Tribunal administratif de Nancy, 28 décembre 2022, n° 2203610

  • Suspension·
  • Justice administrative·
  • Passeport·
  • Carte de séjour·
  • Autorisation de travail·
  • Aide juridictionnelle·
  • Injonction·
  • Urgence·
  • Fins·
  • Pays

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Nancy, 28 déc. 2022, n° 2203610
Juridiction : Tribunal administratif de Nancy
Numéro : 2203610
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Non-lieu
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

A une requête enregistrée le 14 décembre 2022, M. D C, représenté A Me Jeannot, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de lui accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de suspendre, jusqu’à la décision au fond, les effets des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle du 6 septembre 2022, remises le 8 novembre 2022, de délivrance d’un récépissé sans autorisation de travail et mentionnant « X se disant », sans nationalité ni pays de naissance identifiés et des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle de retenue de son passeport et de refus implicite de le lui restituer ;

3°) d’enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de 1 000 euros A jour de retard compte tenu du risque de non-exécution :

— de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail d’une durée d’au moins six mois, sans « X se disant » et mentionnant sa nationalité et son pays de naissance dans un délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

— de lui restituer son passeport dans le délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Il soutient que :

— la condition d’urgence posée A l’article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite compte tenu de la gravité de l’atteinte portée à ses droits ; les deux premières décisions administratives contestées ont des conséquences graves dès lors qu’il ne peut pas travailler et ne peut pas faire valoir son identité et la régularité de son séjour auprès des diverses administrations ; l’absence de restitution de son passeport l’empêche de disposer d’un document lui permettant de justifier de son identité et de se déplacer librement ;

— il existe un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées dès lors que ces dernières sont entachées d’incompétence et ne sont pas suffisamment motivées ; la décision de délivrance d’un récépissé sans autorisation de travail est entachée d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et méconnaît plusieurs libertés fondamentales ; la décision de refus de délivrance d’un récépissé comportant ses éléments d’identité complets méconnaît son droit à l’identité et son droit à une vie privée et familiale normale, elle est entachée d’une erreur de fait et d’une erreur de droit ; les décisions de retenue de son passeport et de refus de restitution de ce passeport sont entachées d’une erreur de droit dès lors qu’elles sont dépourvues de tout fondement légal et qu’en tout état de cause la retenue de son passeport n’est ni nécessaire ni proportionnée.

A un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête de M. C.

Il fait valoir :

— s’agissant des conclusions aux fins de suspension dirigées contre le récépissé de demande de titre de séjour sans autorisation de travail valable du 6 septembre 2022 au 3 avril 2023 : elles sont devenues sans objet dès lors qu’un récépissé avec autorisation de travail a été délivré à l’intéressé le 14 décembre 2022 ;

— s’agissant des conclusions aux fins de suspension dirigées contre le récépissé de demande de titre de séjour établi avec la mention « X se disant » et la nationalité « indéterminée » : le requérant ne justifie pas de l’urgence qu’il y aurait à suspendre cette décision ; aucun des moyens soulevés n’est de nature à établir que la rédaction adoptée serait entachée d’un doute sérieux quant à sa légalité ;

— s’agissant des conclusions aux fins de suspension dirigées contre le refus implicite de restitution du passeport de M. C : elles sont devenues sans objet dès lors que l’intéressé a été convoqué en préfecture le 20 décembre 2022 pour obtenir la restitution de l’original de son passeport.

Vu :

— la requête enregistrée le 14 décembre 2022 sous le n° 2203609 A laquelle M. C demande au tribunal d’annuler les décisions attaquées ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Coudert, vice-président, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 27 décembre 2022 à 10h00 :

— le rapport de M. Coudert, juge des référés, qui informe en outre les parties qu’il est susceptible de prononcer d’office un non-lieu à statuer sur l’ensemble des conclusions aux fins de suspension et d’injonction de la requête dès lors qu’un nouveau récépissé a été délivré le 14 décembre 2022 à M. C ;

— les observations de Me Jeannot, représentant M. C, qui conclut aux mêmes fins que la requête A les mêmes moyens et soutient en outre que le nouveau récépissé, s’il l’autorise à travailler, comporte toujours les mentions « X se disant » et « indéterminée » s’agissant de sa nationalité et ne précise toujours pas son pays de naissance ; que ces mentions et imprécisions lui sont extrêmement préjudiciables dès lors que toutes les autres administrations les reprennent dans leurs documents et qu’elles sont de nature à décourager un employeur ; qu’à ce jour la préfecture n’est pas en mesure d’établir que son identité et sa nationalité seraient inexactes ; que les pratiques de la préfecture ne reposent sur aucun fondement légal ;

— les observations de Mme B, représentant le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire A les mêmes moyens.

