Tribunal administratif de Rouen, 22 janvier 2015, n° 1203502

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rouen, 22 janv. 2015, n° 1203502
Juridiction : Tribunal administratif de Rouen
Numéro : 1203502
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Douai, 28 septembre 2011

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE ROUEN

N°1203502

___________

Société PNSA

___________

Mme Aubert

Rapporteur

___________

M. Armand

Rapporteur public

___________

Audience du 25 novembre 2014

Lecture du 22 janvier 2015

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Rouen

(4 ème Chambre)

PCJA : 39-05-02-01

Code publication : C

Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2012, présentée pour la société PNSA, dont le siège est au 7,9 et XXX à XXX, représentée par son président directeur général en exercice, par la SEP Barrabé-Vallet ; la société PNSA demande au tribunal :

1°) de condamner la CCI du Havre à lui verser une somme de 366 841,28 euros hors taxe, augmentée de la somme correspondant à l’application de la clause de révision des prix et de celle de 726,46 euros hors taxe correspondant au remboursement de la retenue de garantie ;

2°) de déterminer le solde à verser par la CCI du Havre en retranchant de la somme de 366 841,28 euros hors taxe :

— la somme de 5 029,20 euros hors taxe au titre du compte prorata,

— la somme de 7 752,06 euros hors taxe au titre des reprises,

— la somme de 500 euros hors taxe au titre de l’insuffisance de préparation dans les locaux techniques,

— et la somme de 184 598,97 euros hors taxe au titre du solde du marché ;

3°) de majorer la somme déterminée au point 2°) de la taxe sur la valeur ajoutée ;

4°) de condamner la CCI du Havre à lui verser la somme correspondant au préjudice résultant de l’absence de fonds de roulement par application du taux d’intérêt réel qu’elle a réglé à sa banque, avec anatocisme trimestriel à compter du 30 septembre 2005 jusqu’à complet paiement ;

5°) subsidiairement de condamner la CCI du Havre à lui verser les intérêts moratoires à compter du 31 mai 2006 et une somme de 300,27 euros au titre des intérêts moratoires relatif au retard de paiement des situations de travaux, avec capitalisation annuelle à compter du 31 mai 2007 ;

6°) de mettre à la charge de la CCI du Havre les frais de constat taxés et liquidés pour un montant de 1 271,78 euros ;

7°) d’ordonner à la CCI du Havre de prononcer la main levée de la caution de retenue de garantie délivrée par la BTP banque et de la condamner à lui verser, en réparation du préjudice financier dû à l’opposition abusive à main levée de caution, la somme de 2 000 euros ;

8°) de condamner la CCI du Havre à lui verser la somme d’un euro en réparation de son préjudice commercial ;

9°) de mettre à la charge de la CCI du Havre la somme de 35 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Peinture Normandie soutient que :

— le délai d’exécution était, selon l’article 3 de l’acte d’engagement de vingt mois à partir de l’ordre de service n° 1 qui a été délivré le 20 octobre 2003 ; que par un ordre de service n° 2 du 24 novembre 2003, le début des travaux a été fixé au 17 novembre 2003 alors que le planning d’intervention fixait la livraison du bâtiment principal au 31 décembre 2004, y compris la mise en peinture du parking ; que se sont ajoutées de nombreuses modifications substantielles qui lui ont été imposées par la CCI du Havre ; elle doit être indemnisée des surcoûts et préjudices occasionnés par la modification des prestations ou par les conditions d’exécution du marché rendues plus difficiles par le maître de l’ouvrage ;

— elle doit être indemnisée de l’incidence de l’inflation sur le prix qui est neutralisée par la partie fixe égale à 15 % de la formule de révision de prix sur laquelle aucune indexation n’est appliquée à raison de l’allongement non prévu du marché ; elle a été, du fait de l’allongement de la durée du chantier, obligée de mandater son chef de chantier pour se rendre à de nombreux rendez-vous de chantier non prévus l’obligeant à interrompre son activité sur d’autres chantiers et qu’elle justifie, à ce titre de la somme de 4 450 euros hors taxes ; son préjudice résultant de « l’amortissement du chef de chantier » est justifié selon un coefficient multiplicateur de 1,33 appliqué au produit de 3 689,75 euros par 66 % et par 8 à hauteur de 25 190,90 euros hors taxes ; – elle a dû recourir à une main d’œuvre intérimaire, dès lors que la désorganisation du chantier induite par cet allongement du délai d’exécution ne lui a pas permis d’isoler les prestations susceptibles d’être exécutées en faisant appel à la sous-traitance et que ce surcoût est justifié à hauteur de 23 790,52 euros hors taxes ;

— elle a également été dans l’obligation d’assurer une présence permanente de son personnel durant la totalité du chantier, ce qui lui a généré un coût de 5 843,07 euros hors taxes ; la mise en peinture, demandée par la maîtrise d’œuvre au lieu de la mise en lasure prévue au marché, des huisseries entre les murs et les placages bois, a entraîné un surcoût de 4 865,00 euros hors taxes dès lors qu’elle a dû exécuter la lasure à la brosse « quart de pouce » en réchampissant les murs en peinture, le placage de bois et en protégeant le sol, soit une prestation du type entretien dont le prix est le double que celle exécutée dans un bâtiment neuf ;

— elle a dû, pour lever la réserve du maître de l’ouvrage, procéder à une mise en peinture de qualité A alors que la prestation contractuelle concernait une peinture de qualité B (courante), soit du type HLM, qui a engagé des frais de 17 529,21 euros hors taxes ;

