Tribunal administratif de Paris, 14 juin 2017, n° 1604999

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 14 juin 2017, n° 1604999
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1604999

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

1604999/4-2

[…]"

M. X Rapporteur

M. Simonnot Rapporteur public

Audience du 31 mai 2017 Lecture du 14 juin 2017 01-03-02-06

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(4e Section – 2e Chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er avril 2016, 2 septembre 2016, 6 février 2017, 1 er mars 2017 et 28 avril 2017, l’association « le […] », représentée par Me Sevino, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision en date du 3 février 2016 par laquelle la ville de Paris a retenu le projet de l’équipe « Etoile Cinémas » relatif à la « sous-station Voltaire » dans le cadre de l’appel à projets « réinventer Paris » ; 2°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les signataires des mémoires en défense présentés par la ville de Paris enregistrés les 11 juillet 2016 et 17 mai 2017 sont incompétents ; la société Etoile cinémas développement, faute de produire ses statuts, ne justifie pas de sa qualité pour défendre ; ainsi ces écritures de défense devront être écartées ;

— la présidente de l’association a été dûment habilitée pour introduire la présente requête par des délibérations du conseil d’administration en date des 27 février 2016 et 27 avril 2017 ; ainsi, elle établit avoir qualité pour agir ;

— l’association a, notamment, pour objet la sauvegarde du bâtiment sis […] à Paris que le projet, qui prévoit d’importants travaux, est susceptible de dénaturer ; elle a également pour objet l’élaboration d’un projet concerté et participatif, alors qu’aucune concertation n’a été menée avec elle ; dans ces conditions, elle justifie d’un intérêt à agir ;

— le bâtiment sis […] une ancienne sous-station électrique ; ce bâtiment, « hors norme » par son histoire, fait l’objet d’une protection patrimoniale compte tenu de ses caractéristiques architecturales remarquables ; l’association « le […] » a pour objet d’élaborer un projet participatif pour « faire vivre un lieu ouvert et citoyen » ; le projet de réhabilitation du site porte atteinte à la viabilité de son activité ; dès lors, elle justifie d’un intérêt à agir ;

— alors que sa requête tend à l’annulation de la décision d’attribution du projet, la ville de Paris ne peut utilement prétendre que la requête tendrait à contester la validité d’un contrat ; en tout état de cause, la décision litigieuse forme un contrat ;

— la procédure d’appel à projets lancée par la ville de Paris doit être requalifiée en procédure tendant à l’attribution d’un marché, soumise au code des marchés publics ;

— l’appel à projets n’a pas respecté les règles de procédure prévues par le code des marchés publics ; alors qu’elle a soulevé un moyen tiré du vice de procédure dès sa requête introductive instance, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, le moyen tiré de ce que cette dernière n’a pas respecté la procédure prévue par l’appel à projets est bien recevable ; sur trente membres votants ayant participé au jury dit « international », quatorze sont adjoints au maire de Paris, six représentent des groupes politiques, l’un est maire d’arrondissement, quatre représentent des structures parisiennes qui n’ont rien d’international et les quatre derniers seulement ont, selon la ville de Paris, la qualité d’experts internationaux ; à cet égard, si les noms de certains de ces experts sont incontestablement des personnalités, le règlement prévoyait que le jury serait composé de deux collèges ; ainsi, l’exécutif parisien a eu un poids déterminant et décisionnaire incontestable au sein de du jury ; ce dernier n’a pas été présidé par une personnalité internationale ;

