Tribunal administratif de Nantes, 7ème chambre, 9 novembre 2022, n° 1810496

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 7e ch., 9 nov. 2022, n° 1810496
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 1810496
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 11 novembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 6 novembre 2018 et le 24 juin 2020, M. B A, représenté par Me Lahalle puis par Me Meunier, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 22 mai 2018 par laquelle le centre hospitalier du Mans a rejeté sa demande de prise en charge de trois factures au titre de la protection fonctionnelle, ensemble la décision du 17 septembre 2018 de rejet de son recours gracieux ;

2°) d’enjoindre au centre hospitalier du Mans de verser à son conseil le montant de la totalité des factures qui lui ont été adressées ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans une somme de 2 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il n’est pas justifié de la compétence du signataire des décisions attaquées ;

— les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

— elle sont entachées d’une erreur de droit dès lors que le centre hospitalier du Mans lui a accordé la protection fonctionnelle par décision du 3 juillet 2015, sans aucune réserve ou condition ; en tout état de cause, l’action indemnitaire relative au harcèlement moral concerne les agissements de sa supérieure hiérarchique ;

— elles sont entachées d’une erreur d’appréciation dès lors qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a subi des agissements caractérisant une situation de harcèlement moral, se traduisant par des préjudices et des arrêts de travail imputables au service.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2020, le centre hospitalier du Mans, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

— les factures qu’il lui est demandé de prendre en charge ne sont pas en lien direct avec la protection fonctionnelle accordée à M. A ;

— M. A n’apporte pas la preuve du paiement effectif des honoraires qu’il lui demande de prendre en charge ;

— aucun des moyens invoqués par le requérant n’est fondé.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

— l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Baufumé, rapporteure,

— les conclusions de Mme Dubus, rapporteure publique,

— et les observations de Me Meunier représentant M. A et de Me Tricaud, substituant Me Lesné et représentant le centre hospitalier du Mans.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, né le 4 mai 1955, maître ouvrier titulaire au sein du centre hospitalier du Mans depuis le 6 juin 1994, a exercé en mi-temps thérapeutique puis, à compter de l’année 2012, à temps plein, les fonctions de préparateur au sein du magasin général de l’établissement hospitalier. A la suite d’agissements de sa supérieure hiérarchique, qu’il a considérés comme étant constitutifs de harcèlement moral, il a adressé à son employeur une déclaration initiale d’accident du travail le 19 décembre 2014 et a sollicité, par courrier du 24 juin 2015, l’octroi de la protection fonctionnelle. Par décision du 3 juillet 2015, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier du Mans lui a accordé le bénéfice de cette protection fonctionnelle.

2. Par courrier du 9 mai 2018, M. A a adressé à l’établissement de santé une demande de prise en charge de trois factures d’honoraires d’avocat portant respectivement les numéros 2017-1334, 2017-1335 et 2018-0373, la première correspondant à un contentieux tendant à l’annulation d’une décision refusant de reconnaître l’imputabilité au service de ses arrêts de travail et soins et les deux dernières correspondant à un contentieux tendant à l’indemnisation des préjudices qu’il estime avoir subis en raison des agissements harcelants de la part de sa supérieure hiérarchique au sein du magasin général. Par une décision du 22 mai 2018, le centre hospitalier du Mans a refusé de prendre en charge ces factures. Par courrier du 19 juillet 2018, M. A a formé un recours gracieux à l’encontre de cette décision, expressément rejeté par l’établissement de santé par décision 17 septembre 2018.

3. Par la présente requête, M. A demande l’annulation de la décision du 22 mai 2018, ensemble celle de la décision du 17 septembre 2018 rejetant son recours gracieux

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Lorsque le juge de l’excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l’annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l’annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d’annulation, des conclusions à fin d’injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l’autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l’excès de pouvoir d’examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l’injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d’injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 911-2.

En ce qui concerne les décisions attaquées en tant qu’elles rejettent la demande de prise en charge de la facture n° 2017-1334 établie dans le cadre du contentieux « procédure accident du travail » :

5. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 6° refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir () ». Aux termes de l’article L. 211-5 de ce code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

6. En l’espèce, la décision du 22 mai 2018 par laquelle le directeur des ressources humaines a notamment rejeté la demande de prise en charge de la facture n° 2017-1334 établie dans le cadre du contentieux « procédure accident du travail » est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées. Si cette décision indique notamment que la protection fonctionnelle a été accordée à M. A dans le cadre du contentieux qui l’oppose à sa supérieure hiérarchique et non dans le cadre du recours qui l’oppose à l’établissement de santé et qui tend à l’annulation d’une décision refusant la reconnaissance de l’imputabilité au service de ses prolongations d’arrêts de travail, elle ne comporte en revanche aucun motif de droit. Par suite, M. A est fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée en droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 22 mai 2018, ensemble celle du 17 septembre 2018 de rejet du recours gracieux formé par M. A, doivent être annulées en tant qu’elles rejettent la demande de prise en charge de la facture n° 2017-1334 établie dans le cadre du contentieux « procédure accident du travail ».

