Tribunal administratif de Nantes, 20 septembre 2023, n° 2300385

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 20 sept. 2023, n° 2300385
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2300385
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 23 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 janvier 2023 et le 26 avril 2023, la société Compagnie fermière de services publics (CFSP), représentée par Me Mabile et Me Tordjman (Selarl Seattle avocat), demande au juge des référés :

1°) de condamner Le Mans métropole communauté urbaine (LMM) à lui verser une provision de 321 000 euros à valoir sur la facture qui lui est due au titre du mois de juin 2022, en application de l’article R. 541-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de Le Mans métropole communauté urbaine une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— sa requête est recevable ; les stipulations de l’article 50.1.1 du CCAG Travaux sont inapplicables à la contestation des pénalités, qui fait l’objet d’une procédure spécifique prévue à l’article 38.4 du CCPE ; elle a contesté l’application des pénalités dans le délai de dix jours prévu par ces dernières stipulations, par courrier du 9 septembre 2022, ce dernier pouvant en tout état de cause être regardé comme le mémoire en réclamation prévu par l’article 50.1.1 du CCAG Travaux ;

— elle s’est vu confier un marché public global de performance portant sur l’exploitation de la station d’épuration de la Chauvinière, la conception et la réalisation d’une unité de méthanisation puis l’exploitation de l’ensemble de ces équipements ;

— par courriel du 8 septembre 2022, LMM lui a notifié un décompte des pénalités au titre de l’année 2021, pour un montant total de 321 000 euros ; cette somme a été prélevée d’office sur la facture de juin 2022 ;

— la rémunération des prestations d’exploitation de la station d’épuration au titre du mois de juin 2022 lui est due en vertu des stipulations du cahier des clauses particulières relatives à l’exploitation (CCPE) ; le montant de la facture n’est pas contesté ; sa créance n’est pas sérieusement contestable ;

— Si les stipulations de l’article 38.4 du CCPE permettent de payer les pénalités par précompte, par un prélèvement sur les sommes dues à l’Exploitant, au titre du Marché, c’est à la condition qu’aucune contestation des pénalités, ou effectuée hors délai de 10 jours, n’ait été émise par l’exploitant ; elle a contesté l’application des pénalités par courrier du 9 septembre 2022, dans le délai de 10 jours prévu par l’article 38.4 du CCPE ; la collectivité ne pouvait donc rectifier la facture en cause et procéder à un recouvrement forcé par compensation et ne pouvait procéder que par l’émission d’un titre de recettes ou par la saisine du juge du contrat ;

— le recouvrement forcé de la pénalité par compensation méconnaît les conditions de l’article 1347-1 du code civil en l’absence de caractère certain, liquide et exigible de cette pénalité ;

— ce recouvrement forcé méconnaît les dispositions de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, en faisant obstacle à l’effet suspensif de l’opposition formée contre un titre exécutoire qui constitue un principe général du droit ; ce faisant Le Mans métropole communauté urbaine a également porté atteinte au droit à un recours effectif garanti par les articles 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 23 février 2023, Le Mans métropole communauté urbaine, représentée par Me Flaud (SCP Sensei avocats) conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société CFSP une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le Mans métropole communauté urbaine soutient que :

— la requête est irrecevable dès lors que la société CFSP n’a pas formé de mémoire en réclamation comme le stipule l’article 50.1.1 du CCAG relatif aux travaux ; en outre la CFSP n’a pas contesté l’application des pénalités dans le délai de 10 jours prévu par l’article 38.4 du CCPE ;

— les moyens soulevés par la société CFSP ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Degommier pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

Sur la demande de provision :

1. Aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. ». Il résulte de ces dispositions qu’il appartient au juge des référés, dans le cadre de la procédure qu’elles instituent, de rechercher si, en l’état du dossier qui lui est soumis, l’obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n’est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

2. Pour demander la condamnation de Le Mans métropole communauté urbaine au paiement d’une provision, la société Compagnie fermière de services publics soutient que la rémunération des prestations d’exploitation de la station d’épuration au titre du mois de juin 2022 lui est due, que si les stipulations de l’article 38.4 du CCPE permettent de payer les pénalités par un prélèvement sur les sommes dues à l’exploitant, c’est à la condition qu’aucune contestation des pénalités n’ait été émise par l’Exploitant, alors qu’elle a contesté l’application des pénalités par courrier du 9 septembre 2022, dans le délai de 10 jours prévu par l’article 38.4 du CCPE, de sorte que la collectivité ne pouvait procéder à un recouvrement forcé par compensation.

3. Aux termes de l’article 38.4 du cahier des clauses particulières d’exécution : " Les pénalités sont prélevées par précompte, sur les sommes dues à l’Exploitant au titre du Marché. Elles sont donc intégrées dans la facturation établie conformément aux modalités de rémunération définies à l’article 28. A cet effet la Collectivité adressera à l’exploitant, avant le 5 du mois m+2, par mail, le détail des pénalités applicables dont l’exploitant devra déduire le montant cumulé de sa facture au titre du mois écoulé. L’exploitant dispose d’un délai de 10 jours pour contester la pénalité ; passé ce délai la Collectivité procèdera elle-même à la rectification des factures, selon les pénalités qu’elle estime devoir appliquer. ".

4. Il résulte de l’instruction que, par courriel du 8 septembre 2022, Le Mans métropole communauté urbaine a communiqué à la société CFSP le décompte définitif des pénalités contractuelles appliquées au titre de l’année 2021, en raison du non-respect des valeurs maximales de rejets, notamment pour les paramètres Azote « NTK » et « NGL », pour un montant total de 321 000 euros, en lui précisant que ce montant était à intégrer dans sa facture du mois de juin 2022. Par courrier du 9 septembre 2022, la société a indiqué contester le calcul de la pénalité, tout en acceptant « afin de ne pas bloquer, de lancer la facturation sur cette base et de régulariser les écarts ensuite » et en demandant « de valider la correction à 312 000 euros de pénalités à appliquer ». La société requérante, qui ne conteste pas sérieusement, dans le cadre de la présente instance, le bien-fondé et le montant des pénalités litigieuses appliquées au titre de l’année 2021, considère qu’elle a contesté l’application des pénalités par son courrier précité du 9 septembre 2022, dans le délai de 10 jours requis et que la collectivité ne pouvait procéder à un recouvrement forcé par compensation. Toutefois, l’examen du bien-fondé de l’argumentation de la société requérante, qui oppose l’impossibilité de procéder au paiement par compensation et invoque la méconnaissance de l’article 1347-1 du code civil, de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, des articles 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nécessite de trancher au préalable des questions de droit se rapportant au recouvrement des pénalités litigieuses. Compte tenu en outre, d’une part, des termes cités plus haut de son courrier du 9 septembre 2022, d’autre part, des stipulations précitées de l’article 38.4 du CCPE qui autorisent expressément le paiement des pénalités « par précompte, sur les sommes dues à l’Exploitant », l’existence de l’obligation dont se prévaut la société CSFP envers Le Mans métropole communauté urbaine, ne présente pas, en l’état de l’instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l’article R. 541-1 du code de justice administrative.

5. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la société CFSP relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens.

7. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société CFSP une somme de 1 500 euros à verser à Le Mans métropole communauté urbaine, en l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Compagnie fermière de services publics est rejetée.

Article 2 : La société Compagnie fermière de services publics versera la somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros à Le Mans métropole communauté urbaine au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Compagnie fermière de services publics et à Le Mans métropole communauté urbaine.

Fait à Nantes, le 20 septembre 2023.

Le juge des référés,

S. DEGOMMIER

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier

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