Tribunal administratif de Paris, 29 décembre 2023, n° 2328897

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 29 déc. 2023, n° 2328897
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2328897
Importance : Inédit au recueil Lebon
Dispositif : Rejet défaut de doute sérieux
Date de dernière mise à jour : 20 février 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, Mme E D C demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 16 novembre 2023 par laquelle le directeur du groupe hospitalo-universitaire Nord-Université Paris Cité, dépendant de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, lui a infligé la sanction disciplinaire de douze mois d’exclusion temporaire de fonctions, dont six mois avec sursis, à compter du 1er décembre 2023, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l’AP-HP le versement d’une somme de 600 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence est remplie dès lors que la sanction litigieuse la prive de toute ressource ;

— il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée dès lors qu’elle est entachée d’incompétence de l’auteur de l’acte ;

— cette décision est insuffisamment motivée ;

— elle est entachée d’erreurs de fait dès lors que les propos qui lui sont prêtés à l’égard de ses collègues ont été déformés et amplifiés ;

— elle est entachée d’erreur dans la qualification juridique des faits ;

— elle est entachée d’erreur d’appréciation dès lors que la sanction qui lui a été infligée n’est pas proportionnée aux faits qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2023, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, représenté par la Selarl Minier, Maugendre et Associées, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu’une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de Mme D C au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu’aucun des moyens n’est fondé.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 18 décembre 2023, sous le n° 2328853, par laquelle Mme D C demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— le code général de la fonction publique ;

— le code de la santé publique ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Pény pour statuer sur la demande de référé.

Les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 27 décembre 2023, tenue en présence de Mme Lardinois, greffière d’audience :

— le rapport de M. Pény ;

— les observations de Me Rabbe, représentant Mme D C, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire par les mêmes moyens ;

— et les observations de Me Guardiola, représentant l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire par les mêmes moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D C a été initialement recrutée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à compter du 11 mars 2002, en qualité d’aide-soignante contractuelle à l’hôpital Saint-Louis, puis aide-soignante stagiaire à compter du 1er octobre 2002, avant d’être titularisée le 1er octobre 2003. Le 4 septembre 2017, Mme D C a été affectée au sein du service de la crèche hospitalière, en qualité d’officière lingère. Le 9 février 2023, l’intéressé a fait l’objet d’une suspension à titre conservatoire en raison d’un comportement jugé agressif à l’égard de ses collègues. Une enquête administrative a été diligentée du 20 au 24 mars 2023. Le 15 mai 2023, la directrice des ressources humaines de l’hôpital Saint-Louis a demandé la saisine de la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire et a transmis, le 23 août 2023, un rapport à la présidence du conseil de discipline en sollicitant la comparution de Mme D C pour « altération du bon fonctionnement de la crèche du personnel, attitude et propos déplacés, insultants ou menaçants ». Le 26 septembre 2023, le conseil de discipline a rendu un avis proposant une absence de sanction à l’encontre de Mme D C. Par un arrêté du 16 novembre 2023 du directeur du groupe hospitalo-universitaire Nord-Université Paris Cité, Mme D C s’est vu infliger une sanction d’exclusion temporaire d’un an, dont six mois avec sursis. Mme D C demande au tribunal d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 16 novembre 2023, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ». Aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. () ». Enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire ».

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D C, le directeur du groupe hospitalo-universitaire Nord-Université Paris Cité, dépendant de l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, disposait d’une délégation de signature, en vertu du 24°) de l’article 1 B de l’arrêté du 5 juillet 2022 n°75-2022-07-05-00014 fixant les matières déléguées par le directeur général de l’AP-HP aux directeurs de groupes hospitalos-universitaires, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n°75-2022-504 du 6 juillet 2022, afin de signer « les décisions relatives à l’application de sanctions disciplinaires aux personnels non médicaux de catégorie A ou B ou C () ». Le moyen doit ainsi être écarté.

