Conseil de prud'hommes de Colmar, 16 février 2022, n° 22/00001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Colmar, 16 févr. 2022, n° 22/00001
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Colmar
Numéro(s) : 22/00001

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE DE COLMAR du Conseil de Prud’hommes de COLMAR

MINUTE N°22/00004

REPUBLIQUE FRANCAISE N° RG: N° RG R 22/00001 – N° Portalis

DCYO-X-B7G-4WB

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Section REFERE

SH

Affaire :

BIENVENUE « FOYER DU PARC »

ORDONNANCE de REFERE du 16 Février 2022 dans le litige opposant :

Comparante en personne

DEMANDEUR

A:

Association BIENVENUE « FOYER DU PARC »

[…]

[…]

Représenté par Me Manuelle FERREIRA (Avocat au barreau de STRASBOURG) substituant Me Luc STROHL (Avocat au barreau de

STRASBOURG)

Notification à:

DEFENDEUR la partie demanderesse le

:

la partie défenderesse le :

Audience publique de référé : 02 Février 2022 la partie intervenante

Composition de la formation de référé lors des débats et du délibéré : le :

Pôle emploi () Monsieur Sylvain HAENGGI, Président Conseiller (E) Madame Marie SCHWEITZER, Assesseur Conseiller (S) Clause Exécutoire Assistés lors des débats de Madame Bernadette LEYENDECKER, Greffier demandeur le :

Appel n°

Prononcé par mise à disposition publique au greffe le 16 Février 2022.

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PROCEDURE:

Par demande introductive d’instance enregistrée au greffe le 11 Janvier 2022, a fait citer devant la Formation de Référé de ce Conseil son employeur l’Association BIENVENUE « FOYER DU PARC » aux fins de voir :

- annuler la suspension de son contrat de travail,

- ordonner la reprise du paiement des salaires à compter de la notification de l’ordonnance,

- condamner l’employeur à lui verser le salaire de novembre 2021 soit la somme de 1 114,03 € ainsi que le salaire de décembre soit la somme de 1 467,79 €.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 02 Février 2022.

Me STROHL, pour la défenderesse, conclut :

Déclarer le recours de Mme recevable et infondé,

est justifiée par l’absence de Déclarer que la suspension du contrat de travail de Mme présentation d’une preuve de vaccination contre le virus de la Covid 19,

En conséquence,

Rejeter l’ensemble de ses demandes,

Condamner Mme au paiement de la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme aux entiers frais et dépens.

Après avoir entendu les parties en leurs explications et plaidoirie, le Conseil a clos les débats et mis l’affaire mise en délibéré au 16 Février 2022 par mise à disposition publique au greffe.

FAITS ET ARGUMENTS DES PARTIES :

Madame est employée par l’Association Bienvenue Foyer du Parc en qualité de comptable depuis le 1er avril 2006.

Dans le cadre de la crise sanitaire, la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 a instauré notamment une obligation vaccinale pour le personnel de la défenderesse, cette obligation étant assortie d’une période transitoire jusqu’au 15 octobre 2021.

A son retour de congés le 19 août 2021, Mme X de test PCR réalisés en laboratoire.

N’envisageant pas de se faire vacciner, Mme sollicitait une rupture conventionnelle qui lui a été refusée fin août 2021.

a finalement été placée en arrêt de travail du 27 août au 6 novembre 2021. Mme

Le 8 novembre 2021, Mme Y une visite de reprise auprès de la médecine du travail puis se présentait auprès de sa direction qui lui demande alors de quitter son lieu de travail faute de pouvoir justifier d’une preuve de vaccination ou d’un passe-sanitaire valide, non sans lui avoir proposé de poser des jours de congés payés.

Le 10 novembre 2021, la défenderesse notifiait à Mme sa suspension le temps de se mettre en conformité avec les prescriptions sanitaires. Elle la convoquait également à un entretien fixé au 19 novembre 2021 auquel Mme ne s’est pas présentée.

Mme expose les raisons pour lesquelles elle ne souhaite pas se faire administrer un vaccin encore en phase expérimentale. Elle indique avoir été prête à financer régulièrement des tests PCR à la place et rappelle que son poste de comptable pouvait s’exercer sans contact avec la clientèle (son bureau étant à part et disposant d’un accès propre) voire pouvait faire l’objet de

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télétravail. Elle conteste donc l’application de cette loi du 5 août 2021 en rappelant certaines réserves émises par le Conseil Constitutionnel ainsi que certains textes européens ou de l’OIT.

