Tribunal administratif de Montreuil, 21 décembre 2020, n° 2013101

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 21 déc. 2020, n° 2013101
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2013101

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL

N° 2013101 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________
Mme Y Z-B AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ___________
Mme X Le juge des référés Juge des référés ___________

Ordonnance du 21 décembre 2020 ___________

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2020, Mme Y Z-B, représentée par Me Lebrun, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision de la Région Ile-de-France du 27 octobre 2020 portant refus de reconnaissance de l’accident du 3 mars 2020 comme étant imputable au service, ensemble et par voie de conséquence la décision du 28 octobre 2020 portant retrait de l’arrêté du 24 août 2020 de mise en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire ainsi que celles des 5 novembre et 16 novembre 2020 de mise en congé de maladie ordinaire à demi-traitement ;

2°) à titre principal, d’enjoindre à la Région Ile-de-France de reconnaître le caractère d’accident de service à l’événement survenu le 3 mars 2020, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l’ordonnance à intervenir ;

3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à la Région Ile-de-France de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d’un mois suivant la notification de l’ordonnance à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la Région Ile-de-France le versement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition tenant à l’urgence est satisfaite dès lors que les décisions litigieuses portent une atteinte grave et immédiate en réduisant de moitié son traitement alors qu’elle doit faire face à d’importantes charges financières ;

- la condition tenant au doute sérieux sur la légalité de la décision est satisfaite :



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à titre principal, au titre de la légalité interne :

- la décision litigieuse est entachée d’une inexactitude matérielle des faits ;

- elle est entachée d’une erreur de droit en ce que la présidente de la Région Ile-de-France s’est cru à tort en situation de compétence liée pour refuser la reconnaissance de l’imputabilité de l’accident du 3 mars 2020 au service ;

- elle est entachée d’une erreur de droit en ce que la présidente de la Région Ile-de-France a retenu que l’accident subi par elle le 3 mars 2020 n’était pas imputable au service ;

à titre subsidiaire, au titre de la légalité externe :

- la décision litigieuse est entachée d’une incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée de vices de procédures, premièrement, en tant que le médecin du service de médecine préventive n’a pas été informé de la réunion de la commission de réforme, deuxièmement, en tant qu’aucun médecin spécialiste n’était présent parmi les membres de la commission de réforme qui s’est réunie le 6 octobre 2020, troisièmement, en tant que la présidente de la commission de réforme s’est prononcée sur sa situation alors même qu’elle n’avait nullement voix délibérative et sur le fait, en conséquence, que seulement trois membres pouvaient, valablement émettre un avis sur sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2020, la présidente de la Région Ile-de-France conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est dépourvue d’urgence dès lors que Mme Z-B a souscrit à un contrat de prévoyance prenant à sa charge le maintien de 90% à 95% de son salaire, et qu’elle peut solliciter l’échelonnement du paiement de son impôt ;

- aucun des moyens soulevés n’est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

Les parties ont été informées, par un premier courrier du 30 novembre 2020, qu’il serait statué sans audience sur cette affaire, en application des dispositions de l’article 3 de l’ordonnance n°2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif, et que la clôture de l’instruction a été fixée au 14 décembre 2020, puis par un second courrier du 15 décembre 2020, sur le même fondement, que l’instruction a été rouverte et la clôture de l’instruction a été fixée au 16 décembre 2020.

Un mémoire, enregistré le 16 décembre 2020, a été présenté pour Mme Z-B par Me Lebrun (non communiqué).

Des pièces complémentaires, enregistrées le 18 décembre 2020, ont été présentées pour Mme Z-B par Me Lebrun (non communiquées).

Vu :

- la requête enregistrée sous le numéro 2013095 par laquelle Mme Z-B demande l’annulation de la décision attaquée, ensemble les décisions des 28 octobre 2020, 5 novembre et 16 novembre 2020 ;

- les pièces du dossier.



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Vu :

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- l’ordonnance n°2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme X pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Y Z-B, adjoint administratif territorial occupant les fonctions d’assistante de gestion au Pôle cohésion territoriale de la Région Ile-de-France, a chuté le 3 mars 2020 sur son lieu de travail et a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 19 mars 2020, la présidente de la Région Ile-de-France a reconnu l’imputabilité au service de cet accident et, par une décision du 24 août 2020, a placé Mme Z- B en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire. Après avoir saisi la commission de réforme, la présidente de la Région Ile-de-France, par une décision du 27 octobre 2020, a décidé de suivre l’avis de la commission de réforme et a estimé que l’accident du 3 mars 2020 n’était pas imputable au service, et que les arrêts à compter du 4 mars 2020 devaient être pris en charge au titre de la maladie ordinaire. Par une décision du 28 octobre 2020, la présidente de la Région Ile-de-France a retiré l’arrêté du 24 août 2020, et par deux décisions des 5 et 16 novembre 2020, a placé Mme Z-B en congé de maladie ordinaire à demi-traitement. Par la présente requête, Mme Z-B demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du 27 octobre 2020, ensemble, et par voie de conséquence, les décisions du 28 octobre 2020, des 5 novembre et 16 novembre 2020.

