Tribunal administratif de Nantes, - asile - 15 jours, 30 décembre 2022, n° 2216471

  • Etats membres·
  • Règlement (ue)·
  • Asile·
  • Entretien·
  • Responsable·
  • L'etat·
  • Information·
  • Parlement européen·
  • Parlement·
  • Union européenne

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Nantes, - asile - 15 jours, 30 déc. 2022, n° 2216471
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2216471
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2022, M. B C, représenté par Me Le Roy, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le remettre aux autorités néerlandaises ;

2°) d’enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d’asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— l’arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

— cet arrêté est insuffisamment motivé ;

— cet arrêté est illégal dès lors que le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

— il n’est pas établi qu’il se soit effectivement vu délivrer, dans une langue qu’il comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l’article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

— il n’est pas établi que l’entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu’il n’a pas été informé de l’identité et de la qualification de la personne qui a mené l’entretien et qu’il n’est pas établi que cette personne ait été qualifiée pour le faire ;

— l’arrêté attaqué est entaché d’erreur de fait ;

— l’arrêté de transfert est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Le préfet de Maine-et-Loire a produit des pièces, enregistrées le 28 décembre 2022.

M. C a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du Tribunal a désigné M. Gauthier, premier conseiller, pour statuer sur les litiges relevant du contentieux des décisions de transfert vers l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile et d’assignation à résidence.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 29 décembre 2022 à 10h30 :

— le rapport de M. Gauthier, magistrat désigné ;

— et les observations de Me Le Roy, représentant M. C, en présence de M. C, assisté de Mme E, interprète.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le requérant, se disant notamment M. B C ressortissant marocain né le 6 mars 2004, déclare être entré irrégulièrement en France en avril 2021. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l’asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 25 octobre 2022. Le relevé de ses empreintes digitales et la consultation du fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées aux Pays-Bas, en Suède, au Danemark et en Allemagne et qu’il avait déposé des demandes d’asile dans ces Etats. Le préfet a saisi notamment les autorités néerlandaises, le 9 novembre 2022, d’une demande de reprise en charge de M. C. Les autorités néerlandaises ont accepté leur responsabilité dans l’examen de la demande d’asile de l’intéressé, par un accord explicite le 17 novembre 2022. Le préfet de Maine-et-Loire a pris à l’encontre de M. C un arrêté du 2 décembre 2022 par lequel il a décidé de le remettre aux autorités néerlandaises. Par la présente requête, M. C demande l’annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté du 31 août 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, donné délégation à M. D F, adjoint à la cheffe du pôle régional Dublin à la direction de l’immigration et des relations avec les usagers à la préfecture, auteur de la décision attaquée, en cas d’absence ou d’empêchement de M. A, directeur de l’immigration et des relations avec les usagers et de Mme G, cheffe du pôle, dont il n’est pas établi qu’ils n’étaient pas absents ou empêchés, à l’effet de signer les décisions d’application du règlement « Dublin III » prises à l’égard des ressortissants étrangers, notamment les décisions de transfert. Dès lors, le moyen tiré de l’absence de délégation de signature régulière de l’auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l’arrêté de transfert attaqué vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et mentionne que M. C a présenté une demande d’asile à la préfecture de la Loire-Atlantique le 25 octobre 2022, que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l’intéressé a sollicité l’asile auprès des autorités néerlandaises, que celles-ci saisies d’une requête en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ont explicitement donné leur accord à la reprise en charge de l’intéressé. En outre, l’arrêté attaqué mentionne la situation personnelle de M. C. Il ressort clairement des éléments évoqués dans cette motivation que le critère de détermination est celui prévu au paragraphe 1 de l’article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, l’arrêté attaqué est suffisamment motivé.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : « 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, (). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c’est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l’article 5. / () ». Il résulte de ces dispositions que le demandeur d’asile auquel l’administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu’il est susceptible d’entrer dans le champ d’application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l’autorité administrative décide de refuser l’admission provisoire au séjour de l’intéressé au motif que la France n’est pas responsable de sa demande d’asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu’il comprend. Cette information doit comprendre l’ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l’article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l’autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d’asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C a attesté par sa signature, le 25 octobre 2022, avoir reçu communication du guide du demandeur d’asile et de l’information sur les règlements communautaires constitués de la brochure A intitulée « J’ai demandé l’asile dans l’Union européenne – quel pays sera responsable de ma demande ' » et de la brochure B intitulée « Je suis sous procédure Dublin – qu’est-ce que cela signifie ' ». L’information requise a ainsi été donnée à M. C avant la décision par laquelle le préfet a décidé de son transfert vers l’Etat membre responsable de sa demande d’asile. Le requérant n’est, par suite, pas fondé à soutenir qu’il n’a pas bénéficié d’une information complète sur ses droits en temps utile. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4. / 2. L’entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l’article 4, le demandeur a déjà fourni par d’autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l’État membre responsable. L’État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l’État membre responsable avant qu’une décision de transfert du demandeur vers l’État membre responsable soit prise conformément à l’article 26, paragraphe 1. / 3. L’entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu’une décision de transfert du demandeur vers l’État membre responsable soit prise conformément à l’article 26, paragraphe 1. / 4. L’entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d’assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien individuel. / 5. L’entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L’État membre qui mène l’entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l’entretien. Ce résumé peut prendre la forme d’un rapport ou d’un formulaire type. L’État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C a bénéficié le 25 octobre 2022, soit avant l’intervention de l’arrêté attaqué, d’un entretien individuel tel que prévu par les dispositions précitées de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, réalisé à la préfecture de la Loire-Atlantique avec le concours d’un interprète assermenté de l’association ISM Interprétariat en langue arabe. Il n’est pas établi que M. C, qui, à cette occasion, a été interrogé sur son parcours migratoire, n’aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation. Par ailleurs, aucun élément du dossier n’établit que cet entretien n’aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ou que cet entretien n’aurait pas été réalisé dans des conditions garantissant sa confidentialité. En outre, l’absence d’indication de l’identité et de la qualité de l’agent de la préfecture de la Loire-Atlantique ayant conduit l’entretien n’a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n’aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C.

9. En sixième lieu, si le requérant, se disant notamment M. B C ressortissant marocain né le 6 mars 2004, a déclaré de très nombreuses identités, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l’ordonnance d’ouverture d’une tutelle d’État prise le 2 août 2021 par la vice-présidente aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes, que le juge judiciaire a admis la date du 6 mars 2004 comme date de naissance de l’intéressé. Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d’une erreur de fait en estimant que l’intéressé était majeur à la date de l’arrêté attaqué.

10. En septième lieu, aux termes de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : « () Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable () ». L’article 17 du même règlement dispose que : « 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement () ».

11. En l’absence de sérieuses raisons de croire qu’il existe aux Pays-Bas des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d’asile, les allégations de M. C ne permettent pas d’établir qu’il y sera soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par ailleurs, si le requérant se prévaut de problèmes de santé susceptibles de révéler un état de vulnérabilité, les pièces médicales versées au dossier ne permettent pas de penser que le suivi d’une telle pathologie ne pourrait pas être correctement assuré aux Pays-Bas. Dans ces conditions, M. C n’est pas fondé à soutenir qu’en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation et aurait méconnu les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C ne peut qu’être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C, à Me Le Roy et au préfet de Maine-et-Loire.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

E. GAUTHIER

La greffière,

M.-C. MINARD

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Nantes, - asile - 15 jours, 30 décembre 2022, n° 2216471