Tribunal administratif de Nice, 4ème chambre, 7 décembre 2022, n° 2201438

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nice, 4e ch., 7 déc. 2022, n° 2201438
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 2201438
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 18 novembre 2021, N° 435153 et 435157
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

Procédure antérieure :

Par un jugement n° 1702033 du 5 août 2019, le tribunal a annulé l’arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le maire de Théoule-sur-Mer a délivré à la société civile immobilière MFT Théoule IV un permis de construire une résidence de six logements sur la parcelle cadastrée section A n° 588.

Par une décision n° 435153 et 435157 du 19 novembre 2021, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé le jugement n°1702033 du 5 août 2019 du tribunal et a renvoyé l’affaire devant le tribunal.

Procédure devant le tribunal :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2017, 13 avril, 25 septembre et 5 novembre 2018 sous le n° 1702033, puis après renvoi sous le n° 2201438, et un mémoire, enregistré le 20 mai 2022, le préfet des Alpes-Maritimes demande au tribunal d’annuler, sur le fondement de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, l’arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le maire de Théoule-sur-Mer a délivré à la société civile immobilière MFT Théoule IV un permis de construire une résidence de six logements sur la parcelle cadastrée section A n° 588.

Il soutient que :

— le projet méconnaît les dispositions de l’article UD 11 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune ainsi que celles de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme ;

— il méconnaît les dispositions de l’article UD 1-2 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune ;

— il méconnaît les dispositions de la directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes ;

— la présentation du projet est insincère afin d’en minimiser l’impact, ce qui a induit en erreur l’administration quant au respect des dispositions de l’article UD 11 du règlement du plan d’occupation des sols, de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et de la directive territoriale des Alpes-Maritimes ;

— la visite sur les lieux n’est pas nécessaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 décembre 2017, 8 août, 18 octobre et 23 novembre 2018 sous le n° 1702033, puis après renvoi sous le n° 2201438 et un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, la société civile immobilière MFT Théoule IV, représentée par la SCP Bauer – Violas – Feschotte – Desbois Sebagh, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire au prononcé d’un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et en tout état de cause à ce qu’une somme de 7 500 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Alpes-Maritimes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2018 sous le n° 1702033, la commune de Théoule-sur-Mer, représentée par Me Orlandini, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Alpes-Maritimes ne sont pas fondés.

La clôture immédiate de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 29 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de l’urbanisme ;

— le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 16 novembre 2022 :

— le rapport de Mme B,

— les conclusions de M. Beyls, rapporteur public,

— et les observations de M. A pour le préfet des Alpes-Maritimes, de Me Gadd, substituant Me Orlandini représentant la commune de Théoule-sur-Mer et de Me Chauvin, représentant la société MFT Théoule IVl et la SELARL Xavier Huertas et associés, administrateur judiciaire de la société civile immobilière MFT Théoule IV.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 janvier 2017, le maire de Théoule-sur-Mer a délivré à la société civile immobilière MFT Théoule IV un permis de construire en vue de l’édification, après démolition d’une construction préexistante, d’une résidence de six logements sur une parcelle cadastrée section A n° 588 située 28, boulevard de l’Esterel à Théoule-sur-Mer. En application de l’article L. 2131- 6 du code général des collectivités territoriales, le préfet des Alpes-Maritimes demande au tribunal l’annulation de ce permis de construire du 25 janvier 2017.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme : « Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d’utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / 1° Dans les communes littorales définies à l’article L. 321-2 du code de l’environnement () ». Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-3 du même code : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l’environnement ». L’article L. 172-1 de ce code prévoit que : « Les directives territoriales d’aménagement approuvées avant le 13 juillet 2010 restent en vigueur. Elles sont soumises aux dispositions des articles L. 172-2 à L. 172-5 ». Aux termes de l’article L. 172-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les directives territoriales d’aménagement conservent les effets suivants : / 1° Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les directives territoriales d’aménagement ou, en l’absence de ces documents, avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre. Il en va de même, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, pour les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu et les cartes communales ; / 2° Les dispositions des directives territoriales d’aménagement qui précisent les modalités d’application des dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres Ier et II du titre II du présent livre s’appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si les auteurs des plans locaux d’urbanisme doivent s’assurer que les partis d’urbanisme présidant à l’élaboration des documents d’urbanisme mentionnés au 1° de l’article L. 172-2 sont compatibles, lorsqu’elles existent, avec les directives territoriales d’aménagement, seules les dispositions de ces directives qui ont pour objet de préciser les modalités d’application des dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne sont opposables aux demandes d’autorisation d’urbanisme portant sur des projets situés dans des territoires couverts par ces directives, sous réserve que ces prescriptions soient suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions.

