Tribunal administratif de Bordeaux, 16 juillet 2013, n° 1200812

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Bordeaux, 16 juill. 2013, n° 1200812
Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro : 1200812
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 18 mars 2012, N° 1200793

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF SG

DE BORDEAUX

N° 1200812

________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

SOCIETE SOS OXYGENE

ATLANTIQUE CENTRE

________

M. Naud AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Rapporteur

________

M. Pauziès

Rapporteur public Le Tribunal administratif de Bordeaux

________

Audience du 2 juillet 2013 5e chambre

Lecture du 16 juillet 2013

________

62-05-02

C

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, et les mémoires complémentaires, enregistrés le 26 septembre et le 17 décembre 2012, présentés pour la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE, dont le siège est XXX à XXX, représentée par son gérant, par Me de Guillenchmidt ; la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 2 février 2012 par laquelle le directeur de la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) d’Aquitaine a prononcé à son encontre une sanction de déconventionnement d’une durée de six mois sans sursis prenant effet le 1er mars 2012 ;

2°) de mettre à la charge de la Carsat d’Aquitaine la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

Sur la légalité externe :

– que la décision attaquée qui inflige une sanction n’est pas suffisamment motivée ; qu’elle se borne à se référer à l’avis rendu par la commission paritaire nationale ; que cet avis n’est pas suffisamment précis ; que si la décision de la Carsat fait état de manquements conventionnels, elle ne précise pas quels articles de la convention nationale auraient été méconnus ; qu’en vertu de la loi du 11 juillet 1979 telle que modifiée en 2011, les décisions prises sur recours administratif préalable obligatoire doivent obligatoirement être motivées ; que cette règle est applicable y compris si le recours administratif préalable est obligatoire en vertu d’une convention, comme en l’espèce ; que la décision prise sur le recours administratif préalable obligatoire est une sanction et se substitue à la décision initiale ;

– que la procédure n’a pas été respectée ; que l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le principe du respect des droits de la défense par un débat contradictoire et le principe d’impartialité objective ont été méconnus ; que le prestataire mis en cause est appelé à entrer en séance alors que des représentants des organismes payeurs qui ont détecté les faits reprochés sont déjà présents pour avoir participé à une réunion préparatoire et quitte la salle alors que des représentants des organismes payeurs y restent ; que ces représentants des organismes payeurs sont alors, en apparence au moins, susceptibles d’exprimer à nouveau leur point de vue ; qu’en outre, la présence physique des représentants des organismes payeurs lors de la délibération des commissions paritaires sur la sanction permet de douter objectivement de l’impartialité de ces commissions ;

– que l’impartialité des commissions paritaires peut être mise en doute du fait de leur composition même ; que certains membres sont des concurrents directs du prestataire poursuivi et leur entreprise a intérêt au prononcé d’une sanction ; que la seule présence de membres ayant intérêt au déconventionnement d’une société concurrente suffit à donner l’apparence d’une instance partiale ; qu’alors que le syndicat Synalam, qui est sous la mainmise d’un concurrent majeur, a entrepris une campagne de dénigrement à son encontre, son président a siégé lors de la commission paritaire nationale ;

– que la confusion des pouvoirs de la Carsat pour définir les griefs reprochés, instruire la procédure et prononcer la sanction remet en question son impartialité ; que la Carsat a la maîtrise du prononcé de la sanction, y compris en cas de recours devant la commission paritaire nationale, en vertu du paragraphe 2 de l’article 32 de la convention nationale ; que dès la notification des faits reprochés, les griefs sont établis et leur caractère répréhensible reconnu ;

– que la Carsat et la commission paritaire régionale n’ont pas tenu compte de son courrier d’explications du 8 août 2011, dès lors que les montants retenus ignorent la réduction des sommes initialement réclamées par la caisse primaire d’assurance maladie ; qu’elle n’a pu présenter devant la commission paritaire régionale que des observations générales, au lieu d’une discussion anomalie par anomalie ; que cette commission s’est prononcée sans tenir compte des montants finalement retenus par la caisse primaire d’assurance maladie après échanges avec la société ; qu’il en est allé de même pour la commission nationale ;

Sur la légalité interne :

