Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 7 février 2023, n° 2301127

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 7 févr. 2023, n° 2301127
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 2301127
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 9 février 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, M. A B, représenté par Me Siran, demande au juge des référés, statuant en application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision du 21 novembre 2022 par laquelle le directeur territorial de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) de Cergy a mis fin à son droit au bénéfice des conditions matérielles d’accueil ;

3°) d’enjoindre au directeur territorial de l’OFII de Cergy de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, à titre principal, de manière rétroactive à compter de leur suspension, ou subsidiairement, de le rétablir dans ses droits, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’OFII la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à son bénéfice si l’aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.

Il soutient que :

— la condition de l’urgence est remplie, dès lors que la décision attaquée porte atteinte à son droit d’asile et le place dans une situation d’insécurité, de vulnérabilité et de grande précarité, sachant qu’il se trouve privé de toute ressource, hébergement et moyen de subsistance et qu’il souffre de problèmes de santé ;

— il existe des moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée dès lors que :

* la décision a été prise selon une procédure irrégulière dès lors, d’une part, qu’il n’a pas bénéficié de l’entretien d’évaluation de vulnérabilité par un agent ayant reçu une formation spécifique à cette fin en violation des articles

L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et, d’autre part, qu’il n’a pas pu présenter préalablement ses observations écrites en méconnaissance des articles L. 551-16 et

D. 551-18 du CESEDA ;

* elle a été prise par une autorité incompétente ;

* elle est entachée d’une insuffisance de motivation et d’un défaut d’examen sérieux de sa situation, dès lors qu’elle a été prononcée sans prendre en considération sa vulnérabilité ;

* elle est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en méconnaissance de l’article L. 551-6 du CESADA, dès lors qu’elle n’apporte pas la preuve de l’abandon de son logement et que celui-ci n’est pas un motif pour fonder la cessation du bénéfice des conditions matérielles d’accueil ;

* elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle, dès lors qu’elle porte une atteinte disproportionnée au respect minimal de son droit à la dignité du fait de son extrême vulnérabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le directeur territorial de l’OFII de Cergy conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas remplie dès lors que l’intéressé s’est placé

lui-même dans la situation d’urgence dont il se prévaut ; l’intéressé a la possibilité d’accéder à un suivi médical et d’un hébergement au titre du dispositif de l’hébergement d’urgence ;

— aucun des moyens invoqué n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête n° 2300870, enregistrée le 21 janvier 2023, par laquelle M. B demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Probert, premier conseiller, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique du 6 février 2023 à 11 heures.

Ont été entendus au cours au cours de l’audience publique, tenue en présence de Mme El Moctar, greffière d’audience :

— le rapport de M. Probert, juge des référés ;

— et les observations de Me Siran, représentant M. B ;

— l’OFII n’étant ni présent, ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant éthiopien né le 8 avril 1997 à Baher Dar (Ethiopie), est entré en France en juillet 2021. Selon ses déclarations, il a fait une première demande d’asile en août 2021 qui a été enregistrée selon la procédure dite « Dublin ». En juillet 2022, sa demande a été placée sous la procédure normale. Par une décision du 21 novembre 2022, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a mis fin aux conditions matérielles d’accueil dont bénéficiait M. B. Par la présente requête, ce dernier demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de cette décision.

Sur la demande d’admission provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes des dispositions de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ».

3. Eu égard aux circonstances de l’espèce et aux délais dans lesquels le juge des référés doit se prononcer, il y a lieu d’admettre M. B au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

4. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».

En ce qui concerne l’urgence :

5. Il résulte des dispositions précitées que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire.

6. La circonstance, alléguée en défense, que l’intéressé s’est placé lui-même dans une situation d’urgence en quittant sans justification son lieu d’hébergement, ne peut suffire à écarter l’existence d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative en ce qui concerne les conclusions tendant à la suspension de l’exécution de la décision de cessation totale des conditions matérielles d’accueil, laquelle est distincte de la décision de sortie d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile prévue à l’article L. 511-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et emporte notamment la fin du versement de l’allocation pour demandeur d’asile versée à l’intéressé, alors que celui-ci ne dispose d’aucune ressource et n’a pas accès au marché du travail. L’intéressé soutient sans être contredit être dépourvu d’hébergement et être dépourvu de ressources. Dans ces conditions, M. B justifie d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le doute sérieux :

7. Aux termes de l’article L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d’accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : () 2° Il quitte le lieu d’hébergement dans lequel il a été admis en application de l’article L. 552-9 ; () / La décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l’intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. / () « . L’article D. 551-18 du même code dispose que » La décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil prise en application de l’article L. 551-16 est écrite, motivée et prise après que le demandeur a été mis en mesure de présenter à l’Office français de l’immigration et de l’intégration ses observations écrites dans un délai de quinze jours ".

8. Il ne résulte pas de l’instruction que M. B se serait vu notifier avant l’édiction de la décision en litige le courrier du 17 octobre 2022 par lequel l’OFII l’a invité à faire parvenir ses observations préalables, l’intéressé n’ayant présenté des observations relatives à sa situation qu’à l’appui de son recours gracieux en date du 20 janvier 2023, soit postérieurement à la décision attaquée. La production par l’OFII de la seule preuve de dépôt du courrier du 17 octobre 2022 n’est pas de nature à établir sa notification à l’intéressé avant l’édiction de la décision attaquée, dès lors que M. B conteste s’être vu délivrer une telle notification préalable. La faculté de présenter des observations préalablement à l’édiction de la décision mettant fin au bénéfice des conditions matérielles d’accueil constitue une garantie pour l’intéressé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 551-16 et D. 551-18 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

9. En revanche, aucun des autres moyens n’est de nature à faire naître, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont réunies. Dès lors, il y a lieu de suspendre l’exécution de la décision du 21 novembre 2022 par laquelle l’OFII a prononcé la cessation du bénéfice des conditions matérielles d’accueil.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

10. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire () ».

11. Eu égard au motif qui la fonde, la présente ordonnance implique seulement que la situation de M. B soit réexaminée, dans l’attente du jugement au fond. Par suite, il y a lieu d’enjoindre à l’OFII de procéder à un tel réexamen, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. M. B a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’OFII le versement à Me Siran de la somme de 1 000 euros.

O R D O N N E :

Article 1er : M. B est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L’exécution de la décision du 21 novembre 2022 par laquelle l’OFII a décidé la cessation des conditions matérielles d’accueil dont bénéficiait M. B est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à l’OFII de procéder au réexamen de la situation de M. B dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 4 : L’OFII versera à Me Siran, avocate de M. B, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, à Me Siran, et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Fait à Cergy, le 7 février 2023.

Le juge des référés,

signé

L. Probert

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 7 février 2023, n° 2301127