Tribunal administratif de Caen, 2ème chambre, 29 juillet 2022, n° 2101168

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 2e ch., 29 juill. 2022, n° 2101168
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2101168
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 16 juin 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 mai 2021, 21 janvier et 22 février 2022, la SA Frameto, représentée par Me Couëtoux du Tertre, demande au tribunal :

1°) d’annuler le contrat portant sur le lot n° 7 du marché de travaux de construction de l’aérogare de l’aéroport de Deauville Normandie, conclu le 25 mars 2021 par la chambre de commerce et d’industrie territoriale Seine Estuaire avec la SAS Aluminium Technologie Services ;

2°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d’industrie territoriale Seine Estuaire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la fin de non-recevoir doit être écartée, dès lors qu’elle produit l’acte d’engagement du marché litigieux ;

— son offre n’était pas irrégulière ;

— les règles de mise en concurrence ont été méconnues dès lors, en premier lieu, que la notation du critère « prix » est entachée d’une erreur matérielle ;

— ces règles ont été méconnues dès lors que, en deuxième lieu, les prestations supplémentaires éventuelles n’ont pas fait l’objet d’une notation et d’un classement ;

— ces règles ont été méconnues dès lors que, en troisième lieu, la notation du critère « valeur technique » est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, de sorte que la neutralisation de ce critère est intervenue à tort ;

— au regard des vices entachant la légalité du marché, son annulation ou, à titre subsidiaire, sa résiliation, doivent être prononcées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 janvier et 14 et 24 février 2022, ce dernier mémoire n’ayant pas donné lieu à communication, la chambre de commerce et d’industrie territoriale Seine Estuaire, représentée par l’AARPI Mathieu / Vernet Avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la poursuite de l’exécution du contrat soit ordonnée, ou, à titre très subsidiaire, à ce que sa résiliation soit ordonnée ;

3°) en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Frameto au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la requête est irrecevable faute de production de l’acte d’engagement du marché litigieux ;

— l’offre de la société Frameto est irrégulière, dès lors que l’acte d’engagement n’avait pas fait l’objet d’une signature électronique ;

— l’erreur matérielle entachant la notation du critère « prix » a été sans incidence sur le classement des offres, dès lors que la société attributaire figurait, en tout état de cause, en première place ;

— les prestations supplémentaires éventuelles n’avaient pas à faire l’objet d’une notation et d’un classement ;

— l’analyse des offres au regard du critère « valeur technique » n’est entachée d’aucune erreur d’appréciation, de sorte qu’elle ne peut être regardée comme ayant entendu neutraliser ce critère en attribuant une notation identique à la société attributaire et à la société Frameto ;

— l’intérêt général commande la poursuite de l’exécution du contrat au regard de l’intérêt public qui s’y attache, de l’avancement des prestations prévues et des conséquences financières d’une interruption du chantier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, la SAS Aluminium Technologie Services, représentée par la SCP Ferretti Hurel Leplatois, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la poursuite de l’exécution du contrat soit ordonnée ;

3°) en toute hypothèse, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la partie perdante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la requête est irrecevable faute de production de l’acte d’engagement du marché litigieux ;

— l’offre de la société Frameto est irrégulière, dès lors que l’acte d’engagement n’avait pas fait l’objet d’une signature électronique ;

— l’intérêt général commande la poursuite de l’exécution du contrat au regard de l’intérêt public qui s’y attache.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la commande publique ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A ;

— les conclusions de M. Blondel, rapporteur public ;

— les observations de Me Couëtoux du Tertre, représentant la société Frameto, celles de Me Vernet pour la chambre de commerce et d’industrie territoriale Seine Estuaire et celles de Me Ferretti pour la société Aluminium Technologie Services.

Considérant ce qui suit :

1. La chambre de commerce et d’industrie territoriale (CCI) Seine Estuaire a lancé le 16 novembre 2020 un appel d’offres ouvert relatif au lot n° 7 du marché de travaux de construction de l’aérogare de l’aéroport de Deauville Normandie. Par courrier du 18 janvier 2021, la SA Frameto a été informée que son offre était classée en troisième position et qu’elle était dès lors rejetée. Par acte d’engagement du 25 mars 2021, la CCI Seine Estuaire a confié à la SAS Aluminium Technologie Services l’exécution du lot n° 7 du marché litigieux.