– que les motifs de la poursuite engagée le 8 juin 2011 par le directeur de la caisse régionale d’assurance maladie sont illégaux en raison d’une interprétation erronée de la convention ; que la motivation au titre de l’article 17 de la convention n’est pas fondée, dès lors que la caisse primaire d’assurance maladie n’a produit aucun document ou élément mettant en évidence une non-conformité de la prestation à une prescription médicale ; que la motivation au titre de l’article 19 de la convention n’est pas fondée, dès lors que la caisse primaire d’assurance maladie n’a produit aucun document ou élément mettant en évidence une non-conformité de la livraison et de la reprise des matériels aux règles de la convention ; que la motivation au titre de l’article 23 de la convention n’est pas fondée, dès lors que la caisse primaire d’assurance maladie n’a produit aucun document ou élément mettant en évidence un dépassement des tarifs de responsabilité ; que ces motifs n’ont pas été repris dans la décision de déconventionnement du directeur de la Carsat ; que la poursuite engagée par le directeur de la Carsat et la décision de déconventionnement ne reposent donc sur aucun motif conventionnel prévu à l’article 31 de la convention ;

– que la décision attaquée est entachée d’erreur d’appréciation quant au choix de la sanction prononcée ; qu’il ressort du paragraphe 1 de l’article 32 de la convention nationale qu’une échelle de sanctions existe ; qu’un déconventionnement sans sursis d’une durée de six mois est une sanction très sévère et disproportionnée ; que ni la gravité des faits reprochés, ni leur répétition n’est établie ; qu’une partie des griefs initialement retenus par la caisse primaire d’assurance maladie a été abandonnée ; qu’elle n’avait jamais fait l’objet de sanction ou d’un avertissement ; que la répétition des faits ne correspond pas à plusieurs erreurs de facturation sur la même période de contrôle mais à de la récidive ; qu’une modulation de la sanction était possible ; que des erreurs de facturation ne doivent entraîner qu’un rappel à la règle, conformément à la circulaire du 2 janvier 2012 ; que d’autres sociétés ont fait l’objet de sanctions à peine supérieures, voire inférieures, pour des faits autrement plus graves ;

– que la bonne foi est un facteur d’atténuation de la sanction, en vertu du paragraphe 1 de l’article 32 de la convention nationale ; que dès réception de la première lettre de la caisse primaire d’assurance maladie en date du 24 février 2011, elle a réglé la somme de 1 382,78 € ; qu’eu égard aux explications fournies, la caisse a réduit la somme réclamée de 970,40 € ; que ces éléments de bonne foi n’ont pas été pris en compte dans le cadre de la procédure de sanction qui a été instruite pour un montant de 11 813,24 € ; qu’elle a démontré son souci de respecter la relation conventionnelle ; que ce n’est pas au prestataire de subir les conséquences des erreurs de gestion effectuées par les caisses elles-mêmes ;

– que sur la facturation de forfaits en période d’hospitalisation, il est possible de facturer des forfaits d’oxygénothérapie ou de ventilation en cours d’hospitalisation ; que le domicile correspond au lieu de vie du patient, qui peut être un établissement de santé ; qu’il n’y a pas nécessairement double prise en charge, notamment au regard de la tarification à l’activité, si le traitement de l’insuffisance respiratoire n’est pas lié à un traitement hospitalier, au moins pour l’usage des équipements correspondants, conformément à l’article R. 314-168 du code de l’action sociale et des familles ; que la prestation peut aussi être mise en œuvre à la demande des services hospitaliers, pour le bien-être du patient ; que la lecture de l’article 17 de la convention nationale par la caisse primaire d’assurance maladie est donc restrictive ;

– que sur la facturation de forfaits au-delà de la période prévue par la réglementation, la durée du traitement est librement choisie par le médecin ; que le prestataire doit se conformer à la prescription médicale, conformément à l’article 17 de la convention nationale ; que le maintien de la prestation thérapeutique au-delà de la durée de trois mois prévue pour le forfait 3 relatif à l’oxygénothérapie à court terme conduit au maintien d’une facturation au-delà de ce délai réglementaire, sans qu’il s’agisse d’une manœuvre frauduleuse ; que la Haute Autorité de Santé est consciente de ce problème ; que la décision de suspendre le traitement au motif du refus de prise en charge par l’assurance maladie serait de nature à engager la responsabilité pénale du gérant de l’entreprise, du pharmacien et de l’entreprise elle-même ; qu’il ne lui appartient pas d’informer le prescripteur de ce que la prescription serait non conforme ou erronée ; que les dispositions de la liste des produits et prestations remboursables relatives à l’oxygénothérapie sont contraires au principe constitutionnel d’égalité résultant notamment de l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, au regard de l’objectif de l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale de garantie d’accès aux soins aux personnes ;

