Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 1er décembre 1998, 97-86.465, Publié au bulletin

  • Atteinte à l'honneur ou à la considération·
  • Prise en considération par les juges·
  • Contrôle de la cour de cassation·
  • Circonstances intrinsèques·
  • Éléments extrinsèques·
  • Diffamation·
  • Lobby·
  • Pétrolier·
  • Député·
  • Groupe de pression

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, seule l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne auquel le fait est imputé, présente un caractère diffamatoire.

Dans le contexte de l’article en cause, l’imputation faite à un député d’être le " protecteur des intérêts du lobby pétrolier " ayant pour seul objet de rappeler les choix politiques de celui-ci, ne saurait porter atteinte à son honneur ou à sa considération au sens de l’article 29 de la loi précitée, et, par suite, constituer le délit de diffamation visé à la prévention. (1).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 1er déc. 1998, n° 97-86.465, Bull. crim., 1998 N° 324 p. 939
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 97-86465
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1998 N° 324 p. 939
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 12 novembre 1997
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
Chambre criminelle, 04/11/1972, Bulletin criminel 1972, n° 325, p. 837 (cassation).
Textes appliqués :
Loi 1881-07-29 art. 29
Dispositif : Cassation sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007069343
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Sur les parties

Texte intégral

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :

— X… Jean-Marie,

— A… Caroline,

— B… Jean-Baptiste,

— la société Le Monde, civilement responsable,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 11e chambre, en date du 13 novembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre eux, après relaxe, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen, des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré établie la prévention de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public ;

«  aux motifs que l’exposé, jusqu’alors très neutre des objectifs et de l’argumentation des tenants de la proposition de loi, cesse pour faire place au rappel de propositions prises par Gilbert Y… lors de débats antérieurs relatifs à d’autres sujets et dont il est indiqué, exemples à l’appui, qu’elles consistaient à défendre des amendements particulièrement coûteux pour le budget ; que ces développements débutent par la formule : « protecteur des intérêts fiscaux du lobby pétrolier… » ; qu’il s’agit de l’imputation d’un comportement clair et précis, susceptible de preuve ; que le terme lobby, couramment usité, s’applique à un groupe de pression ayant pour finalité de faire prévaloir ses intérêts particuliers ; qu’en alléguant qu’un député, dans l’exercice de son mandat, se comporte en « protecteur des intérêts fiscaux du lobby pétrolier », les journalistes lui imputent une prise de position partiale habituelle et donc systématique en faveur d’intérêts catégoriels, lesquels, quand bien même ils ne seraient pas illégitimes, n’en sont pas moins spécifiques ; que s’agissant d’intérêts fiscaux, il est sous-entendu que le fait de privilégier ceux du lobby pétrolier s’opère au détriment des finances publiques et de l’intérêt collectif ; que cette signification est d’autant plus évidente que l’objectif des journalistes est manifestement de signifier que Gilbert Y…, signataire de la proposition de loi tendant à la cessation du remboursement de l’IVG non thérapeutique, pour motif économique, n’est pas toujours aussi soucieux d’économies budgétaires ; que s’il n’est pas douteux que l’accusation n’est pas celle de concussion ou de vénalité, il n’en demeure pas moins qu’en présentant Gilbert Y… comme étant, dans l’exercice de ses fonctions de député, le protecteur, c’est-à-dire le porte-parole des intérêts fiscaux d’un groupe de pression, les journalistes sous-entendent qu’il est inféodé à ce groupe, qu’il méconnaîtrait son devoir d’indépendance à l’égard d’un groupe de pression, ce qui porte atteinte à son honneur et à sa considération ;

«  alors que, d’une part, l’obligation d’indépendance imposée à tout élu, si elle s’avère radicalement incompatible avec le mandat impératif, lequel serait nécessairement illicite, ne rend bien évidemment pas condamnables les choix et options qu’est amené à faire cet élu dans l’exercice de cette fonction et qui peuvent se traduire par le privilège accordé à telle cause ou tel intérêt catégoriel en fonction précisément de la politique qu’entend défendre cet élu ; que dès lors, le fait de qualifier un parlementaire de protecteur d’un puissant agent économique, non seulement ne pouvait, en l’absence de toute autre considération ou insinuation, permettre à la Cour d’en déduire une imputation d’inféodation de ce parlementaire à cet agent économique, en l’occurrence le lobby pétrolier, et en tout état de cause, ne constituait pas l’imputation d’un fait contraire à l’honneur et à la considération de ce parlementaire, cette imputation n’étant que la constatation de la liberté de choix qui est celle de tout élu dans un régime démocratique ;

« et alors que, d’autre part, la critique des opinions défendues ou des choix adoptés par un élu relevant des principes fondamentaux de la liberté d’opinion et d’expression consacrés par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen, la Cour ne pouvait dès lors considérer que l’imputation proférée à l’encontre de Gilbert Y… de défendre les intérêts fiscaux du lobby pétrolier, quand bien elle sous-entendrait qu’une telle défense n’est pas conforme aux intérêts des finances publiques ou de l’intérêt collectif, comme la critique faite à ce parlementaire de ne pas être toujours aussi soucieux d’économies budgétaires, constituait l’imputation d’actes contraires à son honneur ou à sa considération s’agissant d’une appréciation de choix politiques relevant par essence de la libre discussion » ;

Vu l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, selon ce texte, seule l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne auquel le fait est imputé, présente un caractère diffamatoire ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, dans son numéro daté des 13 et 14 octobre 1996, le journal Le Monde a publié un article intitulé « des députés proches d’Alain Z… proposent de ne plus rembourser les IVG non thérapeutiques », relatif à la proposition de loi déposée par 18 députés, parmi lesquels Frédéric C…, délégué général aux élections du RPR et collaborateur officieux de l’Elysée et dont le premier signataire, Gilbert Y…, député UDF de Paris, est présenté en ces termes : " Membre de la commission des finances de l’Assemblée, il apporte une sorte de caution économique au texte ; pourfendeur pour l’occasion du remboursement de l’IVG au nom de l’équilibre du système de soins, Gilbert Y… est bien connu des familiers de la discussion budgétaire ; protecteur des intérêts fiscaux du lobby pétrolier, ce député du 16e arrondissement de Paris, qui s’était déjà singularisé en votant contre le RMI a défendu l’an passé, comme à son habitude, quelques amendements particulièrement coûteux pour le budget ; ainsi a-t-il prôné une modification du calcul de la taxe professionnelle au profit des entreprises, chiffrée par le ministre de l’économie et des finances à 2 milliards de francs, ainsi qu’un aménagement du plafonnement de l’impôt sur la fortune, dont le coût a été évalué à plus de 1 milliard de francs » ;

Attendu que Gilbert Y… a fait citer devant le tribunal correctionnel les 2 journalistes, auteurs de l’article, et le directeur de publication du journal Le Monde, sur le fondement du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, ainsi que la société éditrice, en qualité de civilement responsable, en soutenant que l’expression « protecteur des intérêts fiscaux du lobby pétrolier » portait atteinte à son honneur ;

Attendu que pour infirmer le jugement de relaxe, l’arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits aux moyens ;

Mais attendu qu’en considérant ainsi que les propos incriminés portaient atteinte à l’honneur et à la considération de Gilbert Y…, alors que, dans le contexte de l’article, l’expression « protecteur des intérêts fiscaux du lobby pétrolier » avait pour objet de rappeler les choix politiques de ce député, les juges du second degré n’ont pas donné de base légale à leur décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Et attendu qu’il ne reste rien à juger ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen proposé ;

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, en date du 13 novembre 1997 ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi.

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