4. Le décret du 2 décembre 2003 portant approbation de la directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes comporte une troisième partie relative aux orientations et aux modalités d’application des lois littoral et montagne, qui comporte un chapitre III-124 qui définit « les orientations et les modalités d’application de la loi littoral en matière d’aménagement ». La directive prévoit au point III-124-1, intitulé « Les orientations en matière d’aménagement », une appréciation différenciée de la notion d’extension limitée de l’urbanisation selon les zones comprises dans les espaces proches du rivage. A ce titre, elle énonce que pour les « espaces urbanisés sensibles » qu’elle définit, « qui représentent environ 25% des secteurs urbanisés proches du rivage, () l’extension de l’urbanisation sera strictement limitée aux seules parcelles interstitielles du tissu urbain, ou » dents creuses « des îlots bâtis, ainsi qu’à la reconstruction et à la réhabilitation des bâtiments existants ». Au point III-124-2, intitulé « Les modalités d’application de la loi littoral », la directive distingue notamment au seins des espaces urbanisés sensibles « les parcs périurbains issus, pour la plupart, des grands lotissements où la trame parcellaire est régulière et organisée et où le végétal prédomine sur le minéral : c’est le domaine des grandes villas à l’architecture sophistiquée, aux jardins exubérants d’une grande richesse botanique ». Elle indique également que " l’image et l’équilibre actuels de ces espaces doivent être préservés. Les opérations d’urbanisme devront respecter les morphologies, l’organisation parcellaire, le végétal et plus généralement les règles qui caractérisent ces espaces. Ceci implique : / () pour les parcs périurbains, le respect du patrimoine architectural et végétal, le maintien de la trame foncière et de l’équilibre entre jardin et bâti. Une évolution douce de ces espaces est possible accompagnée de réaménagements de faible envergure ; la gestion du stationnement doit y être particulièrement soignée et économe d’espace () ". Ces dispositions doivent dans leur ensemble, eu égard à leur objet et quel que soit l’intitulé de leur emplacement respectif au sein de la troisième partie de cette directive, être regardées comme précisant les modalités d’application des dispositions particulières au littoral au sens du 2° de l’article L. 172-2 du code de l’urbanisme.

5. En l’espèce, d’une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies et photomontages joints tant par le préfet des Alpes-Maritimes que par le pétitionnaire en défense que le lotissement Miramar Estérel, au sein duquel est situé le terrain d’assiette du projet en litige, doit s’analyser comme un parc périurbain au sens des dispositions citées au point précédent de la directive territoriale des Alpes-Maritimes. D’autre part, il ressort de la lecture de la notice explicative du projet jointe au dossier de demande de permis de construire que le projet consiste à « former une nouvelle topographie en prolongeant naturellement le socle végétal existant (qui) sera créée à partir de remblais conséquents » et que quatre logements seront « creusés dans la roche située au niveau inférieur », de même que le parking qui prend place entre les logements. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des plans de coupe fournis en défense que la reconstitution du profil collinaire envisagée par le projet nécessite la réalisation d’un remblai allant jusqu’à 12,50 mètres de hauteur par endroit. Dans ces conditions, les réaménagements envisagés ne peuvent être qualifiés de réaménagements de faible envergure au sens des dispositions de la DTA applicables aux parcs périurbains des espaces urbanisés sensibles. Il suit de là qu’en accordant le permis de construire sollicité, le maire de Théoule-sur-Mer a méconnu les dispositions citées au point précédent de la directive territoriale des Alpes-Maritimes. Cette méconnaissance entraîne l’annulation du permis dans son ensemble.

6. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’apparaît, en l’état de l’instruction, également susceptible de fonder l’annulation du permis en litige.

Sur les conclusions du pétitionnaire tendant à l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

7. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire () estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

8. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

9. En l’espèce, compte tenu de la nature du projet en litige, qui s’articule autour de la reconstitution du profil collinaire du pic de l’Esquillon en vue de minimiser l’impact visuel de la construction projetée, l’illégalité qui affecte l’ensemble de celle-ci et porte sur les déblais et remblais nécessaires au projet n’est pas susceptible d’être régularisée par un permis de construire modificatif, lequel impliquerait de changer la nature même de ce projet. Dès lors, il y a lieu d’annuler le permis contesté sans que puissent être mises en œuvre les dispositions citées au point 7.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la société civile immobilière MFT Théoule IV et la commune de Théoule-sur-Mer demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 25 janvier 2017 par lequel le maire de Théoule-sur-Mer a délivré un permis de construire à la société civile immobilière MFT Théoule IV est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la société civile immobilière MFT Théoule IV et de la commune de Théoule-sur-Mer présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet des Alpes-Maritimes, à la commune de Théoule-sur-Mer, à la société civile immobilière MFT Théoule IVet à la SELARL Xavier Huertas et associés, administrateur judiciaire de la société civile immobilière MFT Théoule IV et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.

Délibéré après l’audience du 16 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bonhomme, président,

Mme Soler, conseillère,

M. Holzer, conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé

N. B

Le président,

Signé

T. BONHOMMELa greffière,

Signé

M. C

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Ou par délégation le greffier,

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