— à la date de la décision litigieuse, la nature des relations contractuelles entre le lauréat et la ville de Paris n’était pas déterminée et le bien constituait une dépendance du domaine public ; ainsi, la procédure de choix du lauréat de l’appel à projets méconnaît l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 juillet 2016, 15 septembre 2016, et le 24 avril 2017, la ville de Paris conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable ; elle a été introduite avant que ne soit ouvert le délai d’introduction d’un recours en contestation de validité du contrat ; le contrat à passer n’est pas constitutif d’un marché public ; la procédure d’appel à projets aboutira à la conclusion d’un bail emphytéotique administratif ; les intérêts de l’association « le […] », qui se présente comme tiers au contrat et non comme concurrent évincé, ne peuvent pas être lésés par la passation du contrat ; l’association n’est pas susceptible d’être lésée par les clauses d’un contrat inexistant ; à supposer même que la requête tende à l’annulation de la décision de désignation du projet lauréat, la légalité d’une telle décision ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours en contestation de validité du contrat ; la requérante ne justifie pas de la qualité pour agir de sa présidente ;

— le moyen tiré du vice de procédure, qui n’a pas été soulevé par la requérante dans sa requête introductive et dans son premier mémoire, procède d’une cause juridique nouvelle, a été présenté postérieurement à l’expiration du délai de recours contentieux et est, comme tel, irrecevable ;

— ce moyen est mal fondé ; en tout état de cause, il n’est pas établi que l’absence, selon la requérante, d’experts internationaux, aurait été de nature à la priver d’une quelconque garantie, la décision appartenant au seul conseil de Paris, libre, le cas échéant, de ne retenir aucun candidat ;

— le site de la sous-station Voltaire a été déclassé par délibération du conseil de Paris des 7, 8 et 9 novembre 2016 ;

— la requérante opère une confusion entre les prescriptions qui s’imposent à un acheteur public pour définir son besoin dans le cadre de la commande publique et la possibilité pour une collectivité de définir des conditions pour garantir que les modalités d’exploitation de son domaine seront conformes à l’intérêt public ; en tout état de cause, la condition d’onérosité consubstantielle à la qualification des contrats de la commande publique n’est pas remplie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 23 avril 2017 et 2 mai 2017, la société Etoile cinémas développement, représentée par Me B, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de l’association « le […] », une somme de 5000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la société Etoile cinémas développement est une société par action simplifiée ; dès lors, en vertu des dispositions mêmes de l’article L. 227-6 du code de commerce, son président, représentant légal, a qualité pour agir ; dans ces conditions, c’est à tort que la requérante soutient que ses écritures de défense doivent être écartées ;

— la requête est irrecevable ; la requérante ne justifie pas de son intérêt à agir ; la prétendue association requérante a pour objet unique et réel de mener une « guérilla contentieuse » contre son projet ; de plus ce projet, qui, s’il suppose des travaux importants, respecte le bâtiment et notamment sa façade et une large partie de la structure existante, n’est pas susceptible de léser ses intérêts ; les tiers ne sont pas recevables à agir contre les actes détachables d’un contrat et ce, que le contrat soit signé, ou non, à la date à laquelle ils contestent le choix d’un cocontractant ; en l’espèce, le contrat à intervenir, un bail emphytéotique administratif, sera un contrat administratif ;

— en l’absence d’onérosité et de réponse à un besoin de la ville de Paris, le contrat ne constitue pas un marché public ;

— le moyen tiré de ce que la ville de Paris n’aurait pas respecté la procédure prévue par l’appel à projets ne peut qu’être écarté.

La ville de Paris a produit un mémoire enregistré le 17 mai 2017.

Par une ordonnance en date du 3 mai 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au 17 mai 2017.

La ville de Paris a produit un mémoire enregistré le 30 mai 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code général de la propriété des personnes publiques ;

— le code de commerce ;

— la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. X,

— les conclusions de M. Simonnot, rapporteur public,

— les observations de Me Y, représentant l’association « le […] », celles de M. Z, représentant la ville de Paris et celles de Me A, représentant la société Etoile cinémas développement.

Connaissance prise des notes en délibéré, enregistrées le 2 juin 2017, présentées, respectivement, par la ville de Paris et par Me B, pour la société Etoile cinémas développement.

