Tribunal administratif de Rennes, 21 juin 2018, n° 1802362

  • Justice administrative·
  • Sport·
  • Urgence·
  • Permis de construire·
  • Développement·
  • Retrait·
  • Immobilier·
  • Commune·
  • Sociétés·
  • Juge des référés

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 21 juin 2018, n° 1802362
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 1802362

Sur les parties

Texte intégral

fp/ag TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE RENNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1802362

Société LF DÉVELOPPEMENT KERLIR AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS SPORTS IMMOBILIER
Mme X

Le juge des référés, Juge des référés

Ordonnance du 21 juin 2018

54-035-02

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mai et le 11 juin 2018, la société LF

Développement Kerlir Sports Immobilier, représentée par Me Crenn, demande au juge des référés:

1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 9 avril 2018 par lequel le maire de Ploemeur a retiré le permis de construire qui lui avait été délivré tacitement le 12 janvier 2018;

2°) de mettre à la charge de la commune de Ploemeur la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l’urgence est caractérisée eu égard aux intérêts en cause, sportifs, sanitaires et financiers l’instruction de sa demande de permis de construire a duré neuf mois et le temps écoulé puis le retrait lui cause un préjudice ainsi qu’au FC Lorient dès lors que le début des travaux est reporté à une date inconnue ; pendant ce temps, l’utilisation des infrastructures déjà en place se fait dans des conditions minimales, occasionnant une gêne pour l’ensemble des usagers et supporters ; c’est le devenir de l’équipe de réserve qui est en sursis et risque de se retrouver sans infrastructure, le projet lui étant destiné et le tournoi de cette équipe redémarre à la mi-août alors que les travaux doivent durer 10 semaines; l’urgence conduit également à prendre en compte le principe de précaution qui recommande de jouer sur un terrain naturel et non synthétique ; le règlement des terrains et installations sportives de la Fédération Française de

Football impose aux équipes N2 d’évoluer sur un terrain doté d’une tribune; elle a déjà engagé des frais importants ;

- sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :



N° 1802362 2

elle est entachée d’erreur de droit : la commune de Ploemeur est en mesure

d’indiquer quand et par qui les travaux d’extension du réseau électrique seraient réalisés et ne peut fonder le retrait litigieux sur les dispositions de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme ; la commune n’était pas en situation de compétence liée, les travaux à effectuer et leur montant étant parfaitement connus ; elle est entachée de détournement de pouvoir avant de procéder au retrait, la commune, qui envisage de réaliser des travaux d’équipements publics sur le secteur de Kerlir, lui

a proposé de les financer pour un montant de 145 000 euros, ce qu’elle a refusé et c’est à la suite de ce refus que le retrait a été décidé.

Par des mémoires, enregistrés le 31 mai et le 11 juin 2018, la commune de Ploemeur, représentée par Me Vos, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société LF

Développement Kerlir Sports Immobilier à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la condition d’urgence n’est pas remplie: la durée de l’instruction ne saurait être de nature à caractériser l’urgence, les considérations financières liées à la charge d’un projet ne sont pas de nature à pouvoir caractériser une situation d’urgence lorsqu’il s’agit de solliciter la suspension d’une décision de retrait d’un permis de construire alors de surcroît que la SCI LF est propriétaire du foncier; aucune urgence sportive ne justifie davantage la suspension sollicitée de

l’arrêté de retrait du permis de construire tacite ayant pour objet la réalisation d’un vestiaire et

d’une tribune, eu égard à l’objet social de la SCI LF, titulaire du permis tacite et aux circonstances qu’il n’est pas démontré que l’équipe de réserve serait dans une situation différente de celle des années précédentes pour lesquelles les tournois ont été organisés sans aucune difficulté entre le stade du Moustoir et les différents terrains de sport des communes environnantes, que le permis retiré ne porte pas sur la réalisation d’un terrain de football; le principe de précaution ne peut être utilement invoqué s’agissant d’un retrait de permis de construire et alors que la création d’un terrain de football ne nécessite aucune autorisation

d’urbanisme ; sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

- aucune erreur de droit ou de fait n’a été commise: le projet de la société requérante suppose une extension au minimum de 220 mètres du réseau de distribution

d’électricité, qui sera mis à sa charge pour 60 %; or, elle ne souhaite pas réaliser les travaux d’extension nécessaires au projet de la SCI LF, la zone concernée étant naturelle; aucun aménagement ou renforcement des voies et réseaux divers n’est envisageable sans le soutien financier des opérateurs concernés; la circonstance que le pétitionnaire se serait proposé pour prendre en charge le coût des travaux d’extension est inopérante ;

-le moyen tiré du détournement de pouvoir est inopérant dès lors que le maire était en situation de compétence liée pour retirer le permis illégal tacitement obtenu et manque, en tout état de cause, en fait, le maire n’ayant pas cherché à exercer son pouvoir de police de l’urbanisme pour un but autre que celui en vue duquel il a été conféré; la circonstance qu’un retrait ait été pris après qu’un refus de la SCI LF a été acté quant à la conclusion d’une offre de concours, est tout autant sans conséquence sur la légalité du retrait lui-même que la circonstance qu’un permis de construire ait été délivré après que le pétitionnaire et l’autorité compétence se sont entendus sur la prise en charge de certains travaux d’aménagements ;

- un arrêté de refus de permis de construire a été pris le 8 juin 2018 sur le fondement de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.


