Tribunal administratif de Strasbourg, 19 décembre 2011, n° 0802432

  • Vérificateur·
  • Impôt·
  • Comptabilité·
  • Exploitation·
  • Recette·
  • Sociétés·
  • Administration·
  • Redressement·
  • Contribuable·
  • Achat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Strasbourg, 19 déc. 2011, n° 0802432
Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro : 0802432

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE STRASBOURG

N° 0802432

___________

SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN

___________

Mme Toupet

Rapporteur

___________

M. Michel

Rapporteur public

___________

Audience du 8 décembre 2011

Lecture du 19 décembre 2011

___________

19-06-02-08-01

ev

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Strasbourg

(3e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2008, présentée pour M. Y X, agissant en qualité de gérant de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN et demeurant XXX, par Me Richard ; la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN demande au tribunal :

— d’ordonner une expertise ayant pour objet de se prononcer sur la pertinence des observations du contribuable et de démontrer le caractère radicalement vicié de la reconstitution ;

— de prononcer la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés sur la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

— de condamner l’Etat à lui rembourser les frais non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN soutient que :

— le vérificateur s’est permis de consulter l’ordinateur de la brasserie sans autorisation du gérant de la société ;

— la notification de redressements compte 131 feuillets et compte autant d’erreurs de synthèse, d’appréciation, de calcul, de report, de conclusions hâtives et d’approximations ; la technique de l’ennoyage utilisée par le vérificateur n’a pour objet et pour effet que de décourager tous les intervenants successifs ; à défaut d’être excessivement sommaire, la méthode est radicalement viciée, car pleine d’erreurs, à la fois surabondante et irrationnelle ;

— les insuffisances de la comptabilité doivent être considérées comme mineures ; en se fondant sur une facture de café prétendument non comptabilisée et sur le compte caisse du Pub, l’administration n’apporte pas la preuve qui lui incombe que la comptabilité ne serait pas probante ; cette facture n’a pas été comptabilisée par le fournisseur et le gérant du Pub n’a pas établi de chèque n°392696 pour un montant de 3938,33 F entre le 1er août et le 31 décembre 2000 ; d’autres factures ont été établies le 31 décembre 2000 alors que le Pub avait une commande suffisante pour 15 jours ; par ailleurs les soldes du compte caisse des 3 exercices vérifiés ne se cumulent pas mais représentent le solde de caisse à chacune de ces dates : le vérificateur s’est appuyé sur des éléments erronés ; enfin il ressort de la jurisprudence que dès lors que tous les documents comptables ont été établis par un expert comptable et ont été présentés au vérificateur, la comptabilité ne peut être rejetée globalement ;

— il ressort de la doctrine administrative et notamment de l’instruction 4 G-3343 n°4 du 15 mai 1993 que la reconstitution des bases imposables doit impérativement être opérée selon plusieurs méthodes, celles-ci devant être clairement et complètement exposées dans la notification de redressements ; au cas particulier, le vérificateur n’a utilisé qu’une seule méthode de reconstitution et celle-ci ne peut donc être acceptée ;

— à l’occasion de la fête de la choucroute du 27 au 29 novembre 1998, les recettes ont été enregistrées globalement faute de justificatifs ; en raison de la faible fréquentation de cet événement, il n’est pas objectif de calculer la recette à partir des commandes de choucroute qui ne peut être stockée si elle n’est pas consommée, à l’inverse des boissons ;

— selon le vérificateur, l’enregistrement des recettes s’est effectué de façon quotidienne mais globalement et sans caractère chronologique ; or le système Pokky utilisé, qui ne permet pas de réaliser simultanément plusieurs actions, enregistre les opérations comptables du jour et sert à clôturer et éditer les recettes de la journée précédente ; ce système ne fonctionnait pas correctement le matin ; lors des opérations de clôture effectuées par la secrétaire, qui durent entre 30 minutes et une heure, les serveurs étaient obligés de noter les commandes sur des feuilles de brouillard avant de les enregistrer sur le système ; ils réalisaient cependant les encaissements de manière détaillée et non groupée ; en examinant une trentaine d’exemples présentés par le vérificateur, il apparaît des différences considérables entre les sommes indiquées par celui-ci dans son tableau et celles, largement supérieures, ressortant de l’édition des ventes ;

