Tribunal administratif de Lyon, 8 octobre 2020, n° 1801822

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 8 oct. 2020, n° 1801822
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1801822

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE GRENOBLE

N°1801822 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SAS VILLES ET VILLAGES CRÉATIONS ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Pauline X Rapporteur ___________ Le tribunal administratif de Grenoble
Mme Nathalie Portal (2ème Chambre) Rapporteur public ___________

Audience du 24 septembre 2020 Lecture du 8 octobre 2020 _______ 68-02-01-01-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mars 2018 et le 14 septembre 2018, la société par actions simplifiée (SAS) villes et villages créations, représentée par Me Fessler, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le directeur de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie a exercé son droit de préemption urbain sur deux parcelles cadastrées section AV n° 766 et […], situées au […] sur le territoire de la commune de Saint-Jorioz ;

2°) de mettre à la charge de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le directeur de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie ne pouvait à la date du 30 janvier 2018 exercer un droit de préemption urbain, dès lors que l’arrêté préfectoral du 26 janvier 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a délégué l’exercice du droit de préemption n’était pas encore exécutoire, faute d’avoir été publié ;

- la délibération du 26 novembre 2015 du conseil municipal de la commune de Saint- Jorioz n’a pas été rendue exécutoire en application de l’article R. 211-2 du code de l’urbanisme et, dès lors, l’arrêté litigieux du 30 janvier 2018 est dépourvu de base légale ;



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- l’arrêté contesté méconnaît les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme, en l’absence de réel projet d’opération d’aménagement ;

- l’arrêté litigieux méconnaît la clause d’indivisibilité contenue dans la déclaration d’intention d’aliéner et dans les conditions de la vente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, l’établissement public foncier de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS villes et villages créations en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

La clôture de l’instruction a été fixée au 27 novembre 2019 par une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code de la construction et de l’habitation ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme X

- les conclusions de Mme Portal rapporteur public,

- et les observations de Me Fessler, représentant la SAS villes et villages créations et de Mme Y, représentant l’établissement public foncier de la Haute-Savoie.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS villes et villages créations s’est portée acquéreur auprès de Mme et M. Z de deux parcelles, cadastrées section AV n° 766 et 767 d’une superficie de 19a03ca, situées au […] sur le territoire de la commune de Saint-Jorioz à un prix global de 715 000 euros. La déclaration d’intention d’aliéner ce bien a été adressée à la commune de Saint-Jorioz le 7 décembre 2017. Par un arrêté du 30 janvier 2018, l’établissement public foncier de la Haute-Savoie, agissant par délégation du préfet de la Haute-Savoie, a décidé d’exercer, au prix de 715 000 euros, le droit de préemption urbain sur ces parcelles en vue de réaliser une opération d’aménagement de vingt logements aidés. Par la présente requête, la SAS villes et villages créations, acquéreur évincé, demande l’annulation de l’arrêté du 30 janvier 2018.

Sur les conclusions à fin d’annulation :



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2. D’une part, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme dans sa version en vigueur applicable au litige : « Pendant la durée d’application d’un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l’Etat dans le département lorsque l’aliénation porte sur un des biens ou droits énumérés aux 1° à 4° de l’article L. 213-1 du présent code, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l’objet de la convention prévue à l’article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l’Etat peut déléguer ce droit (…) à un établissement public foncier créé en application des articles L. 321-1 ou L. 324-1 du présent code, à l’office foncier de la Corse mentionné à l’article L. 4424-26-1 du code général des collectivités territoriales, à une société d’économie mixte, à un des organismes d’habitations à loyer modéré prévus par l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation ou à un des organismes agréés mentionnés à l’article L. 365-2 du même code. Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l’habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l’article L. 302-8 du même code. » Aux termes de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version alors en vigueur : « Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l’article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du I de l’article L. 302-8 n’a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n’a pas été respectée, le représentant de l’Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d’engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l’engagement de la procédure et l’invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. ». D’autre part, aux termes de l’article L. 213-3 du code de l’urbanisme, « Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l’Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l’occasion de l’aliénation d’un bien (…) ».

3. En outre, aux termes de l’article L. 221-2 du code des relations entre le public et l’administration : « L’entrée en vigueur d’un acte réglementaire est subordonnée à l’accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d’une publication ou d’un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d’autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l’accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu’il en soit disposé autrement par la loi, par l’acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de ses dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures. »

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie a prononcé, le 11 décembre 2017, la carence de la commune de Saint-Jorioz en matière de réalisation de logements locatifs sociaux au titre du bilan triennal 2014-2016. En application de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme précité, cette autorité est donc devenue titulaire du droit de préemption dans la commune, pour les biens affectés au logement. La délibération du 26 janvier 2018 qui autorise l’établissement public foncier de la Haute-Savoie, établissement public de l’Etat, à exercer le droit de préemption revêt un caractère réglementaire nécessitant qu’il soit procédé à sa publication, selon les modalités fixées par l’article L. 221-2 du code



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des relations entre le public et l’administration, pour qu’elle soit exécutoire. Si l’arrêté du 26 janvier 2018 par lequel le directeur départemental des territoires, agissant sur délégation du préfet de la Haute-Savoie, a délégué l’exercice du droit de préemption à l’établissement public foncier de la Haute-Savoie a été publié le 7 février 2018 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, mis en ligne sur le site de la préfecture, dans la rubrique « recueil des actes administratifs », une telle publication est postérieure à l’édiction de l’arrêté du 30 janvier 2018 en litige par lequel le directeur de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie a exercé son droit de préemption urbain. Par suite, cette délégation n’étant pas exécutoire au 30 janvier 2018, le directeur de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie n’était pas compétent, à la date de l’arrêté attaqué du 30 janvier 2018, pour prendre cette décision. Par suite, le moyen doit être accueilli.

5. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par la SAS villes et villages créations n’est susceptible de fonder l’annulation de la décision contestée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS villes et villages créations est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le directeur de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie a exercé son droit de préemption urbain sur deux parcelles, cadastrées section AV n° 766 et […], situées au […] sur le territoire de la commune de Saint-Jorioz.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS villes et villages créations qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la SAS villes et villages créations et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le directeur de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie a exercé son droit de préemption urbain sur deux parcelles cadastrées section AV n° 766 et […], situées au […] sur le territoire de la commune de Saint-Jorioz est annulé.

Article 2 : L’établissement public foncier de la Haute-Savoie versera à la SAS villes et villages créations une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l’établissement public foncier de la Haute-Savoie sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: Le présent jugement sera notifié à la SAS villes et villages créations et à l’établissement public foncier de la Haute-Savoie.



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Copie pour information en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et à la commune de Saint-Jorioz.

Délibéré après l’audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient : Mme Jourdan, présidente, Anne Triolet, premier conseiller, Mme X, conseiller.

Lu en audience publique le 8 octobre 2020.

Le rapporteur, La présidente,

P. X

D. JOURDAN

Le greffier,

C. JASSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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