Sur les conclusions formées sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) ». Aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) ». Et aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (…) justifier de l’urgence de l’affaire ».



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En ce qui concerne l’urgence :

3. Il résulte des dispositions précitées que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte-tenu des circonstances de l’espèce.

4. La décision attaquée a pour conséquence la perte d’une partie de son traitement par Mme Z-B réduit de moitié, ce traitement étant, à taux plein, de 2030 euros mensuel environ. Il résulte de l’instruction et des pièces versées au dossier que Mme Z-B est dans une situation financière difficile dès lors qu’elle est redevable envers la Région d’un trop perçu de 3875,05 euros, qu’elle doit s’acquitter de la taxe d’habitation d’un montant de 1197 euros pour laquelle elle a obtenu un échéancier l’obligeant à s’acquitter du versement de 240 euros par mois jusqu’en mars 2021, qu’elle doit régler la somme de 1984 euros au service des impôts au titre de la somme qui lui reste à payer s’agissant de son impôt sur le revenu pour lequel elle a obtenu également un échéancier l’obligeant à s’acquitter du règlement de 496 euros par mois, sans compter ses factures d’électricité et autres dépenses de la vie courante. Si la région d’Ile de France invoque son contrat de prévoyance qui comporterait la garantie du maintien de salaire à hauteur d’au moins 90%, en tout état de cause, et à supposer même qu’elle en bénéficierait effectivement de façon immédiate, cette garantie ne couvre pas l’intégralité de cette perte de rémunération et eu égard aux charges mensuelles particulièrement importantes auxquelles l’intéressée doit faire face, la décision contestée doit être regardée comme portant à la situation de Mme Z-B une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une situation d’urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse :

5. Aux termes de l’article 21bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (…) / Le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. (…) / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service. / (…) ».

6. Le décret du 30 juillet 1987 pris pour l’application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l’organisation des comités médicaux, aux conditions d’aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable au présent litige, énonce en son article 9 : « Le médecin du service de médecine préventive prévu à l’article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée compétent à l’égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s’il le demande communication



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du dossier de l’intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 23, 24 et 33 ci-dessous. ».

7. En l’état de l’instruction, le moyen tiré du vice de procédure tenant à ce que le médecin de prévention n’a pas été informé de la réunion de la commission de réforme et de son objet, ce qui a privé en l’espèce l’intéressée d’une garantie, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée du 27 octobre 2020 et, par voie de conséquence, des décisions du 28 octobre 2020, du 5 novembre 2020 et du 16 novembre 2020. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision du 27 octobre 2020, et par voie de conséquence, des décisions précitées, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ».

9. Le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner, sur le fondement des articles L. 521-1 et suivants du code de justice administrative, la suspension d’une décision administrative de rejet d’une demande ou de certains de ses effets si, d’une part, l’urgence le justifie et si, d’autre part, l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Si ces conditions sont réunies, il lui appartient, saisi ou non de conclusions à cette fin, d’assortir la suspension de l’indication des obligations provisoires qui en découleront pour l’administration. Par suite, un requérant est recevable à assortir ses conclusions tendant à la suspension d’une décision administrative de conclusions présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Il appartient en ce cas au juge des référés, dans les limites des pouvoirs qu’il détient, de statuer sur de telles conclusions.

10. La suspension de l’exécution des décisions attaquées implique nécessairement compte tenu du moyen d’illégalité externe retenu pour le prononcé de cette suspension que la Région Ile- de-France réexamine la situation de la requérante et la replace durant ce réexamen, à titre provisoire, à plein traitement dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond. Il est enjoint à la présidente de la Région Ile-de-France de procéder en ce sens.

11. Le surplus des conclusions de la requérante à fin d’injonction doit, en revanche, être rejeté compte tenu ce qui a été dit précédemment.

Sur les conclusions formées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».



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13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Région Ile- de-France le versement d’une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme Z- B et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision du 27 octobre 2020, ensemble celles du 28 octobre 2020, du 5 novembre 2020 et du 16 novembre 2020 est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête au fond.

Article 2 : Il est enjoint à la présidente de la Région Ile-de-France de réexaminer la situation de Mme Z-B et de la replacer durant ce réexamen, à titre provisoire, à plein traitement dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.

Article 3 : La Région Ile-de-France versera à Mme Z-B la somme de 1 000 (mille) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Y Z-B et à la présidente de la Région Ile-de-France.

Fait à Montreuil, le 21 décembre 2020.

Le juge des référés,

Signé
M. X

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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