Tribunal administratif de Toulon, 1ère chambre, 28 juillet 2023, n° 2002846

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Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 1re ch., 28 juill. 2023, n° 2002846
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 2002846
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 29 juillet 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 octobre 2020 et 5 mai 2021, M. C A, représenté par Me Bertelle, demande au Tribunal :

1°) d’annuler la décision n°1527 du 12 mai 2020 prise par le général Houssay, gouverneur militaire de Marseille, commandant la zone Terre Sud, par laquelle cette autorité militaire a résilié le contrat de M. A par mesure disciplinaire, et ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 18 août 2020 ;

2°) d’enjoindre au ministre des armées de reconstituer la carrière de M. A et le convoquer à un entretien médical en vue d’examiner si son état médical nécessitait de le placer en congé de longue maladie ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. A au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il a signé avec le ministère des armées un contrat d’engagement de cinq ans en qualité d’engagé volontaire de l’armée de terre ; il était soldat de 1ère classe, affecté au 21ème régiment d’infanterie de marine (RIMA) de Fréjus ; suite à une agression, il a été placé en arrêt maladie à compter du 30 juin 2019 ; au jour de la décision attaquée, il était toujours en arrêt maladie ; par un courrier du 22 janvier 2020, le père de M. A a été destinataire d’un courrier l’informant que son fils était absent du service depuis le 19 décembre 2019 ; en dépit des explications du père de l’intéressé, il a vu son contrat d’engagement résilié pour motif disciplinaire par la décision litigieuse du 12 mai 2020.

En ce qui concerne la légalité externe :

— la décision du 12 mai 2020 comporte une signature non suivie des mentions du prénom, du nom et de la qualité du signataire ; cette décision du 12 mai 2020 méconnaît donc les dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration en ce qu’il n’est pas possible d’identifier l’auteur de l’acte sans ambiguïté ;

— en outre, la décision est une sanction disciplinaire du troisième groupe, qui doit être prise par le ministre ou les autorités militaires qu’il désigne ; ainsi, il devra être démontré que le général de corps d’armée Benoît Houssay disposait bien de la délégation de signature, suffisamment précise, pour prendre la décision attaquée ;

— la décision litigieuse du 18 août 2020 est quant à elle signée par délégation par le colonel D ; il devra être démontré que le colonel D disposait bien d’une délégation de signature ;

— aucune convocation devant un médecin militaire au terme d’une période de 90 jours n’est intervenue, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 4138-3 du code de la défense et de l’instruction n°117/DEF/DCSSA/AST/TEC du 14 janvier 2008 relative aux conditions médicales d’attribution des congés liés à l’état de santé des militaires ; la décision attaquée est donc entachée d’un vice de procédure ; il a été placé en situation de congé ordinaire puis directement en situation de désertion ;

— la décision est entachée d’un vice de procédure tiré de l’absence du respect des droits de la défense ; le seul courrier qui a été envoyé, était destiné au père de l’intéressé et non à lui-même en date du 22 janvier 2020 ; la décision attaquée méconnaît les dispositions de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du principe général des droits de la défense ; le ministre des armées n’établit pas lui avoir envoyé une mise en demeure mentionnée dans le courrier du 12 mai 2020 l’invitant à rejoindre son régiment ; le ministre mentionne un courrier recommandé non retiré en date du 18 décembre 2019, mais il n’apporte pas la preuve de l’existence dudit courrier.

En ce qui concerne la légalité interne :

— la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation ; une discordance existe entre la décision du 12 mai 2020 qui mentionne une absence illégale depuis le 26 décembre 2019 alors que le courrier du 22 janvier 2020 mentionnait une date d’absence illégale au 19 décembre 2019 ; il était en fait en absence pour arrêt de travail depuis le 30 juin 2019 ; il a transmis tous ses arrêts maladie à son service des ressources humaines ;

— s’il est indiqué qu’il ne s’est pas rendu à une convocation le 18 décembre 2019, le ministre devra en établir la preuve d’une part et d’autre part il aurait pu faire l’objet d’une convocation ultérieure ; le père de M. A a répondu par courrier du 4 février 2020 ; il ne peut être ainsi reproché une absence illégale et un refus de réintégrer les rangs ; il a été écarté de manière abusive et arbitraire.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 mars 2021 et 2 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er août 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 13 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la défense ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 4 juillet 2023 :