– que sur la facturation après le décès du bénéficiaire, le maintien de la facturation pendant au plus un mois est lié à l’ignorance du décès du patient ; qu’elle procède toujours au remboursement des indus quand elle a connaissance du décès ;

– que sur la double facturation, il s’agit en fait de doubles mandatements par la caisse primaire d’assurance maladie, soit des erreurs de la part de la caisse primaire ; que certaines caisses primaires souhaitent recevoir par courrier un second bordereau de facturation avec un double des pièces justificatives en complément de l’envoi initial par télétransmission ; qu’elle n’a commis aucun manquement au sens de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; qu’elle a établi sa bonne foi en procédant immédiatement au remboursement des sommes en cause ;

– que sur le cumul de forfaits non autorisés, il s’agit d’une erreur de saisie ; qu’elle a immédiatement remboursé les sommes en cause ; que la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde a constaté dans sa mise en demeure qu’il n’y avait plus lieu de lui reprocher ces anomalies ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2012, présenté pour la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) d’Aquitaine, par Me Falala, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 € soit mise à la charge de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

Sur la légalité externe :

– que la décision attaquée est suffisamment motivée ; que si le recours gracieux formé contre la première décision était effectivement obligatoire, il l’était non en vertu d’une disposition législative ou réglementaire mais en application d’une stipulation conventionnelle ; que la décision prise sur ce recours gracieux échappait donc au champ d’application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que la convention n’en disposant pas autrement, elle n’était pas soumise à l’obligation de motivation ; que la décision initiale du 10 octobre 2011 était motivée en droit et en fait ; que la décision finale du 2 février 2012 était motivée par référence à l’avis de la commission paritaire nationale qui était joint ;

– que sur l’impartialité, le déroulement des commissions paritaires régionale et nationale résulte des articles 31 et 32 de la convention nationale, soit un mécanisme conventionnel auquel le prestataire a adhéré ; que la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE est de ce fait irrecevable à se prévaloir des stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que selon la jurisprudence, les sanctions prises par les caisses locales d’assurance maladie en cas de manquement aux règles conventionnelles n’ont pas un caractère juridictionnel ; que le fait que les représentants de l’assurance maladie aient pu être entendus en dehors de ceux de la personne morale poursuivie ne constitue pas plus une violation de l’article 6 ; que s’agissant de la consultation de la commission paritaire régionale, le moyen est inopérant, la décision finale de la Carsat s’étant substituée à sa décision initiale ; que la participation des caisses primaires d’assurance maladie à des débats devant la commission paritaire régionale en dehors de la présence du prestataire n’est pas établie ; que s’agissant de la consultation de la commission paritaire nationale, l’article 32 de la convention nationale ne fait pas obstacle à une audition séparée ; qu’il ressort de l’avis rendu que la société et la Carsat ont assisté à la séance du début à la fin et que le délibéré s’est tenu en l’absence de ces deux parties ;

– que la composition paritaire des commissions ne saurait faire présupposer de leur impartialité ;

– que la Carsat n’organise pas le contrôle et n’en définit pas les modalités ; que la Carsat est saisie en tant qu’autorité assurant le secrétariat de la commission paritaire régionale ; que cette commission rend son avis en toute liberté et indépendance ; que la Carsat n’est ni une instance juridictionnelle, ni une autorité administrative indépendante ;

Sur la légalité interne :

– que les indications factuelles données dans la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire suffisaient à renseigner la société requérante sur le fondement exact des poursuites ; que cette lettre se référait aussi au paragraphe 1 de l’article 5 de la convention nationale ; que la référence aux articles 17 sur la conformité de la prestation à la prescription, 19 sur les conditions de livraison et de mise en place à domicile et 23 sur la modération des prix était aussi pertinente ;

