Tribunal administratif de Nîmes, 31 décembre 2019, n° 1904189

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 31 déc. 2019, n° 1904189
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 1904189

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NÎMES

N° 1904189 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SAS LACOSTE

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme X

Rapporteur

___________ Le juge des référés

Audience du 30 décembre 2019 Lecture du 31 décembre 2019 ___________ 39-08-015-01

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 et 27 décembre 2019, le SAS Lacoste, représenté par Me Lanzarone, demande au juge des référés statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la procédure de passation du lot n°2 « fournitures courantes et petits matériels scolaires usuels » de l’accord-cadre à bon de commande ayant pour objet la fourniture scolaire à destination des écoles maternelles et élémentaires de la commune de Saint-Gilles (Gard) engagée par cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Gilles la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite des observations produites par la commune de Saint-Gilles, les informations relatives aux motivations détaillées du rejet de l’offre ont été apportées ;

- le sous-critère « taux de remise catalogue » qui relève du critère « prix » et attribue une note en fonction du seul rabais que le soumissionnaire appliquera sur le catalogue fournisseur ne permet pas de rendre compte des avantages et inconvénients des offres analysées ; une telle méthode, qui neutralise la portée du critère prix et ne permet pas d’attribuer la meilleure note à la meilleure offre, est irrégulière ;

- une telle méthode de notation l’a lésée car elle n’a obtenu que 1,44 points sur ce sous- critère alors que le candidat retenu a obtenu le nombre maximum de 5 points.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2019, la commune de Saint-Gilles, représentée par la SCP Charrel et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce



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qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SAS Lacoste en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les motifs du rejet de l’offre de la société requérante lui ont été communiqués par lettre du 20 décembre 2019, respectant les prescriptions de l’article R. 2181-3 du code de la commande publique ;

- la méthode de notation fondée sur un rabais sur le catalogue du fournisseur est admis dès lors que l’acheteur opère des commandes ponctuelles ; en l’espèce, l’article 4 du cahier des clauses particulières de l’accord cadre précisait que les catalogues devaient être joints à l’offre du candidat, ainsi qu’un tarif public ou personnalisé et les caractéristiques du rabais consenti ; compte-tenu de la faible pondération accordée au rabais proposé, la décomposition du critère prix en deux sous-critères permet bien d’attribuer la meilleure note au candidat ayant remis l’offre la moins-disante puisque le critère prix est évalué, pour 45 points sur 50, sur la base du montant total du détail quantitatif estimatif (DQE) ;

- le sous-critère au taux de rabais est régulier dès lors que ce critère encourage les candidats à proposer une remise sur le taux catalogue ; l’acheteur qui n’utilisera que ponctuellement les articles des catalogues, ne peut pas tenir compte des prix du catalogue sur lequel est proposé le rabais, en l’absence de vérification possible des tarifs des candidats ; compte tenu des différences entre les articles proposés par les candidats dans leurs catalogues, la méthode de la commande type ne pouvait pas non plus être appliquée ;

- la société requérante n’a pas été lésée par le manquement invoqué dès lors qu’elle a été classée en troisième position et que son éviction résulte de la faiblesse de son offre au titre des autres critères et sous-critères de sélection.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

En application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, le Président du tribunal a désigné Mme X, président, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du même code.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 30 décembre 2019 à 10 h 00 min tenue en présence de Mme Noguero, greffier d’audience, ont été entendus :

- le rapport de Mme X, juge des référés ;

- les observations de Me Lanzarone, représentant la SAS Lacoste, qui reprend et développe les conclusions et moyens de sa requête et du mémoire et précise en outre que :

* l’impossibilité juridique de recourir à une autre méthode de notation que celle du taux de rabais sur catalogue invoquée par la commune n’est pas fondée ; la commune pouvait recourir à la pratique des « petits lots » ;



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* contrairement à ce qu’affirme la commune, la société a été lésée par cette méthode de notation, notamment s’agissant du lot n° 2 ; s’agissant du lot n° 1, la gravité du manquement justifie à elle seule l’annulation de la procédure ;

- les observations de Me Foglia, représentant la commune de Saint-Gilles, qui reprend et développe ses écritures en défense et précise que :

* la méthode de notation ne peut prendre en compte les prix pratiqués par les candidats dès lors que les catalogues produits par les candidats ne peuvent pas être comparés entre eux ; par ailleurs, la méthode de la « commande fictive » n’était pas réalisable compte tenu des différences des produits et une telle commande n’aurait pas été représentative du marché ; compte- tenu de ces difficultés, le critère du rabais sur catalogue, faiblement pondéré, est régulier et permet de prendre en compte l’effort consenti par les candidats et, par suite, la meilleure offre ;