— le rapport de M. Bailleux ;

— et les conclusions de M. Cros, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

1. En premier lieu, aux termes de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. () ».

2. Ainsi que le fait valoir la ministre des armées sur ce point, la décision litigieuse du 12 mai 2020 fait apparaître, de manière claire et sans ambiguïté, le nom, le prénom et la qualité du signataire puisque l’en-tête de cette décision mentionne « Le général de corps d’armée Benoît Houssay, gouverneur militaire de Marseille, officier général de la zone de défense et de sécurité Sud, commandant la zone Terre Sud ». Il ressort donc des pièces du dossier que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée du 12 mai 2020 serait entachée d’un vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure en méconnaissance des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 4137-41 du code de la défense : « Les sanctions du troisième groupe sont prononcées par le ministre de la défense ou les autorités militaires qu’il désigne par arrêté, à l’exception du retrait d’emploi par mise en non-activité ou de la radiation des cadres qui, pour les officiers, sont prononcées par décret du Président de la République. La radiation des cadres des sous-officiers de carrière de la gendarmerie nationale est prononcée par le ministre de la défense, après avis du ministre de l’intérieur ». En outre, selon l’article 3 de l’arrêté du 26 février 2008 fixant les listes des autorités militaires de troisième niveau et des autorités militaires habilitées, pour les militaires du rang, à effectuer certaines opérations ou prendre des décisions prévues par le décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires : « Les autorités militaires exerçant les fonctions énumérées en annexe III du présent arrêté sont habilitées, en ce qui concerne les militaires du rang relevant de leur commandement, à prononcer les sanctions disciplinaires des deuxième et troisième groupes ». L’annexe III de cet arrêté « Liste des autorités militaires habilitées, en ce qui concerne les militaires du rang relevant de leur commandement, à prononcer les sanctions disciplinaires des deuxième et troisième groupes » précise sur ce point : « () 2. Formations de l’armée de terre Commandant de zone terre, y compris pour les militaires du rang de l’armée de terre affectés dans une formation ne relevant pas de son commandement mais stationnée dans les limites territoriales relevant de sa compétence. () ».

4. En l’espèce, il est constant que la décision attaquée du 12 mai 2020 a été signée par le Général de corps d’armée Houssay, commandant de zone Terre Sud. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A était affecté au 21ème RIMA de Fréjus, dont il n’est pas contesté qu’il dépend territorialement de la zone Terre Sud. Ainsi que le fait valoir la ministre des armées, sans être utilement contestée sur ce point, le général de corps d’armée Houssay était donc compétent, par application de l’arrêté précité du 26 février 2008 fixant les listes des autorités militaires de troisième niveau, pour signer cette décision et pour prendre cette sanction du troisième groupe. Il ressort donc des pièces du dossier que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait illégale en raison d’une incompétence de son auteur. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit être écarté comme manquant en fait.

5. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 4138-3 du code de la défense : « Le congé de maladie prévu à l’article L. 4138-3 est la situation du militaire dont le service est interrompu en raison d’une maladie ou d’une blessure le plaçant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Le congé de maladie est attribué sur demande ou d’office par le commandant de la formation administrative d’affectation ou d’emploi du militaire concerné, sur le fondement d’un certificat établi par le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme qui en a prescrit la nécessité. La date de prise d’effet du congé de maladie est celle de la cessation du service. Le congé de maladie intervenant au cours d’une permission en interrompt le déroulement. L’intéressé conserve le droit à la fraction de la permission dont il n’a pas bénéficié, selon les modalités propres au régime de ladite permission. Le commandant de la formation administrative d’affectation ou d’emploi peut, à tout moment, faire procéder à un contrôle médical du militaire placé en congé de maladie afin de s’assurer que ce congé est justifié. Le contrôle médical est effectué par un praticien des armées n’exerçant pas son activité au sein de cette formation. Le militaire doit se soumettre à ce contrôle, sous peine de suspension du versement de sa rémunération ou de l’interruption du congé. Lorsque la durée des congés de maladie est, pendant une période de douze mois consécutifs, supérieure à six mois, le militaire qui ne peut pas reprendre ses fonctions est placé, selon l’affection présentée, en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles R. 4138-47 à R. 4138-58. Toutefois, si son état de santé le nécessite, il peut bénéficier d’un congé du blessé dans les conditions prévues aux articles R. 4138-3-1 et R. 4138-3-2 ». En outre, selon les dispositions de l’instruction n°17/DEF/DCSSA/AST relative aux conditions médicales d’attribution des congés liés à l’état de santé des militaires du 14 janvier 2008 : « Lorsque le militaire atteint 90 jours de congé de maladie, il est nécessaire de faire évaluer par un médecin militaire si l’affection dont il souffre lui permettra de reprendre le service avant 180 jours de congés de maladie ou s’il est susceptible de bénéficier d’un congé de non-activité ».