— en ce qui concerne les conditions d’exécution du chantier, s’agissant de la polychromie, elle a dû réaliser de nombreux essais de teintes qui n’étaient pas prévus au marché, occasionnant de nombreux déplacements et échantillons, soit un préjudice à hauteur de 2 944,42 euros hors taxes ; la livraison « en décousu et en catastrophe » s’explique en raison des multiples choix de teintes fournies au fur et à mesure de l’avancement du chantier, occasionnant des déplacements supplémentaires, du temps pour passer les commandes successives pour une somme de 1 226,84 euros hors taxes ; s’agissant de la multiplication des teintes, il a été demandé non pas du blanc, mais un « RAL BL 5191 P » (blanc teinté) qui demande une mise à la teinte spéciale chez un fournisseur spécifique qui entraîne un temps de travail spécifique du chef de chantier et un prix de peinture légèrement supérieur, soit un surcoût de 4 274,21 euros hors taxes ; les prestations exécutées en hiver, de novembre 2004 à mars 2005, l’ont été sans préchauffage ce qui entraîne un surcoût de 15 941,58 euros hors taxes ; l’intervention sur certains supports, après la pose et l’installation d’équipements et d’appareillages, a généré un surcoût de 2 921,54 euros hors taxes, conformément à l’évaluation de l’expert ; les moquettes et certains revêtements de sols ayant été posés avant la réalisation de ses prestations, en contradiction avec toute règle professionnelle, elle a été obligée de réaliser la protection de 600 m² de sols pour réaliser la peinture, ce qui lui a causé un préjudice chiffré à 2 286 euros hors taxes ; compte tenu de l’organisation anarchique du chantier, le maître de l’ouvrage a inclus dans la liste des réserves des reprises consécutives à des dégradations de tierces entreprises et pour la levée desquelles elle a perdu 20 % de son temps d’intervention ;

— s’agissant du litige concernant la peinture du parking, elle a dû, consécutivement à l’erreur fautive de la maîtrise d’œuvre, retenir le dérochage alors que le support prévu pour la peinture était une surface béton qui avait fait l’objet d’un traitement de cuvelage spécifique nécessitant la prescription du grenaillage avec application d’un époxy à deux composants en phase aqueuse, prescription dont elle avait saisi la maîtrise d’œuvre d’un devis le 24 janvier 2005 ; qu’elle justifie, à ce titre, d’un préjudice de 12 098,52 euros hors taxes pour la prestation du grenaillage et d’un préjudice de 11 500,94 euros hors taxes pour la nouvelle peinture ;

— la réparation du sinistre du parking qui a été inondé, a nécessité, d’une part, l’application d’une troisième couche de peinture, pour une somme de 11 112 euros hors taxes, et l’exécution d’un deuxième rechampissage, pour un montant de 2 259,22 euros hors taxes et, d’autre part, la reprise de décollement et ponçage des ragréages à 2 couches pour 5 600 euros hors taxes, le nettoyage des tâches blanchâtres à l’acide pour 3 809 euros hors taxes et la location d’une brosse mécanique pour 1 500 euros hors taxes ;

— sa perte en industrie s’établit à 27 448,08 euros hors taxes (32 827,91 euros toutes taxes comprises) ;

— les frais d’établissements de situations supplémentaires lui ont occasionné un préjudice reconnu par l’expert de 819,20 euros toutes taxes comprises, les frais de tenue de planning, un préjudice reconnu par l’expert de 558 euros hors taxes, les frais de gestion des comptes rendus de chantier, un préjudice de 262,50 euros hors taxes ; le harcèlement du maître d’ouvrage l’ayant contrainte à adresser 30 courriers avec demande d’accusé de réception, elle justifie à ce titre d’un préjudice de 4 354,50 euros hors taxes admis par l’expert ;

— pour l’établissement du solde du marché, elle justifie d’un préjudice de 12 098,52 euros hors taxe, 11 500,94 euros hors taxe, 2 026 euros hors taxes, 2 259,22 euros hors taxes et de 8 090 euros hors taxes au titre respectivement des prestations supplémentaires de grenaillage, de surcoût de fournitures, du nettoyage de poussières, de la prestation de rechampissage et de la reprise au compte de tiers ; au titre de l’avenant n° 4, correspondant à des reprises dans le local fichier et à la pose de miroirs supplémentaires, elle a droit aux sommes respectives de 800 euros hors taxes et de 1 024 euros hors taxes, ce qui n’est pas discuté ; la CCI du Havre ayant supprimé la mise en peinture du plafond par avenant n° 3, il restait à peindre les jouées de plafond attenantes, de sorte qu’en application de l’article 17.2 du CCAG Travaux elle a droit au paiement de cette prestation à hauteur de 1 905 euros hors taxes ; elle a également droit au paiement d’une somme de 300 euros hors taxe pour la peinture des niches de placard, ce qui n’est pas contesté ;

— la CCI du Havre doit lui rembourser 726,46 euros hors taxes correspondant à la retenue pour dépassement de la caution de retenue de garantie qui n’a plus lieu d’être dès lors que le délai est supérieur à 12 mois après la réception des travaux ; elle accepte le montant du compte prorata de 5 029,20 euros hors taxes ; la déduction de 454,48 euros hors taxes qui correspondrait selon l’expert à une défaillance de sa part dans le nettoyage de son chantier n’est pas établie ; dès lors, le total des acomptes s’établit à 220 780,37 euros toutes taxes comprises ;

— les demandes de la CCI du Havre pour un montant total de 550 000 euros sont abusives et n’ont pour seul but que d’obtenir une compensation avec les créances qu’elle détient sur elle ; elle ne s’est jamais opposée à la levée des réserves de peinture mais la CCI a toujours refusé de dresser une liste de réserves qui lui étaient imputables ; son refus de lever les réserves doit ainsi s’analyser comme un refus d’exécuter des prestations non conformes à ses obligations et qui constituent, en grande partie, des travaux supplémentaires ; à titre subsidiaire, le coût de levée de ces réserves doit être calculé au prix de revient et non au prix auquel une tierce entreprise exécuterait le travail ; le coût total pour la levée des réserves, si l’on applique un taux horaire de 19,09 euros, est de 7 752,06 euros hors taxes, et non de 15 005 euros hors taxes comme le retient l’expert ;