3 N° 1802362

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête au fond n° 1802361.

Vu :

- le code de l’urbanisme ; le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme X, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience du 12 juin 2018: le rapport de Mme X, juge des référés, Me Holley, représentant la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’elle développe;

- Me Dieuleveult, représentant la commune de Ploemeur, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’il développe, souligne qu’il n’y a aucune urgence financière dès lors que les frais déjà exposés ne l’ont pas été à perte et sont en tout état de cause étrangers au litige, fait remarquer que les factures ont été payées à un moment où la société ne pouvait connaître l’issue de sa demande de permis, insiste sur le fait que l’urgence sportive n’est qu’hypothétique et sur le fait que la décision litigieuse n’expose pas les jeunes de l’équipe réserve à un quelconque risque.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative:

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de

l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) ».

2. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque

l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il en va ainsi, alors même que cette décision n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d’annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

3. La société LF Développement Kerlir Sports Immobilier, pour établir l’urgence à suspendre la décision litigieuse, se prévaut en premier lieu de la longueur de l’instruction de sa demande de permis de construire. Il ressort des pièces du dossier que si effectivement



N° 1802362

l’instruction a été retardée c’est notamment en raison des caractéristiques du projet et au caractère initialement incomplet de la demande de la société requérante. La circonstance que

l’instruction ait duré près de neuf mois est insuffisante, en tout état de cause, à elle seule, pour caractériser une situation d’urgence. La société LF Développement Kerlir Sports Immobilier se prévaut en deuxième lieu, d’une urgence sportive. Elle fait valoir que le projet litigieux est destiné à l’équipe réserve, dont le tournoi doit reprendre à la mi-août et qu’à défaut de finalisation des équipements, cette équipe risque de rencontrer des difficultés pour organiser les matchs de la prochaine saison. Il résulte toutefois des pièces du dossier que l’équipe réserve a, notamment lors des deux saisons précédentes, joué les matchs sur les terrains des villes environnantes, le plus souvent à Quimperlé mais aussi à Locminé, à Quiberon et Larmor ainsi que, pour deux matchs par saison, au stade du Moustoir à Lorient en principe réservé à l’équipe professionnelle. Si effectivement l’utilisation des stades environnants peut rendre l’organisation des matchs moins aisée et si la société requérante allègue qu’elle peut se voir retirer la permission de jouer sur ces terrains, elle n’apporte aucun élément de nature à attester qu’elle aurait rencontré les années passées des difficultés insurmontables pour organiser les tournois de

l’équipe réserve. En troisième lieu, la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier invoque le principe de précaution en indiquant que les surfaces synthétiques sur lesquelles l’équipe réserve peut être amenée à jouer, eu égard à la nature des composants employés, présentent un risque potentiel pour la santé. À le supposer même avéré, ce risque n’est en tout état de cause pas en lien direct avec le refus opposé à la société requérante, dès lors que la demande de permis de construire ne porte que sur un parking, une tribune et des vestiaires à l’exclusion du stade lui-même. Enfin, la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier expose qu’elle a déjà exposé 591 384 euros toutes taxes comprises sur un montant total du projet estimé à 1,1 million d’euros pour la réalisation du terrain engazonné. Si le règlement des terrains et installations sportives de la fédération française de football impose aux équipes N2 d’évoluer sur un terrain doté d’une tribune rendant ainsi impossible l’utilisation du terrain de Ploemeur pour l’équipe réserve en raison du refus litigieux, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a choisi elle-même de démarrer les travaux de construction de ce terrain alors même qu’elle n’était pas encore titulaire d’un permis de construire pour la réalisation des tribunes. En outre, elle n’établit pas que le refus qui lui a été opposé serait de nature, eu égard aux investissements déjà effectués, à compromettre sa pérennité économique.

4. Il résulte de tout ce qui précède que les effets du retrait du permis tacite dont était titulaire la société requérante ne sont pas de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’une des conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’étant pas remplie, il y

a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension de la requête.

Sur les dépens :

5. Aucun frais de cette nature n’a été engagé dans le cadre de la présente instance. Les conclusions sur ce point de la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier sont sans objet et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :


5 N° 1802362

6. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier doivent, dès lors, être rejetées.

Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Ploemeur tendant à l’application de ces dispositions.

ORDONNE:

Article 1er: La requête de la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Ploemeur présentées sur le fondement de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à la société LF Développement Kerlir Sports Immobilier et à la commune de Ploemeur.

Fait à Rennes, le 21 juin 2018.

La greffière d’audience Le juge des référés,

signé signé

F. X A. Gauthier

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Rennes, 21 juin 2018, n° 1802362