Tribunal administratif de Marseille, 30 décembre 2022, n° 2202083

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 30 déc. 2022, n° 2202083
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2202083
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Expertise / Médiation
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022, M. E C, représenté par Me Zerbib, demande au juge des référés, une expertise portant sur les conditions dans lesquelles il a été prise en charge au centre hospitalier universitaire de l’hôpital Nord, le 16 janvier 2017, en raison d’une déformation de l’avant-pied présentant un hallux valgus et des soins dispensés à la suite de cette hospitalisation pour une infection nosocomiale.

Il soutient que suite à son hospitalisation en date du 16 janvier 2017, il a développé un staphylococcus aureus oxacilline sensible qui a conduit à une ablation des deux vis d’ostéosynthèse du pied droit.

Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2022, l’office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représentée par Me Ali Saidji, demande au juge des référés :

1°) à titre principal, sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de prendre acte qu’elle ne s’oppose pas à la mesure d’expertise sollicitée, sous toutes protestations et réserves ;

3°) de compléter la mission d’expertise.

4°) de réserver les dépens.

Elle soutient qu’elle n’est pas compétente car les préjudices de M. C n’ont pas atteint le seuil de gravité suffisant pour qu’elle puisse être compétente.

Par un mémoire enregistré le 24 mars 2022, l’AP-HM, représentée par Me Carlini, conclut au rejet de la requête de M. C et de toutes autres demandes.

Elle soutient que :

— les dommages ne correspondent pas à une infection nosocomiale, à un aléa thérapeutique ou à une infection iatrogène ;

— la demande d’expertise n’est pas utile puisqu’une expertise a été réalisé le 12 novembre 2019, dans le cadre d’une procédure devant la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI) et au regard de l’absence d’éléments nouveaux de M. C.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2022, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, représentée par Me Martha, demande au juge des référés :

1°) de prendre acte qu’elle entend réclamer au responsable le remboursement de l’ensemble des prestations qu’elle a servis à la victime à la suite des faits litigieux ;

2°) de réserver ses droits ;

3°) de réserver les frais et dépens.

M. C a été admis à l’aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2020.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme B, première vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référés.

Considérant ce qui suit :

Sur la mise hors de cause de L’ONIAM :

1. Aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. » ; qu’aux termes de l’article L. 1142-1-1 de ce code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l’article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 1142-1 correspondant à un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; 2° Les dommages résultant de l’intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins. » ; qu’aux termes de l’article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de

50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence".

2. Le requérant ne conteste pas les allégations de l’ONIAM selon lesquelles la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux aurait rendu un avis d’incompétence à la demande de saisine du requérant pour absence d’atteinte manifeste des seuils de gravité du dommage subi et en l’absence d’expertise amiable préalable.

3. Par suite, en l’état d’absence au dossier d’élément pouvant établir le caractère de gravité des séquelles présentées par le requérant, rien ne permet d’établir que ces dernières pourraient être indemnisées au titre de la solidarité nationale. Il en résulte qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause l’ONIAM au présent litige, étant précisé qu’il appartient à l’expert désigné de solliciter toute nouvelle mise en cause qu’il estimerait justifiée dans le cadre du déroulement de ses opérations.

Sur les conclusions à fin d’expertise :

4.Aux termes de l’article R. 532-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction () ».

5. M. C sollicite une expertise médicale afin de déterminer l’étendue de ses préjudices au regard de son hospitalisation survenue le 15 janvier 2017. Si l’AP-HM soutient qu’une seconde demande d’expertise n’est pas utile au regard d’une précédente expertise réalisée le 12 novembre 2019, cette première expertise n’a pas fixé l’ensemble des préjudices pouvant faire l’objet d’une demande en réparation de ses préjudices. Dans ces conditions, la demande de M. C portant sur la détermination de ses préjudices, susceptible de se rattacher à une action ultérieure devant le juge du fond, entre dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article R. 532-1 du code de justice administrative et présente un caractère utile. Par suite, il y a lieu d’y faire droit et de fixer la mission de l’expert comme il est précisé à l’article 2 r de la présente ordonnance.

O R D O N N E :

Article 1er : L’ONIAM est mise hors de cause.