— rien ne démontre que les travaux d’étanchéité qui ont fait suite aux sondages destructifs qu’elle a dû effectuer compte tenu de l’erreur de prescription du maître d’œuvre, aient effectivement été réalisés ; en l’absence de facture, le tribunal ne pourra accorder à la CCI le montant de 1 184,04 euros qu’elle réclame ; comme l’a jugé le tribunal les travaux de remise en état de la cuisine sont sans lien avec le litige et l’expert n’a constaté aucun désordre affectant le matériel ; de même, comme l’a relevé le tribunal, les travaux dans le parking ont été réceptionnés sans réserve de sorte que la demande de la CCI sur ce point doit être écartée ; rien ne justifie la demande de la CCI concernant le coût de nettoyage du chantier ;

— les pénalités de retard au rendez-vous de chantier, d’un montant de 538,20 euros ne sont pas justifiées dès lors que les rendez-vous de chantier en cause n’auraient pas dû avoir lieu ; les pénalités de retard dans l’exécution du chantier doivent également être écartées, dès lors que, comme l’a relevé le tribunal, les pièces produites par la CCI ne suffisent pas à les établir ;

— la décision du tribunal rejetant la demande de la CCI relative aux pénalités de retard dans l’exécution des réserves doit être confirmée dans la mesure où la CCI refuse toute levée des réserves dans ses locaux ;

Vu la mise en demeure adressée le 12 juin 2013 à Me Caston, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2013, présenté pour la chambre de commerce et industrie du Havre par Me Caston ; elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de la société PNSA à lui payer la somme de 550 014,44 euros toutes taxes comprises à titre de solde de l’arrêté des comptes entre les parties, augmentée des intérêts de droit courant à compter du 2 février 2009, date de notification du décompte général, avec capitalisation conformément aux principes dont s’inspire l’article 1154 du code civil ;

3°) à la condamnation de la société PNSA à lui verser la somme de 86 402,80 euros, sauf à parfaire, correspondant au remboursement des sommes qu’elle a payées en exécution du jugement du tribunal administratif du 14 janvier 2010 qui a été annulé par arrêt du 29 septembre 2011 de la cour administrative d’appel de Douai ;

4°) de mettre à la charge de la société PNSA la somme de 65 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que tous les dépens, dont les frais et honoraires d’expertise de M. X, taxés et liquidés à la somme de 13 172,05 euros, ainsi que ceux de son constat d’urgence taxés et liquidés à la somme de 1 271,78 euros ;

5°) à défaut :

— de condamner solidairement la société René Z, le cabinet 3D Architecture, et la société d’Etude et de Recherche Opérationnelle « SERO », d’une part, à la relever indemne de toutes condamnations éventuelles prononcées contre elle au profit de la société Peinture Normandie, d’autre part, à lui verser la somme de 65 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

— de déduire de toute condamnation éventuelle prononcée au profit de la société PNSA les sommes de 86 402,80 euros et 2 022,65 euros restant à payer par la société ;

La CCI du Havre fait valoir que :

1°) à titre principal, sur l’irrecevabilité de la requête :

— la mise en demeure du 31 mars 2006 était nulle et non avenue compte tenu de la suspension de l’établissement du décompte jusqu’à la levée effective des réserves résultant de sa lettre en réponse du 18 avril 2006 ; c’est ce que la cour administrative d’appel de Douai a confirmé dans son arrêt du 29 septembre 2011 ; toutes les réserves n’ayant pas été levées à la date du dépôt du rapport d’expertise, soit le 28 mars 2008, elle a pris le parti, comme elle l’avait indiqué dans sa lettre du 18 avril 2006, d’imputer dans le décompte général de l’entreprise le chiffrage des réserves non levées ainsi que les pénalités de retard correspondantes ; le décompte général a ainsi été notifié le 2 février 2009 à la société Peinture Normandie ; à supposer que le mémoire en réponse que PNSA lui a adressé puisse s’analyser comme un mémoire en réclamation, la décision expresse de rejet qu’elle lui a opposé le 11 octobre 2011 n’a pas donné lieu à la saisine du tribunal administratif dans le délai de deux mois prévu à l’article 11.2 du CCAP, ni, au demeurant, dans le délai de six mois prévu à l’article 50.32 du CCAG-travaux ; le décompte général du 2 février 2009 est donc devenu définitif, nonobstant les procédures juridictionnelles en cours ; en tout état de cause, la société PNSA n’apporte pas la preuve d’avoir adressé sa lettre du 11 mars 2009 au cabinet Z, alors, en outre, que tant par sa forme que par son contenu, ladite lettre ne saurait valoir mémoire en réclamation ; la société PNSA est ainsi réputée avoir accepté le décompte général notifié le 2 février 2009 faute d’avoir respecté le processus contractuel d’arrêté des comptes ;

— les réclamations présentées par la société PNSA dans son mémoire de réclamation du 8 février 2006 sont forcloses dès lors que celui-ci a fait l’objet d’un rejet implicite dès le 8 avril 2006 et que la société n’avait pas adressé son mémoire complémentaire à la date du 8 juillet 2006, comme elle le devait en application des stipulations des articles 50.11 et 50.21 du CCAG travaux ; c’est donc en vain que la société PNSA fait référence à sa décision expresse en date du 2 février 2009, alors, en tout état de cause, que la société n’a pas contesté ladite décision de rejet dans le délai prescrit à l’article 11.2 du CCAP, de sorte qu’elle est réputée avoir accepté ladite décision et donc avoir abandonné ses réclamations ;

2°) à titre subsidiaire, sur le bien-fondé des prétentions de la société PNSA :

— contrairement à ses allégations, l’ordre de service n°2 n’a pas modifié les prévisions contractuelles, la prise de possession des bureaux restant fixée au 31 décembre 2004, alors en outre qu’elle a signé sans aucune réserve les ordres de services n°1 et n°2, ce qui rend irrémédiablement mal fondées ses demandes relatives à l’allongement de la durée du chantier ;