En ce qui concerne les décisions attaquées en tant qu’elles rejettent la demande de prise en charge des factures n° 2017-1335 et n° 2018-0373 établies dans le cadre du contentieux « harcèlement moral » :

8. D’une part, des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l’agent public qui en est l’objet, d’obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et il n’est pas contesté, que, par décision du 3 juillet 2015, le centre hospitalier du Mans a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. A dans le cadre du conflit l’opposant à sa supérieure hiérarchique.

9. D’autre part, les dispositions mentionnées au point 8 ci-dessus établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu’ils ont été victimes d’attaques à raison de leurs fonctions, sans qu’une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l’agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu’il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l’administration à assister son agent dans l’exercice des poursuites judiciaires qu’il entreprendrait pour se défendre alors même que ces poursuites lui permettront d’agir à son encontre. Il appartient dans chaque cas à l’autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l’ensemble des circonstances. Cette obligation de protection peut prendre la forme d’une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires que l’agent a lui-même introduites.

10. Enfin, il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que la prise en charge des honoraires d’avocat au titre de la protection fonctionnelle serait subordonnée au paiement préalable de ces honoraires par le bénéficiaire d’une telle protection. En outre, et au surplus, M. A soutient, sans être contesté, avoir réglé les factures dont il sollicite la prise en charge définitive par le centre hospitalier du Mans.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir qu’en refusant de prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les honoraires d’avocat relatifs à son action contentieuse tendant à l’indemnisation des préjudices qu’il estime avoir subis en raison des agissements harcelants de sa supérieure hiérarchique au sein du magasin général et réclamés aux termes des factures n° 2017-1335 et n° 2018-0373, le centre hospitalier du Mans a commis une erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 22 mai 2018, ensemble celle du 17 septembre 2018 de rejet de recours gracieux, doivent être annulées en tant qu’elles refusent à M. A la prise en charge des factures n° 2017-1335 et n° 2018-0373 relatives au contentieux « harcèlement moral ».

Sur les conclusions à fin d’injonction :

13. En premier lieu, eu égard au motif d’annulation retenu au point 7, le présent jugement implique seulement, en ce qui concerne la facture n° 2017-1334 établie dans le cadre du contentieux « procédure accident du travail », que le centre hospitalier du Mans procède au réexamen de la demande de M. A au titre de la prise en charge de cette facture. Il y a donc lieu de prescrire à ce dernier de procéder au réexamen de la demande de l’intéressé et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, en application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative.

14. En second lieu, si les dispositions susmentionnées de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 font obligation à l’administration d’accorder sa protection à l’agent victime de diffamation dans l’exercice de ses fonctions, protection qui peut prendre la forme d’une prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires qu’il a lui-même introduites, elles n’ont pas pour effet de contraindre l’administration à prendre à sa charge, dans tous les cas, l’intégralité de ces frais. En l’absence de convention conclue entre la collectivité publique concernée, l’avocat désigné ou accepté par l’agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle et, le cas échéant, cet agent, il ne ressort d’aucun texte ni d’aucun principe que cette collectivité publique pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l’agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l’utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L’administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu’une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l’absence de complexité particulière du dossier.

15. M. A justifie, par la production des factures n° 2017-1335 et n° 2018-0373, avoir dû engager des frais d’avocat pout un montant total de 2 208 euros, au titre de son action en condamnation du centre hospitalier du Mans pour des faits de harcèlement moral. Le centre hospitalier n’établit ni même n’allègue que les honoraires dont la prise en charge lui est demandée seraient excessifs au regard de la complexité des procédures engagées. Par suite, eu égard au motif d’annulation retenu au point 12, le présent jugement implique nécessairement, compte tenu de ses motifs et s’agissant de ces deux factures, que le centre hospitalier du Mans rembourse cette somme, à laquelle il convient de déduire la somme de 1 500 euros accordée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par le jugement n°1803699 du 9 novembre 2022. Par suite, il y a lieu de lui enjoindre de prendre une décision en ce sens dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Dans les circonstances de l’espèce et en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans une somme de 1 500 euros à verser à M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Ces dispositions font en revanche obstacle, dans les circonstances de l’espèce, à ce que soit mise à la charge de ce dernier la somme demandée au même titre par le centre hospitalier du Mans.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 22 mai 2018 du directeur des ressources humaines du centre hospitalier du Mans, ensemble celle du 17 septembre 2018 de rejet de recours gracieux, sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier du Mans de procéder au réexamen de la demande de M. A tendant à la prise en charge de la facture n° 2017-1334 établie dans le cadre du contentieux « procédure accident du travail » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier du Mans de verser à M. A la somme de 2 208 euros correspondant à la prise en charge des factures n° 2017-1335 et n° 2018-0373, somme à laquelle il convient de déduire la somme de 1 500 euros accordée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par le jugement n°1803699 du 9 novembre 2022 et ce, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 4: Le centre hospitalier du Mans versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au centre hospitalier du Mans.

Délibéré après l’audience du 12 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Béria-Guillaumie, présidente,

M. Echasserieau, premier conseiller,

Mme Baufumé, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

La rapporteure,

A. BAUFUME

La présidente,

M. C

La greffière

Y. BOUBEKEUR

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir

à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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Tribunal administratif de Nantes, 7ème chambre, 9 novembre 2022, n° 1810496