Tribunal administratif de Bordeaux, 2ème chambre, 31 janvier 2024, n° 2106326

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Sur la décision

Référence :
TA Bordeaux, 2e ch., 31 janv. 2024, n° 2106326
Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro : 2106326
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 7 février 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 20 décembre 2023, ce dernier n’ayant pas été communiqué, M. A B, représenté par Me Laveissière, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 9 juillet 2021 par lequel le maire de la commune d’Andernos-les-Bains a délivré un permis de construire à la SCI Brise d’Arguin, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune d’Andernos-les-Bains la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le dossier de demande de permis de construire est incomplet, en méconnaissance de l’article R. 451-2 du code de l’urbanisme ;

— le projet méconnaît l’article B II.2 du règlement du plan de prévention du risque de submersion marine du bassin d’Arcachon ;

— il méconnaît l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ;

— il est illégal dès lors que le zonage retenu par l’arrêté préfectoral du 19 avril 2019 portant approbation du plan de prévention du risque de submersion marine du bassin d’Arcachon est lui-même illégal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2022, la SCI Brise d’Arguin, représentée par la SELAS Cazamajour et Urbanlaw, conclut au rejet de la requête, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu’il soit condamné aux entiers dépens.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable à défaut d’intérêt pour agir du requérant ;

— aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2024 mais non communiqué aux parties, la commune d’Andernos-les-Bains, représentée par Me Delavallade, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un courrier du 22 février 2023, M. B déclare maintenir sa requête.

Par une ordonnance du 8 décembre 2023, la clôture d’instruction a été fixée au 22 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Frézet,

— les conclusions de M. Josserand, rapporteur public,

— les observations de Me Duhamelet, substituant Me Laveissière, représentant M. B,

— les observations de Me Chapenoire, représentant la commune d’Andernos-les-Bains,

— et les observations de Me Chatel, représentant la SCI Brise d’Arguin.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 mai 2021, la SCI Brise d’Arguin a déposé une demande de permis de construire pour la démolition d’une annexe, l’extension d’une maison et la restructuration des menuiseries, des enduits et des vitrages de la terrasse couverte sur un terrain situé 1 Boulevard de l’Union à Andernos-les-Bains. Par un arrêté du 9 juillet 2021, le maire de la commune a fait droit à cette demande. Par un courrier du 23 août 2021, M. B, voisin du projet, a exercé un recours gracieux contre cet arrêté, qui a fait l’objet d’une décision de rejet le 28 septembre suivant. Par la présente requête, M. B demande l’annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 451-2 du code de l’urbanisme : " Le dossier joint à la demande comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse des constructions à démolir ou, s’il y a lieu, à conserver ; / c) Un document photographique faisant apparaître le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée et leur insertion dans les lieux environnants. ".

3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

4. En l’espèce, le requérant se borne à soutenir qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les documents devant être annexés en cas de démolition l’aient été. Par cette seule allégation, et sans préciser les pièces manquantes, le requérant ne met pas à même le tribunal d’apprécier le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 451-2 du code de l’urbanisme, alors qu’il ressort par ailleurs du dossier de demande de permis de construire que le garage à démolir à l’occasion du projet est représenté, et en particulier sur le plan de coupe. En outre, la notice paysagère précise que le garage présent sur le terrain sera démoli. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 451-2 du code de l’urbanisme doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il est constant que si une partie de la parcelle litigieuse et de la maison d’habitation qui s’y trouve se situent en zone grenat sur le plan de zonage du plan de prévention des risques de submersion marine (PPRSM) du bassin d’Arcachon, l’essentiel de la construction projetée ne se situe pas dans cette zone. Or contrairement à ce que soutient le requérant, le règlement de chaque zone a vocation à s’appliquer sur la partie du projet située dans chacune de ces zones, de sorte que les dispositions du plan de prévention des risques de submersion marine relatives à la zone grenat, dont le requérant se prévaut, sont inopposables aux travaux du projet qui ne se situent pas dans cette zone. S’agissant de la maison existante située en zone grenant, si des travaux d’aménagement interne y sont réalisés, l’article II.2 b) du PPRSM autorise ceux destinés à réduire les risques, ce qui est le cas en l’espèce. Les travaux consistent en effet à supprimer une chambre, pour la remplacer par un bureau, et créer le lieu de couchage en hauteur dans une mezzanine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du PPRSM doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. ».