— l’allongement et la désorganisation des travaux sont entièrement imputables à la société PNSA ; en effet, les supports de peinture étaient prêts le 25 septembre 2004 lors de leur prise de possession par la société PNSA, à l’occasion de laquelle celle-ci n’a formulé aucune réserve ; le nouveau calendrier de finitions recalé au 14 janvier 2005 a été adressé à la société PNSA par l’ordre de service n° 6 qu’elle a signé sans réserve le 27 janvier 2005, ce qui a eu pour effet de purger toute éventuelle réserve antérieure de sa part ; les comptes rendus de chantier qui ont suivi révèlent que la société est en sous-effectif et toujours en retard ; la société PNSA a abandonné le chantier sans justification du 4 avril au 16 mai 2005 pour les travaux du bâtiment du siège et au 4 mai 2005 pour le pôle des échanges ; les modifications apportées à l’organisation des travaux, relevées par l’expert dans son rapport sont antérieures à la prise de possession des supports par la société PNSA et n’ont pu entraîner aucune gêne, ni retard pour celle-ci ;

— l’incidence de la transmission de la polychromie en cours de chantier est minime dès lors que 90 % de l’ouvrage était à peindre en blanc ; s’agissant de la mise en peinture du sol du parking, la société PNSA avait l’obligation de s’enquérir de la compatibilité de la peinture à appliquer par rapport aux supports à peindre, comme le prévoit le cahier des clauses techniques particulières du lot n° 19 ; c’est à compter de juin 2005 afin de débloquer la situation qu’elle a consenti à titre exceptionnel à payer le grenaillage du sol à la société PNSA ; à aucun moment PNSA n’a demandé réellement le préchauffage d’une zone pour l’exécution de ses travaux, ni indiqué que les conditions météorologiques lui interdiraient de peindre ; jamais elle n’a demandé à la société PNSA d’exécuter contre les règles de l’art des prestations plus coûteuses que celles qui étaient convenues ; dès le 25 février 2004, le bureau de contrôle a alerté la société de la nécessité de vérifier, avant le démarrage des travaux, la compatibilité de la peinture à appliquer et le produit de traitement de cuvelage du béton ; elle disposait d’ailleurs, dès décembre 2003, de la part de l’étancheur de tous les éléments permettant de réaliser cette vérification ;

— aucun préjudice n’est démontré par la société PNSA ; le tribunal administratif, dans son jugement du 14 janvier 2010, a estimé que la perte due à l’inflation invoquée par la société PNSA n’était pas établie ; elle n’est pas fondée à demander l’indemnisation au titre de l’amortissement de son chef de chantier alors qu’elle indique elle-même que celui-ci suivait en même temps 6 à 7 chantiers supplémentaires ; l’utilisation de main d’œuvre intérimaire n’est pas démontrée, dès lors notamment que les fiches présentées à l’expert ne peuvent pas être rattachées au chantier en litige ; la présence de personnel dans la totalité du chantier n’est pas avérée, d’autant que la mise à disposition des bureaux au 31 décembre 2004 et un travail en site occupé à compter de cette date constituait des données contractuelles du forfait ; l’expert a estimé qu’aucun préjudice, ni surcoût n’était avéré du fait de l’exécution par le chef de chantier d’essais et de teintes et l’absence de préchauffage ; de même, la présence d’appareillage et d’équipements sur le lieu de l’intervention de la société PNSA était, ainsi qu’il a été dit, une donnée contractuelle ; s’agissant du grenaillage complémentaire, l’expert a maintenu le prix excessif proposé par la société PNSA pour le grenaillage alors qu’elle-même a produit un devis de la société Sodicop retenant un prix du grenaillage moins important ; par ailleurs, le nettoyage des poussières et le rechampissage étaient des prestations dues au titre d’une mauvaise exécution de la société PNSA ; le décollement des peintures, qu’il a été demandé à la société de reprendre, ne résulte pas d’une prétendue inondation du parking, mais d’un défaut de préparation du ragréage ; enfin l’expert a estimé que la perte d’industrie invoquée par la société PNSA n’était pas prouvée ;

— les prétendues reprises au compte de tierces entreprises n’ont pas à être prises en compte, dès lors que si lesdites réserves ont fait l’objet d’un ordre de service n°13, aucun avenant n’a été passé car les reprises n’ont pas été effectuées par la société PNSA ; par ailleurs ni l’expert, ni le tribunal administratif n’avaient retenu l’existence d’une plus value concernant les « jouées sur plafond » ;

— au surplus, les conditions d’indemnisation posées par la jurisprudence du Conseil d’Etat du 5 juin 2013, Région Haute-Normandie concernant les conditions d’indemnisation au titre de prétendues difficultés d’exécution dans le cadre d’un marché à forfait ne sont pas satisfaites dès lors que la société PNSA ne démontre aucunement pour chacun des postes de sa réclamation que ceux-ci pris isolément opèrent un bouleversement de l’économie du marché qui lui ouvrirait éventuellement un quelconque droit à indemnisation ; en outre la société PNSA ne démontre aucune faute directe de sa part qui aurait causé les prétendues difficultés d’exécution ;

3°) elle est fondée à mettre à la charge de la société PNSA une somme de 538 euros en raison des pénalités prévues pour absence au rendez-vous de chantier « architecte », une somme de 2 000 euros au titre des pénalités pour non remise des DOE, une somme de 229 898,44 euros TTC au titre des pénalités et retenues pour retard de livraison des travaux de peinture ; une somme de 163 466,12 euros TTC au titre de la levée tardive d’une partie des réserves, incluant le montant des devis des sociétés PIE et Baudin-Chateauneuf pour la reprise de l’escalier nord, 28 396,63 euros TTC au titre des autres réserves, 31 580 euros TTC pour la remise en état d’une partie du matériel de cuisine aux frais et risques de la société PNSA, et 9 403,68 euros TTC correspondant au devis de l’entreprise GSF, la somme de 38 610 euros hors taxes en réparation du décollement de la peinture du parking constaté 6 mois après la réception des travaux au titre de la garantie de parfait achèvement et de la garantie biennale ;