La clôture d’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience à 10h30.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, né le 10 avril 2003 à Issia (Côte d’Ivoire), est entré en France au cours de l’année 2018. Il a été pris en charge en qualité de mineur isolé A les services de l’aide sociale à l’enfance du département de Meurthe-et-Moselle. Un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » lui a été délivré au titre de la période du 4 octobre 2021 au 3 octobre 2022. Il a sollicité le 8 août 2022 le renouvellement de ce titre de séjour. Dans le cadre de l’instruction de cette demande M. C s’est vu remettre le 8 novembre 2022 un récépissé de demande de carte de séjour valable pour la période du 6 septembre 2022 au 3 avril 2023. A la présente requête, M. C demande la suspension de l’exécution de cette décision en tant que ce récépissé ne l’autorise pas à travailler, qu’il comporte les mentions « X se disant » et « Nationalité : Indéterminée » et qu’il ne précise pas son pays de naissance. En outre, M. C, qui avait remis l’original de son passeport le 2 juillet 2021, demande la suspension de l’exécution des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle portant retenue de son passeport et refus implicite de lui restituer ce document.

Sur les conclusions aux fins d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée A la juridiction compétente ou son président » et aux termes de l’article 61 du décret du 28 décembre 2020 : « L’admission provisoire peut être accordée dans une situation d’urgence (). L’admission provisoire est accordée A le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme A l’intéressé, soit d’office si celui-ci a présenté une demande d’aide juridictionnelle ou d’aide à l’intervention de l’avocat sur laquelle il n’a pas encore été statué ».

3. Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de M. C au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions aux fins de suspension et d’injonction de la requête de M. C :

4. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

En ce qui concerne l’étendue du litige :

5. Il résulte de l’instruction que, d’une part, le préfet de Meurthe-et-Moselle a délivré le 14 décembre 2022 à M. C un nouveau récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu’au 3 avril 2023 qui l’autorise à travailler et, d’autre part, M. C s’est vu restituer l’original de son passeport le 20 décembre 2022. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la suspension de l’exécution de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant que le récépissé délivré à M. C ne l’autorisait pas à travailler et les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint sous astreinte au préfet de lui délivrer un récépissé comportant une telle autorisation sont devenues sans objet. Il en va de même des conclusions tendant à la suspension de l’exécution des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle portant retenue du passeport de M. C et refus implicite de lui restituer ce document ainsi que des conclusions aux fins d’injonction correspondantes. Il n’y a pas lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions aux fins de suspension et d’injonction de la requête.

En ce qui concerne le surplus des conclusions aux fins de suspension et d’injonction :

6. Il résulte de l’instruction que le récépissé de demande de carte de séjour délivré à M. C le 14 décembre 2022 comporte toujours les mentions « X se disant » et « Nationalité : Indéterminée » et ne précise pas son pays de naissance. Il y a lieu, A suite, de se prononcer, dans cette mesure, sur les conclusions aux fins de suspension et d’injonction de la requête.

7. La condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies A le requérant, si les effets de cette décision sur sa situation ou, le cas échéant, des autres personnes concernées, sont de nature à caractériser, à la date à laquelle il statue, une urgence justifiant que, sans attendre le jugement du recours au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

8. A l’appui de sa demande de suspension M. C soutient qu’il ne peut pas travailler et qu’il ne peut pas faire valoir son identité et la régularité de son séjour auprès des diverses administrations en raison du caractère ambigu et stigmatisant de ces mentions. Toutefois, il résulte de l’instruction que la carte de séjour temporaire délivrée à M. C le 4 octobre 2021 comportait également les mentions « X se disant » et « Nationalité : Indéterminée » et le requérant n’apporte aucun élément permettant d’établir que les mentions litigieuses, qui n’affectent pas la régularité de son séjour sur le territoire français, aient fait obstacle ou seraient susceptibles de faire obstacle à court terme à l’aboutissement d’une démarche administrative ou professionnelle de l’intéressé, la société Menuiserie Thincelin ayant ainsi conclu avec lui un contrat d’insertion le 16 juin 2022 sur la base de cette carte de séjour et accepté le 25 octobre 2022 le renouvellement de son contrat de travail sous réserve du renouvellement de son titre de séjour. La seule circonstance que le récépissé ne précise pas le pays de naissance de M. C, contrairement à sa carte de séjour, n’est pas susceptible de préjudicier de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant dès lors que ce récépissé n’est valable qu’accompagné de la carte de séjour. Il résulte de ce qui précède que le requérant ne justifie pas d’une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation permettant de caractériser une urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

9. Il suit de là que le surplus des conclusions de la requête de M. C aux fins de suspension et d’injonction sous astreinte doit être rejeté.

Sur les frais liés à l’instance :

10. La présente ordonnance admettant provisoirement M. C au bénéfice de l’aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, sous réserve que Me Jeannot, avocate de M. C, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et sous réserve de l’admission définitive de son client à l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 000 euros. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. C A le bureau d’aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sera versée à M. C.

O R D O N N E :

Article 1er : M. C est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C tendant à la suspension de l’exécution, d’une part, du récépissé qui lui a été délivré en tant qu’il ne l’autorisait pas à travailler et, d’autre part, des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle portant retenue de son passeport et refus implicite de lui restituer ce document, ainsi que sur les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte correspondantes.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Jeannot sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, sous réserve qu’elle renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D C, au ministre de l’intérieur et des outre-mer et à Me Jeannot.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Meurthe-et-Moselle

Fait à Nancy, le 28 décembre 2022.

Le juge des référés,

B. Coudert

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Nancy, 28 décembre 2022, n° 2203610