Tribunal administratif de Rennes, 30 décembre 2011, n° 0901936

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 30 déc. 2011, n° 0901936
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 0901936

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

N° 0901936

___________

SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE

___________

M. Tronel

Rapporteur

___________

M. Descombes

Rapporteur public

___________

Audience du 8 décembre 2011

Lecture du 30 décembre 2011

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Rennes

(2e chambre)

19-03-04

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2009, présentée par la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE, dont le siège social est situé au XXX à XXX, représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE demande au tribunal :

1° – de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2005 mises en recouvrement au titre des établissements situés à Plerneuf et Dinan ;

2° – de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………….

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2009, présenté par le chef de services fiscaux de la direction de contrôle fiscal ouest, qui conclut au rejet de la requête ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu le mémoire, enregistré le 14 août 2009, présenté par la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2010, présenté par le chef des services fiscaux de la direction de contrôle fiscal ouest qui conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 25 596 euros accordé à la société et au rejet du surplus des conclusions de la requête ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu la décision du 25 février 2009 par laquelle le chef des services fiscaux de la direction de contrôle fiscal ouest a statué sur la réclamation préalable de la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de Finances rectificative pour 2003 et notamment l’article 59 ;

Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 et notamment l’article 63 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 décembre 2011:

— le rapport de M. Tronel, rapporteur,

— et les conclusions de M. Descombes, rapporteur public ;

Considérant que la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE, qui exerce l’activité de commerce en gros de boissons, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a intégré à sa base d’imposition à la taxe professionnelle pour l’année 2005 divers équipements et biens mobiliers mis à disposition de ses clients et que la société vérifiée n’a pas pris en compte lors de l’établissement de ses déclarations ; que par la présente requête, la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE demande la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l’année 2005 ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant que, par une décision du 17 septembre 2009, postérieure à l’introduction de la requête, le délégué chargé de la direction générale des grandes entreprises a prononcé, sur le montant de l’imposition en litige, un dégrèvement de 25 596 euros correspondant à l’application, au profit de la société requérante, de l’article 1647 B sexies du code général des impôts relatif au plafonnement de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle en fonction du pourcentage de la valeur ajoutée réalisée au cours de l’année d’imposition ; que, par suite, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE à concurrence de cette somme ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

Au regard de la loi fiscale :

Considérant qu’aux termes de l’article 1467 du code général des impôts : « La taxe professionnelle a pour base : 1° (…) a. la valeur locative (…) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (…) » ; qu’aux termes de l’article 1469 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur résultant du I de l’article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 susvisée : « La valeur locative est déterminée comme suit : (…) 2° Les équipements et biens mobiliers dont la durée d’amortissement est au moins égale à trente ans sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels ; (…) 3° Pour les autres biens, lorsqu’ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l’objet d’un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient ; (…) 3° bis Les biens visés aux 2° et 3°, utilisés par une personne qui n’en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou, à défaut, de leur locataire ou, à défaut, de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de taxe professionnelle ; » qu’aux termes du II de l’article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 susvisée : « Les dispositions du I s’appliquent aux impositions relatives à l’année 2004 ainsi qu’aux années ultérieures et, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, aux impositions relatives aux années antérieures » ; qu’en vertu de l’article 63 de la loi de finances rectificative pour 2005 : « I. – Le 3° bis de l’article 1469 du code général des impôts est ainsi rédigé : « 3° bis Les biens mentionnés aux 2° et 3°, utilisés par une personne passible de la taxe professionnelle qui n’en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire et confiés en contrepartie de l’exécution d’un travail par leur propriétaire, leur locataire ou leur sous-locataire sont imposés au nom de la personne qui les a confiés, dans le cas où elle est passible de la taxe professionnelle. II. – Les dispositions du I s’appliquent à compter des impositions établies au titre de l’année 2006. » ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen de la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE tiré de ce que l’application rétroactive de l’article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 porte atteinte au respect de ses biens en méconnaissance des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est inopérant à l’encontre de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle établie au titre de l’année 2005, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi ;

Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que le II de l’article 63 de la loi de finances rectificative pour 2005 prévoit que les dispositions du I, modifiant l’article 1469 3° bis du code général des impôts, s’appliquent à compter des impositions établies au titre de l’année 2006, la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE ne peut pas utilement en revendiquer l’application pour l’imposition en litige, établie au titre de l’année 2005 ;