4°) il résulte des comptes un solde de 550 014,44 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, comme indiqué dans le décompte général qui a été adressé à la société PNSA, qui est devenu définitif ; il n’y a pas lieu d’appliquer la clause de révision de prix au montant de 239 027,30 euros car ce montant comprend des dommages et intérêts ;

5°) subsidiairement, elle est fondée à obtenir la garantie intégrale et solidaire de la maîtrise d’œuvre et de l’OPC au titre des indemnités qui seraient accordées à la société PNSA au titre du grief de désorganisation du chantier ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2014, présenté pour la société PNSA, qui conclut aux mêmes fins que sa requête mais demande en outre la condamnation de la CCI du Havre à lui verser une indemnité de 1 071 513,33 euros au titre de sa mise en redressement judiciaire et porte à 45 000 euros la somme réclamée en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société PNSA ajoute que :

— l’affirmation selon laquelle le décompte général notifié le 2 février 2009 serait devenu définitif à défaut pour elle d’avoir saisi le tribunal dans les deux mois suivant le rejet de sa réclamation par la CCI est en contradiction avec l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Douai le 29 septembre 2011 ; en application de cet arrêt et de l’article 13.42 du CCAG travaux, le décompte général ne pouvait être établi par le maître d’œuvre et, en application de l’article 13.42, le maître de l’ouvrage ne pouvait le notifier à l’entrepreneur, sans que la CCI ne renonce de manière expresse et écrite à la levée des réserves ;

— les réserves relevées par l’expert dans son rapport ne sauraient « porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l’utilisation des ouvrages » au sens des stipulations de l’article 41.7 du CCAG ; la preuve en est que la CCI utilise les locaux depuis neuf ans sans avoir trouvé nécessaire ou même utile de les faire exécuter par une tierce entreprise et qu’elle s’oppose toujours à leur exécution par PNSA ; en vertu des stipulations de l’article 41.7 , le choix entre la réfaction et l’exécution des réserves appartient exclusivement à l’entrepreneur ; la CCI n’est dès lors pas fondée à déduire une quelconque réfaction du décompte de la société PNSA pour absence de levée des réserves ;

— les fautes de la CCI à l’origine de ses difficultés d’exécution résultent, d’une part, des modifications substantielles des plans et du marché, qui sont à l’origine de l’allongement du délai et du bouleversement de l’économie du contrat et, d’autre part, de fautes dans l’exécution du contrat, telles que le fait de ne pas avoir mis en demeure le maître d’œuvre de corriger l’erreur de prescription concernant le parking, d’avoir refusé de procéder au préchauffage qu’elle avait demandé, de lui avoir imposé la levée de réserves, ainsi que des pénalités de retard exorbitantes ;

— la CCI ne peut demander au tribunal de la condamner à rembourser les honoraires de l’expert dans la mesure où, dans son arrêt du 29 septembre 2011, la cour administrative d’appel a déjà condamné définitivement l’établissement à lui régler cette somme ;

— la CCI du Havre, par sa volonté de lui nuire et par l’excès du montant de sa déclaration de créance risque d’entraîner sa mise en liquidation judiciaire ; à titre de réparation, la CCI sera donc condamnée à lui verser une indemnité égale à son passif accepté, soit la somme de 1 071 513,33 euros ;

Vu l’ordonnance en date du 18 juin 2014 fixant la clôture d’instruction au 18 juillet 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2014 présenté pour la société Z et associés et la société d’architecture 3 D architecture par la SCP Raffin et associés ; elles concluent :

— au rejet de toutes les conclusions dirigées contre elles;

— à la condamnation in solidum des sociétés PNSA et SERO ainsi que la CCI du Havre à les relever et les garantir entièrement des condamnations, intérêts et frais susceptibles d’être mis à leur charge ;

— à la mise à la charge de la CCI du Havre in solidum avec tout succombant de la somme de 5 000 euros pour chacune d’elles et des entiers dépens ;

Les sociétés Z et associés et 3 D architecture font valoir que :

— elles s’en rapportent aux arguments soulevés par la Chambre de commerce et d’industrie pour ce qui concerne l’irrégularité de la requête introductive d’instance et son irrecevabilité ; la demande principale étant forclose, à défaut pour la société PNSA d’avoir contesté le décompte général dans les délais prescrits par l’article 50.32 du CCAG travaux, l’appel en garantie formulé à leur encontre ne pourra qu’être rejeté ;

— la CCI n’a développé des griefs qu’à l’encontre de la société SERO, chargée d’une mission d’OPC et l’expert judiciaire n’a développé aucun élément de nature à retenir la responsabilité du maître d’œuvre ; il incombe en tout état de cause à la CCI de caractériser la faute contractuelle précise susceptible de leur être reprochée, le simple renvoi au rapport d’expertise n’étant pas suffisant ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2014, présenté pour la chambre de commerce et industrie du Havre qui conclut aux mêmes fins que précédemment, à ce que les condamnations prononcées à l’encontre de la société PNSA portent intérêt au taux légal avec capitalisation et à ce que la somme à mettre à la charge de la société PNSA au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 70 000 euros ;

La CCI du Havre ajoute que :

— l’existence d’un litige pendant devant le juge administratif sur les comptes n’empêche en aucun cas le décompte général de devenir définitif ; par suite, la société PNSA devait respecter la procédure contractuelle d’arrêté des comptes, ce qu’elle n’a pas fait, de sorte qu’elle est présumée avoir accepté le décompte général notifié le 2 février 2009, qui est devenu définitif ;

— la demande formulée par la société PNSA au titre du préjudice résultant de sa mise en redressement judiciaire est sans lien et étrangère au litige dont la société PNSA a saisi le tribunal, alors en outre que la société ne démontre aucune faute ni un quelconque fait qui pourrait engager sa responsabilité quasi-délictuelle et qu’aucun lien de causalité n’est avéré entre l’assignation initiale en redressement de la CCI du Havre et le passif accepté de la société PNSA, d’un montant de 1 071 513,33 euros ;

