constitutive d’une violation du secret médical, dès lors qu’elle comporte des mentions médicales relatives à l’enfant concerné ; qu’il y a bien immixtion dans les affaires de famille, alors qu’il n’est pas le médecin de Valentin ; que le Dr D s’est rendu coupable d’usurpation de titres et de falsification de diplômes, et mentionne « être attaché des hôpitaux, expertise du dommage corporel », ce qu’il n’est pas ; que la chambre disciplinaire de première instance a dissimulé un mémoire soulevant des griefs relatifs aux articles R. 4127-79, -80 et -81 du code de la santé publique ; que le comportement du Dr D est de nature à déconsidérer la profession et est constitutif d’un manquement aux obligations de moralité et de probité attendues d’un médecin ; qu’il a suspendu, bien qu’il n’en ait pas le pouvoir, une personne de sa licence fédérale de parapente pour des raisons prétendument médicales, sans aucun contact avec la personne concernée ; que la chambre disciplinaire de première instance a également dissimulé ce grief ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de son article 75 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 juin 2016 :

 – Le rapport du Dr Blanc ;

 – Les observations de Me de Boismilon pour le Dr D et celui-ci en ses explications ;

 – Les observations de Mme L ;

Le Dr D ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur les conclusions incidentes de Mme L :

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision de la chambre disciplinaire de première instance a été notifiée à Mme L le 2 février 2015 ; que les conclusions incidentes de Mme L tendant à la réformation de la décision attaquée et à l’aggravation de la sanction prononcée à l’encontre du Dr D ont été enregistrées le 18 avril 2016, soit au-delà du délai imparti par l’article R. 4126-44 du code de la santé publique pour faire appel ; que ces conclusions ne sont ainsi pas recevables et ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur le grief relatif à l’attestation délivrée par le Dr D et au « présignalement » auprès des services de protection de l’enfance :

2. Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que le Dr François D a établi, le 13 novembre 2013, une attestation qu’il a remise à son frère Olivier et destinée à être produite en justice par ce dernier dans l’affaire l’opposant à son ex-compagne, Mme L, à propos de la garde de leur fils Valentin ; que, dans cette attestation, après avoir notamment décrit des évènements survenus à la mi-octobre 2013, relatifs aux conditions dans lesquelles Mme L, alors en charge de Valentin, vivait dans la maison précédemment occupée par le couple, avant qu’elle ne soit amenée à la quitter, puis à être hébergée quelques jours à l’hôtel, le Dr D déclare : « C’est dans ce contexte que j’ai pris la décision d’ouvrir un dossier de « présignalement » auprès des services de protection de l’enfance en téléphonant au SNATED, en tant qu’oncle et médecin. Je leur ai fait part de mes inquiétudes concernant la santé, la stabilité, l’hébergement, l’hygiène, la scolarité et l’alimentation de Valentin. / Il a été prévu, sauf extrême urgence, de ne pas lancer de signalement d’information préoccupante immédiatement, afin de ne pas perturber plus encore Valentin, et de favoriser une information rapide du magistrat des enfants et des affaires familiales (…) » ;