Considérant, en troisième lieu, que les biens visés aux 2° et 3° de l’article 1469 du code général des impôts, lesquels ont trait à la détermination de leur valeur locative, sont les équipements et biens mobiliers qui, utilisés pour les besoins d’une activité soumise à la taxe professionnelle, doivent, en vertu des dispositions du a du 1° de l’article 1467 du même code, entrer dans les bases de cette taxe à concurrence de ladite valeur ; que les dispositions précitées du 3° bis de l’article 1469 ont pour objet d’instituer redevable des droits assis sur cet élément de base, dans le cas qu’elles définissent, et par exception à la règle découlant des termes du a du 1° de l’article 1467, un contribuable autre que celui qui a disposé des biens pour effectuer les opérations que comporte son activité ; qu’en application de ces dispositions, les biens mis à la disposition d’une personne dans le cadre de situations autres que celles régies par un titre de propriété, un contrat de location ou de sous-location, c’est-à-dire à titre gratuit, sont imposés, notamment, au nom de leur propriétaire ; qu’une mise à disposition à titre gratuit suppose qu’aucun paiement d’aucune sorte ne soit effectué par le bénéficiaire de la mise à disposition ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE, qui est passible de la taxe professionnelle, dispose, pour l’exercice de son activité de distributeur et de grossiste en boissons, de matériels dont elle reste propriétaire et qu’elle met à la disposition de certains de ses clients ; qu’il est constant que la société ne reçoit aucun loyer ou redevance en contrepartie de l’utilisation des différents biens et équipements mis à la disposition de ses clients ; que pour soutenir que la valeur locative de ces biens ne doit pas être prise en compte dans les bases imposables à la taxe professionnelle, la société fait cependant valoir que les mises à disposition de matériel doivent s’analyser comme des contrats de location, c’est-à-dire comme une mise à disposition consentie à titre onéreux, dès lors qu’elles sont la contrepartie de l’obtention à son profit d’une exclusivité d’approvisionnement et que les ristournes qu’elle accorde sur les prix de vente des boissons tiennent nécessairement compte de la valeur des matériels ainsi mis à disposition ; que, toutefois, il résulte des pièces versées au dossier par la société requérante que, si elle met en dépôt, en vertu de contrats de prêt, des biens auprès de détaillants qui s’engagent notamment à utiliser le matériel exclusivement pour le débit de marchandises vendues par le fournisseur, la contrepartie de la clause d’exclusivité d’achats de tout ou partie de produits distribués par la société consiste en l’octroi à ses clients d’avantages économiques et financiers, telles que des aides financières et des ristournes, mentionnés à l’article 1er d’un contrat, distinct, de fourniture de boissons ; que le montant de ces avantages économiques et financiers n’est pas déterminé en tenant compte de la valeur du matériel mis à disposition ; qu’enfin, le fait de ne pas respecter cette exclusivité d’approvisionnement est sanctionné par le versement d’indemnités forfaitaires au terme de l’article 7 du contrat de fourniture de boissons ; que, dans ces conditions, et en l’absence de lien entre les avantages financiers invoquée par la société requérante et le dépôt de matériel auprès de ses clients, cette dernière doit être regardée comme ayant mis à disposition de ses clients, au titre de l’année 2005, des biens et équipements à titre gratuit ; que par suite, et en application des dispositions précitées du 3° bis de l’article 1469 du code général des impôts, la valeur locative de ces biens doit être prise en compte dans les bases de la taxe professionnelle à laquelle la société SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE a été assujettie au titre de l’années 2005 ;

Au regard de la doctrine administrative :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration » ; que la SAS COZIGOU COTE D’EMRAUDE peut être regardée comme se prévalant du bénéfice des dispositions des instructions administratives 6 E-4-98 du 12 février 1998, 6 E-1-00, n° 15 du 30 décembre 1999, et 6 E-11-04, nos9 et suivants, du 6 décembre 2004 ;

Considérant que les instructions du 12 février 1998 et du 30 décembre 1999 concernent respectivement, d’une part, la définition de la valeur ajoutée en cas de location ou mise à disposition de biens entre entreprises liées, d’autre part, la pérennisation des seuils différenciés retenus pour le calcul du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée ; que l’objet du présent litige ne relève d’aucune de ces deux instructions ; que la société requérante ne peut dès lors pas utilement s’en prévaloir ;

Considérant que l’instruction du 6 décembre 2006 commente les dispositions de l’article 1469 3° bis en précisant notamment dans son paragraphe 11 que « la mise à disposition gratuite vise toutes les situations autres que celles régies par un contrat de propriété, un crédit-bail, un contrat de location ou de sous-location. Il peut ainsi s’agir d’un contrat tel que le dépôt, le prêt ou le commodat (prêt à usage), conclu à titre individuel et plus généralement, tout contrat en vertu duquel la mise à disposition du bien n’a pas pour contrepartie le versement d’un loyer ou d’une somme en tenant lieu. Il en va ainsi des biens remis dans le cadre d’un contrat de sous-traitance. A défaut d’acte juridique, la qualification de mise à disposition gratuite peut résulter des circonstances de fait susceptibles de caractériser l’absence de contrepartie financière à la remise du bien. » ; qu’il résulte de ce qui précède que la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE ne tire aucune contrepartie financière à la remise du matériel à ses clients ; qu’elle ne peut dès lors pas obtenir la décharge de l’imposition en litige sur le fondement de l’instruction précitée, laquelle au demeurant ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE à concurrence de la somme de 25 596 euros (vingt-cinq mille cinq cent quatre-vingt-seize euros).

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS COZIGOU COTE D’EMERAUDE et au chef des services fiscaux de la direction de contrôle fiscal ouest.

Délibéré après l’audience du 8 décembre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Saluden, président,

M. Tronel, premier conseiller,

M. Albouy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 décembre 2011.

Le rapporteur, Le président,

N. TRONEL H. SALUDEN

Le greffier,

M-A. Y

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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