— selon le vérificateur, il aurait été omis d’enregistrer des achats de marchandises ; or pour l’année 1998, trois bières différentes sont enregistrées sous un même code ; les bouteilles de champagne facturées à de rares occasions ont été offertes par les fournisseurs et non achetées ; les thés et infusions Lipton sont des produits annexes de la maison Choky qui n’apparaissent pas comme tels sur ses factures et bons de livraison mais qui sont enregistrés dans les ventes ; la dose retenus de 2 cl de sirop ne peut être considérée comme constante en raison de l’emploi de 8 serveurs ; le Bailey’s n’est pas servi à 3 cl par verre mais entre 4 et 6 cl ; en additionnant les deux codes de références de whisky, on obtient bien 173 bouteilles de 35 cl et non 122 ; sur 70 paquets de cigarettes vendus quotidiennement, il faut accepter une perte de 1,5 paquets du fait des détournements par les serveurs fumeurs ; pour l’année 1999, les Ricard-Pastis étant regroupés dans l’édition des ventes, on ne trouve qu’une différence de 163 doses sur 7154 doses, soit une perte de 2% ; 90 % des achats et ventes en brasserie se font en espèces, le paiement du fournisseur de café par ce moyen ne peut être reproché au requérant : il est demandé de fournir la preuve, obtenue par le droit de communication, des achats prétendument omis de 35 kg en 1999 et de 22 kg en 2000 ; en outre, le Pub n’a jamais émis de chèque de 3936,33 F en septembre 2000 pour acheter 725 kg de café alors que seuls 703 sont enregistrés en comptabilité ; enfin le vérificateur ne comptabilise que 60 bouteilles de 150 cl de limonade en l’an 2000 alors que plus de 1700 bouteilles ont été achetées ; sur les 54 bouteilles de pastis Berger trouvées en stock, l’achat de 50 a été justifié ; le vérificateur trouve 9 bouteilles de Buvar Bud alors qu’il n’en apparaît que 3 au stock du 31 décembre 2000 ; les sachets d’Ice Tea sont estimés à 691 vendus alors que l’édition des ventes en fait paraître 1584 ;

— le vérificateur confond fond de caisse et compte caisse ; le solde de ce compte est débiteur et démontre que le Pub déclare ce qu’il a réellement encaissé ;

— le service soutient que les avances et ristournes de 800 000 F consenties par deux fournisseurs au cours des années 1998 et 1999 doivent être imposés en totalité dans les résultats de l’exercice au cours duquel elles sont acquises ; or le contrat de fourniture de bière est un contrat d’approvisionnement exclusif ; il n’y a pas de clause résolutoire et le Pub ne peut être considéré comme définitivement propriétaire de la subvention qu’au terme du contrat ; en outre, selon l’article 38-2 du code général des impôts, le bénéfice net imposable ne doit tenir compte que des créances et dettes qui sont devenues certaines dans leur principe ou dans leur montant au cours de la période considérée ; selon l’instruction 4 A-212 n°13 du 1er septembre 1993, la créance n’est acquise au bénéficiaire que lorsque l’accord n’est subordonné à aucune condition ; ainsi l’obtention de la subvention est liée à la réalisation de l’approvisionnement annuel et exclusif : avant cette réalisation, on est en présence d’un contrat de prêt qui doit être remboursé le cas échéant, ainsi qu’il ressort notamment de l’instruction 4 A-2411 n°12 et 14 du 1er septembre 1993 ; l’entreprise doit inscrire les sommes reçues au passif du bilan et amortir les installations nouvelles, réalisées grâce à cette aide, sur le prix de revient réel ; en particulier, les sommes versées par la société Karlsbrau ont servi à acquérir les équipements conformes à ses normes ; ainsi les sommes versées par le fournisseur ne peuvent être considérées comme une créance acquise à la date de leur versement et rapportées au résultat de l’exercice 1999 ;

Vu la décision par laquelle le directeur des services fiscaux de la Moselle a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2008, présenté par le directeur des services fiscaux de la Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Le directeur des services fiscaux soutient que :

