Tribunal administratif de Lyon, Ju 9ème chambre, 2 novembre 2022, n° 2206213

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, ju 9e ch., 2 nov. 2022, n° 2206213
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 2206213
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 23 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 13 août et 6 octobre 2022 sous le n° 2206213, M. D B, ayant pour avocat Me Hmaida, demande au tribunal :

1°) d’annuler les décisions en date du 7 août 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l’oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination d’une reconduite d’office ;

2°) d’enjoindre à cette autorité de procéder, sous deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au réexamen de sa situation, et de lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

M. B soutient que :

— les décisions attaquées n’ont pas été prises par une autorité compétente pour ce faire ;

— la mesure d’éloignement en litige a été prononcée sans un examen préalable particulier et sérieux de sa situation, car il a sollicité un rendez-vous en préfecture pour y déposer une demande de titre de séjour et son droit à examen de cette demande fait obstacle à l’application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la mesure d’éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de celles de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— la décision fixant son pays de destination est illégale en raison de l’illégalité de cette mesure d’éloignement.

Par mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête, faisant valoir que sont infondés les moyens qu’elle contient.

Vu les pièces des dossiers.

Vu :

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative et la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La présidente du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les litiges relatifs aux décisions portant mesure d’éloignement des ressortissants étrangers en application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience tenue le 7 octobre 2022. Le magistrat désigné y a présenté son rapport et a clos l’instruction à l’issue de l’audience, où les parties n’étaient pas présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. M. D B, ressortissant albanais né en 1987, est entré en France en octobre 2016, accompagné de son épouse. Sa demande d’asile a été rejetée le 13 mars 2017 par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis le 30 novembre 2017 par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Par arrêté pris le 7 août 2022 sur le fondement du 4° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet du Rhône oblige M. B à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixe son pays de destination d’une reconduite d’office. Par la présente requête, M. B demande au tribunal d’annuler ces décisions.

Sur les conclusions à fin d’annulation et d’injonction :

2. En premier lieu, l’arrêté contenant les décisions du 7 août 2022 attaquées a été signé par Mme C E, sous-préfète chargée de la mission politique de la ville, qui bénéficiait pour ce faire, durant les périodes de permanence, d’une délégation régulièrement consentie par le préfet du Rhône. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’acte doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l’absence de mention, par l’arrêté en litige, de la demande de rendez-vous faite le 3 juin 2022 par M. B, selon la procédure dématérialisée mise en place par la préfecture du Rhône, en vue du dépôt d’une première demande de titre de séjour au titre de l’admission exceptionnelle au séjour, ne suffit pas à témoigner d’une absence d’examen sérieux de sa situation par le préfet du Rhône. Par ailleurs, le droit qu’a M. B de voir sa demande examinée, d’abord par la fixation d’un rendez-vous en préfecture, à l’issue duquel, si son dossier est complet, cette demande sera enregistrée puis un récépissé délivré, ne fait pas obstacle à la prise d’une mesure d’éloignement fondée, comme en l’espèce, sur le 4° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ». Aux termes de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

5. M. B, entré sur le territoire français avec son épouse en octobre 2016, alors âgés, respectivement, de 29 ans et 18 ans, s’y est maintenu après le rejet de leurs demandes d’asile par la CNDA le 30 novembre 2017. Il ne fait pas montre en France d’une particulière insertion sociale ou professionnelle, dont ne saurait témoigner une promesse d’embauche en qualité de plombier rédigée le 25 juin 2022 et alors que M. B a déclaré aux services de police n’avoir pas d’autres revenus que des « aides de l’Etat ». L’épouse du requérant étant également en situation irrégulière sur le territoire français, rien ne fait obstacle à la reconstitution en Albanie de la cellule familiale, composée des époux B et de leurs deux enfants nés en mars 2017 et décembre 2020, l’aînée, actuellement en grande section de maternelle, pouvant, dans le pays d’origine de ses parents, poursuivre sa scolarité. Par suite, même en présence de la démarche de régularisation de sa situation par le requérant, la mesure d’éloignement prise le 7 août 2022 n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ni méconnu l’intérêt supérieur de ses enfants. Ne peuvent donc qu’être écartés les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

6. En dernier lieu, la mesure d’éloignement en litige n’étant pas, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé, démontrée illégale, ne peut qu’être écarté le moyen tiré d’une telle illégalité articulé à l’encontre de la décision fixant le pays de destination du requérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation des décisions qu’il attaque. Doivent par conséquent être rejetées ses conclusions à fin d’annulation ainsi que les conclusions à fin d’injonction qui les assortissent.

Sur les frais de procès :

8. L’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, il ne saurait être mis à sa charge le versement de la somme réclamée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 2206213 présentée par M. D B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D B et au préfet du Rhône.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.

Le magistrat désigné,

B. A

La greffière,

S. Lecas

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Un greffier,

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