1. Considérant que, le 3 novembre 2014, la ville de Paris a lancé un appel à projets, intitulé « réinventer Paris », visant à sélectionner des projets urbains ou de constructions en vue de leur réalisation sur des terrains ou des immeubles, propriétés de la ville ou de tiers ; qu’au nombre de ces terrains et bâtiments figure un immeuble, sis […], abritant une sous-station électrique dite Parmentier ou Voltaire, à l’architecture, qualifiée d’emblématique, des sous-stations construites entre 1900 et la seconde guerre mondiale ; qu’il ressort des termes du règlement de l’appel à projets que, s’agissant de ce bâtiment, la ville de Paris entend lancer le « défi d’y inventer le cinéma de demain » en vue de favoriser l’émergence d’un cinéma « populaire et qualitatif » par l’implantation de plusieurs salles de projection cinématographique publiques, ainsi « idéalement » que la mise en place d’une activité de restauration à destination du public ; que l’association « le […] » demande l’annulation de la décision en date du 3 février 2016, révélée par un message selon lequel : « Le projet gagnant est Etoile Voltaire (…) # RéinventerParis (…) », figurant, à cette date, sur le compte « Twitter » du maire de Paris, par laquelle la ville de Paris a retenu le projet « Etoile Voltaire » de la société Etoile cinémas développement, comme lauréat de l’appel à projets au titre du bâtiment situé […] ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des mémoires en défense enregistrés les 11 juillet 2016 et 24 avril 2017, produits par la ville de Paris et du mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2017, produit pour la société Etoile cinémas développement ;

Sur les fins de non recevoir opposées en défense :

2. Considérant qu’aux termes des statuts de l’association « le […] », cette dernière a pour objet : « l’élaboration d’un projet concerté et participatif, pour faire vivre un lieu ouvert et citoyen, situé […] à Paris, avec l’objectif d’une sauvegarde du bâtiment comme un bien commun et d’une conservation et d’une protection de la sous-station Voltaire de l’architecte C D » ; qu’ainsi, l’objet social de l’association requérante se rapporte, notamment, à la sauvegarde de la sous-station Voltaire ; qu’il est constant que le projet architectural de la société Etoile cinémas développement prévoit, notamment, une surélévation du bâtiment en façade supportée par une ossature en bois et acier, destinée à accueillir une grande salle de projection cinématographique ; que par son ampleur ce projet est susceptible de modifier très substantiellement la façade du bâtiment ; que dans ces conditions et alors que rien ne permet d’estimer que la requérante aurait, comme le fait valoir la société Etoile cinémas développement, pour objet réel et unique, celui de mener une « guérilla contentieuse » contre son projet, l’association « le […] », justifie, eu égard à son objet social, d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

3. Considérant qu’il appartient à la juridiction administrative saisie de s’assurer, le cas échéant, que le représentant d’une personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie ; que tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l’autre partie ou qu’au premier examen l’absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier ; qu’à ce titre, si le juge doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée ; qu’en l’absence, dans les statuts d’une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter cette association en justice ; que dans le silence desdits statuts sur ce point, l’action ne peut être régulièrement engagée que par l’assemblée générale ; que les statuts de l’association requérante ne désignent pas l’organe ayant le pouvoir de la représenter en justice ; que par une délibération en date du 27 février 2016, l’assemblée générale de ladite association a mandaté sa présidente pour introduire la présente instance ; qu’ainsi, la fin de non recevoir tirée de ce que la requête aurait été introduite par une personne n’ayant pas qualité pour ce faire doit être écartée ;

4. Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’appel à projets précité organise, sous la responsabilité de la ville de Paris, une procédure sui generis de sélection de projets urbains ou de constructions en vue de leur réalisation sur le « territoire parisien », défini comme constituant une « offre foncière et immobilière (…) composée de terrains et d’immeubles, propriétés de la ville ou de ses partenaires, bailleurs sociaux ou aménageurs (…) » ; que le règlement de l’appel à projets prévoit, au bénéfice des lauréats, un « transfert de droits », défini par ce règlement comme signifiant : « cession en plein propriété, cession de droits réels ou de tout droit sur le volume bâti résultant d’un bail emphytéotique, soit de tout autre montage visant à dissocier le bâti de la propriété foncière. » ; que ce « transfert de droits » fait l’objet d’un contrat, négocié entre la ville de Paris et le candidat dont l’offre initiale a été présélectionnée ;

