Tribunal administratif de Nantes, 9 janvier 2023, n° 2208889

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 9 janv. 2023, n° 2208889
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2208889
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Expertise / Médiation
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, M. B D, représenté par Me Guedo, demande au juge des référés de :

1°) prescrire une expertise médicale judiciaire en vue de déterminer les préjudices qu’il estime avoir subis à la suite de sa prise en charge médicale par le centre hospitalier de Challans (85) le 25 août 2021 ;

2°) réserver les dépens ;

3°) mettre à la charge du centre hospitalier de Challans la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il s’est présenté le 25 août 2021 au service des urgences du centre hospitalier de Challans en raison de la présence d’une boule au niveau du coude droit ;

— après examen, il a été renvoyé chez lui avec des anti-inflammatoires et un bandage ;

— il est retourné au service des urgences deux jours plus tard, le 27 août 2021 car son bras avait doublé de volume et a bénéficié d’une radio et d’une prise de sang ;

— il est ressorti de l’hôpital avec une prescription d’antibiotiques et de l’alcool à 70° mais il s’est rendu chez son médecin traitant qui a demandé, en urgence, une nouvelle prise de sang, et face au taux d’infection relevé, l’a renvoyé vers le centre hospitalier de Challans où une opération a alors été programmée en urgence ;

— il est en arrêt de travail depuis août 2021 avec une perte de salaire ;

— il a souffert de séquelles telles que la raideur de son bras droit, une perte de mobilité et de force et souffre aussi d’un état dépressif nécessitant un suivi psychologique ;

— l’expertise s’avère utile.

Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2022, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique ne s’oppose pas à la demande d’expertise judiciaire et demande que l’expert lui transmettre son pré-rapport.

Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2022, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM), représenté par Me Ravaut, demande au juge des référés de :

1°) lui donner acte de ses protestations et réserves tant sur le bien-fondé de sa mise en cause que sur la mesure d’expertise sollicitée ;

2°) compléter la mission d’expertise selon ses observations ;

3°) dire que l’expert désigné rédigera un pré-rapport qui sera adressé aux parties aux fins d’observations ;

4°) réserver les dépens.

Par un mémoire, enregistré le 19 juillet 2022, le centre hospitalier de Challans, représenté par Me Meunier, demande au juge des référés :

1°) de lui donner acte de ses plus expresses réserves quant au principe même de sa responsabilité ;

2°) de désigner un expert aux frais avancés du requérant ;

3°) de dire et juger que l’expert recevra la mission complétée selon ses observations ;

4°) d’enjoindre à la CPAM de la Vendée de produire avant l’expertise le relevé détaillé de ses débours ;

5°) de dire et juger que l’expert transmettra aux conseils des parties son pré-rapport ;

6°) de rejeter les conclusions du requérant au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

7°) de réserver les dépens.

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu :

— le code de la santé publique ;

— le code de justice administrative ;

Le président du tribunal administratif de Nantes a désigné Mme Béria-Guillaumie, vice-présidente du tribunal administratif de Nantes, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. M. D, né en août 1963, a été admis le 25 août 2021 au service des urgences du centre hospitalier de Challans pour une grosseur au coude droit pour laquelle il lui a été prescrit, après examen, des anti-inflammatoires et un bandage. M. D est retourné au service des urgences du centre hospitalier de Challans deux jours plus tard, le 27 août 2021 en raison de l’augmentation de volume de son bras. Il est ressorti le même jour avec une prescription d’antibiotiques et de l’alcool à 70°, mais a pu, ultérieurement, bénéficier d’une opération chirurgicale en urgence au regard du taux d’infection relevé lors de la dernière prise de sang. M. D demande à présent la désignation d’un expert aux fins de déterminer si sa prise en charge médicale au centre hospitalier de Challans, le 25 août 2021 puis le 27 août 2021, a été conforme aux règles et aux données acquises de la science médicale, ainsi que d’évaluer les préjudices qu’il a subis.