— la comptabilité de la requérante a été rejetée comme dépourvue de valeur probante et son chiffre d’affaires concernant les boissons et les cigarettes a été reconstitué ; conformément à l’article L. 192 du livre des procédures fiscales, la preuve de l’exagération des impositions contestées, établies conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, appartient à la requérante en raison des irrégularités graves et répétées affectant sa comptabilité, au nombre desquelles figurent les recettes enregistrées globalement sans pièces justificatives et les opérations non enregistrées chronologiquement ; les pièces justificatives admises en matière de recettes sont les fiches de caisse et les bandes enregistreuses ; au cas d’espèce, s’ajoutent à ces anomalies la présomption de minoration de recettes et d’achats ainsi que l’absence de brouillard de caisse permettant seul un suivi de caisse ; ce dernier document, présenté à l’appui du journal auxiliaire de caisse et du compte caisse, est essentiel dans le commerce de café-bar où les paiements en espèces sont très nombreux et son existence aurait permis de vérifier, en présence d’enregistrements globaux des recettes, les opérations au jour le jour ;

— la méthode de reconstitution a été exposée en détail dans les deux notifications de redressement ; le service a confronté les achats revendus théoriques, obtenus par dépouillement de toutes les factures d’achat de marchandises, ainsi que les stocks de produits et les ventes retenues en comptabilité au titre des périodes de 1998 à 2000 ; il a également été tenu compte de pertes et d’offerts ; la méthode de reconstitution à partir de la comptabilité matière est simple, concrète et fiable ; les coefficients de marge procèdent, pour chacune des trois années, de l’analyse détaillée de plus de mille factures ; aussi la requérante ne saurait prétendre que l’administration n’aurait pas respecté les prescriptions de la doctrine, laquelle ne contient d’ailleurs que de simples recommandations inopposables à l’administration ; en outre, la qualité et la pertinence d’une seule méthode sont préférables à la mise en œuvre de plusieurs méthodes imparfaites ; la requérante ne propose aucune autre méthode de reconstitution ;

— sans code d’accès fourni par le gérant, le vérificateur n’aurait pu avoir accès au système de caisse informatique pour y consulter les opérations et informations dématérialisées ;

— les recettes globalisées de la fête de la choucroute ne sont appuyées d’aucune pièce justificative permettant de les individualiser ;

— l’examen des bandes de caisse informatique (système Pokky, mis en place en 1996) révèle l’existence d’enregistrements globaux de recettes dépourvus de tout caractère chronologique et ne permettant pas leur individualisation ; en montrant que la trentaine d’enregistrements groupés ne forment qu’une partie des recettes journalières, la requérante ne démontre pas que les recettes ont été enregistrées par le barman en temps réel et de façon exhaustive ; cet enregistrement global intervient au bout de 20 ou 30 commandes alors que rien n’empêchait le barman d’éditer les tickets en temps réel afin que l’enregistrement des recettes se fasse de manière détaillée ; de tels agissements laissent supposer des minorations de chiffre d’affaires régulières ; il y a parfois 5 heures de décalage entre la première opération de caisse enregistrée et l’horaire d’ouverture de l’établissement ; si la clôture avait été faite à la fin de la journée précédente par M. X, l’édition des ventes aurait pu se faire le jour même pendant les heures de fermeture de l’établissement et non le lendemain matin, empêchant l’enregistrement des recettes ; le système informatique de caisse ne fonctionnait pas durant les 3 premières heures d’ouverture de l’établissement en raison de seuls motifs d’organisation interne ; ces décalages s’observent aussi les dimanches et jours fériés ;

— l’analyse par type de boissons des achats comptabilisés, des stocks et des achats revendus a révélé de nombreux achats revendus négatifs ; des offerts ont été pris en compte pour chaque type de produits, y compris les cigarettes : la prise en compte d’offerts ou de pertes trop importants peut démontrer l’existence d’achats non comptabilisés ;

— s’agissant du dosage des boissons, le service a retenu le chiffre en usage dans la profession pour le sirop ou, pour les liqueurs et digestifs, un dosage supérieur à celui de 2 cl affiché dans l’établissement ;

— en ce qui concerne la minoration d’actif net, les contrats conclus avec les sociétés Karlsbrau et A-B ne sont pas soumis à une condition suspensive ; la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques ; l’obligation de remboursement n’est qu’éventuelle voire hypothétique ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 août 2009, présenté par le directeur des services fiscaux de la Moselle, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Le directeur des services fiscaux soutient en outre que :

— dans une requête distincte, le tribunal a confirmé le rejet de la comptabilité et la reconstitution du chiffre d’affaires mais a fait droit à la contestation portant sur la minoration d’actif net ; un dégrèvement d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés a été prononcé en conséquence ; il n’y a pas d’incidence en matière de taxe sur la valeur ajoutée, celle-ci ayant été correctement déclarée au moment de l’encaissement ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2011, présenté pour la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

La SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN soutient en outre que :

— compte tenu de l’ampleur du travail réalisé par le vérificateur et du caractère invérifiable de ses tableaux et alignements de chiffres, il est tentant de donner raison à l’administration ainsi que l’a fait la commission départementale des impôts ; eu égard à la masse des éléments fournis et alors même que la reconstitution conduit à des résultats étonnants, notamment le doublement du chiffre d’affaires d’une année à l’autre, il n’est toutefois pas possible de discuter du bien-fondé de la méthode retenue ; le contribuable n’a pas bénéficié d’un débat oral et contradictoire ni d’un traitement équitable, les droits de la défense n’ont pas été respectés ;

Vu l’ordonnance en date du 13 mai 2011 fixant la clôture d’instruction au 3 juin 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mai 2011, présenté par le directeur régional des finances publiques de Lorraine et du département de la Moselle, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Le directeur régional des finances publiques soutient en outre que :

— la méthode de reconstitution a bien été précisée par l’administration notamment dans son rapport à la commission départementale des impôts et dans les deux notifications de redressement ; la masse des documents joints s’explique par le nombre important de factures à dépouiller ; le contribuable ne s’est pas privé de critiquer abondamment la méthode : il a donc saisi le sens des calculs, même nombreux, effectués par l’administration ; le débat oral et contradictoire a eu lieu, la requérante a bénéficié de la prise en compte d’offerts clients et de prélèvements supplémentaires des dirigeants et salariés ; en revanche, les nombreuses critiques de la requérante ne sont étayées d’aucune pièce justificative précise et probante et n’ont pas abouti à la proposition d’une meilleure méthode que celle employée par l’administration ;

— le tribunal de céans et la cour administrative d’appel de Nancy ont validé la méthode de reconstitution utilisée dans le cadre des procédures concernant l’EURL Pub Finances, maison-mère de la requérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2011, présenté pour la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN par Me Richard, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; la requérante demande en outre au tribunal de reporter la date d’audience jusqu’à ce que le Conseil d’Etat ait statué sur le pourvoi de l’EURL Pub Finances ;

La SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN soutient que :

— dans le cas de deux EURL soumises à l’impôt sur les sociétés qui sont en situation d’intégration fiscale, l’administration doit informer la société redevable de l’impôt du groupe du montant global par impôt des droits, pénalités et intérêts de retard mis à sa charge ; l’instruction 13 L 2-95 du 3 mars 1995, reprise dans l’instruction 13 L-143 n°17 du 1er juillet 2002 le précise ; or il n’y a pas de corrélation entre l’avis de mise en recouvrement et l’information envoyée au contribuable, celui-ci n’a pas été suffisamment informé des conséquences de la vérification ; la cour administrative d’appel de Nancy a considéré que cet argument n’apportait rien de nouveau par rapport à celui développé en première instance, mais le pourvoi en cassation a été admis par le Conseil d’Etat, lequel s’est prononcé sur un cas identique dans l’arrêt n°325619 du 21 octobre 2011 « Société financière SNOP Dunois » ;

— dès lors que les redressements notifiés à l’EURL Pub Heineken correspondent exactement à ceux notifiés à la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN, la décharge des redressements notifiés à Pub Finances devrait conduire à celle des redressements notifiés à la requérante ;

— le gérant de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN a vendu son fonds de commerce à la suite des poursuites diligentées par l’administration et a vu le produit de la cession bloqué entre les mains du notaire ;

Vu l’ordonnance en date du 21 novembre 2011, rouvrant l’instruction en application de l’article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2011, présenté par le directeur régional des finances publiques de Lorraine et du département de la Moselle, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Le directeur régional des finances publiques soutient en outre que :

— la jurisprudence invoquée par la requérante ne constitue pas un revirement ;

— l’irrégularité de procédure alléguée ne saurait en tout état de cause avoir de conséquence que sur l’impôt sur les sociétés mis à la charge de l’EURL Pub Finance et non sur la taxe sur la valeur ajoutée due par la Société d’exploitation du Pub Heineken ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2011, présenté pour la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN par Me Richard ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 décembre 2011 :

— le rapport de Mme Toupet, rapporteur ;