* la pratique des « petits lots » n’était pas possible en l’espèce.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Saint-Gilles a été enregistrée le 30 décembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d’appel à la concurrence publié le 06 septembre 2019 au BOAMP et au JOUE, la commune de Saint-Gilles (Gard) a lancé un appel d’offre ouvert en vue de la conclusion d’un marché public de type accord-cadre à bons de commande, pour une durée de douze mois reconductible trois fois ayant pour objet l’acquisition de fournitures scolaires à destination des écoles maternelles et élémentaires et du service enfance de la Ville de Saint- Gilles» composé de 3 lots, dont le lot n° 2 relatif aux fournitures courantes et petits matériels scolaires usuels, d’un montant maximum de 30 000 euros hors taxes. Conformément à l’article 7.2 du règlement de la consultation, les offres ont été sélectionnées sur cinq critères, le prix, noté sur 50 points, la livraison, notée sur 20 points, la qualité des produits, notée sur 15 points, les modalités relatives aux commandes, notées sur 10 points et les performances en matière de protection de l’environnement, notées sur 5 points. La SAS Lacoste a été informée par lettre du 02 décembre 2019 du rejet de l’offre qu’elle avait présentée pour le lotn°2, classée en troisième position avec une note totale de 80,94/100, avait été rejetée et de l’attribution de l’accord-cadre à la société Nouvelle Librairie Charlemagne dont l’offre a été notée à 82,92/100. Par la présente requête, la SAS Lacoste demande, dans le dernier état de ses écritures, sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, l’annulation de la procédure de passation du marché.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la



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sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ». L’article L. 551-2 du même code dispose que : « Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ».

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l’opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. Aux termes de l’article R. 2152-7 du code de la commande publique : « Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur se fonde : / (…) 2° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. / (…) ».

5. En premier lieu, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n’y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation.

6. En l’espèce, en ce qui concerne la méthode de notation du critère du prix, il résulte des termes de l’article 7.2 du règlement de la consultation que le prix des prestations, affecté de 50 points sur une note totale de 100 points était réparti en deux sous-critères, portant, le premier, sur le détail quantitatif estimatif (DQE), sur 45 points, dont la note est le résultat du rapport du montant totalisé du DQE le moins élevé sur le montant totalisé de l’offre du candidat, multiplié par 45, et, le second, sur le taux de remise catalogue, affecté de 5 points, dont la note est le résultat du rapport du taux de remise du candidat sur le taux de remise le plus élevé, multiplié par 5. Par ailleurs, l’article 4 du cahier des clauses particulières de l’accord cadre prévoyait que les catalogues devaient être joints à l’offre du candidat, qui s’engageait à joindre « un tarif public ou personnalisé et les caractéristiques du rabais consenti ». Ainsi que le fait valoir la société requérante, en ne prenant en compte que le taux de remise pour calculer la note



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ainsi attribuée à ce sous-critère, sans tenir compte du niveau des prix des articles contenus dans le ou les catalogues des candidats, sur la base desquels était appliqué le rabais proposé, la méthode de notation retenue ne permet pas d’attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas. Si la commune soutient que le recours au catalogue proposé par les candidats est nécessaire pour effectuer des commandes ponctuelles d’articles ne figurant pas dans le bordereau des prix unitaires, que l’acheteur doit ainsi pouvoir prendre en compte le taux de remise proposé mais ne pouvait, en l’espèce, tenir compte du niveau des tarifs appliqués avant rabais et qu’enfin, le sous-critère en litige était faiblement pondéré, ces circonstances ne permettent pas de justifier la régularité de la méthode de notation retenue.

7. Il résulte de l’instruction que la société Lacoste a obtenu la note maximum de 45 points sur le sous-critère du devis quantitatif estimatif et la note de 1,44 points sur le sous- critère du taux de remise sur catalogue, soit un total de 46,44 points sur le critère prix alors que la société attributaire a obtenu un total de 42,92 points sur le critère du prix, décomposé en 37,92 points sur le sous-critère du devis quantitatif estimatif et la note maximale de 5 points sur le sous-critère du taux de remise sur catalogue. Ainsi, compte-tenu de la faiblesse de l’écart des notes de l’attributaire et de la requérante, soit 1,98 points, et de la circonstance que l’offre de la société Lacoste a obtenu la note maximale au sous-critère du devis quantitatif estimatif, le manquement de la commune de Saint-Gilles à son obligation de mise en concurrence des candidats est susceptible d’avoir lésé la société Lacoste.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu’eu égard à la nature du vice qui entache la procédure de passation de l’accord-cadre à bon de commande, la société Lacoste est fondée à demander l’annulation de cette procédure concernant le lot n° 2 relatif aux fournitures courantes et petits matériels scolaires usuels.

Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la SAS Lacoste qui n’est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Saint-Gilles demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la SAS Lacoste.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation du lot n° 2 relatif aux fournitures courantes et petits matériels scolaires usuels du marché de type accord-cadre à bons de commande, ayant pour objet l’acquisition de fournitures scolaires à destination des écoles maternelles et élémentaires et du service enfance de la commune de Saint-Gilles est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Lacoste, à la commune de Saint-Gilles et à la société Nouvelle Librairie Charlemagne.



N° 1904189 6

Fait à Nîmes, le 31 décembre 2019,

Le juge des référés,

F. X

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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