Sur la demande d’expertise médicale judiciaire :

2. Aux termes de l’article R. 532-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction () ».

3. M. D estime subir des séquelles résultant d’un retard de diagnostic le 25 août 2021 au centre hospitalier de Challans. La mesure d’expertise médicale judiciaire demandée par M. D entre dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article R. 532-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d’y faire droit et de fixer la mission de l’expert comme il est précisé à l’article 1er de la présente ordonnance.

4. La mission d’expertise médicale judiciaire ordonnée sera effectuée au contradictoire de M. D, du centre hospitalier de Challans, de l’ONIAM, et en tant que de besoin, de la CPAM de la Loire-Atlantique, chaque partie pouvant désigner un médecin conseil pour assister aux opérations d’expertise.

Sur la demande du centre hospitalier de Challans tendant à la communication du relevé des débours de la CPAM de la Loire-Atlantique :

5. La communication du relevé des débours de la CPAM de la Loire-Atlantique n’apparaît pas utile à la réalisation de l’expertise ordonnée. Par suite, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du centre hospitalier de Challans tendant à ce que l’expert désigné se fasse communiquer le relevé des débours de la CPAM de la Loire-Atlantique.

Sur les conclusions du centre hospitalier de Challans, de l’ONIAM et de la CPAM de la Loire-Atlantique tendant à l’établissement par l’expert d’un pré rapport :

6. Aucune disposition du code de justice administrative ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l’expert d’établir une note de synthèse ou un pré-rapport. L’expert, dans la conduite des opérations de l’expertise qui lui est confiée et dont il définit librement les modalités pratiques, de concert avec les parties, ne saurait se voir soumis à d’autres obligations que celles issues du principe du contradictoire. L’établissement de pré-conclusions ne constitue donc qu’une modalité opérationnelle de l’expertise dont il appartient à l’expert d’apprécier la nécessité d’y recourir. Il en résulte que les conclusions du centre hospitalier de Challans, de l’ONIAM et de la CPAM de la Loire-Atlantique tendant à ce que l’expert dresse un pré-rapport et l’adresse à chacune des parties ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les dépens :

7. En application des dispositions de l’article R. 621-13 du code de justice administrative, il appartiendra au président de la juridiction, et non au juge des référés, de fixer par ordonnance les allocations provisionnelles à valoir sur les honoraires qui seront dus à l’expert, ainsi que les frais et honoraires d’expertise définitifs, et de désigner la partie qui en assumera la charge. Il s’ensuit que les conclusions présentées par M. D, le centre hospitalier de Challans et l’ONIAM tendant à ce que le juge des référés réserve les dépens de l’instance ne peuvent être accueillies.

Sur les frais d’instance :

8. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Challans la somme de 2 000 euros que demande M. D au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E

Article 1er : M. C A, médecin spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique, exerçant au centre hospitalier universitaire (CHU) d’Angers, est désignée en qualité d’expert.

Il aura pour mission :

1° Se faire communiquer tous documents relatifs à l’état de santé de M. D et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiqués sur l’intéressé au cours de son admission au service des urgences du centre hospitalier de Challans les 25 et 27 août 2021, et prendre connaissance de son entier dossier médical se rapportant à son coude droit ;

2° Procéder à l’examen de M. D et rappeler son état de santé antérieur ;

3° Décrire les conditions dans lesquelles M. D a été admis et soigné, les 25 et 27 août 2021, au centre hospitalier de Challans ;

4° Préciser les examens et soins prodigués et les complications survenues ;

5° Dire si les soins et actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ;

6° Réunir tous éléments devant permettre de déterminer si des erreurs, manquements ou négligences ont été commis dans l’établissement du diagnostic, l’accomplissement des soins, ainsi, éventuellement, que dans le fonctionnement ou l’organisation du service ;