– qu’une sanction de déconventionnement peut être infligée sans que la personne sanctionnée ait d’abord fait l’objet d’un avertissement ; qu’aucune erreur de droit ne peut donc être retenue ;

– que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; que le système conventionnel mise sur l’engagement du prestataire à respecter strictement les règles de prise en charge de ses prestations ; que les manquements commis étant graves, la sanction se doit d’être significative ; que la convention permet de prononcer des durées de déconventionnement bien plus longues, dans la limite de la durée de la convention ; que la Carsat a tenu compte de son pouvoir de modulation ; que le remboursement à la caisse primaire d’assurance maladie d’une partie des sommes indument perçues ne suffit pas à caractériser la bonne foi de la société sanctionnée ; que la bonne foi visée à l’article 32 de la convention nationale concerne le prestataire à l’occasion d’une facturation et non une fois les manquements découverts ; que le remboursement ne s’est pas effectué spontanément et pour un montant très faible ; que l’ensemble des griefs poursuivis par la caisse s’est avéré établi pour leur poursuite conventionnelle ; que le montant des indus ne doit pas avoir de réelle portée sur l’appréciation de la sanction ; que la matérialité des faits reprochés a été établie, la société n’indiquant pas les avoir remis en cause devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que 157 facturations hebdomadaires ont été faites à tort et 16 surfacturations de forfaits de livraison, après correctif, pour 37 assurés différents et 7 chefs d’infractions conventionnelles distincts ; que les manquements ont été répétés ; qu’il ne s’agit pas d’actes isolés commis par erreur ; que dans l’essentiel des cas, la société requérante facture convenablement et sans se méprendre sur la réglementation applicable ; que les prestataires concurrents ne sont pas confrontés aux difficultés d’interprétation ou d’application de la réglementation ; que la société requérante ne prouve pas que des patients auraient été oxygénés par elle à l’hôpital ; que la caisse primaire d’assurance maladie a seulement pris en compte les périodes supérieures aux délais imposés pour la surveillance du matériel ; que l’intention frauduleuse de la société requérante est ainsi établie ; qu’un tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté l’argumentation d’une société du groupe SOS Oxygène concernant la facturation d’assurés hospitalisés ; que le système sanctionné a pu être mis en place par plusieurs sociétés du même groupe ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 janvier 2013, présenté pour la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2013, présenté pour la Carsat d’Aquitaine, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Elle fait valoir, en outre :

Sur la légalité externe :

– que sur la motivation, lorsqu’une décision doit être motivée en vertu de la loi du 11 juillet 1979, notamment quand elle inflige une sanction, la décision qui rejette le recours administratif formé contre cette décision n’a pas besoin de l’être à nouveau ; qu’en 2011, l’intention du législateur a été de ne pas assujettir à l’obligation de motivation les décisions d’organismes rendues dans le cadre de procédures conventionnelles et rejetant des recours contre des décisions initiales motivées ;

– que sur l’impartialité, les faits invoqués par la société requérante concernent d’autres sociétés ; que l’action d’un syndicat ne saurait caractériser le caractère partial de la commission paritaire nationale ;

Sur la légalité interne :

– qu’en plein contentieux, une sanction trop sévère pour des manquements avérés ne justifie pas son annulation mais sa réformation ;

Vu l’ordonnance en date du 14 février 2013 fixant la clôture de l’instruction au 19 mars 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l’assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l’ordonnance n° 1200793 du 19 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l’exécution de la décision du 2 février 2012 par laquelle le directeur de la Carsat d’Aquitaine a prononcé à l’encontre de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE une sanction de déconventionnement d’une durée de six mois sans sursis prenant effet le 1er mars 2012, jusqu’à ce que le tribunal ait statué sur la demande de la société tendant à l’annulation de cette décision ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 juillet 2013 :

– le rapport de M. Naud, conseiller ;

– les conclusions de M. Pauziès, rapporteur public ;

– les observations de Me Bost, substituant Me de Guillenchmidt, avocat de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE, et de Me Passet, substituant Me Falala, avocat de la Carsat d’Aquitaine ;

