Tribunal administratif de Nantes, 16 octobre 2023, n° 2315088

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 16 oct. 2023, n° 2315088
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2315088
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 18 octobre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2023, suivie de la production de pièces complémentaires le 12 octobre suivant, l’association Famille et Education du Haut-Anjou et Mme A B, représentées par Me de Dieuleveult, demandent au juge des référés :

1°) sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du procureur de la République du tribunal judiciaire d’Angers en date du 15 septembre 2023, s’opposant à l’ouverture de l’établissement d’enseignement privé hors-contrat Notre-Dame des Champs dans des locaux situés 9, rue de l’Eglise, Châteauneuf-sur-Sarthe, commune des Hauts-d’Anjou (Maine-et-Loire), ainsi que la décision du 4 octobre 2023 rejetant leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à leur verser solidairement en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

— la condition d’urgence est satisfaite : la décision d’opposition à l’ouverture de l’établissement empêche la rentrée imminente des élèves qui y sont inscrits, laquelle doit intervenir au plus tard le lundi 16 octobre 2023, afin de respecter le temps scolaire fixé à 36 semaines. La situation est donc urgente pour les élèves, soumis à l’obligation de scolarisation, pour leurs parents, et pour l’équipe éducative qui a été recrutée en vue de la rentrée.

— il est porté une atteinte de manière grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que constituent la liberté de l’enseignement, la liberté d’entreprendre et d’association.

— en considérant que l’école ne pouvait être ouverte en raison de l’avis défavorable de la commission de sécurité, le procureur de la République a ajouté à la loi des critères qui n’ont pas été prévus par l’article L. 441-1 du code de l’éducation. Ce code ne prévoit pas qu’il soit possible de s’opposer à l’ouverture d’un établissement en invoquant un avis défavorable ou une absence d’autorisation de travaux, qui appartiennent à une législation distincte. Le procureur ne saurait s’appuyer sur l’avis défavorable de la commission de sécurité, dès lors qu’il s’agit là d’une règlementation étrangère à celle du code de l’éducation qui fixe limitativement les motifs d’opposition. En tout état de cause, l’avis défavorable de la commission du 23 août 2023 a été levé par un avis favorable en date du 28 septembre 2023. Le procureur devait nécessairement revoir son opposition initiale au regard de ces nouveaux éléments, ce d’autant plus qu’en tant qu’établissement recevant du public (ERP) de 5ème catégorie de type R sans locaux à sommeil, l’établissement n’est pas soumis à autorisation d’ouverture.

Le 12 octobre 2023, la rectrice de l’académie de Nantes a produit un courrier aux termes duquel, en sa qualité d’observateur, elle indique ne pas présenter d’observations en défense.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 13 octobre 2023, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d’Angers conclut au rejet de la requête :

Il soutient qu’il a fait opposition à l’ouverture de l’école pour des raisons de sécurité qui entrent bien sans conteste dans les critères prévus par l’article L. 441-1 du code de l’éducation, s’agissant de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse dont il est le garant. Par la suite, à l’appui de son recours gracieux et de la présente requête, le demandeur fait valoir que la commission de sécurité aurait finalement donné un avis favorable à l’ouverture. La lecture complète de cet avis permet de constater que la commission indique, d’une part que les prescriptions mentionnées au procès-verbal devront être réalisées et, d’autre part qu’une demande de visite de réception de travaux sera demandée par le maire avant l’ouverture. Aussi, tant que ces conditions cumulatives n’ont pas été remplies, il apparaît impossible de se prononcer sur les conditions d’accueil et de sécurité au sein de l’établissement. Si la commission de sécurité s’est prononcée favorablement sur la demande d’autorisation de travaux de mise en sécurité de l’établissement, aucun document n’est produit attestant de la réalisation effective de ces travaux. Enfin, l’urgence évoquée à accueillir les élèves inscrits dans l’établissement ne peut primer sur la sécurité qu’impose l’ouverture d’un établissement recevant du public.

La requête a été communiquée au préfet de Maine-et-Loire, en qualité d’observateur.

La requête a été communiquée à la commune des Hauts-d’Anjou, en qualité d’observateur.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code de la construction et de l’habitation ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Bouchardon, premier conseiller, pour exercer les fonctions de juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 13 octobre 2023 à 10h30 :

— le rapport de M. Bouchardon, juge des référés ;

— les observations de Mme Madeleine de Valbray, présidente de l’association Famille et Education du Haut-Anjou, laquelle fait valoir que la commission de sécurité a désormais rendu un avis favorable à son projet et qu’une visite de réception des travaux a eu lieu le 5 octobre dernier. En tout état de cause, elle soutient que le procureur outrepasse ses droits, seul le maire étant compétent pour connaitre des problématiques de sécurité incendie qui relèvent de son seul pouvoir de police. Sur l’urgence, elle rappelle que 20 élèves sont empêchés d’effectuer leur rentrée scolaire et que l’association s’est engagée par des promesses d’embauche vis-à-vis de plusieurs enseignants.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. L’Association Famille et Education du Haut-Anjou a déclaré auprès du rectorat de l’académie de Nantes l’ouverture d’un établissement d’enseignement scolaire privé hors contrat, dénommé Notre-Dame des champs, situé à Châteauneuf-sur-Sarthe, commune des Hauts-d’Anjou (Maine-et-Loire). Le 28 juin 2023, la rectrice a accusé réception de la complétude du dossier. Le 15 septembre 2023, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d’Angers a fait opposition à la déclaration d’ouverture, dans l’intérêt de l’ordre public et de la protection de l’enfance et de la jeunesse, en se fondant sur les dispositions du 1° de l’article L. 441-1 du code de l’éducation. L’association a formé un recours gracieux qui a été rejeté le 4 octobre 2023. Par la présente requête, l’Association Famille et Education du Haut-Anjou et Mme A B, directrice de l’établissement, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du procureur de la République du tribunal judiciaire d’Angers en date du 15 septembre 2023, ainsi que celle du 4 octobre 2023 rejetant leur recours gracieux.

