Tribunal administratif de Paris, 9 décembre 2016, n° 1517275

  • Justice administrative·
  • Chambre syndicale·
  • Transporteur·
  • Ville·
  • Sociétés·
  • Marchés publics·
  • Pouvoir adjudicateur·
  • Prestation·
  • Contrats·
  • Capacité professionnelle

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Paris, 9 déc. 2016, n° 1517275
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1517275

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N°1517275/4-2

SOCIETE ORGANIDEM

M. X Rapporteur

Mme Mauclair Rapporteur public

Audience du 25 novembre 2016 Lecture du 9 décembre 2016 C 39-02-04

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(4 ème Section – 2e Chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2015, la société par actions simplifiée Organidem, représentée par Me Nicolas Y, demande au tribunal de prononcer l’annulation ou, à défaut, la résiliation du lot n°3 du marché à bons de commande du 28 mai 2015, par lequel la ville de Paris a confié au groupement constitué des sociétés CVSD Demepool, Ares Services et Grimaldi Transferts la réalisation de prestations de déménagement, destructions et garde meubles d’objets mobiliers, matériels et documents pour les établissements scolaires de la collectivité parisienne.

Elle soutient que :

— la société CVSD Demepool a procédé à de fausses déclarations sur les moyens humains dont elle dispose, de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats ;

— la composition du groupement attributaire est irrégulière dès lors que la société Ares Services n’est pas inscrite au registre des transporteurs routiers.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2016, la société à responsabilité limitée CVSD Demepol, représentée par Me Anne-A B, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la société Organidem une somme de 3 000 euros à son profit sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable faute de production de la décision attaquée, de signature par son auteur ou le mandataire de celui-ci et de notification du recours au pouvoir adjudicateur ;

— la société requérante n’établit pas le caractère mensonger de ses déclarations ; la capacité d’effectuer la prestation doit être examinée à l’échelle du groupement et non d’une seule des entreprises qui le composent ;

— les entreprises composant le groupement ne devaient pas être impérativement toutes trois inscrites au registre des transporteurs routiers.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 26 mai 2016, la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions à fin d’annulation de la société Organidem et demande au tribunal de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 3 000 euros à son profit sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle a intérêt à intervenir pour défendre les intérêts de la profession de déménageur, mis en cause par l’exercice de la profession sans inscription au registre des transporteurs routiers ;

— si la capacité professionnelle d’un groupement doit être évaluée globalement, la capacité administrative de chacune des entreprises qui le composent doit être évaluée individuellement ; la composition du groupement attributaire est dès lors irrégulière ; la ville de Paris aurait dû rejeter la candidature ou, subsidiairement, l’étudier en faisant abstraction des compétences de la société Ares Services, dépourvue d’autorisation professionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2016, la maire de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— la requête est irrecevable faute de production de la décision attaquée et de signature par son auteur ou le mandataire de celui-ci ;

— les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Une ordonnance en date du 25 juillet 2016 a fixé la clôture de l’instruction au 16 septembre 2016.

Un mémoire, présenté pour la société Organidem, a été enregistré le 10 novembre 2016, postérieurement à la clôture de l’instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code des marchés publics (édition 2006),

— le code des transports,

— le décret n°99-752 du 30 août 1999,

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. X ;

— les conclusions de Mme Mauclair, rapporteur public ;

— et les observations de Me Y pour la société Organidem, Me Williamson pour la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France et M. Z pour la ville de Paris.

Une note en délibéré, produite par la ville de Paris, a été enregistrée le 28 novembre 2016.

Une note en délibéré, produite pour la société Organidem, a été enregistrée le 30 novembre 2016.

1. Considérant que la ville de Paris a conclu le 28 mai 2015 avec un groupement comprenant les sociétés CSVD Demepool, Ares Services et Grimaldi Transferts, le lot n° 3 d’un marché à bons de commande portant sur des prestations de déménagement, destruction et garde-meuble d’objets mobiliers, matériels et documents des établissements scolaires de la collectivité parisienne ; que la société Organidem, qui a présenté une offre classée deuxième après celle du groupement attributaire, demande l’annulation ou, à défaut, la résiliation de ce marché public ;

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 414-1 du code de justice administrative : « Lorsqu’elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public, la requête peut être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d’une application informatique dédiée accessible par le réseau internet » ; qu’aux termes de l’article R. 414-2 du même code : « L’identification de l’auteur de la requête, selon les modalités prévues par l’arrêté mentionné à l’article R. 414-1, vaut signature pour l’application des dispositions du présent code » ; que la requête de la société Organidem a été présentée par un avocat au travers de l’application Télérecours mentionnée par ces dispositions, qui permet l’identification de son auteur ; qu’elle doit dès lors être regardée comme régulièrement signée ;

3. Considérant que l’article R. 412-1 du code de justice administrative dispose : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l’article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation » ; que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, la requête de la société Organidem comporte en pièce jointe l’acte d’engagement signé le 28 mai 2015 par la ville de Paris et la société CSVD Demepool en qualité de mandataire du groupement attributaire ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de la décision attaquée ne peut dès lors qu’être écartée ;

4. Considérant que les dispositions de l’article R. 551-1 du code de justice administrative ne s’appliquent qu’à la procédure de référé précontractuel ; que leur méconnaissance ne saurait dès lors être utilement invoquée par la société CSVD Demepool dans le cadre de la présente instance ;

Sur l’intervention de la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France

