Tribunal administratif de Montreuil, 2ème chambre, 6 novembre 2023, n° 2303024

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 2e ch., 6 nov. 2023, n° 2303024
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2303024
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 21 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Sous le n° 2303024, par une requête enregistrée le 13 mars 2023, Mme H épouse C, représentée par Me Reynolds, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle pourrait être reconduite ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

La décision portant refus de titre de séjour :

— est entachée d’incompétence ;

— est insuffisamment motivée et est entachée d’un défaut d’examen sérieux de sa situation personnelle ;

— méconnaît les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au regard de sa situation personnelle et professionnelle ;

— méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

— méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant, dès lors qu’elle a pour effet de la séparer de son fils.

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

— est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

— est entachée d’incompétence ;

— méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

— méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant, dès lors qu’elle a pour effet de la séparer de son fils.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

II. Sous le n° 2303026, par une requête enregistrée le 13 mars 2023, M. J C, représenté par Me Reynolds, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être reconduit ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

La décision portant refus de titre de séjour :

— est entachée d’incompétence ;

— est insuffisamment motivée ;

— méconnaît les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au regard de sa situation personnelle et professionnelle ;

— méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

— méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant, dès lors qu’elle a pour effet de le séparer de son fils.

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

— est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

— est entachée d’incompétence ;

— méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

— méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant, dès lors qu’elle a pour effet de le séparer de son fils.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Les époux C ont chacun été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2023.

Vu :

— les arrêtés attaqués ;

— les autres pièces des dossiers.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique, le rapport de Mme Hardy a été entendu, aucune des parties n’étant présente ou représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H épouse C et M. J C, ressortissants mauriciens, ont sollicité, le 27 janvier 2022, leur admission exceptionnelle au séjour. Ils demandent l’annulation des deux arrêtés du 24 octobre 2022 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 2303024 et n° 2303026 susvisées sont relatives à la situation des époux C et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même jugement.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

3. Par un arrêté n° 2022-0840 du 1er avril 2022, régulièrement publié au bulletin d’informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme Valérie Régnier, directrice des étrangers et des naturalisations, aux fins de signer les décisions en litige. Par un arrêté n° 2022-2867 du 17 octobre 2022, régulièrement publié le 18 octobre 2022 au bulletin d’informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le préfet de ce département a donné délégation à M. Vincent Pizana, chef du bureau de l’accueil et de l’admission au séjour, en cas d’absence ou d’empêchement de Mme Valérie Régnier, aux fins de signer les décisions en litige, et, en cas d’absence ou d’empêchement de ce dernier, à Mme Marie-Hélène Oberti, adjointe au chef du bureau de l’accueil et de l’admission au séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n’est d’ailleurs pas soutenu que Mme Régnier et M. Pizana n’auraient pas été absents ou empêchés. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, les décisions attaquées, qui ne doivent pas nécessairement faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle des intéressés, comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, les décisions litigieuses sont suffisamment motivées. En outre, il ne ressort ni des termes de la décision du 24 octobre 2022 dont Mme C a été destinataire, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait abstenu de se livrer à un examen sérieux de la situation personnelle de cette dernière.

5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » salarié « , » travailleur temporaire « ou » vie privée et familiale « , sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1 () ».

6. Il ressort des pièces du dossier que les requérants vivent habituellement sur le territoire français depuis 2015. Si les époux C établissent, par les bulletins de salaire qu’ils versent aux débats, que Mme C a effectué régulièrement des prestations de nettoyage et d’aide à la personne chez des particuliers du mois de mai 2018 au mois de novembre 2021, et que M. C a travaillé pour une société de nettoyage du 2 novembre 2018 au mois de novembre 2021, soit des durées de travail respectives de trois ans et demi et trois ans à la date de la décision attaquée, leur insertion professionnelle est toutefois récente, porte sur une quotité de travail mensuelle très réduite, s’agissant de Mme C, et partielle, s’agissant de M. C, et est discontinue, dès lors que les requérants n’établissent pas avoir poursuivi d’activité professionnelle après le mois de novembre 2021. S’ils font valoir que leur fils, âgé de 17 ans, est scolarisé depuis 2015 et qu’il poursuit actuellement sa scolarité en France, chacun des membres de la famille est en situation irrégulière, et aucun obstacle ne s’oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue à l’île Maurice où réside leur fille et où M. et Mme C ont vécu, respectivement, jusqu’à l’âge de 43 ans et 50 ans. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, estimer que les requérants ne justifiaient pas de motifs exceptionnels pour pouvoir prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre de leur vie privée et familiale et au titre d’une activité salariée.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale () – 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

8. En faisant valoir l’ancienneté de leur présence en France, qu’ils sont insérés professionnellement et que leur fils est scolarisé en France, les requérants n’établissent pas l’existence de liens personnels et familiaux tels que le refus d’autoriser leur séjour porterait à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, dans la mesure où, comme il a été dit au point 6, s’ils justifient d’une ancienneté de séjour de sept ans à la date de la décision attaquée, leur insertion professionnelle est relativement récente et dépourvue de continuité, et où l’ensemble des membres de la famille est en situation irrégulière. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations précitées et n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des époux C.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale () ». Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Comme il a été dit au point 6, aucun obstacle ne s’oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue à l’île Maurice, où le fils des époux C, en situation irrégulière, pourra poursuivre sa scolarité. En conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée, qui n’a pas pour effet, contrairement à ce qui est soutenu, de les séparer de leur fils, a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, en l’absence d’illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l’illégalité de ces décisions, soulevé par la voie de l’exception contre les décisions attaquées, doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale () – 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8 du présent jugement, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

14. En troisième lieu, aux termes de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale () ». Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

15. Comme il a été dit aux point 6 et 10, aucun obstacle ne s’oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue à l’île Maurice, où le fils des requérants pourra poursuivre sa scolarité. En conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des stipulations précitées de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes des époux C doivent être rejetées en toutes leurs conclusions.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme H épouse C, à M. J C et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l’audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albert Myara, président,

M. Emmanuel Laforêt, premier conseiller,

Mme Marjorie Hardy, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2023.

La rapporteure,

M. Hardy

Le président,

A. Myara

La greffière,

I. Dad

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Nos 2303024,2303026

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