Elle sollicite donc l’annulation de sa suspension, la reprise du paiement de ses salaires, la régularisation de ses salaires de novembre et décembre 2021 ainsi que le paiement (demande non chiffrée) de sa prime de décentralisation.

La défenderesse pour sa part explique s’être simplement conformée à la loi précitée qui l’oblige, sous peine de sanctions lourdes, de contrôler le statut vaccinal de ses salariés. Contestant l’analyse de Mme elle estime que tant l’avis du Conseil Constitutionnel que les décisions de la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme n’invalident pas l’application de cette loi. Elle conclut donc au débouté général.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence, pour plus ample exposé des moyens des parties :

aux conclusions réceptionnées au greffe le 11 janvier 2022 pour la partie demanderesse,

- aux conclusions du 31 janvier 2022 pour la partie défenderesse.

MOTIFS DE LA DECISION :

Vu la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 et son décret d’application n°1059-2021 du 7 août 2021,

Vu la décision n°2021-824DC du 5 août 2021 du Conseil Constitutionnel.

Vu le règlement UE 2021/953

Vu l’arrêt n°47621/13 de la CESDH du 8 avril 2021

Vu l’article 9 du Règlement UE 2016/679 du Parlement Européen (RGPD)

Vu l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme

Vu l’article 3 de la convention OIT n°111 qui stipule que "Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur doit, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux:

(a) s’efforcer d’obtenir la collaboration des organisations d’employeurs et de travailleurs et d’autres organismes appropriés pour favoriser l’acceptation et l’application de cette politique;

(b) promulguer des lois et encourager des programmes d’éducation propres à assurer cette acceptation et cette application; (c) abroger toute disposition législative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique; (d) suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au contrôle direct d’une autorité nationale;

(e) assurer l’application de ladite politique dans les activités des services d’orientation professionnelle, de formation professionnelle et de placement soumis au contrôle d’une autorité nationale;

(f) indiquer, dans ses rapports annuels sur l’application de la convention, les mesures prises conformément à cette politique et les résultats obtenus. "

Vu l’article L1132-1 du code du travail qui stipule que " Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son

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sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.17

Vu l’article L1121-1 du code du travail qui stipule que " Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. 11

Vu l’article L1111-4 du code de la santé publique qui stipule que […] toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement […]

Vu l’article L4121-1 du code du travail qui stipule que "L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article

L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. "

Attendu que le règlement UE 2021/953 ne traite pas de l’obligation vaccinale et sera donc écarté des motivations de la présente décision,

Attendu que la loi du 5 août 2021 est entrée régulièrement en vigueur, que le Conseil Constitutionnel (sur la même ligne que le Conseil d’Etat) l’a validée en soulignant que les atteintes aux libertés fondamentales se justifiaient par l’existence d’une proportionnalité avec les finalités recherchées

Attendu qu’il n’appartient pas au Conseil de céans d’apprécier si le Conseil Constitutionnel a ou non été dupé par le gouvernement qui a finalement avoué ultérieurement ses buts réellement recherchés (à savoir contraindre la population à se vacciner et non simplement lutter contre la propagation de l’épidémie de la COVID19)

Attendu cependant que le gouvernement n’a pas abrogé les dispositions législatives contraires à cette nouvelle politique ainsi que le prévoit l’article 3 de la convention OIT n°111,

Attendu ainsi que d’autres lois que celle du 5 août 2021 et d’au moins égale importance demeurent en vigueur et que le Conseil de céans devra également en tenir compte,

Attendu qu’en appliquant les dispositions de la loi du 5 aout 2021 et de son décret d’application la défenderesse a méconnu les dispositions des article L1121-1 et L1132-1 du Code du travail, de l’article 9 du Règlement UE 2016/679 du Parlement Européen (RGPD) (qui interdit à un employeur de collecter des données sur l’état de santé de ses salariés) et du secret médical prévu par les dispositions du Code de la Santé publique (pour d’autres vaccins rendus valablement obligatoires, le contrôle ne s’opère pas par l’employeur mais par la médecine du travail)

Attendu que le Conseil relève que bien que le vaccin soit incontestablement efficace pour limiter les formes graves de la maladie, il s’avère moins utile (mais non inutile, juste une efficacité moindre) contre la propagation de l’épidémie ainsi que l’actualité nous l’a malheureusement démontré ces deux derniers mois, or l’obligation vaccinale prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021 n’avait pour seule finalité selon le gouvernement que de lutter contre cette propagation, nonobstant les récents propos avouant que le but n’était que d’importuner les non-vaccinés.