Vu l’ordonnance en date du 23 juillet 2014 fixant la clôture d’instruction au 22 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2014, présenté pour la société d’études et de recherche opérationnelle (SERO) par Me Zanati, qui conclut :

— au rejet de la requête de la société PNSA, au rejet de la demande subsidiaire en garantie présentée par la CCI du Havre ;

— à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la CCI du Havre sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société SERO fait valoir que :

— l’examen de l’appel en garantie formulé par la CCI du Havre est subordonné à la recevabilité de la requête de la CCI du Havre ;

— aucun des griefs formulés par la société PNSA et repris par la CCI du Havre relatifs à une prétendue désorganisation du chantier n’a été sérieusement démontré ou résulterait du rapport d’expertise de M. X ;

— les stipulations contractuelles relatives à l’OPC relèvent uniquement des obligations de moyen, et non des obligations de résultat ;

— la CCI se borne à rappeler les griefs de la société PNSA, sans pour autant les rattacher à une faute quelconque ;

— en conséquence, elle entend solliciter de plus fort sa mise hors de cause pure et simple ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 août 2014, présenté pour la chambre de commerce et industrie du Havre, qui persiste dans ses conclusions ;

La CCI du Havre ajoute que :

— les modifications des cloisons ont été notifiées par la maîtrise d’œuvre à la société PNSA comme une modification des plans de l’architecte ; ces modifications sont donc du ressort des architectes ;

— la remise des polychromies en cours de chantier relève soit de PNSA, soit du maître d’œuvre, mais aucunement du maître d’ouvrage ;

— si l’erreur de prescription de la peinture du sol a été résolue par l’application d’un prix nouveau, une telle erreur relève bien d’une faute de la maîtrise d’œuvre, en charge de la rédaction du CCTP ;

Vu l’ordonnance du 25 août 2014 ordonnant la réouverture de l’instruction et fixant la clôture de l’instruction au 19 septembre 2014, en application de l’article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 août 2014, présenté pour la chambre de commerce et industrie du Havre, qui persiste dans ses conclusions ;

La CCI du Havre ajoute que le manque de cohérence dans l’enchaînement des tâches des différents corps d’Etat ne relève d’aucun fait qui lui serait imputable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 novembre 2014 :

— le rapport de Mme Aubert, rapporteur ;

— les conclusions de M. Armand, rapporteur public ;

— et les observations de Me Barrabé pour la société PNSA, de Me Tendeiro pour la CCI du Havre et de Me Y pour la société SERO ;

1. Considérant que, selon un acte d’engagement du 13 octobre 2003, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Havre a confié à la société Peinture Normandie (PNSA) le lot n° 19 « peintures » de la construction de son nouveau siège social situé esplanade de l’Europe au Havre ; que cette mise en peinture concernait le bâtiment du siège composé de bureaux, le pôle des échanges, le sol et les poteaux du parking enterré ; que la maîtrise d’œuvre du chantier a été confiée à un groupement d’entreprises solidaires composé des sociétés René Z, 3D Architecture, BET Betom Ingénierie et Ingénierie de l’Estuaire et l’ordonnancement, la programmation et la coordination des travaux à la société d’étude et de recherche opérationnelle (SERO) ; que, le 9 novembre 2005, la société PNSA s’est vue notifier la réception avec réserves des travaux, la date de levée des réserves étant fixée au 21 novembre 2005 ; qu’en raison d’un litige portant sur l’allongement de la durée du marché et sur les réserves prononcées, la société PNSA puis la CCI du Havre ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de deux requêtes à fin d’expertise qui ont donné lieu à deux ordonnances du 16 juin 2005 et du 30 juin 2006, désignant M. X en qualité d’expert ; qu’entre-temps, la société PNSA a adressé au maître d’œuvre son projet de décompte final par courrier du 8 février 2006, reçu le 13 février 2006 ; qu’en l’absence de réponse de celui-ci dans le délai de quarante-cinq jours qui a suivi, elle a mis en demeure la CCI du Havre de lui notifier le décompte général par lettre du 31 mars 2006 ; que, par lettre du 18 avril 2006, la CCI du Havre a répondu que l’établissement du décompte général était suspendu à la levée effective des réserves ; que la société PNSA a cependant saisi le tribunal administratif de Rouen, le 27 septembre 2006, aux fins de faire condamner la CCI du Havre à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution du marché, y compris les préjudices qu’elle aurait subis au cours de cette exécution ; que, par une requête du 12 septembre 2007, la CCI du Havre a demandé aux mêmes juges de condamner son cocontractant à lui verser le solde du marché et à l’indemniser des préjudices nés en cours de l’exécution du marché ;

2. Considérant que M. X a déposé son rapport d’expertise au greffe du tribunal le 7 avril 2008 ; que, par ordre de service du 23 février 2009, et alors même que le tribunal administratif de Rouen était saisi du litige susmentionné, la CCI du Havre a notifié à la société PNSA le décompte général, présentant un solde négatif ; que, par jugement nos 0602523-0702467 du 14 janvier 2010, le tribunal administratif, après avoir joint les deux instances, a mis à la charge de la CCI du Havre le versement à la société PNSA, au titre de l’exécution du lot n° 19, d’une part, de la somme de 239 027,30 euros hors taxe devant être révisée selon les conditions du marché, et, d’autre part, de la somme de 726,46 euros hors taxes relative au remboursement de la retenue de garantie, moins les acomptes déjà versés à hauteur de 184 598,97 euros hors taxes et la somme de 16 809,46 euros hors taxes due par le titulaire au titre de l’exécution du marché, la somme restant due devant être assortie des intérêts moratoires à compter du 9 mai 2006, eux-mêmes capitalisés à compter du 9 mai 2007 ;