Article 2 : Le collège d’experts constitué du docteur A D, exerçant au CHU Timone, 264 rue St pierre à Marseille, 13005 et du docteur G F, exerçant à l’Hopital St Marguerite, 270 boulevard St Marguerite à Marseille (13009), est désigné pour procéder, en présence des parties à l’instance, à une expertise médicale avec la mission suivante :

1°) de solliciter la communication de tous documents médicaux et para-médicaux nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; de prendre connaissance de l’intégralité du dossier médical original de M. C que l’APHM lui communiquera sans délai notamment tous documents relatifs aux examens, soins en lien avec l’intervention chirurgicale dont il a fait l’objet le 15 janvier 2017, , les traitements postopératoires et les suivis ; il pourra entendre toute personne du service hospitalier lui ayant donné des soins et préciser, le cas échéant, les soins et actes médicaux et chirurgicaux dont il aurait fait l’objet dans d’autres établissements;

2') d’examiner M. C, de décrire les lésions, blessures, soins, interventions et traitements en lien avec la prise en charge précitée au centre hospitalier universitaire Nord à Marseille ;

3') de décrire les conditions dans lesquelles M. C a été opéré et pris en charge au centre hospitalier universitaire Nord et dire si le dossier médical et les informations recueillies permettent de savoir si il a été informé des conséquences normalement prévisibles des actes médicaux pratiqués et si il a été ainsi mis à même de formuler un consentement éclairé ; préciser si il a reçu toutes informations sur l’existence de risques, même faibles, de complications susceptibles de se produire et en cas de défaut d’information, rechercher, si faire se peut, dans quel délai une évolution vers des conséquences graves était susceptible d’intervenir si le patient refusait de subir dans l’immédiat l’intervention précitée ;

4') de réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales (prévention, diagnostic, choix de la thérapie ..) ou de soins ou des fautes dans l’organisation ou le fonctionnement des services ont été commises lors de sa prise en charge hospitalière, de rechercher si les dommages subis à l’état de santé du requérant résultent d’un manquement des services ou d’un aléa thérapeutique compte tenu de ses antécédents et de son état antérieur ; dans ce cas, préciser en quoi ce derniers ne seraient pas la cause directe des préjudices subis mais auraient fait perdre au requérant des chances de les éviter et évaluer l’importance de cette perte de chance, en pourcentage ; de déterminer le lien de causalité entre les préjudices subis par le requérant et les actes médicaux réalisés ;

5°) d’évaluer, le cas échéant :

— l’étendue des préjudices qui en ont résulté à l’exclusion de ceux qui ne seraient que la conséquence normale de l’état pathologique de la victime, antérieur aux interventions du service hospitalier : ·durée du Déficit Temporaire Total ou Partiel, ·date de consolidation de son état de santé, ·pourcentage du Déficit Permanent Partiel, ·troubles dans les conditions d’existence indépendamment ou non de leurs conséquences pécuniaires (préjudice professionnel), les importances respectives des souffrances physiques endurées, du préjudice d’agrément, des éventuels préjudices esthétique, sexuel et perte de chance sérieuse de guérison de la pathologie dont il était atteint lors de son admission au centre hospitalier ;

— si le centre hospitalier ne devait pas lui apporter d’autres soins ou prescriptions pour éviter la persistance des séquelles qu’il présente et a présentées ;

6°) de préciser, si besoin est les frais futurs, médicaux ou d’aménagement et si l’état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou amélioration : dans l’affirmative, de donner au tribunal toutes précisions utiles sur cette évaluation, son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel devra y être procédé ;

7°) de dire si malgré son déficit permanent, la victime est au plan médical, physiquement et intellectuellement apte à reprendre dans les conditions antérieures ou autres, les activités qu’il exerçait avant les interventions ou prises en charges sus-indiquées ; donner tous renseignements sur la nécessité de l’aide d’une tierce personne et, dans ce cas, en définir les conditions ;

8°) de déterminer les débours et frais médicaux en relation directe avec cette éventuelle faute médicale en les distinguant de ceux imputables à l’état initial et de donner de manière générale, tous éléments utiles permettant à la juridiction, de se prononcer sur les responsabilités et l’étendue des préjudices subis dans le cadre d’un éventuel recours en responsabilité ;

Article 3 : Le collège accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : En application de l’article R. 621-9 du code de justice administrative, le collège d’experts déposera son rapport au greffe du Tribunal administratif de Marseille en deux exemplaires (1 exemplaire numérique + 1 exemplaire papier) dans le délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Il notifiera une copie de son rapport à chacune des parties intéressées et, avec l’accord de celles-ci, utilisera à cette fin, dans la mesure du possible, des moyens électroniques.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E C, à l’Assistance publique hôpitaux de Marseille, à la Caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône. et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux et au collège d’experts.

Fait à Marseille, le 30 décembre 2022.

La juge des référés,

Signé

M. B

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des préventions en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P/Le greffier en chef,

Le greffier

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