Tribunal administratif de Montreuil, 23 février 2015, n° 1303798

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 23 févr. 2015, n° 1303798
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1303798
Sur renvoi de : Conseil d'État, 16 janvier 2014, N° 373416

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

N° 1303798

___________

SAS Lilly France

___________

M. Besson

Président-rapporteur

___________

M. Marmier

Rapporteur public

___________

Audience du 9 février 2015

Lecture du 23 février 2015

___________

19-06-04

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil,

(1re Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2013, présentée pour la SAS Lilly France, dont le siège est situé XXX à Neuilly-sur-Seine (92200 cedex), par Me Geneste ; la SAS Lilly France demande au tribunal :

1°) la restitution de la taxe sur les spécialités pharmaceutiques versée, en application de l’article 1600-0 N du code général des impôts, au titre de l’année 2011, à concurrence de 632 502 euros ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que cette taxe méconnaît l’article 30 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès lors qu’elle distingue entre deux faits générateurs selon que le dispositif médical est d’origine française, première vente après fabrication, ou étrangère, première vente après introduction sur le territoire français, ce qui a une incidence directe en termes d’assiette, laquelle est mécaniquement plus large pour les produits de fabrication étrangère que pour ceux fabriqués en France ; que l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de non-rétroactivité de la loi ont été méconnus, l’exigibilité et le fait générateur de la taxe acquittée en 2012 étant, pour l’essentiel, antérieurs à l’entrée en vigueur, le 23 décembre 2011, de la loi créant l’article 1600-0 N du code général des impôts ;

Vu la décision par laquelle le délégué chargé de la direction des grandes entreprises a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2013, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la taxe prévue à l’article 1600-0 N du code général des impôts relève d’un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de produits selon des critères objectifs appliqués indépendamment de leur origine, l’ensemble des médicaments destinés à être mis sur le marché français étant concernés et le fait générateur étant la première vente en France ; que la base d’imposition est uniforme et définie de manière parfaitement objective, s’agissant du chiffre d’affaires du redevable de chaque spécialité réalisé au cours de l’année civile précédente ; que le fait générateur et l’exigibilité de la taxe concernent seulement les ventes intervenues à compter du 1er janvier 2012, même si la matière imposable est constituée par les ventes effectuées en 2011 ; que la société requérante ne peut soutenir n’être redevable de la taxe qu’au titre des ventes réalisées après le 23 décembre 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2013, présenté pour la SAS Lilly France, par Me Geneste et Me Moraitou, qui pose une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article 1600-0 O du code général des impôts ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2013, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui conclut à la non transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;

Vu les mémoires rectificatif et en réplique, enregistrés le 6 novembre 2013, présentés pour la SAS Lilly France, tendant à la transmission au Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article 1600-0 N du code général des impôts ;

Vu le mémoire non communiqué, enregistré le 13 novembre 2013, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui prend acte de la régularisation de l’objet de la question et conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu la décision n° 373416 du 17 janvier 2014 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par la SAS Lilly France ;

Vu le mémoire non communiqué, enregistré le 3 février 2015, présenté pour la SAS Lilly France qui conclut aux mêmes fins que sa requête, le cas échéant après questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, notamment son article 26 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 février 2015 :

— le rapport de M. Besson, président ;

— les conclusions de M. Marmier, rapporteur public ;

— et les observations de Me Moraitou, pour la SAS Lilly France ;

1. Considérant que la SAS Lilly France demande au tribunal la restitution de la taxe sur les spécialités pharmaceutiques versée, en application de l’article 1600-0 N du code général des impôts, au titre de l’année 2011, à concurrence de 632 502 euros ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1600-0 N du code général des impôts, alors en vigueur, dans sa rédaction issue de l’article 26 la loi du 21 décembre 2011 portant loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 : « I. – Les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 256 A qui effectuent la première vente en France de médicaments et de produits de santé définis au II du présent article sont soumises à une taxe annuelle perçue au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. / II. – Les médicaments et produits de santé mentionnés au I sont les médicaments et produits de santé ayant fait l’objet d’un enregistrement au sens des articles L. 5121-13 et L. 5121-14-1 du code de la santé publique, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 au sens de l’article L. 5121-8 du même code, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne au sens du titre II du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, ou d’une autorisation d’importation parallèle en application de l’article L. 5124-13 du même code. / III. – L’assiette de la taxe est constituée, pour chaque médicament ou produit de santé mentionné au II, par le montant total hors taxe sur la valeur ajoutée des ventes, quelle que soit la contenance des conditionnements dans lesquels ces médicaments ou produits sont vendus, réalisées au cours de l’année civile précédente, à l’exclusion des ventes des médicaments et produits qui sont exportés hors de l’Union européenne, ainsi que des ventes de médicaments et produits expédiés vers un autre Etat membre de l’Union européenne et des ventes de médicaments orphelins au sens du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (…). : V. – La première vente en France au sens du I s’entend de la première vente intervenant après fabrication en France ou après introduction en France en provenance de l’étranger de médicaments et produits de santé mentionnés au II. / Le fait générateur de la taxe intervient lors de la première vente de chaque médicament ou produit de santé mentionné au même II. La taxe est exigible lors de la réalisation de ce fait générateur » ;

3. Considérant que la société Lilly France, qui importe des médicaments et produits de santé, soutient que l’article 1600-0 N du code général des impôts méconnaît les stipulations de l’article 30 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibant entre Etats membres les droits de douanes à l’importation ou taxes d’effet équivalent, en traitant différemment les entreprises selon qu’elles fabriquent ces produits en France ou qu’elles les importent ; que, toutefois, les dispositions précitées du code général des impôts prévoient, pour cette taxe perçue en France, un fait générateur identique pour toutes les entreprises qui y sont assujetties, qui est leur première vente en France ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 30 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doit être écarté ;

4. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 1600-0 N du code général des impôts que la taxe qu’elles créent est une taxe annuelle, applicable à compter du 1er janvier 2012, dont le fait générateur est ainsi postérieur à leur entrée en vigueur ; que le législateur a pu prévoir que l’assiette de la taxe serait définie par référence à des ventes réalisées pendant une période antérieure, sans que soient méconnus tant les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de non-rétroactivité de la loi ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une quelconque question préjudicielle, que la SAS Lilly France n’est pas fondée à demander la décharge de l’imposition litigieuse ; que doivent être rejetées, en conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Lilly France est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Lilly France et au délégué chargé de la direction des grandes entreprises.

Délibéré après l’audience du 9 février 2015, à laquelle siégeaient :

— M. Besson, président,

— Mme Pham, premier conseiller,

— Mme Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 février 2015.

Le président-rapporteur, L’assesseur le plus ancien,

Signé Signé

T. Besson C. Pham

Le greffier,

Signé

B. Lamy-Rested

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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