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Attendu dès lors que les conditions permettant aux dispositions de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme ne semblent pas réunies faute de proportionnalité recherchée, étant précisé que la jurisprudence des juridictions Européennes n’a pour l’heure statué que sur des questions procédurales et non de fonds en ce qui concerne l’obligation vaccinale de travailleurs dans le cadre de l’épidémie de la COVID19, l’arrêt n°47621/13 de la CESDH du 8 avril 2021 concernant un cas d’espèce sur la vaccination obligatoire d’enfants pour des maladies mieux connues que la COVID19 et pour lesquelles la société dispose d’un consensus scientifique sans les mêmes polémiques que pour la COVID19. Cet arrêt n’est donc pas transposable au cas d’espèce.

Attendu en effet que le Conseil ne retient pas la proportionnalité de la mesure de suspension avec les conditions du cas d’espèce,

Attendu que pour prendre cette décision le Conseil relève que Mme occupe un emploi administratif dans un bureau disposant d’un accès propre, que la défenderesse pouvait prendre toute mesure destinée à éviter que la salarié ne croise plus des résidents dans les couloirs et surtout n’a pas étudié ou voulu mettre en place le télétravail pour cette salariée ce qui à l’évidence aurait satisfait aux prescriptions de la loi du 5 août 2021 tout en respectant les convictions personnelles de Mme quant à la vaccination, nonobstant le non-respect du délai de 5 jours entre la suspension et l’entretien prévu.

Attendu en outre que le Conseil relève l’imperfection de la loi du 5 août 2021 qui requiert la suspension de son contrat de travail tout en lui permettant d’exercer son mandat de représentante du personnel bien qu’elle n’ait pas décidé d’user de cette faculté. Ainsi, le Conseil ne comprend pas en quoi travailler seule dans son bureau aurait été plus dangereux sur le plan sanitaire que de se rendre dans une réunion du CSE côtoyant d’autres collègues et pouvant les croiser dans les couloirs.

Attendu enfin qu’il est utile de rappeler l’ordonnance n°2107952 du 22 octobre 2021 rendue par le Tribunal administratif de Lyon faisant droit aux demandes de salariés suspendus par les effets de la loi du 5 août 2021 et qui bien qu’exerçant au CHU de Saint-Etienne étaient affectés en cuisine, d’où une similitude avec le cas d’espèce.

Le Conseil retient donc l’existence d’un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les frais et dépens :

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés par elles dans la présente instance. De même chaque partie supportera ses propres frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de Colmar, statuant en sa formation de Référé, publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

ORDONNE l’annulation de la suspension du contrat de travail de Mme notifiée le 10 novembre 2021,

ORDONNE la reprise du paiement des salaires à Mme par l’Association BIENVENUE « FOYER DU PARC » à compter de la notification de la présente décision,

CONDAMNE l’Association BIENVENUE FOYER DU PARC, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame les sommes de 1 114,03€ bruts et

1 467,79€ bruts respectivement au titre des salaires des mois de novembre et décembre 2021, avec les intérêts légaux à compter de la demande,

DEBOUTE l’Association BIENVENUE FOYER DU PARC de sa demande au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

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RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit, S

DIT que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition publique au greffe le 16 Février 2022 et signé par M. HAENGGI, Président et le Greffier, Mme LEYENDECKER.

Le Président, Le Greffier,

signatures dition certifiée conforme

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

En ernséquence, la Republique Française mande

a ordenat à tous Huissiers de Justice sur ce oculs, de mettre les présentes à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la

République près les Tribunaux de Grande

Instance d’y tenir la main, à tous Commandants st Officiers de la force publique de prêter main forte, lorsqu’ils en seront lágalement requis.

En fi de quoi la présente est délivrée par le Greffier en Chef du Conseil de Prud’hommes de

Colmar aux fins d’exécution forcée.

Colmar, le….. Jul 2 224 O H UD MES Le Greffier on Cher: R P

SHOO

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