2. D’une part, aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ».

3. D’autre part, les articles L. 441-1 et suivants du code de l’éducation instituent un régime de déclaration de création d’un établissement d’enseignement scolaire privé. Ce régime de liberté se caractérise par le droit d’ouvrir l’établissement à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la réception, par l’administration, d’un dossier comprenant toutes les pièces exigées par le code de l’éducation, sauf opposition du recteur, du préfet, du maire ou du procureur de la République pour l’un des quatre motifs énoncés à l’article L. 441-1 de ce code.

4. Aux termes de l’article L. 441-1 du code de l’éducation : « I.- Toute personne respectant les conditions de capacité et de nationalité fixées aux 1° et 2° du I de l’article L. 914-3 peut ouvrir un établissement d’enseignement scolaire privé à condition d’en déclarer son intention à l’autorité compétente de l’Etat en matière d’éducation, qui transmet la déclaration au maire de la commune dans laquelle l’établissement est situé, au représentant de l’Etat dans le département et au procureur de la République. II.- L’autorité compétente de l’Etat en matière d’éducation, le maire, le représentant de l’Etat dans le département et le procureur de la République peuvent former opposition à l’ouverture de l’établissement : 1° Dans l’intérêt de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse (). A défaut d’opposition, l’établissement est ouvert à l’expiration d’un délai de trois mois ». Par ailleurs, le 2° de l’article L. 441-2 du même code prévoit, qu’au titre des pièces composant le dossier d’ouverture d’un établissement d’enseignement scolaire privé soumis au contrôle desdites autorités, le demandeur doit fournir les éléments relatifs à la conformité des lieux aux règles de sécurité contre l’incendie, par renvoi aux dispositions de la réglementation prévue par le code de la construction et de l’habitation.

5. En premier lieu, en se fondant, pour prendre la décision d’opposition à ouverture contestée, au visa du 1° de l’article L. 441-1 du code de l’éducation relatif à l’ordre public et à la protection de l’enfance et de la jeunesse, sur le risque résultant de l’absence d’obtention, par l’association, des autorisations d’urbanisme nécessaires à la sécurité des occupants des lieux, le procureur de la République, qui n’a fait que constater l’absence d’avis défavorable rendu par la commission de sécurité suite à la demande de travaux, en dépit du classement de l’établissement en ERP de 5ème catégorie « sans local à sommeil », n’a nullement ajouté aux critères prévus par les dispositions des articles L. 441-1 et L. 441-2 du code de l’éducation. Le moyen tiré de ce que le procureur de la République a entaché sa décision d’une erreur de droit doit être écarté.

6. En second lieu, pour prendre la décision d’opposition à ouverture contestée, le procureur de la République s’est ainsi fondé sur l’avis défavorable rendu le 23 août 2023 à la demande d’autorisation de travaux sollicitée par l’association, par la commission de sécurité de l’arrondissement de Segré en Anjou bleu, qui relève que la conformité des lieux aux exigences de sécurité des établissements destinés à accueillir du public, et notamment de jeunes enfants, est incertaine, notamment au regard du risque d’incendie, ainsi que sur l’arrêté de refus d’autorisation qui a suivi, pris par le maire des Hauts-d 'Anjou le 28 août 2023. Si cette même commission a rendu, le 28 septembre suivant, un avis favorable à la réalisation du projet, c’est sous condition de réalisation d’un certain nombre de prescriptions, ce que confirme le maire de la commune dans son arrêté du 9 octobre 2023, qui assujettit son autorisation d’aménager ou de modifier l’établissement recevant du public aux dites prescriptions, lesquelles « devront être intégralement respectées ». Si l’association requérante soutient à l’audience qu’une visite de réception des travaux a eu lieu depuis, elle n’apporte aucun élément au soutien de son argumentation. Le moyen tiré de l’erreur de fait doit dès lors être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’opposition formée par le procureur de la République à l’ouverture de l’école Notre-Dame des champs, au motif que la demande de l’association contrevient aux dispositions de l’article L. 411-1 1° du code de l’éducation, n’apparaît pas manifestement illégale.

8. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment des débats de l’audience publique, que des travaux sont en cours au sein de l’établissement et que plusieurs des prescriptions imposées par la commission de sécurité ont été réalisées ou sont en cours de réalisation, ce qui est de nature à permettre, ainsi que le fait d’ailleurs valoir le procureur de la République, un nouvel examen de la demande des requérantes, une fois vérifié leur achèvement total. De tels éléments sont en revanche de nature à démontrer que le dossier ne présente au surplus pas de caractère d’urgence avérée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de l’association Famille et Education du Haut-Anjou et de Mme A B, aux fins de suspension des décisions du procureur de la République près le tribunal judiciaire d’Angers, doivent être rejetées. Il en est de même, par voie de conséquence, de leurs conclusions relatives aux frais liés à l’instance.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de l’association Famille et Education du Haut-Anjou et de Mme A B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Famille et Education du Haut-Anjou, à Mme A B et au procureur de la République près le tribunal judicaire d’Angers.

Copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire, à la rectrice de l’académie de Nantes et à la commune des Hauts-d’Anjou.

Fait à Nantes, le 16 octobre 2023.

Le juge des référés,

L. BOUCHARDONLa greffière,

G. PEIGNE

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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