7° Se prononcer sur l’origine des complications présentées par M. D en distinguant, le cas échéant, celles dont la cause ne serait pas imputable à la prise en charge hospitalière au centre hospitalier de Challans ;

8° Déterminer si la complication survenue présente un lien de causalité direct et certain avec la prise en charge médicale au sein de l’établissement hospitalier et dire si ce lien de causalité est exclusif ou si d’autres actes ont pu contribuer à la survenue de la complication et indiquer la part imputable à chacune des causes ;

9° Indiquer si l’état de santé du patient a pu favoriser ou contribuer à la survenue de la ou des complication(s) et/ou la gravité des conséquences dommageables ;

10° Dire si l’on est en présence de conséquences anormales et, le cas échéant, si celles-ci étaient, au regard de l’état de la personne comme de l’évolution de cet état, probables, attendues ou encore redoutées ;

11° Déterminer le contenu et l’étendue de l’information délivrée au patient sur les risques des actes médicaux subis de telle sorte que, pour le cas où un défaut d’information serait relevé, ce manquement puisse être apprécié au regard de l’obligation qui pesait sur les praticiens hospitaliers au moment des faits litigieux ;

12° Dire si l’état de santé de M. D est consolidé et, le cas échéant, fixer la date de consolidation ;

13° Dans l’hypothèse où l’état de santé de M. D ne serait pas consolidé, fixer l’échéance à l’issue de laquelle l’intéressé devra à nouveau être examiné ;

14° Décrire la nature et l’étendue des éventuelles séquelles gardées par M. D et évaluer le déficit fonctionnel temporaire et permanent en résultant en distinguant la part due à la pathologie initiale, de celle imputable, le cas échéant, à un manquement du centre hospitalier ;

15° Indiquer si le manquement éventuellement constaté a fait perdre à M. D une chance de voir son état de santé s’améliorer ou d’éviter de le voir se dégrader ; chiffrer la perte de chance (pourcentage ou coefficient) ;

16° Dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur et du préjudice esthétique (temporaire et/ou permanent), en les qualifiant selon l’échelle : très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important ;

17° Se prononcer sur l’existence d’un préjudice sexuel, d’un préjudice professionnel et d’agrément ; le cas échéant, évaluer leur importance ;

18° Se prononcer, le cas échéant, sur la nécessité d’avoir recours à une tierce personne, la qualification requise et la durée de l’intervention ;

19° Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d’appareillage ou de prothèse, après consolidation, pour éviter une aggravation de l’état séquellaire ; justifier l’imputabilité des soins aux complications en cause en précisant s’il s’agit de frais occasionnels, c’est-à-dire limités dans le temps, ou de frais viagers, c’est-à-dire engagés la vie durant ;

20° Dire si l’état de santé de M. D est susceptible de modifications en aggravation ou en amélioration et, dans l’affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution et son degré de probabilité.

Article 3 : L’expert, pour l’accomplissement de sa mission, pourra entendre tout responsable et membre du personnel du service hospitalier ayant prescrit ou donné des soins à l’intéressée.

Article 4 : L’expert accomplira la mission définie à l’article 1er dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra, au besoin, se faire assister par un sapiteur préalablement désigné par le juge des référés.

Article 5 : L’expert avertira les parties conformément aux dispositions de l’article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 6 : L’expert déposera au greffe un exemplaire papier et un exemplaire par voie dématérialisée avant le 30 septembre 2023, accompagnés de l’état de ses vacations, frais et débours. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s’opérer sous forme électronique avec l’accord desdites parties, à laquelle il joindra copie de l’état de ses vacations, frais et débours.

Article 7 : Les frais et honoraires dus à l’expert seront taxés ultérieurement par le président du Tribunal conformément aux dispositions de l’article R. 621-13 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D, au centre hospitalier de Challans, à l’ONIAM, à la CPAM de la Loire-Atlantique, et à M. A, expert.

Fait à Nantes, le 9 janvier 2023.

La juge des référés,

M. E

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°2208889

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