6. Considérant que le bâtiment précité sis […] a, à la date à laquelle la décision litigieuse a été prise, la qualité de dépendance du domaine public de la ville de Paris ; qu’il résulte des stipulations de l’article 1.1 des conditions particulières relatives à ce site que ce bien consiste, d’une part, en un volume immobilier qui fera l’objet du « transfert de droits » évoqué au point 5, d’autre part, de volumes abritant des équipements de distribution d’électricité exploités par Electricité réseau distribution France (ERDF) devenue depuis Enedis ; que l’article 2.8 de ces conditions particulières prévoit, au titre des conditions suspensives et préalables au transfert de droit : «  (…) le constat de la désaffectation et du prononcé du déclassement de l’immeuble par le conseil de Paris (hors volumes restant exploités par ERDF conservés par la ville de Paris). » ; que dès lors, si la ville de Paris évoque dans son premier mémoire en défense la simple éventualité d’un déclassement du domaine public du bien, les conditions particulières de l’appel à projets en font un préalable obligatoire à la conclusion du contrat, sauf pour ce qui concerne les volumes exploités par Enedis ; qu’au demeurant, en dernier lieu, la ville de Paris fait valoir que le bien a été déclassé par une délibération du conseil de Paris des 7, 8 et 9 novembre 2016 ; qu’ainsi, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, s’agissant du volume immobilier contenu dans la sous-station électrique du […] et à l’exclusion des parties du bâtiment abritant des équipements de distribution électrique, l’appel à projets s’analyse comme une procédure de sélection d’un projet en vue, après déclassement du domaine public dudit volume, soit d’une vente de ce volume soit de la conclusion d’un bail emphytéotique ou de tout autre « montage visant à dissocier le bâti de la propriété foncière » ;

7. Considérant qu’aux termes du point 3.4 du règlement de l’appel à projets : « La maire de Paris sélectionnera un projet lauréat pour chaque site suivant le classement établi par le jury. / La désignation sera notifiée au candidat retenu et vaudra engagement de présenter l’offre au conseil de Paris pour acceptation (…) » ; que la décision litigieuse, prise sur le fondement de ces dispositions, s’analyse, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 6, comme le choix, par la ville de Paris, du cocontractant qui sera bénéficiaire, au titre de la sous-station électrique, de l’une ou l’autre des modalités de « transfert de droits » prévues par l’appel à projets ; que la société Etoile cinémas développement fait valoir que ce « transfert de droits » prendra, en l’espèce, la forme d’un bail emphytéotique administratif ; que cette information est corroborée par la ville de Paris qui, pour la première fois, soutient, dans son mémoire en défense enregistré le 24 avril 2017, que le contrat à intervenir aura une telle forme ; que toutefois, il ressort également des pièces du dossier et notamment des termes du mémoire en défense de la ville de Paris, enregistré le 11 juillet 2016, selon lesquels il n’est « pas exclu », à cette date, que le contrat « soit un contrat de droit privé », qu’il « pourrait néanmoins avoir la nature de contrat administratif, notamment si le montage retenu est un bail emphytéotique administratif » et qu’au « moment de l’introduction de la requête, la qualification du contrat n’est pas encore scellée », qu’à la date à laquelle la ville de Paris a choisi son cocontractant, la nature de l’acte de « transfert de droits » auquel elle entendait avoir recours et partant, le caractère administratif, ou non, du contrat à intervenir, n’était pas déterminé ; que dès lors que le caractère administratif de ce contrat était, à la date de la décision litigieuse, comme à la date d’introduction de la présente requête, selon les propres écritures de la ville de Paris, seulement éventuel, les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que la légalité du choix du cocontractant ne pourrait être contestée que dans le cadre du recours de pleine juridiction défini au point 4, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité relatives à un contrat administratif ; qu’il suit de là que les fins de non recevoir tirées de ce que la décision litigieuse ne pourrait être contestée qu’à l’occasion d’un tel recours, de ce que la requête a été introduite avant que ne soit ouvert le délai d’introduction de ce recours, de ce que les intérêts de l’association « le […] », tiers au contrat et non concurrent évincé, ne peuvent être lésés par la passation du contrat et de ce que l’association n’est pas susceptible d’être lésée par les clauses d’un contrat inexistant, doivent être écartées ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