6. Premièrement, le requérant se prévaut des dispositions de l’article R. 4138-3 du code de la défense, mais ces dispositions précitées n’imposent nullement une obligation pour l’administration de convoquer le militaire devant un médecin militaire après 90 jours de congés maladie, mais seulement une faculté, pour l’autorité militaire, de convoquer l’intéressé devant un médecin militaire afin d’apprécier son état de santé. Ainsi, cette première branche du moyen manque en droit et sera écartée.

7. Deuxièmement, le requérant se prévaut du Guide interarmées du militaire blessé ou malade édité par la division des ressources humaines de l’état-major des armées en décembre 2012. Toutefois, ainsi que le soutient la ministre des armées, sans être contredite sur ce point, d’une part ce guide n’a pas de valeur réglementaire, ce document précisant dès sa première page qu’il « n’a qu’une valeur d’information et ne peut en aucun cas être utilisé en lieu et place des textes législatifs et réglementaires », mais d’autre part l’édition de 2012 citée par le requérant est obsolète et a été remplacée par un nouveau guide en 2018, version qui n’est d’ailleurs pas invoquée par le requérant. Par suite, cette seconde branche du moyen doit également être écartée.

8. Troisièmement et dernièrement, la ministre des armées fait valoir, qu’il n’est pas établi que l’instruction précitée du 14 janvier 2008 aurait une portée réglementaire et serait donc opposable au cas d’espèce. En outre, cette instruction n°117/DEF/DCSSA du 14 janvier 2008 n’oblige pas l’autorité administrative à convoquer à exactement 90 jours d’arrêt maladie le militaire dans cette situation afin de vérifier son aptitude à la reprise avant 180 jours d’arrêt maladie. Par ailleurs, la ministre des armées fait valoir, sans être contestée sur ce point, qu’un courrier a été envoyé au requérant, le 4 décembre 2019, après une période de 142 jours d’arrêt maladie de M. A, afin de le convoquer à une visite médicale fixée au 18 décembre 2019 à 16 heures 30, afin de se conformer aux dispositions de l’article R. 4138-3 du code de la défense. Ainsi, le requérant a fait l’objet d’une convocation médicale avant 180 jours mais il ne s’est pas rendu à celle-ci. En tout état de cause, le requérant n’explique pas en quoi, à supposer que la procédure serait entachée d’une illégalité, celle-ci l’aurait privé d’une garantie dès lors qu’il n’a pas récupéré le pli à la poste et qu’il ne s’est pas rendu à ladite convocation médicale. Le requérant n’a ainsi pas été privé d’aucune garantie.

9. Il ressort donc des pièces du dossier que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée du 12 mai 2020 serait entachée d’un vice de procédure en ce qu’il n’aurait pas fait l’objet d’une convocation au terme du délai de 90 jours d’arrêt maladie. Ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.

10. En quatrième lieu, aux termes de l’article R. 4137-15 du code de la défense : « Avant qu’une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s’expliquer oralement ou par écrit, seul ou accompagné d’un militaire en activité de son choix sur les faits qui lui sont reprochés devant l’autorité militaire de premier niveau dont il relève. Au préalable, un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à un jour franc, lui est laissé pour organiser sa défense. Lorsque la demande de sanction est transmise à une autorité militaire supérieure à l’autorité militaire de premier niveau, le militaire en cause peut également s’expliquer par écrit sur ces faits auprès de cette autorité supérieure. L’explication écrite de l’intéressé ou la renonciation écrite à l’exercice du droit de s’expliquer par écrit est jointe au dossier transmis à l’autorité militaire supérieure. Avant d’être reçu par l’autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l’ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner ». En outre, selon les dispositions de l’article R. 4137-92 du même code : « En cas d’absence illégale ou de désertion du militaire au cours de la procédure, celle-ci se poursuit en l’absence de l’intéressé. Mention est faite de l’absence illégale ou de l’état de désertion du militaire dans chaque document établi au cours de la procédure. En cas d’absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l’avis d’un conseil d’enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l’envoi à la dernière adresse connue du militaire d’une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste ». Selon les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle () ».