3. Considérant que par un arrêt 10DA00321,10DA00326 du 29 septembre 2011, la cour administrative d’appel de Douai a annulé le jugement du tribunal administratif susmentionné ; que la cour a en effet estimé que la requête introduite le 27 septembre 2006 par la société PNSA devant le tribunal administratif était irrecevable dans la mesure où la mise en demeure qu’elle avait adressée le 31 mars 2006 à la CCI du Havre ne pouvait être regardée comme un mémoire en réclamation au sens des stipulations de l’article 50 du CCAG travaux, dès lors que les réserves précédemment émises par la personne responsable du marché présentaient un caractère substantiel faisant obstacle à la réception définitive des travaux et donc à l’établissement du décompte général ; que, par une nouvelle requête enregistrée le 4 décembre 2012, la société PNSA demande à nouveau au tribunal de condamner la CCI du Havre à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution du marché ; que la CCI du Havre demande, en défense, la condamnation de son cocontractant à lui verser le solde du marché et à l’indemniser des préjudices nés en cours de l’exécution du marché ;

Sur les conclusions de la société PNSA tendant au versement du solde du marché et à l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’exécution du marché :

4. Considérant que la CCI du Havre fait valoir que la requête de la société PNSA est irrecevable dès lors que le décompte général qu’elle a notifié à la société PNSA est devenu définitif ;

5. Considérant, d’une part, qu’en vertu des stipulations de l’article 13.44 du CCAG travaux, l’entrepreneur doit, dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général dans le cas où le délai contractuel d’exécution du marché est supérieur à six mois, le renvoyer au maître d’œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer ; que ce même article précise que si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l’entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif ; que, selon ce même article, le mémoire doit être remis au maître d’œuvre dans le délai de quarante-cinq jours, le règlement du différend intervenant alors suivant les modalités indiquées à l’article 50 ; qu’en vertu de l’article 50.22 du CCAG, si un différend, tel un litige portant sur le décompte, survient directement entre la personne responsable du marché et l’entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l’ouvrage ; que l’article 50.23 stipule que la décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 appartient au maître de l’ouvrage ; qu’en vertu de l’article 50.31, si, dans le délai de trois mois à partir de la date de la réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire mentionné aux 21 et 22 du même article, aucune décision n’a été notifiée, l’entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent ; qu’enfin l’article 50.32. stipule que si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l’entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du même article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l’entrepreneur n’a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable ;

6. Considérant, d’autre part, qu’en vertu des stipulations de l’article 41.6 du CCAG travaux, lorsque la réception est assortie de réserves, l’entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l’absence d’un tel délai, trois mois avant l’expiration du délai de garantie défini au 1 de l’article 44 ; que le même article 41.6 précise qu’au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l’entrepreneur ; qu’il résulte de ces stipulations qu’une fois la réserve annexée au procès-verbal de réception, la malfaçon correspondante doit être traitée par l’entreprise ou, en cas de défaillance de sa part constatée à l’échéance du délai qui lui était imparti, faire l’objet de travaux de reprise exécutés d’office dont le coût est imputé sur le solde de rémunération du marché ; qu’en revanche, ces stipulations n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de différer indéfiniment l’établissement du décompte général au seul motif que les réserves n’auraient pas été levées, quand bien même, de ce fait, les relations contractuelles se poursuivraient ;

7. Considérant qu’en réponse à la mise en demeure du 31 mars 2006 que lui avait adressée la société PNSA, la CCI du Havre avait répondu, par une lettre du 18 avril 2006, que l’établissement du décompte général était « suspendu à la levée effective des réserves » et que, les délais accordés à la société pour effectuer les travaux nécessaires à cette levée de réserves étant expirés, elle pouvait faire réaliser lesdits travaux aux frais et risques de l’entreprise puis déduire du décompte général les sommes correspondantes ; qu’il n’est pas contesté que la société PNSA a exécuté en 2008 une partie des travaux correspondant aux réserves, alors que les opérations d’expertise judiciaire étaient en cours ; que le rapport d’expertise, déposé le 7 avril 2008, comporte en outre une évaluation du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves restantes, effectuée, en partie, sur la base de devis établis à la demande de la CCI du Havre par des entreprises tierces ; que, dans ces circonstances, et alors même que les réserves formulées lors de la réception n’avaient pas été expressément levées, le maître d’oeuvre a pu valablement établir le décompte définitif, le 2 février 2009, en faisant état, au sein dudit décompte, des sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves ;

8. Considérant que le décompte général a été notifié à la société PNSA par ordre de service du 23 février 2009, qu’elle admet avoir reçu le 3 mars 2009 ; que, par lettre du 11 mars 2009, la société PNSA a informé le maître d’œuvre qu’elle refusait de signer le décompte ; que, par lettre du 11 octobre 2011, notifiée le même jour à la société PNSA, la CCI du Havre a informé la société qu’elle refusait de prendre en compte son mémoire en réclamation en date du 11 mars 2009 ; que, dans ces conditions, le délai de six mois prévu à l’article 50.32 du CCAG Travaux a commencé à courir le 11 octobre 2011 ; que la société PNSA a porté ses réclamations, par la présente requête, devant le tribunal administratif le 4 décembre 2012, soit au-delà du délai de six mois ; qu’il s’ensuit que les conclusions de la société PNSA tendant au versement du solde du marché et à l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’exécution de celui-ci, incluant les frais de constat d’urgence d’un montant de 1 271,78 euros ainsi que les intérêts moratoires résultant du retard de paiement des situations de travaux et le préjudice commercial dont elle se prévaut, sont tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions de la société PNSA tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de l’absence de fonds de roulement :