3. Considérant que, si le Dr D soutient que, dans l’attestation susévoquée, il ne mentionne sa qualité de médecin qu’en raison des exigences du code de procédure civile en matière de témoignage, la simple lecture de l’extrait précité de ladite attestation suffit à montrer qu’il revendique sa qualité de médecin à l’appui même de ses dires, relatifs à la décision sur laquelle il insiste, de prise de contact avec les services de protection de l’enfance, ce qui confère à son attestation, sur ce point, un caractère médical ; que, par ailleurs, si, devant la chambre disciplinaire nationale, le Dr D a fait valoir n’avoir pris cette décision de s’adresser aux services de protection de l’enfance qu’en raison du contexte de tension et d’inquiétude sur la situation de Valentin, lors des évènements susrappelés et que, au demeurant, son initiative n’a donné lieu à aucune suite de quelque nature que ce soit, il doit être relevé que l’attestation litigieuse a été établie près d’un mois après les évènements en cause et que, cependant, le Dr D insiste sur ladite décision qu’il qualifie d’ouverture de « présignalement », et qu’ainsi, loin d’en relativiser la portée, il tend à attirer l’attention sur l’initiative ainsi prise, ce qui ne peut qu’être perçu qu’en défaveur de Mme L ; que, dans ces conditions, si le Dr D ne peut se voir reprocher, dès lors qu’intervenant aussi en tant qu’oncle et membre de la famille, de s’être immiscé dans les affaires de famille, son attestation doit être regardée comme tendancieuse ; que, par contre, le Dr D ne peut être regardé, des seuls faits que, dans son attestation, il a mentionné la demande qui lui a été faite de procéder à un vaccin au bénéfice de Valentin, et a relayé, en précisant ses sources, les dires de son frère sur les conditions de vie et d’hébergement de Valentin à la mi-octobre 2013, puis a évoqué ses inquiétudes sur la santé ou la stabilité de l’enfant, comme ayant violé le secret médical, ou attesté de données médicales qu’il n’a pas constatées personnellement ; que, de même, si le fait d’avoir attesté avoir estimé, en qualité de médecin, devoir procéder à un « présignalement » est constitutif de la part du Dr D d’un manquement à l’interdiction de certificats médicaux tendancieux, le fait lui-même du « présignalement », dans les circonstances susrappelées, ne peut être regardé comme à l’origine d’un manquement déontologique ;

Sur les autres griefs :

4. Considérant, en premier lieu, que, s’agissant des griefs tirés de ce que le Dr D procèderait, sur ses ordonnances et plaques et sur son site internet, à des mentions de titres non autorisés ou mensongers, il ressort des pièces du dossier que ces manquements invoqués constituent l’essentiel des griefs invoqués par Mme L dans une plainte du 22 mars 2015, soit avant même de se trouver invoqués dans la présente affaire, et dont est saisie la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France ; que, dans ces conditions, la chambre disciplinaire nationale estime que, pour une bonne administration de la justice, il appartient au premier juge de statuer sur ces griefs distincts de ceux invoqués dans la présente affaire ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que ne saurait être regardé comme contraire à la déontologie le fait, pour un médecin, de produire au dossier des documents entrés en sa possession dans la mesure où cette production est destinée à contribuer à sa défense dans le cadre d’une procédure disciplinaire intentée contre lui par le plaignant, faisant l’objet de ces documents ; qu’il ne peut ainsi être fait grief au Dr D d’avoir produit pour sa défense les rapports ou expertises concernant Mme L, et ordonnés par le juge des affaires familiales ;

Sur la sanction :

6. Considérant qu’eu égard à la faute déontologique relevée, la sanction de l’avertissement, qui est la plus petite susceptible d’être prononcée par les juridictions ordinales de l’ordre des médecins, ne peut être regardée comme disproportionnée ; que le moyen invoqué en ce sens par le Dr D ne peut qu’être rejeté ;

Sur la demande du Dr D relative à la non-inscription de la sanction à son « dossier administratif » à l’ordre des médecins :

7. Considérant qu’aucune disposition ne permet au juge disciplinaire de demander qu’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un médecin ne figure pas au « dossier administratif » du médecin à l’ordre des médecins ; que la demande du Dr D tendant à ce que la sanction qui lui est infligée ne soit pas mentionnée à son « dossier administratif » doit être écartée ;

Sur les demandes indemnitaires de Mme L :

8. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le Dr D à verser à Mme L la somme de 3000 euros que celle-ci réclame au titre du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions de Mme L tendant à la condamnation du Dr D à des dommages et intérêts pour recours abusif :

9. Considérant que la requête d’appel du Dr D ne présente pas de caractère abusif ; que les conclusions de Mme L tendant à l’octroi de dommages et intérêts pour recours abusif doivent, par suite, être rejetées ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La requête du Dr D est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes et les demandes indemnitaires de Mme L sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr François D, à Mme Laurence L, au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France, au préfet des Hauts-de-Seine, au directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, au conseil national de l’ordre des médecins et au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par : M. Pochard, conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Pr Zattara, MM. les Drs Blanc, Emmery, Kennel, membres.

Le conseiller d’Etat honoraire, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Marcel Pochard
Le greffier en chef


François-Patrice Battais

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