11. Premièrement, les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas opposables au cas d’espèce, ainsi que le fait valoir la ministre des armées sans être utilement contestée sur ce point.

12. Deuxièmement et dernièrement, en outre, si le requérant invoque les dispositions de l’article R. 4137-15 du code de la défense, relatives à la procédure contradictoire préalable, sa situation relève directement et exclusivement des dispositions de l’article R. 4137-92 du même code, qui régissent précisément la situation des militaires en situation d’absence illégale ou de désertion. Il ressort de ces dispositions, que pour les militaires auxquels une sanction du troisième groupe est infligée, avant que la procédure disciplinaire ne soit engagée, l’autorité militaire doit, dans ce cas, effectuer une mise en demeure, à la dernière adresse connue du militaire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’enjoignant de rejoindre sa formation administrative en lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste. Dans cette situation, dès lors que cette procédure est respectée, le militaire s’est placé lui-même en dehors des garanties disciplinaires, qui par suite, ne lui sont pas opposables.

13. En l’espèce, le commandant du 21ème RIMA a envoyé un courrier en recommandé à M. A le 22 janvier 2020, de mise en demeure de rejoindre la caserne du camp Le Cocq à Fréjus avant le 15 février 2020. Ce courrier, qui précise que le requérant est en situation de désertion depuis le 26 décembre 2019, est bien adressé à M. C A, habitant chez M. E A à l’adresse 206 domaine des deux collines sur la commune de Roquebrune-sur-Argens. Si le requérant indique qu’il appartient au ministre d’apporter la preuve qu’il a bien été invité à rejoindre son régiment, il résulte de ce qui vient d’être dit que la ministre a envoyé un courrier recommandé avec accusé de réception à M. C A à l’adresse connue du militaire. La ministre des armées produit en outre un avis de réception indiquant que le courrier a bien été distribué le 10 février 2020. Si le requérant indique que ce courrier a été envoyé à son père, il produit d’ailleurs la copie d’un courrier adressé à M. E A envoyé par le colonel B, commandant du 21ème RIMA, il ressort toutefois des pièces du dossier que le commandant du 21ème RIMA a également envoyé un courrier similaire à M. C A, indiquée plus haut chez le père de ce dernier. La ministre produit en outre la preuve de l’envoi en recommandé de ce courrier, montrant que celui-ci a bien été envoyé à M. C A chez M. E A. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il n’aurait pas été invité à rejoindre son unité. Il a donc été destinataire de la mise en demeure adressée par son supérieur hiérarchique, le commandant du 21ème RIMA de rejoindre son unité, et la procédure de l’article R. 4137-92 du code de la défense a donc été respectée.

14. Il ressort donc de l’ensemble des pièces du dossier que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée du 12 mai 2020 serait entachée d’un vice de procédure tiré de l’absence des droits de la défense. Ainsi, le moyen tiré du vice de procédure tiré de l’absence des droits de la défense doit être écarté comme manquant en droit et en fait.

15. En cinquième et dernier lieu, s’il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté, l’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative.

16. Ainsi, le moyen tiré de l’incompétence de son auteur, en ce qu’il est dirigé cette fois à l’encontre de la décision du 18 août 2020, de rejet de son recours gracieux, est inopérant car il s’agit d’un vice propre de la décision du 18 août 2020. Il doit être, par suite écarté.

17. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que tous les moyens de légalité externe ont été écartés.

En ce qui concerne la légalité interne :

18. Aux termes de l’article R. 4137-92 du code de la défense : « En cas d’absence illégale ou de désertion du militaire au cours de la procédure, celle-ci se poursuit en l’absence de l’intéressé. Mention est faite de l’absence illégale ou de l’état de désertion du militaire dans chaque document établi au cours de la procédure. En cas d’absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l’avis d’un conseil d’enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l’envoi à la dernière adresse connue du militaire d’une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste ».

