Tribunal administratif de Nantes, 1ère chambre, 27 décembre 2022, n° 2202007

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 1re ch., 27 déc. 2022, n° 2202007
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2202007
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2022 et 22 juin 2022, Mme C A, représentée par Me Guilbaud, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 26 août 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d’office lorsque ce délai sera expiré ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, dans l’attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique.

Elle soutient que :

S’agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

— elle méconnaît l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— elle méconnaît l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’un défaut d’examen de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S’agissant de la décision fixant le pays de destination :

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

— l’illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français la prive de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.

Mme A a été admise à l’aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. B de Baleine, président, a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C A, ressortissante ivoirienne née le 20 décembre 2002 en Côte d’Ivoire, est entrée sur le territoire français dans des conditions irrégulières et a été initialement prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance du département de la Loire-Atlantique pour la période du 28 septembre au 2 octobre 2017. Par une ordonnance du juge des tutelles près le tribunal de grande instance de Nantes du 8 décembre 2017, sa tutelle a été confiée au conseil départemental de la Loire-Atlantique, pour la période du 8 décembre 2017 au 19 décembre 2020. Elle a ensuite bénéficié d’un contrat « jeune majeur », signé le 2 juin 2021. En 2021, elle a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » en sa qualité d’étrangère confiée au service de l’aide sociale à l’enfance au plus tard à l’âge de seize ans ou au titre de l’admission exceptionnelle au séjour. Par l’arrêté du 26 août 2021 dont elle demande l’annulation, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à cette demande et assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d’office à l’issue de ce délai.

Sur les conclusions aux fins d’annulation et d’injonction :

2. Aux termes de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s’il entre dans les prévisions de l’article L. 421-35, l’étranger qui a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ».

3. Lorsqu’il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’il a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu’en raison de la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française. Le juge de l’excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

4. Pour refuser de délivrer à Mme A le titre de séjour prévu à l’article L. 423-22 précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de la Loire-Atlantique a relevé que la requérante ne justifiait pas d’une scolarité réelle et sérieuse, le bulletin du deuxième semestre de l’année scolaire 2020-2021 mentionnant une moyenne générale de 9,09 sur 20 et l’intéressée n’ayant par ailleurs pas obtenu son certificat d’aptitude professionnelle en juin 2021.

5. Il ressort des pièces du dossier qu’après avoir été scolarisée en classe de 3ème dans un collège à Nantes au cours de l’année 2017/2018 puis, au cours de l’année 2018/2019, en classe de 3ème dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants au sein d’un collège d’Ancenis, la requérante a été inscrite à compter du mois de septembre 2019 dans un centre de formation d’apprentis relevant de la chambre de métiers et de l’artisanat en vue de la préparation, en deux ans, d’un certificat d’aptitude professionnelle de cuisine. Dans ce cadre, un contrat d’apprentissage couvrant ces deux années de formation professionnelle a été conclu au mois de septembre 2019 entre le département, l’intéressée et la chambre de métiers et de l’artisanat. Si l’intéressée, avec une moyenne, médiocre, de 7, 87/20 à l’issue du second semestre, n’a pas obtenu au mois de juin 2021, avec une moyenne de 7, 44/20, ce certificat d’aptitude professionnelle, cette circonstance ne suffit pas à établir le défaut de caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, qui ne peut s’apprécier au regard des seuls derniers résultats de la scolarité, alors qu’avec des moyennes de 13, 67/20 et 13,50/20 elle avait obtenu de bons résultats pendant les deux semestres de l’année 2019/2020 et, avec une moyenne de 11, 33/20, des résultats honorables au cours du premier semestre de l’année 2020/2021. L’avis de la structure d’accueil est favorable quant à l’insertion dans la société française, en dépit d’un faible niveau d’instruction lors de l’arrivée en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’intéressée aurait conservé des liens particuliers avec la famille demeurée dans le pays d’origine. Dès lors, eu égard à l’ensemble de ces éléments, le préfet de la Loire-Atlantique s’est livré à une inexacte application des dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en refusant à Mme A la carte de séjour temporaire qu’elle avait demandée sur ce fondement.

6. Il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à demander l’annulation de la décision du 26 août 2021. Les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination en cas d’éloignement d’office doivent, en conséquence, également être annulées.

7. Il ne résulte pas de l’instruction que la requérante poursuivrait une formation professionnelle à la date de la présente décision, notamment en vue d’obtenir le certificat d’aptitude professionnelle qu’elle n’a pas eu à l’issue de l’année scolaire 2020/2021. Elle est la mère d’une enfant née en France le 26 mai 2022 et dont le père est un ressortissant ivoirien né en 2001, qui a reconnu l’enfant le 1er février 2022 et qui réside en France sous couvert d’une carte de séjour temporaire valable jusqu’au 9 décembre 2022. Dès lors, compte tenu de son motif, l’annulation prononcée par le présent jugement implique nécessairement que le préfet de la Loire-Atlantique réexamine la situation de Mme A, dans un délai qu’il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification du présent jugement, en la munissant, dès cette notification, d’une autorisation provisoire de séjour l’autorisant, conformément au 3° de l’article R. 431-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à exercer une activité professionnelle. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Guilbaud de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

D É C I D E :

Article 1er : L’arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 26 août 2021 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de Mme A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et, dès cette notification, de la munir d’une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à exercer une activité professionnelle.

Article 3 : L’Etat versera à Me Louise Guilbaud la somme de 1 200 euros au titre de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A, au préfet de la Loire-Atlantique et à Me Louise Guilbaud.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. B de Baleine, président,

Mme Thomas, première conseillère,

Mme Milin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

A. B DE BALEINE

L’assesseure la plus ancienne

dans l’ordre du tableau,

S. THOMAS

La greffière,

L. LÉCUYER

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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