7. Pour apprécier si les risques d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, il appartient à l’autorité compétente en matière d’urbanisme, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s’ils se réalisent, et pour l’application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, en l’état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant, sa situation à l’arrière d’un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu’en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.

8. En l’espèce, si le terrain d’assiette est pour partie située en zone grenat déterminée par le plan de prévention des risques d’inondation comme étant en aléas très forts, ainsi qu’il a été dit précédemment, le projet n’emporte aucune construction nouvelle dans cette zone. L’extension sera ici réalisée en zone blanche dudit document. Si les requérants font valoir que le terrain a été submergé par inondation lors de la tempête Xynthia en 2010, il ressort des pièces du dossier que la hauteur du terrain sur lequel vient s’implanter la construction projetée est au-dessus de la cote seuil règlementaire fixée à 4,35 mètres Ngf par le plan de prévention. Le premier plancher de la maison se situe en outre à 4,60 mètres, soit au-dessus de la cote d’inondation. Enfin, un ouvrage de protection édifié après la tempête Xynthia, dont il n’est pas démontré ni même allégué qu’il serait fragile ou dégradé, se situe à quelques dizaines de mètres du projet. Dès lors, le maire de la commune d’Andernos-les-Bains n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à ne pas avoir opposé les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme : « L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet. / Le présent article n’est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d’opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l’annulation ou l’illégalité du document d’urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l’annulation de ladite décision. ».

10. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient au juge, saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, de vérifier d’abord si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme. Un vice de légalité interne n’est pas étranger à ces règles, sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet. En outre, lorsqu’un motif d’illégalité non étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d’urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l’exception d’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours en annulation d’une autorisation d’urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

11. Les plans de prévention du risque de submersion marine, documents comportant une note de présentation et des plans graphiques établis par l’autorité administrative, ont pour objet et pour effet de délimiter des zones exposées à des risques naturels à l’intérieur desquelles s’appliquent des contraintes d’urbanisme importantes s’imposant directement aux personnes publiques et aux personnes privées. Il résulte de ces caractéristiques que le règlement de ces plans comprend des prescriptions pouvant notamment fonder l’octroi ou le refus d’une autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol.

12. De tels plans constituent des documents d’urbanisme tenant lieu de plan d’occupation des sols ou de plan local d’urbanisme pouvant faire l’objet d’une exception d’illégalité selon les formes et conditions exposées au point 10 et, notamment, si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

13. Le requérant soutient, par la voie de l’exception, l’illégalité du PPRSM du Bassin d’Arcachon à défaut d’avoir classé l’ensemble du terrain en zone grenat alors qu’il est inclus par le plan de prévention dans une bande de précaution. Mais le requérant n’établit ni même n’allègue qu’à supposer un tel classement illégal, le projet méconnaîtrait les dispositions d’urbanisme pertinentes antérieures remises en vigueur. En tout état de cause, cette bande de précaution est définie par application d’une distance forfaitaire, sauf si le terrain naturel atteint la cote du niveau marin de référence du plan de prévention. Or, ainsi qu’il a été dit précédemment, le terrain naturel, situé en zone blanche excède cette cote. Par ailleurs, il n’est pas établi que la bande de 50 mètres depuis l’ouvrage de protection, qui constitue un minima, inclurait la partie de la parcelle située en zone blanche. Par conséquent, l’illégalité soulevée, à la supposer établie, est sans incidence sur l’arrêté litigieux, de sorte que le moyen doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer la fin de non-recevoir opposée par la SCI Brise d’Arguin, les conclusions à fin d’annulation de la requête doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d’Andernos-les-Bains, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI Brise d’Arguin demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B une somme de 1 000 euros à verser respectivement à la SCI Brised’Arguin et à la commune d’Andernos-les-Bains au des frais exposés et non compris dans les dépens.

16. D’autre part, aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. / L’Etat peut être condamné aux dépens. ».

17. La présente instance n’a donné lieu à aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées par la SCI Brise d’Arguin tendant à ce que le paiement des entiers dépens soit mis à la charge de M. B doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : M. B versera à la SCI Brise d’Arguin une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. B versera à la commune d’Andernos-les-Bains une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, à la commune d’Andernos-les-Bains et à la SCI Brise d’Arguin.

Délibéré après l’audience du 17 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Cabanne, présidente,

M. Pinturault, premier conseiller,

M. Frézet, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2024.

Le rapporteur,

C. FREZET

La présidente,

C. CABANNE La greffière,

M.-A. PRADAL

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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