— les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

Considérant que la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN, qui exploite un débit de boissons sis place de la Gare à Sarrebourg (Moselle), a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ; que par deux notifications de redressement en date des 24 décembre 2001 et 24 mai 2002, l’administration fiscale a remis en cause le caractère probant de sa comptabilité, a procédé à la reconstitution de son chiffre d’affaires et y a notamment réintégré des recettes non déclarées ; que le service lui a assigné en conséquence des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée sur la période considérée, assortis de pénalités, dont la requérante demande la décharge ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, que si la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN soutient que le vérificateur a interrogé sans y être autorisé l’ordinateur de l’entreprise, sans d’ailleurs appuyer cette allégation d’aucun commencement de preuve, le service fait valoir, sans être contredit, que le vérificateur s’est borné à consulter le système de caisse informatique de la brasserie en utilisant le code d’accès qui lui a été communiqué par le gérant de la société ; que, dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la procédure aurait été irrégulière ;

Considérant en deuxième lieu qu’aux termes de l’article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements » ;

Considérant que si au cours d’une procédure de vérification de comptabilité le contribuable doit se voir offrir la possibilité d’avoir avec le vérificateur un débat oral et contradictoire portant sur les constatations opérées lors de ce contrôle, dans le cas où la vérification de la comptabilité d’une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’il ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec lui-même, soit avec ses conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la vérification litigieuse s’est déroulée dans les locaux de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN et en présence de M. X, son gérant ; qu’en se bornant à alléguer que le volume de documents établis par le vérificateur à l’appui des notifications de redressement qui lui ont été adressées à l’issue de son intervention constitue un obstacle au débat oral et contradictoire et méconnait les droits de la défense en ce qu’elle ne permet pas de contester le bien-fondé de la méthode retenue, la requérante, qui ne soutient ni même n’allègue que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vue avec elle lors de son intervention sur place, ne démontre pas qu’elle aurait été privée d’un tel débat au cours de la procédure ; qu’en particulier, il résulte de l’instruction que les remarques formulées par le gérant ont été prises en compte notamment en ce qui concerne l’imputation des pertes, des offerts et des prélèvements des salariés sur les achats revendus ; qu’il s’ensuit que la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été privée de la garantie d’un débat oral et contradictoire ;

Considérant en troisième lieu qu’aux termes de l’article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige : « Une société […] peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés du groupe […]. Les sociétés du groupe restent soumises à l’obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales […] » ; que selon l’article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : « A l’issue […] d’une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l’administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l’article L. 57 le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. […] Pour une société membre d’un groupe mentionné à l’article 223 A du code général des impôts, l’information prévue au premier alinéa porte, en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, l’imposition forfaitaire annuelle, le précompte et les pénalités correspondantes, sur les montants dont elle serait redevable en l’absence d’appartenance à un groupe […] » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’alors même que la société mère d’un groupe fiscal intégré s’est constituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur le résultat d’ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats des différentes sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l’obligation de déclarer leurs résultats et que c’est avec ces dernières que l’administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales ; que les redressements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d’une procédure unique conduisant d’abord à la correction du résultat d’ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d’impôt établis à son nom ; que l’information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d’ensemble, sans qu’il soit nécessaire de reprendre l’exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que le service a adressé à l’EURL Pub Finance un courrier en date du 26 octobre 2004, qui faisait expressément référence aux notifications de redressement du 24 décembre 2001 et du 24 mai 2002 et auquel étaient joints des tableaux chiffrés récapitulatifs, en vue de l’informer des conséquences sur le résultat d’ensemble du groupe des rehaussements notifiés à la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 ; qu’en admettant même qu’en se bornant à produire les tableaux susmentionnés, l’administration n’aurait pas donné à l’EURL Pub Finance, en sa qualité de société mère du groupe intégré, les informations nécessaires à la compréhension des corrections apportées à son résultat d’ensemble, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur les impositions en litige dès lors que ladite société-mère n’était redevable que des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt ainsi que des pénalités y afférentes, et non des droits de taxe sur la valeur ajoutée objet du présent litige ; qu’il suit de là, et sans qu’il soit besoin de procéder à un report d’audience jusqu’à ce que le Conseil d’Etat ait statué en cassation sur la requête de l’EURL Pub Finance, que le moyen est inopérant ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’un redressement, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge […] » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, sur la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, la comptabilité de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN fait apparaître plusieurs anomalies telles que l’enregistrement global des recettes dénué de justificatif permettant leur individualisation, l’absence de brouillard de caisse alors même que l’essentiel des transactions se fait en espèces, et l’omission de comptabilisation d’une part significative des achats ; que les allégations de la requérante selon lesquelles, d’une part, le système de caisse informatique ne permettait pas l’édition simultanée des documents comptables de la journée précédente, laquelle était effectuée pendant les heures d’ouverture de la brasserie le lendemain matin, et des tickets de caisse du jour, et d’autre part, le barman n’enregistrait pas immédiatement et individuellement les commandes, ne contredisent pas les constatations opérées par le vérificateur ; qu’en raison des anomalies susmentionnées, les recettes constatées dans les écritures de la société ont été minorées de manière significative ; que, dans ces conditions, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve, ainsi que l’a d’ailleurs estimé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, des graves irrégularités affectant la comptabilité de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN et a pu ainsi à bon droit écarter celle-ci et procéder à une reconstitution extra-comptable des recettes ;