8. Considérant que s’il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la requérante ne peut utilement soutenir que la décision litigieuse s’analyserait comme un contrat et que la ville de Paris aurait été tenue de respecter « une des procédures » prévue par le code des marchés publics, alors en vigueur, en vue de désigner le lauréat de l’appel à projets au titre du bâtiment du […], ce moyen, tiré du vice de procédure, a été soulevé par la requérante dans sa requête introductive d’instance ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que la ville de Paris n’a pas respecté la procédure de choix du lauréat qu’elle a librement instituée, soulevé par l’association « le […] » dans son mémoire enregistré le 6 février 2017, ne procède pas d’une cause juridique nouvelle ; que dès lors, la ville de Paris n’est pas fondée à soutenir que ce moyen procèderait d’une telle cause, aurait été soulevé postérieurement à l’expiration du délai de recours contentieux et serait, par suite, irrecevable ;

9. Considérant que l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 susvisée dispose que : « Lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l’encontre de la décision » ; que ces dispositions énoncent, s’agissant des irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme, une règle qui s’inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ;

10. Considérant que le point 3.1 de la deuxième partie du règlement de l’appel à projets « réinventer Paris », prévoit que les propositions remises par les candidats sont analysées par un comité technique ; que selon le point 3.2 de ce règlement, un premier jury, « composé notamment d’élus, de représentants des services de la ville et d’experts extérieurs », présélectionne, pour chaque site, sur la base des analyses du comité technique, une liste restreinte de projets ; que le point 3.3 du même règlement, intitulé « jury international », prévoit que, sur la base de l’analyse du comité technique et de la présélection par le premier jury, un « (…) jury international proposera un classement des projets permettant de désigner un lauréat pour chacun des sites. Le jury sera présidé par une personnalité internationale et composé de deux collèges d’élus et d’experts. » ;

11. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment d’un acte notarié dressé à la demande de la ville de Paris le 22 janvier 2016 et des pièces qui lui sont annexées, que, le 7 juillet 2015, un premier jury, dont la composition n’est pas connue, s’est réuni et a présélectionné quatre projets ; que le jury final, c’est à dire le jury international selon les termes du règlement de l’appel à projets, réuni le 22 janvier 2016, a désigné comme lauréat « Etoile Cinéma », par référence au groupe familial éponyme propriétaire de la société Etoile cinémas développement porteuse du projet « Etoile Voltaire » ; que ce jury, présidé par le premier adjoint au maire, comportait, d’une part, outre ce dernier, vingt neuf « membres votants » soit trente membres de cette première catégorie, d’autre part, dix « membres non votants » et enfin des « invités » ; que parmi les trente membres votants, vingt et un ont la qualité d’élus municipaux ; qu’il ressort de la feuille d’émargement annexée à l’acte notarié précité que vingt trois membres votants ont effectivement assisté au jury, dont, en premier lieu, quinze élus municipaux, premier adjoint au maire, adjoints au maire pour huit d’entre eux, président de groupe politique au conseil de Paris pour cinq d’entre eux et maire du onzième arrondissement pour le dernier, en deuxième lieu, quatre personnes dénommées qui ont siégé, es qualité, respectivement, de président de la commission du vieux Paris, de directrice générale de l’atelier parisien d’urbanisme, de directeur général du pavillon de l’Arsenal et de représentant de « Paris & Co » et enfin quatre personnes siégeant en qualité « d’expert international » ; que les dix membres non votants prévus, dont trois étaient présents, selon la même liste d’émargement, ont tous la qualité de fonctionnaire de direction des services de la ville de Paris placés sous l’autorité hiérarchique de l’exécutif municipal ; que les qualités, l’origine, les modalités de désignations et le rôle des « membres invités » figurant sur cette liste ne sont pas connus, hormis pour ce qui concerne le premier dénommé qui aurait eu la qualité de rapporteur devant le jury ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 11 que le jury international ne comportait pas deux collèges, c’est-à-dire deux groupes de personnes équilibrés en nombre, d’élus et d’experts, conformément au point 3.3 du règlement de l’appel à projets, mais des « membres votants », des « membres non votants » et des invités ; que s’agissant des « membres votants », vingt trois personnes ont effectivement assisté au jury, dont quinze sont des élus de la ville de Paris, quatre, des experts internationaux, d’après la ville de Paris, et quatre ne relevant d’aucune de ces deux catégories ; qu’il suit de là que la composition du jury international n’était donc pas régulière ;