Considérant que la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE, prestataire de santé spécialisé dans l’oxygénothérapie et l’assistance respiratoire, a adhéré, le 26 avril 2010, à la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l’assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, convention prévue par l’article L. 165-6 du code de la sécurité sociale, pour bénéficier de la procédure de dispense d’avance des frais par les assurés sociaux ; que le 24 février 2011, la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde lui a réclamé un indu de 12 783,64 € pour la période du 1er avril 2008 au 31 octobre 2009, en application de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; que la société a procédé à un remboursement à hauteur de 1 382,78 € et a présenté des observations, le 8 mars 2011 ; que le 17 mai 2011, la caisse primaire d’assurance maladie a réduit le montant de l’indu réclamé à la somme de 10 430,46 € ; que le 4 juillet 2011, la caisse primaire d’assurance maladie a mis en demeure la société de régler l’indu réclamé augmenté d’une majoration de 10 %, soit la somme de 11 473,50 € ; que le 20 septembre 2011, la commission de recours amiable prévue à l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale a rejeté le recours de la société ; qu’auparavant, le 8 juin 2011, la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) d’Aquitaine a demandé des explications à la société à propos des manquements aux obligations conventionnelles relevés par la caisse primaire d’assurance maladie pour un préjudice de 11 813,24 €, en application de l’article 31 de la convention nationale du 7 août 2002 ; qu’en dépit des explications fournies le 8 août 2011, la société a été convoquée devant la commission paritaire régionale qui s’est réunie le 26 septembre 2011 ; qu’à la suite de l’avis rendu par cette commission, le directeur de la Carsat d’Aquitaine a pris la sanction de déconventionnement pour une durée de six mois à l’encontre de la société, par décision du 10 octobre 2011 ; que le 12 décembre 2011, la société a formé un recours contre cette décision auprès de la commission paritaire nationale ; qu’à la suite de l’avis rendu par cette commission le 3 janvier 2012, le directeur de la Carsat d’Aquitaine a maintenu la sanction de déconventionnement pour une durée de six mois à l’encontre de la société, par décision du 2 février 2012 ; que la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE demande au tribunal l’annulation de cette dernière décision ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) – infligent une sanction (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; qu’aux termes du paragraphe 1 intitulé “des sanctions susceptibles d’être prononcées” de l’article 32 de la convention nationale du 7 août 2002 organisant les rapports entre les trois caisses nationales de l’assurance maladie obligatoire et les prestataires délivrant des dispositifs médicaux, produits et prestations associées inscrits aux titres I et IV de la liste prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : « La Commission Paritaire Régionale ne peut proposer que des sanctions touchant à la situation du prestataire au regard de l’application des dispositions de la présente convention : – soit un avertissement avec mise en demeure, – soit un déconventionnement avec ou sans sursis pour une période pouvant aller jusqu’à la date de renouvellement de la convention. / La proposition de déconventionnement doit, dans tous les cas, être motivée et, notamment, étayée par : – la gravité des faits constatés, notamment au regard de la nature de la transgression de dispositions réglementaires ou conventionnelles et de l’importance des sommes en jeu, – la répétition de faits ayant déjà donné lieu à un avertissement prononcé contre le même prestataire. / La bonne foi du prestataire mis en cause peut être considérée comme un facteur d’atténuation de la sanction. / Les sanctions sont décidées par les caisses régionales (…) » ; qu’aux termes du paragraphe 2 intitulé “des recours du prestataire contre les sanctions prononcées” du même article 32 de cette convention : « En cas de déconventionnement notifié, le prestataire dispose d’un délai de deux mois à compter de la date de réception de la décision pour présenter un recours auprès de la Commission Paritaire Nationale (…). Le recours est suspensif. Le déconventionnement n’est définitif qu’à partir du moment où les procédures conventionnelles sont épuisées. / (…) / La Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés transmet à la caisse régionale de l’Assurance Maladie des travailleurs salariés compétente, dans un délai de quinze jours suivant la date de réunion de la Commission Paritaire Nationale, l’avis émis par celle-ci. Ladite caisse arrête ensuite, en concertation avec les organismes régionaux des autres régimes de son ressort géographique, la décision définitive qui s’impose au prestataire. / Le prestataire conserve, de plein droit, la possibilité d’actionner les recours de droit commun. / (…) » ;