19. D’abord, il est constant que l’intéressé n’a pas récupéré auprès du bureau de poste le pli recommandé du 4 décembre 2019 vainement présenté à l’adresse de son domicile, et ne s’est pas présenté à la consultation médicale le 18 décembre 2019 à laquelle il a été convoqué, afin de déterminer les suites de son congé de maladie. Si l’intéressé soutient que l’administration aurait dû le convoquer une seconde fois, il ne précise pas en vertu de quelles dispositions une telle obligation serait exigée.

20. Ensuite, le requérant n’a pas non plus obéi à la mise en demeure du 22 janvier 2020, reçue le 10 février 2020, lui intimant l’ordre de se présenter auprès de son commandant d’unité avant le 15 février 2020 afin de régulariser sa situation administrative. Il ne démontre pas non plus, ni même n’allègue, avoir répondu à cette mise en demeure.

21. Enfin, contrairement à ce qu’il allègue, M. A n’établit pas avoir transmis à l’administration militaire ses avis médicaux d’arrêt de travail pour la période courant du 19 décembre 2019, date de début de son absence irrégulière selon le logiciel Concerto, au 12 mai 2020, date de la sanction. Le requérant n’apporte aucun élément de preuve en ce sens, alors que ce point peut être considéré comme étant contesté par la ministre. Ainsi, dans le mémoire en défense de la ministre en page 2, il est indiqué : « En l’absence de nouvelles de sa part, et après un délai de grâce de 6 jours, ce militaire a été placé en désertion du 26 décembre 2019 au 19 mai 2020 ». En outre, la décision explicite de rejet du recours gracieux indique sur ce point que : « La lettre de mise en demeure datée du 22 janvier 2020 est transmise par voie postale à l’adresse indiquée sur le dernier avis d’arrêt de travail de l’intéressé et est distribuée le 10 février 2020. N’ayant aucun retour de l’intéressé, une décision portant résiliation du contrat d’engagement par mesure disciplinaire lui est adressée ». Enfin, la lettre du 22 janvier 2020 du commandant d’unité au père du requérant précise sur ce point que : « je tiens à vous informer de son absence dont j’ignore, à ce jour, les raisons. / Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire savoir tout élément d’information concernant cette absence dont la gendarmerie a par ailleurs été saisie ». Le fait que, postérieurement à la décision de sanction du 12 mai 2020, le requérant a produit ses avis médicaux d’arrêt de travail à l’appui de son recours gracieux du 11 juin 2020, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dont la légalité s’apprécie à la date de son édiction.

22. Le seul courrier produit par le requérant au titre de cette période est celui émanant de son père, daté du 4 février 2020. Le commandant de l’unité où le requérant était affecté (21ème RIMA de Fréjus) avait écrit à son père le 22 janvier précédent au motif que le requérant l’avait désigné comme personne à prévenir en cas d’accident. La ministre ne conteste pas la réception de ce courrier. Toutefois, il n’est pas établi que ce dernier était accompagné desdits avis médicaux d’arrêt de travail. Le père du requérant écrit que « les arrêts maladie sont remis chaque mois en mains propres au service des ressources humaines » et que « dorénavant, pour toute la durée de son arrêt, je vous ferai parvenir une copie de l’arrêt », mais aucune preuve n’est apportée sur ces deux points. Au demeurant, le requérant ne démontre pas que son état de santé aurait été dégradé au point de devoir se faire représenter par son père pour l’envoi de ses arrêts-maladie.

23. Ainsi, il ressort donc de l’ensemble des pièces du dossier que, hormis le courrier de son père, le requérant lui-même n’a plus donné signe de vie à l’armée à partir du 19 décembre 2019, jusqu’à son recours gracieux du 11 juin 2020 contre la décision de sanction, de sorte qu’il se trouvait bien en situation d’absence illégale ou de désertion. Il ressort donc des pièces du dossier que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la ministre des armées aurait commis une erreur d’appréciation en prenant la décision attaquée du 12 mai 2020 de résiliation de son contrat d’engagement à titre disciplinaire, ainsi que le prévoit l’article R. 4137-92 du code de la défense.

24. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d’annulation des décisions attaquées de la présente requête.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

25. Les conclusions de la présente requête ayant été rejetées, la présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction doivent ainsi également être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions susvisées font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C A et au ministre des armées.

Délibéré après l’audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Privat, président,

M. Riffard, premier conseiller,

M. Bailleux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 28 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé :

F. BAILLEUX

Le président,

Signé :

J-M. PRIVAT La greffière,

Signé :

G. RICCI

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Et par délégation,

La greffière.

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