13. Considérant au surplus que le point 3.3 du règlement de l’appel à projets, en tant qu’il dispose que la présidence du jury sera exercée par une personnalité internationale, a, nécessairement, fixé une règle ; que dès lors, si ledit règlement non plus qu’aucun autre texte, ne définit la notion de personnalité internationale, il appartient au juge, pour apprécier le mérite du moyen tiré de la méconnaissance de la règle que la ville de Paris s’est librement fixée, d’en apprécier la portée ; que dans les circonstances de l’espèce, au regard des caractéristiques de la présente procédure de sélection et du caractère concurrentiel de l’appel à projets, cette règle vise à tout le moins à garantir et à afficher l’indépendance du président du jury vis à vis de la ville de Paris en imposant que ce dernier lui soit extérieur ; que, par suite, le règlement de l’appel à projets ne permettait pas à un élu de la municipalité de présider le jury international de l’appel à projets ;

14. Considérant qu’il résulte des termes, rappelés au point 7, de l’article 3.4 du règlement de l’appel à projets, que la décision arrêtant le choix du lauréat est prise « suivant le classement établi par le jury » et que cette décision « vaut », après notification au lauréat, engagement du maire de Paris de présenter l’offre au conseil de Paris pour « acceptation » par ce dernier ; qu’ainsi, selon la procédure prévue par le règlement de l’appel à projets lorsque, comme en l’espèce, le jury international s’abstient, en méconnaissance des dispositions du point 3.3 de ce règlement, de proposer un classement des quatre projets dont il était saisi pour ne proposer de retenir qu’un seul projet, le maire de Paris est tenu, sauf à renoncer à désigner un lauréat, de retenir le choix du jury qui sera « accepté » par le conseil de Paris ; que dès lors, l’irrégularité de la composition et du fonctionnement du jury a, nécessairement, exercé une influence directe sur le sens de la décision prise ; que cette irrégularité constitue ainsi un vice substantiel qui a influé sur cette décision ; qu’il suit de là que la décision révélée par un message en date du 3 février 2016 figurant sur le compte « Twitter » du maire de Paris a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ; qu’elle doit dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, être annulée ;

Sur le surplus :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association « le […] », qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Etoile cinémas développement sur ce fondement ; qu’en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la ville de Paris désignant le projet « Etoile Voltaire » de la société Etoile cinémas développement, comme lauréat de l’appel à projets « réinventer Paris » au titre du bâtiment sis[…] est annulée.

Article 2 : La ville de Paris versera à l’association « le […] » une somme de 1000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Etoile cinémas développement tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’association « le […] », à la société Etoile cinémas développement et à la ville de Paris.

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Tribunal administratif de Paris, 14 juin 2017, n° 1604999