4. En deuxième lieu, pour solliciter la suspension de l’exécution de la sanction contestée, Mme D C soutient que la décision attaquée n’est pas motivée. Toutefois cette décision vise les dispositions légales applicables ainsi que l’avis du conseil de discipline et précise les faits reprochés à la requérante en relevant qu’elle a adopté un comportement inadapté se traduisant par des propos insultants ainsi qu’une attitude agressive et menaçante à l’égard de certaines de ses collègues. Elle est ainsi suffisamment motivée.

5. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 530-1 du code général de la fonction publique : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire () ». Aux termes de l’article L. 533-1 du même code : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : () / 3° Troisième groupe : () / b) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans () ».

6. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Pour demander la suspension de l’exécution de la décision de sanction contestée, Mme D C fait valoir qu’elle est entachée d’erreurs de fait dès lors que les propos qui lui sont prêtés à l’égard de ses collègues ont été déformés et amplifiés, qu’elle est entachée d’erreur dans la qualification juridique des faits et enfin d’erreur d’appréciation dès lors que la sanction qui lui a été infligée n’est pas proportionnée aux faits qui lui sont reprochés.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire réunie le 26 septembre 2023, ainsi que des témoignages circonstanciés recueillis lors de l’enquête administrative, que Mme D C, le 24 janvier 2023, a tenu, à plusieurs reprises, des propos particulièrement insultants à l’encontre de Mme A, en se rapprochant d’elle le poing levé, avant de refermer violemment la porte derrière elle. Cette altercation fait suite à plusieurs événements, notamment en novembre et décembre 2022, au cours desquels Mme D C a tenu des propos déplacés et insultants à l’encontre des agents travaillant au sein de la crèche, ainsi qu’il résulte du rapport du 2 février 2023 de Mme B, directrice de la crèche. Ce rapport est lui-même corroboré par les procès-verbaux d’entretien menés au cours de l’enquête administrative, qui font état, de façon concordante, d’une autre altercation survenue le 18 janvier 2023 au cours de laquelle la requérante a tenu des propos déplacés à l’encontre d’une de ses collègues, la qualifiant de « dépravée », en présence des enfants, ainsi que de l’attitude verbale agressive, et parfois menaçante, de l’intéressée à l’endroit de ses collègues, instillant un climat de crainte au sein de la crèche, incompatible avec le bon fonctionnement du service. Le lendemain, alors qu’une de ses collègues souhaitait évoquer cet incident, Mme D C s’est de nouveau mise à crier et a levé le poing de façon menaçante. L’ensemble de ces éléments, qui sont graves et ne présentent pas un caractère isolé, permettent suffisamment d’établir l’attitude verbalement et physiquement menaçante de Mme D à l’encontre de ses collègues, ayant conduit à une dégradation notable du climat au sein de la crèche, de sorte qu’en estimant que ces faits constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés. S’il ressort également des pièces du dossier que Mme D C présentait vraisemblablement une fragilité psychologique à la date des faits, cette circonstance n’est pas en elle-même de nature à atténuer leur gravité, alors au surplus que les allégations selon lesquelles elle aurait été victime d’un complot ne sont pas établies. Ainsi en l’état de l’instruction, et au regard de la gravité des faits en cause, les moyens tirés de ce que la décision attaquée est entachée d’erreurs de fait, d’erreur dans la qualification juridique des faits et de ce que la sanction qui lui a été infligée n’est pas proportionnée, ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité. Par suite, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’urgence, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de la décision attaquée du 16 novembre 2023 par laquelle le directeur du groupe hospitalo-universitaire Nord-Université Paris Cité lui a infligé la sanction disciplinaire de douze mois d’exclusion temporaire de fonctions, dont six avec sursis, à compter du 1er décembre 2023 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D C sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas non plus lieu de faire droit aux conclusions présentées par l’AP-HP sur le fondement de ces mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Mme D C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l’AP-HP sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative son rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E D C et l’Assistance publique – hôpitaux de Paris.

Fait à Paris, le 29 décembre 2023.

Le juge des référés,

A. Pény

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision./2

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