Considérant que les impositions en litige ont été mises en recouvrement conformément à l’avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires dans sa séance du 15 octobre 2004 ; qu’ainsi, la charge de la preuve de l’exagération des bases retenues par l’administration appartient, en vertu des dispositions précitées de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales, à la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN ;

Considérant, en deuxième lieu, que le contribuable auquel incombe la charge de la preuve peut, dès lors qu’il n’est pas en mesure d’établir le montant exact de son chiffre d’affaires et de son bénéfice en s’appuyant sur une comptabilité probante, soit critiquer la méthode d’évaluation que l’administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d’imposition, soit soumettre à l’appréciation du juge de l’impôt une nouvelle méthode d’évaluation permettant de déterminer les bases d’imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l’administration ;

Considérant, ainsi qu’il est détaillé dans les deux notifications de redressement des 24 décembre 2001 et 24 mai 2002, que pour reconstituer le montant du chiffre d’affaires de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN, le vérificateur a d’abord déterminé pour chaque catégorie de boissons servies ainsi que pour les cigarettes les quantités achetées à partir des factures des fournisseurs et des stocks ; qu’il a ensuite calculé les quantités nettes revendues en tenant compte des achats non comptabilisés de café, thés et infusions, boissons en sachets, bières, sirops, limonade, apéritifs anisés, liqueurs, whisky, champagne et tabac ; qu’il a alors reconstitué le chiffre d’affaires après imputation des pertes, des offerts aux clients ainsi que des prélèvements du personnel de la brasserie ; que compte tenu du caractère forfaitaire de telles reconstitutions et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise sollicitée, en se bornant à soutenir que la méthode retenue par le service est entachée d’erreurs de méthode, de calcul ou d’approximations, alors qu’il résulte de l’instruction que le vérificateur a tenu compte des observations de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN, la société requérante n’apporte pas la preuve qui lui incombe que la méthode utilisée par l’administration serait sommaire ou radicalement viciée ; que par ailleurs, contrairement aux allégations de la société, aucune disposition législative ou réglementaire n’oblige l’administration à utiliser simultanément plusieurs méthodes de reconstitution du chiffre d’affaires ; que la documentation administrative relative à l’emploi d’une seconde méthode de vérification ne peut être utilement invoquée par la requérante dès lors qu’elle ne contient que de simples recommandations qui ne pourraient, en tout état de cause, être opposées à l’administration sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant que la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN, qui n’apporte pas de justificatifs probants à l’appui des critiques qu’elle formule, ne propose pas davantage de méthode d’évaluation permettant de déterminer plus pertinemment que l’administration ses bases d’imposition ;

Considérant en dernier lieu que la circonstance que les subventions versées par deux des fournisseurs de bière de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN aient été imposées à tort, ainsi que la jugé la cour administrative d’appel de Nancy dans un arrêt du 4 mars 2010, à l’impôt sur les sociétés, est sans incidence en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise sollicitée par la requérante, que les conclusions à fin de décharge présentées par celle-ci doivent être rejetées ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE D’EXPLOITATION DU PUB HEINEKEN et au directeur régional des finances publiques de Lorraine et du département de la Moselle.

Délibéré après l’audience du 8 décembre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Toupet, premier conseiller,

Mme Bronnenkant, conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2011.

Le rapporteur, Le président,

A. TOUPET J. MARTINEZ

Le greffier,

S. PILLET

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et la réforme de l’Etat en ce qui le

concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à

l’exécution de la présente décision.

Strasbourg, le

Le greffier,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Strasbourg, 19 décembre 2011, n° 0802432