Tribunal administratif de Limoges, 30 juillet 2020, n° 1800914

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Limoges, 30 juill. 2020, n° 1800914
Juridiction : Tribunal administratif de Limoges
Numéro : 1800914

Texte intégral

yl

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LIMOGES

N° 1800914

____________________ REPUBLIQUE FRANÇAISE


M. C… B…

_____________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Z-A B

Rapporteur

______________________


M. Pierre-Marie Houssais Le tribunal administratif de Limoges Rapporteur public

(1ère chambre) ______________________

Audience du 07 juillet 2020 Lecture du 30 juillet 2020 ____________________ 36 C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête, des pièces et un mémoire enregistrés les 14 juin 2018, 2 juillet 2018 et 3 juin 2019, M. C… B…, représenté par Me D…, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 27 décembre 2017 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche a refusé de faire droit à sa demande tendant au paiement de ses indemnités de fin de contrats à durée déterminée ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche à lui verser une somme globale de 18 446,90 euros correspondant aux indemnités de fin de contrats auxquelles il était en droit de prétendre, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu’indique le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche, sa requête est bien recevable dès lors qu’il n’existe pas de décision de refus de verser les indemnités de fin de contrats dont il aurait eu connaissance avant celle qui est contestée dans la présente instance ;


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- en refusant de faire droit à sa demande de paiement de ses indemnités de fin de contrats, dites indemnités de précarité, le centre hospitalier a méconnu les articles L. 1243-8 et L. 1243-10 du code du travail ; à supposer même qu’il puisse être regardé comme ayant été à l’initiative de la rupture anticipée de son dernier contrat à durée déterminée couvrant la période du 1er mai au 31 octobre 2016, il était en droit de bénéficier de ces indemnités au titre des précédentes relations contractuelles du 11 au 28 septembre 2014, du 1er novembre 2014 au 31 octobre 2015, et, enfin, du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016 ;

- ayant refusé de signer l’avenant couvrant la période du 1er mai au 31 août 2016, son contrat à durée déterminée par lequel il a été employé du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016 ne saurait être regardé comme ayant été tacitement renouvelé ; un renouvellement tacite est par ailleurs impossible en application des dispositions du second alinéa du I de l’article 9-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- il est fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la- Perche à lui verser une somme globale de 18 338,84 euros correspondant à ses indemnités de fin de contrat.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 avril et 4 juillet 2019, le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche, représenté par Me E…, conclut au rejet de la requête ou à ce que la somme demandée par M. B… soit ramenée à de plus justes proportions, et demande que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- La requête de M. B… est irrecevable ;

- M. B… n’avait pas droit au paiement des indemnités de fin de contrats dès lors, d’une part, que son dernier contrat à durée déterminée couvrant la période du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016, tacitement renouvelé pour la période du 1er mai 2015 au 1er mai 2016, a été rompu de manière anticipée à son initiative et, d’autre part, que l’ensemble des contrats conclus par l’intéressé, reconduits sans interruption, constituaient en réalité un même contrat qui s’est poursuivi, et ce depuis le mois de septembre 2014 ;

- l’argumentation de M. B… est contraire à la finalité de l’indemnité de fin de contrat prévue par l’article L. 1243-8 du code du travail, qui compense pour le salarié la situation de précarité dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée ;

- s’agissant de l’assiette de calcul des indemnités de fin de contrat, il y a lieu d’exclure les frais de déplacement perçus par M. B… ainsi que la partie de la rémunération qui lui a été versée qui excède les limites de rémunération statutaire d’un praticien contractuel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.


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Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Z-A B,

- les conclusions de M. Pierre-Marie Houssais, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B… a été recruté par le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche en qualité de praticien contractuel du 11 au 28 septembre 2014. Par un nouveau contrat à durée déterminée signé le 22 octobre 2014, il a été recruté par cet établissement de santé, en cette même qualité, du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015, ce contrat ayant été renouvelé par un avenant en date du 9 avril 2015 pour la période du 1er mai au 31 octobre 2015. Un nouveau contrat à durée déterminée a été signé le 19 octobre 2015, pour la période du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016. Le centre hospitalier a proposé un avenant portant renouvellement de ce contrat pour la période du 1er mai au 31 octobre 2016 à M. B…, qui, ayant toutefois continué à exercer ses fonctions pendant plusieurs semaines, a refusé de le signer.