9. Considérant que la société PNSA demande la condamnation de la CCI du Havre à lui verser une somme de 26 926,68 euros correspondant aux frais financiers qu’elle a dû supporter en raison de l’absence de versement par la CCI des sommes dues au titre de l’exécution du marché et des difficultés de trésorerie qui en ont résulté ; qu’il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que le décompte général établi par la CCI du Havre, devenu définitif, met à la charge de la société PNSA un solde de marché négatif, d’un montant de 550 014,44 euros ; que, dans ces circonstances, la société ne peut se prévaloir d’aucune créance à l’encontre de la CCI du Havre relative au règlement du marché en litige ; que ses conclusions tendant à la condamnation de la CCI à l’indemniser du préjudice résultant de l’absence de règlement de telles créances ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions de la société PNSA tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de sa mise en redressement judiciaire :

10. Considérant que la société PNSA soutient que la volonté de la CCI du Havre de lui nuire, rendue manifeste par sa décision de l’assigner en redressement judiciaire et par le caractère excessif de la créance qu’elle a déclarée, d’un montant de 666 472,66 euros, s’est traduit par une perte financière de plus de 150 000 euros depuis neuf ans et a gravement nuit à son image ; qu’elle demande en conséquence la condamnation de la CCI à lui verser une somme de 1 071 513,33 euros, correspondant à son passif ; qu’il n’est toutefois aucunement établi que la mise en redressement de la société PNSA, qui découle d’une cessation de paiements liée à l’impossibilité pour la société de faire face au passif exigible avec son actif disponible, résulterait de la seule déclaration de créances effectuée par la CCI du Havre ; qu’en l’absence de lien de causalité entre le préjudice allégué par la société PNSA et les démarches entreprises par la CCI du Havre pour récupérer sa créance, les conclusions de la société ne peuvent, en tout état de cause, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions de la société PNSA relatives à la caution de retenue de garantie :

11. Considérant qu’il résulte des dispositions des articles 100 à 102 du code des marchés publics, alors applicables, que l’entrepreneur n’est fondé à obtenir la libération des garanties qu’il a constituées au profit du maître de l’ouvrage qu’après la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves, quand bien même le délai de garantie aurait expiré ; que, cependant, la circonstance, relevée par la CCI du Havre, que la totalité des réserves formulées lors de la réception des travaux n’ait pas été levée, ne peut justifier l’absence de mainlevée de la caution bancaire souscrite par la société PNSA dès lors que la CCI a fait figurer dans le décompte général le montant des travaux nécessaires à la levée des réserves et qu’elle ne détient, dès lors, plus aucune créance rendant nécessaire le maintien de cette garantie ; que, dans ces conditions, il y a lieu d’enjoindre à la CCI du Havre de libérer la caution bancaire souscrite par la société PNSA dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement ;

12. Considérant que le décompte général établi le 2 février 2009 est devenu définitif au plus tard le 12 avril 2012 ; que la société PNSA est donc fondée à demander la condamnation de la CCI du Havre à l’indemniser des frais financiers qu’elle a dû supporter en raison du maintien de sa caution bancaire au-delà de cette date ; qu’il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant la CCI du Havre à lui verser une somme de 500 euros ;

Sur les conclusions reconventionnelles de la CCI du Havre :

13. Considérant que la CCI du Havre demande la condamnation de la société PNSA à lui verser la somme de 550 014,44 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du marché restant à la charge de la société ; que, toutefois, ainsi qu’il a été dit plus haut, les conclusions de la société PNSA tendant au versement du solde du marché et à l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’exécution du marché sont irrecevables ; que les conclusions reconventionnelles de la CCI doivent, par voie de conséquence, également être déclarées irrecevables ; que doivent ainsi être rejetées les conclusions de la CCI du Havre tendant à la condamnation de la société PNSA à lui verser la somme de 550 014,44 euros susmentionnée, ainsi que celles tendant à la condamnation de la société à lui verser la somme de 86 402,80 euros, en remboursement des sommes qu’elle a payées en exécution du jugement du tribunal administratif du 14 janvier 2010, que la cour administrative d’appel de Douai a annulé ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que dans l’arrêt définitif du 29 septembre 2011, la cour administrative d’appel de Douai a mis à la charge de la CCI du Havre les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 13 172,05 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal administratif de Rouen ; que, dans ces conditions, la demande de la CCI du Havre tendant à ce que ces frais d’expertise soient mis à la charge de la société PNSA doit être rejeté ;

Sur les conclusions à fin d’appel en garantie :

15. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction et qu’il n’est pas allégué que le retard mis par la CCI du Havre à libérer la caution bancaire souscrite par la société PNSA résulterait d’un manquement du groupement de maîtrise d’œuvre ou de la société chargée de l’ordonnancement, du pilotage et de la coordination ; qu’aucune autre condamnation n’est mise à la charge de la CCI du Havre par le présent jugement ; que, dès lors, les conclusions d’appel en garantie formées par la CCI du Havre doivent être rejetées ;

16. Considérant qu’à défaut de condamnation prononcée contre elles, les appels en garantie formés par la société Z et associés et le cabinet 3 D Architecture sont sans objet et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la CCI du Havre, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la société PNSA au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la société PNSA quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens exposés, par la CCI du Havre, la Selarl René Z et par le cabinet 3D Architecture ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas non-plus lieu de mettre à la charge de la CCI du Havre quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société SERO, la Selarl René Z et par le cabinet 3D Architecture ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est enjoint à la CCI du Havre de libérer la caution bancaire souscrite par la société PNSA dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 2 : La CCI du Havre versera à la société PNSA une somme de 500 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société PNSA est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5: Le présent jugement sera notifié à la société PNSA, à la chambre de commerce et industrie du Havre, à la Selarl Z et associés, au cabinet 3D Architecture et à la société d’études et de recherche opérationnelle.

Délibéré après l’audience du 25 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Gaillard, président,

Mme Jeanmougin, premier conseiller,

Mme Aubert, conseiller,

Lu en audience publique le 22 janvier 2015.

Le rapporteur, Le Président,

A. AUBERT

A. GAILLARD

Le greffier,

C. LABROUSSE

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Tribunal administratif de Rouen, 22 janvier 2015, n° 1203502