5. Considérant qu’est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige ; que compte-tenu, d’une part, de son objet, tel que défini par ses statuts, qui incluent la défense des droits des entreprises pratiquant le déménagement et l’action en justice pour la défense des intérêts dont elle a la charge, ainsi que, d’autre part, des questions d’ordre général soulevées par le présent litige, la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance ; que son intervention est dès lors recevable ;

Sur les conclusions à fin d’annulation ou de résiliation du marché litigieux et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête

6. Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que si le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office ; que le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif ne peut ainsi, à l’appui d’un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d’ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ;

7. Considérant qu’aux termes des dispositions du I de l’article 35 du code des marchés publics, alors en vigueur : « (…) Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. (…) » ; qu’aux termes du III de l’article 53 du même code : « Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (…) » ;

8. Considérant que le 4° du II de l’article 30 du code des marchés publics alors en vigueur dispose, s’agissant des marchés de prestations de services : « Le pouvoir adjudicateur veille au respect des principes déontologiques et des réglementations applicables, le cas échéant, aux professions concernées » ; qu’aux termes de l’article L. 3211-1 du code des transports : « L’exercice des professions de transporteur public routier de marchandises, y compris de déménagement, ou de loueur de véhicules industriels avec conducteur peut être subordonné, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, à des conditions d’établissement, d’honorabilité professionnelle, de capacité financière et de capacité professionnelle ainsi qu’à l’inscription à un registre tenu par les autorités de l’Etat » ; qu’une telle obligation a été fixée par le décret n°99-752 du 30 août 1999, pris pour l’application de ces dispositions ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article 51 du code des marchés publics alors en vigueur : « I. – Les opérateurs économiques sont autorisés à se porter candidat sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint (…) / Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché. / III. (…) En cas de groupement solidaire, l’acte d’engagement est un document unique qui indique le montant total du marché et l’ensemble des prestations que les membres du groupement s’engagent solidairement à réaliser » ; qu’aux termes de l’article 52 du même code : «  L’appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d’un groupement est globale. Il n’est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des compétences techniques requises pour l’exécution du marché » ;

10. Considérant que le marché litigieux porte en majeure partie sur des prestations de déménagement, lesquelles ne peuvent être légalement exercées que par des entreprises inscrites sur le registre des transporteurs routiers prévu par les dispositions visées au point 8 du présent jugement ; que si ce marché comporte également des prestations de garde-meuble qui ne sont pas soumises à une telle réglementation, l’acte d’engagement du 28 mai 2015 ne précise pas quelles prestations chaque membre du groupement s’engage à exécuter, mais les seules prestations globales que les membres du groupement s’engagent solidairement à réaliser ; qu’il n’est allégué ni par la société Organidem, ni par la ville de Paris, que les prestations de déménagement ne seraient effectuées que par les sociétés CVSD Demepool et Grimaldi Transferts, inscrites au registre des transporteurs routiers, et non par la société Ares Services, qui ne l’est pas ; qu’au contraire, il est soutenu en défense que les dispositions précitées de l’article 52 du code des marchés publics feraient obligation au pouvoir adjudicateur d’apprécier globalement au niveau du groupement le respect de la réglementation de la profession de transporteur routier ; que toutefois, l’inscription sur le registre des transporteurs routiers, qui est une condition légale d’exercice de cette profession, ne peut être regardée comme une capacité professionnelle, technique ou financière au sens de ces dispositions ;

11. Considérant qu’il en résulte que la société Organidem est fondée à soutenir que, faute que la société Ares Services soit inscrite sur le registre des transporteurs routiers ou que l’offre du groupement exclue cette société des prestations de déménagement qui ne peuvent être effectuées que par une société remplissant cette condition, l’offre du groupement attributaire était inacceptable et devait être écartée par la ville de Paris ;

12. Considérant qu’il revient au juge du contrat, après avoir pris en considération la nature des vices entachant la validité du contrat, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu’en présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci ;

13. Considérant qu’en raison du vice relevé au point 11 du présent jugement, le contrat litigieux a une cause illicite, ce qui constitue une illégalité d’une particulière gravité ; que cette irrégularité n’est pas susceptible d’être régularisée en cours d’exécution ; que le marché litigieux doit dès lors être annulé ; qu’eu égard à l’intérêt général qui s’attache à ce que ce l’exécution de ce marché ne soit pas interrompue pour ne pas entraver le fonctionnement du service public de l’éducation, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de différer les effets de cette annulation d’une durée de six mois à compter de la notification du présent jugement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

14. Considérant que l’article L. 761-1 du code de justice administrative dispose : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

15. Considérant que la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France n’étant pas partie à la présente instance, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris la somme qu’elle réclame sur leur fondement ;

16. Considérant que les mêmes dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Organidem, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée sur leur fondement par la société CSVD Demepool ;

D E C I D E :

Article 1 er : L’intervention de la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France est admise.

Article 2 : Le lot n° 3 du marché à bons de commande du 28 mai 2015, par lequel la ville de Paris a confié au groupement constitué des sociétés CVSD Demepool, Ares Services et Grimaldi Transferts la réalisation de prestations de déménagement, destructions et garde meubles d’objets mobiliers, matériels et documents pour les établissements scolaires de la collectivité parisienne est annulé à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée Organidem, à la chambre syndicale des entreprises de déménagement et de garde-meubles de France, à la ville de Paris, à la société à responsabilité limitée CVSD Demepool, à la société par actions simplifiée à associé unique Ares Services et à la société anonyme Grimaldi Transferts.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Paris, 9 décembre 2016, n° 1517275