2. Par courrier du 3 novembre 2017, M. B… a demandé le paiement des indemnités de fin de contrats, dites indemnités de précarité, auxquelles il estimait avoir droit en application des dispositions de l’article L. 1243-8 du code du travail en raison de ses contrats. La directrice du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche a rejeté cette demande par une décision du 27 décembre 2017 dont M. B… demande l’annulation. Il demande également la condamnation de ce centre hospitalier à lui verser une somme de 18 446,90 euros correspondant au montant de ces indemnités de fin de contrats.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. D’une part, il est constant que la décision du 27 décembre 2017 ne comporte pas la mention des voies et délais de recours conformément aux dispositions combinées des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative.

4. D’autre part, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier de Saint-Yrieix- la-Perche, la seule circonstance qu’il n’a pas versé d’indemnité de fin de contrat à M. B… à l’issue de chacune de ses périodes d’emploi à durée déterminée ne saurait, par elle-même, et en l’absence de toute pièce au dossier qui viendrait le démontrer, révéler l’existence de décisions de refus de procéder au paiement des indemnités sollicitées.

5. Dès lors qu’il n’est pas établi que l’administration aurait, antérieurement à la décision en litige du 27 décembre 2017, pris une décision portant refus de versement de ces indemnités et que M. B… en aurait nécessairement eu connaissance à une date déterminée, la fin de non- recevoir opposée en défense, tirée de ce que la requête est irrecevable au motif qu’elle aurait été enregistrée plus d’un an après que l’intéressé ait été informée de cette précédente décision et, ainsi, aurait été formée au-delà d’un délai raisonnable, doit être écartée.


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En ce qui concerne la relation contractuelle couvrant la période du 1er mai au 31 octobre 2016 :

6. Aux termes de l’article R. 6152-712 du code de la santé publique : « Les dispositions du code du travail et celles du code de la sécurité sociale relatives aux congés annuels ou de maladie, de maternité ou d’adoption, de paternité, de présence parentale, de solidarité familiale, ainsi que (…) à l’indemnité prévue à l’article L. 1243-8 du code du travail sont applicables aux praticiens recrutés sur le fondement du 3° de l’article L. 6152-1. ». L’article L. 1243-8 du code du travail dispose : « Lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ». Aux termes de l’article L. 1243-10 de ce code : « L’indemnité de fin de contrat n’est pas due : 1° Lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l’article L. 1241-2 ou (…) L. 1242-3 (..) ; / 2° Lorsque le contrat est conclu avec un jeune (…) ; / 3° Lorsque le salarié refuse d’accepter la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente ; / 4° En cas de rupture anticipée du contrat à l’initiative du salarié, à sa faute grave ou à un cas de force majeure ».

7. Il résulte de ces dispositions, rendues applicables aux praticiens contractuels des établissements de santé par l’article R. 6152-418 du code de la santé publique, que lorsqu’à l’issue d’un contrat à durée déterminée, les relations de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le praticien contractuel a droit à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au praticien au titre du contrat de travail à durée déterminée arrivé à son terme, sauf à se trouver dans l’un des cas limitativement énumérés à l’article L. 1243-10 du code du travail.

8. Si M. B… a refusé de signer l’avenant qui portait renouvellement de son contrat à durée déterminée couvrant la période du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016 qui lui a été proposé par le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche, son maintien dans ses fonctions au- delà du terme de ce contrat, qui traduit l’intention des parties de poursuivre leur collaboration, a eu pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée était celle de six mois assignée au contrat initial. Ainsi, comme le fait valoir le centre hospitalier en défense, M. B… était bien lié à l’hôpital par un contrat à durée déterminée pour la période du 1er mai au 31 octobre 2016, les dispositions du second alinéa du I de l’article 9-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 dont se prévaut à cet égard le requérant étant sans incidence sur la réalité et la durée de cette nouvelle relation contractuelle.

9. Il ressort des pièces du dossier que, lors d’un entretien du 22 juin 2016, M. B…, faisant notamment état de difficultés familiales, a indiqué à la directrice du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche qu’il avait décidé de ne plus exercer ses fonctions à compter du 1er juillet 2016, date à compter de laquelle il devait prendre de nouvelles fonctions de clinicien hospitalier dans un autre centre hospitalier. M. B…, qui, par ailleurs, n’avait pas respecté le tableau des gardes et s’était absenté à plusieurs reprises en juin 2016, n’a plus exercé ses fonctions au centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche depuis juillet 2016. En déduisant de ces éléments factuels que M. B… était à l’initiative de la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée pour la période du 1er mai au 31 octobre 2016 et, qu’en application du 4° de l’article L. 1243-10 du code du travail, il n’était ainsi pas en droit de bénéficier d’une indemnité de fin de contrat au titre de cette période, la directrice du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 1243-8 de ce code.


