Tribunal administratif de Strasbourg, 13 décembre 2022, n° 2207816

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Strasbourg, 13 déc. 2022, n° 2207816
Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro : 2207816
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet défaut de doute sérieux
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée, sous le numéro 2207816, le 25 novembre 2022, Mme E C, représentée par Me Thalinger, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision du 24 octobre 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection temporaire et une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d’enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer à titre provisoire une autorisation provisoire de séjour et à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

— elle justifie d’une situation d’urgence dès lors que :

— la décision attaquée met fin à la régularité de son séjour ce qui la rend susceptible de faire l’objet d’une mesure d’éloignement ;

— elle prive sa fille mineure qui vit en Ukraine de la possibilité de se rendre en France ;

— elle la prive de ressources et d’hébergement alors qu’elle est mère d’un enfant né en France le 19 octobre 2022 ;

— la protection a un caractère temporaire seulement jusqu’au 5 mars 2023 ;

— il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée en ce que :

— elle est entachée d’incompétence de son auteur ;

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

—  la préfète qui n’a pas examiné la possibilité de faire application du point 14 de la décision d’exécution (UE) 2022/382, a entaché sa décision d’un défaut d’examen sérieux de sa situation ;

— la décision méconnaît le point 14 de la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022, dès lors que contrairement à ce qu’a retenu l’administration, son séjour en Pologne était temporaire et sa résidence permanente restait fixée en Ukraine où réside toujours sa fille mineure ;

— elle méconnaît également l’instruction relative à la mise en œuvre de la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l’Union européenne du 5 mars 2022 ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas établie, alors notamment que les requérants ne justifient pas qu’ils ne pourraient pas résider en Pologne où ils ont vécu jusqu’au mois d’août 2022 ;

— aucun des moyens soulevés n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige.

II. Par une requête enregistrée sous le numéro 2207817 le 25 novembre 2022, M. A D, représenté par Me Thalinger, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision du 24 octobre 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection temporaire et une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d’enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer à titre provisoire une autorisation provisoire de séjour et à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il se prévaut des mêmes moyens que ceux exposés au soutien de la requête n°2207816 et soutient, en outre, que son droit au séjour découle de celui dont dispose sa compagne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas établie, alors notamment que les requérants ne justifient pas qu’ils ne pourraient pas résider en Pologne où ils ont vécu jusqu’au mois d’août 2022 ;

— aucun des moyens soulevés n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige.

Vu :

— les autres pièces des dossiers ;

— les requêtes enregistrées le 25 novembre 2022 sous les numéros 2207814 et 2207815 par lesquelles Mme C et M. D demandent l’annulation des décisions attaquées.

Vu :

— la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 ;

— la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 2022 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— l’instruction relative à la mise en œuvre de la décision du Conseil de l’Union européenne du 5 mars 2022, prise en application de l’article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme B pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, tenue le 5 décembre 2022, en présence de Mme Kieffer, greffière d’audience :

— le rapport de Mme Bonifacj, juge des référés ;

— les observations de Me Thalinger, avocat de Mme C et M. D, et Mme C, qui ont exposés les moyens et conclusions de la requête et fait valoir, en outre, que : Mme C a quitté l’Ukraine au mois d’octobre 2021, peu de temps avant le début de la guerre et doit être regardée comme ayant maintenu sa résidence permanente dans ce pays ; elle a depuis tenté en vain de rejoindre sa fille mineure qui réside toujours en Ukraine ; elle ne bénéficiait que d’un titre de séjour temporaire en Pologne.

La préfète du Bas-Rhin n’était ni présente, ni représentée.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 2207816 et n° 2207817 présentées pour Mme C et M. D présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ».

3. Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de Mme C et M. D au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

4. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

5. La décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l’Union européenne

du 4 mars 2022 a constaté l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE visée ci-dessus, et introduit une protection temporaire au bénéfice des catégories de personnes énumérées en son article 2, selon lequel : " 1. La présente décision s’applique aux catégories suivantes de personnes déplacées d’Ukraine le 24 février 2022 ou après cette date, à la suite de l’invasion militaire par les forces armées russes qui a commencé à cette date : / a) les ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022 ; / b) les apatrides, et les ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui ont bénéficié d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022 ; et, / c) les membres de la famille des personnes visées aux points a) et b). / () 4. Aux fins du paragraphe 1, point c), les personnes suivantes sont considérées comme membres de la famille, dans la mesure où la famille était déjà présente et résidait en Ukraine avant le 24 février 2022 : / a) le conjoint d’une personne visée au paragraphe 1, point a) ou b), ou le partenaire non marié engagé dans une relation stable, lorsque la législation ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné traite les couples non mariés de manière comparable aux couples mariés dans le cadre de son droit national sur les étrangers ; / b) les enfants mineurs célibataires d’une personne visée au paragraphe 1, point a) ou b), ou de son conjoint, qu’ils soient légitimes, nés hors mariage ou adoptés ; (). ".

6. Mme C, ressortissante ukrainienne, et M. D, ressortissant géorgien, demande au juge des référés de suspendre l’exécution des décisions

du 24 octobre 2022 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur accorder le bénéfice de la protection temporaire et une autorisation provisoire de séjour. En l’état de l’instruction, les moyens invoqués par les requérants à l’appui de leur demande de suspension ne paraissent pas propres à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions des requêtes de Mme C et M. D aux fins de suspension ne peuvent qu’être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d’injonction sous astreinte et celles tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

Article 1er : Mme C et M. D sont admis à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E C, à M. A D, à Me Thalinger et au ministre de l’intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Fait à Strasbourg, le 13 décembre 2022.

La juge des référés,

J. B

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°s 2207816,2207817

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