Considérant que la décision attaquée du 2 février 2012 par laquelle le directeur de la Carsat d’Aquitaine a prononcé le déconventionnement de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE pour une période de six mois sans sursis, est une sanction, laquelle est prévue par les stipulations précitées de la convention nationale du 7 août 2002 ; que cette décision ne comporte aucune motivation spécifique relative à la gravité des faits qui ont finalement été retenus contre la société requérante par la Carsat d’Aquitaine, notamment au regard de la nature des manquements de la société aux dispositions réglementaires et aux stipulations contractuelles applicables et de l’importance des sommes en jeu ; que si la décision fait référence à l’avis de la commission paritaire nationale du 3 janvier 2012 qui est joint, cet avis se borne à indiquer que « s’agissant des anomalies de facturation reprochées à la société : – les anomalies sont d’une gravité particulière et induisent toutes une dépense indue pour l’assurance maladie, – le nombre important de ces anomalies est constitutif d’un préjudice significatif » ; que si la Carsat d’Aquitaine fait valoir que la décision initiale du 10 octobre 2011 était suffisamment motivée, ainsi que d’ailleurs l’avis de la commission paritaire régionale du 26 septembre 2011 conformément aux stipulations précitées du paragraphe 1 de l’article 32 de la convention nationale du 7 août 2002, la décision définitive du 2 février 2012 s’est nécessairement substituée à la décision initiale qui ne saurait donc être prise en compte, dès lors que l’institution, par les stipulations précitées du paragraphe 2 de l’article 32 de la convention nationale du 7 août 2002, d’un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l’autorité compétente pour en connaître le soin d’arrêter définitivement la position de l’administration ; que s’il est vrai qu’il résulte des termes mêmes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 telle que modifiée le 17 mai 2011 que les décisions qui rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une stipulation contractuelle échappent à l’obligation de motivation prévue seulement pour les décisions rejetant un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire, le même article 1er de la loi du 11 juillet 1979 soumet depuis l’origine à l’obligation de motivation les décisions qui infligent une sanction ; que si le directeur de la Carsat d’Aquitaine a retenu dans sa décision définitive du 2 février 2012 la même sanction à l’encontre de la société requérante que dans sa décision initiale du 10 octobre 2011, il avait en fait le pouvoir de moduler la sanction finalement retenue, notamment en abandonnant certains griefs retenus dans la décision initiale ou en choisissant un degré différent de sanction pour des griefs identiques ; que, dans ces conditions, la décision attaquée du 2 février 2012, ainsi que l’avis auquel elle se réfère, apparaissent dénués de toute précision sur les faits justifiant le déconventionnement retenus à l’issue de la procédure prévue par la convention nationale du 7 août 2002, de telle sorte que la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE ne peut, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée ou de l’avis qui y est joint, connaître les motifs de la sanction qui la frappe ; qu’il suit de là et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE est fondée à soutenir que la décision du 2 février 2012 par laquelle le directeur de la Carsat d’Aquitaine a procédé à son déconventionnement pour une période de six mois à compter du 1er mars 2012, est insuffisamment motivée, au sens des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 et, par suite, à en demander l’annulation pour ce motif ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Carsat d’Aquitaine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la Carsat d’Aquitaine la somme de 1 200 € au profit de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 2 février 2012 par laquelle le directeur de la Carsat d’Aquitaine a prononcé à l’encontre de la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE une sanction de déconventionnement d’une durée de six mois sans sursis prenant effet le 1er mars 2012, est annulée.

Article 2 : La Carsat d’Aquitaine versera à la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE la somme de 1 200 € en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la Carsat d’Aquitaine au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE SOS OXYGENE ATLANTIQUE CENTRE et à la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) d’Aquitaine.

Délibéré après l’audience du 2 juillet 2013 à laquelle siégeaient :

– Mme Balzamo, président,

– Mme Farges, premier conseiller,

– M. Naud, conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2013.

Le rapporteur, Le président,

G. NAUD E. BALZAMO

Le greffier,

O. LOUPIAC

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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Tribunal administratif de Bordeaux, 16 juillet 2013, n° 1200812