Sur les conclusions en contestation de la validité du contrat :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat.

3. Aux termes de l’article L. 2152-1 du code de la commande publique : « L’acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ». Aux termes de l’article L. 2152-2 du même code : « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ». Par ailleurs, l’article 6.2 du règlement de la consultation prévoit que l’acte d’engagement est signé par le candidat « au moyen d’un certificat de signature électronique choisi dans la liste des certificats référencés sur le site http://www.entreprises. minefi.gouv.fr/certificats/ ».

4. Il résulte des dispositions des articles L. 2152-1 et L. 2152-2 du code de la commande publique que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. Par suite, la circonstance que l’offre du concurrent évincé ait été examinée et classée ne fait pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur puisse le cas échéant se prévaloir de l’irrégularité de cette offre devant le juge.

5. Il ressort des pièces du dossier que l’acte d’engagement joint à l’offre de la société Frameto n’avait pas fait l’objet d’une signature au moyen d’un certificat de signature électronique prévu à l’article 6.2 du règlement de la consultation. Par courrier du 5 janvier 2021, la CCI Seine Estuaire en a informé la société requérante, en précisant que l’absence de signature était de nature à entraîner l’irrégularité de l’offre et l’invitant à transmettre un acte d’engagement signé électroniquement avant le 7 janvier 2021. Par courrier du 7 janvier 2021, la société Frameto a annoncé à la CCI Seine Estuaire que la transmission de l’acte d’engagement signé électroniquement interviendrait sous une semaine. Il est constant qu’aucun acte d’engagement signé n’a ensuite été transmis à la CCI Seine Estuaire.

6. A cet égard, la société requérante fait valoir que l’absence de signature électronique résultait de problèmes rencontrés avec son certificat de signature électronique, qu’elle a sollicité dès le 7 janvier 2021 la délivrance d’un certificat fonctionnel auprès de son fournisseur et qu’elle n’a reçu ce certificat qu’après la date à laquelle elle a été informée du rejet de son offre. Il demeure toutefois que l’absence de signature électronique de l’offre méconnaît l’article 6.2 du règlement de la consultation et constitue par suite une irrégularité au sens de l’article L. 2152-2 du code de la commande publique. Est à cet égard sans incidence la circonstance que l’acte d’engagement ait fait l’objet d’une signature manuscrite. Dès lors, alors même que l’offre de la société Frameto a été examinée et classée, c’est à bon droit que la CCI Seine Estuaire soutient que l’offre de la société Frameto était irrégulière.

7. Le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée. Un candidat dont l’offre était irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l’appréciation des autres offres, en particulier celle de l’attributaire. Un tel moyen ne peut être utilement soumis au juge que si le vice allégué est d’ordre public. Les vices allégués, tenant à l’erreur entachant l’appréciation du critère « prix », l’absence de classement des prestations supplémentaires éventuelles et l’erreur manifeste d’appréciation entachant l’appréciation du critère « valeur technique », ne sont pas de ceux que le juge devrait relever d’office. Par suite, dès lors que son offre était irrégulière, la société Frameto ne peut utilement soulever ces moyens.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir, que les conclusions en contestation de la validité du contrat présentées par la société Frameto doivent être écartées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Frameto la somme de 1 500 euros à verser, d’une part, à la CCI Seine Estuaire et, d’autre part, à la SAS Aluminium Technologie Services au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI Seine Estuaire, qui n’est pas partie perdante en la présente instance, la somme que la société Frameto demande sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Frameto est rejetée.

Article 2 : La société Frameto versera la somme de 1 500 euros, d’une part, à la chambre de commerce et d’industrie territoriale Seine Estuaire et, d’autre part, à la SAS Aluminium Technologie Services au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Frameto, à la chambre de commerce et d’industrie territoriale Seine Estuaire et à la SAS Aluminium Technologie Services.

Délibéré après l’audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Guillou, président,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

M. Blanchard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2022.

Le rapporteur,

SIGNÉ

A. A

Le président,

SIGNÉ

H. GUILLOU

La greffière,

SIGNÉ

A. LAPERSONNE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne ou tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

la greffière,

A. Lapersonne

No 2101168

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Tribunal administratif de Caen, 2ème chambre, 29 juillet 2022, n° 2101168