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En ce qui concerne la relation contractuelle couvrant les autres périodes :

10. Dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B… serait entré dans un des cas limitativement énumérés à l’article L. 1243-10 du code du travail, il avait droit, à l’issue de chacune des périodes de relation contractuelle à durée déterminée arrivées à leur terme prévu, au versement d’une indemnité de fin de contrat en application de l’article L. 1243-8 de ce code. La seule circonstance que M. B… aurait exercé ses fonctions au centre hospitalier de Saint-Yrieix- la-Perche, toujours pour des périodes déterminées, sur le fondement d’un « contrat initial », d’un « avenant » portant renouvellement de ce contrat ou d’un « nouveau contrat » étant sans incidence. Par suite, M. B… est fondé à soutenir que la directrice du centre hospitalier du Saint- Yrieix-la-Perche a méconnu ces dispositions et à demander l’annulation de la décision du 27 décembre 2017 en tant qu’elle lui refuse le versement d’une indemnité de fin de contrat à durée déterminée pour les périodes du 11 au 28 septembre 2014, du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015, du 1er mai au 31 octobre 2015 et du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016.

Sur les conclusions aux fins d’indemnisation :

11. Selon l’article L. 1243-8 du code du travail, l’indemnité de fin de contrat est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Cette indemnité doit être calculée sur les mêmes bases que l’indemnité de congés payés prévue à l’article L. 3141-24 de ce code, ce qui implique que soient exclues de l’assiette de calcul les indemnités perçues au titre de la prise en charge de frais professionnels, notamment les frais de déplacement.

12. Compte tenu de la rémunération brute de M. B… dans ses fonctions de praticien contractuel de septembre 2014 à avril 2016, et après exclusion de l’assiette de calcul des sommes qu’il a perçues au titre du remboursement de ses frais de déplacement, il y a lieu, pour l’ensemble des périodes contractuelles au titre desquelles l’intéressé avait droit au versement de l’indemnité de fin de contrat, de condamner le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche à lui verser une somme globale de 16 610,68 euros. Contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier dans son second mémoire en défense, il n’y a pas lieu d’exclure de l’assiette de calcul des indemnités de fin de contrats qui auraient dû être versées à M. B…, la partie de la rémunération qu’il a d’ores et déjà perçue, après service fait, et selon la commune volonté exprimée par les parties aux contrats, qui aurait dépassé le montant de la rémunération maximale à laquelle les praticiens contractuels peuvent en principe prétendre en vertu de l’article R. 6152- 416 du code de la santé publique.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

13. M. B… a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 16 610,68 euros qui lui est allouée par le présent jugement à compter de la date de réception par l’administration de sa réclamation indemnitaire préalable datée du 3 novembre 2017. Les intérêts échus à compter de la date de réception de cette réclamation, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais du litige :

14. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche, qui est la partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser à M. B… sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En


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revanche, les conclusions présentées par le centre hospitalier en application de ces dispositions doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 27 décembre 2017 de la directrice du centre hospitalier de Saint- Yrieix-la-Perche est annulée en tant qu’elle a refusé à M. B… le versement d’une indemnité de fin de contrat pour les périodes du 11 au 28 septembre 2014, du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015, du 1er mai au 31 octobre 2015 et du 1er novembre 2015 au 30 avril 2016.

Article 2 : Le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche est condamné à verser à M. B… une somme de 16 610,68 euros, (seize mille et six cent dix euros et soixante huits centimes) somme qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation indemnitaire préalable datée du 3 novembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts.

Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Yrieix-la-Perche versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) à M. B… sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.


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Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. C… B… et au centre hospitalier de Saint- Yrieix-la-Perche.

Délibéré après l’audience du 07 juillet 2020 où siégeaient :

- M. Gensac, président,

- M. B, conseiller,

- M. Martha, conseiller.

Lu en audience publique le 30 juillet 2020

Le rapporteur, Le président,

J.B. B P. GENSAC

Le greffier,

C. D-E

La République mande et ordonne

au ministre des solidarités et de la santé en ce

qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision Pour expédition conforme Pour Le Greffier en Chef Le Greffier

G. X-Y

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