Tribunal administratif de Toulon, 10 août 2023, n° 2302393

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 10 août 2023, n° 2302393
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 2302393
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 11 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, M. A B, représenté par Me Manon Chevalier, demande au tribunal, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision n° 2023-56 du 25 avril 2023 par laquelle la directrice générale de l’Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur (EPF PACA) a décidé d’exercer le droit de préemption et d’acquérir le bien immobilier situé Avenue de Montferrat à Draguignan, cadastré section AT N° 57, 58, 59, lots 1 et 5 à 25, et la décision du 12 juin 2023 rejetant le recours gracieux formé à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de l’EPF PACA une somme de 3 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il y a urgence à statuer ;

— les décisions sont entachées d’illégalité, au motif notamment de la méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2023, l’EPF PACA, représenté par la SELAS DS Avocats, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la suspension de la décision de préemption en tant seulement qu’elle a pour effet de faire obstacle au transfert de propriété à son bénéfice ;

3°) à la mise à la charge du requérant d’une somme de 5 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

— le juge des référés dispose du pouvoir de ne suspendre que certains des effets d’une décision de préemption.

L’ensemble du dossier a été communiqué à la SCI Mas des Orangers, qui n’a pas présenté d’observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le décret n° 2001-1234 du 20 décembre 2001 ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Kiecken pour statuer sur les demandes en référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, qui s’est tenue le 8 août 2023 :

— le rapport de M. Kiecken, juge des référés,

— les observations de Me Chevalier, pour le requérant, qui a développé le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ;

— et les observations de Me Savereux-Jolly et du représentant de l’EPF PACA, pour le défendeur, qui ont développé les observations présentées par écrit.

Le juge des référés a prononcé la clôture de l’instruction à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par la décision attaquée n° 2023-56 du 25 avril 2023, la directrice générale de l’EPF PACA a décidé d’exercer le droit de préemption et d’acquérir le bien immobilier appartenant à la SCI Mas des Orangers, situé Avenue de Montferrat à Draguignan, cadastré section AT N° 57, 58, 59, lots 1 et 5 à 25, d’une superficie totale au sol de 1 300 m², pour un montant de 175 000 euros. Le recours gracieux formé à son encontre par M. B, acquéreur évincé, a été rejeté par une décision du 12 juin 2023. Le requérant a saisi le tribunal le 24 juillet 2023 d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ces décisions, enregistré sous le n° 2302368. Par le présent recours en référé, il demande la suspension de leur exécution.

Sur le cadre juridique du litige :

2. D’une part, l’article L. 521-1, alinéa 1er, du code de justice administrative prévoit : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ».

3. D’autre part, l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme prévoit : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l’adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement. () Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé. () ». L’article L. 300-1, alinéa 1er, du code de l’urbanisme prévoit, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser la mutation, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, de renaturer ou de désartificialiser des sols, notamment en recherchant l’optimisation de l’utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ».

4. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d’une part, justifier, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant (voir en ce sens, arrêt du Conseil d’État du 7 mars 2008, n° 288371).

Sur le litige :

5. En premier lieu, eu égard à l’objet d’une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l’acquéreur évincé, la condition d’urgence doit en principe être regardée comme remplie lorsque celui-ci demande la suspension d’une telle décision. Il peut toutefois en aller autrement dans le cas où le titulaire du droit de préemption justifie de circonstances particulières, tenant par exemple à l’intérêt s’attachant à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’exercice du droit de préemption. Il appartient au juge des référés de procéder à une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce qui lui est soumise (voir, en ce sens, ordonnance du Conseil d’État du 13 novembre 2002, n° 248851).

6. L’EPF PACA ne fait valoir aucune circonstance particulière de nature à permettre que la condition d’urgence ne soit pas, en l’espèce, regardée comme satisfaite. La condition tenant à l’urgence doit donc être regardée comme remplie.

7. En deuxième lieu, il ressort de la décision de préemption litigieuse qu’elle est motivée par un projet de réalisation de " 11 logements collectifs en R+3 et 2 logements collectifs en R+1 « . Il résulte toutefois de l’instruction que la description du projet dans » l’étude de capacité " sur laquelle s’est fondé l’EPF PACA pour décider de préempter est particulièrement succincte. Il est par ailleurs constant que les 2 seuls croquis qu’elle comporte sont entachés d’erreur sur la portée du projet et, au surplus, que le secteur est soumis à des contraintes, notamment en matière de risque d’inondations, de nature à mettre en doute sa faisabilité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de préemption méconnaît les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. La condition tenant à l’existence d’un doute sérieux doit donc être regardée comme remplie (voir arrêt du Conseil d’État du 15 juillet 2020, n° 432325).

8. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est susceptible de fonder, en l’état de l’instruction, la suspension des décisions litigieuses.

9. En dernier lieu, lorsque le juge des référés prend, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, une mesure de suspension de l’exécution d’une décision de préemption, cette mesure a pour conséquence, selon les cas, non seulement de faire obstacle au transfert de propriété ou à la prise de possession du bien préempté au bénéfice de la collectivité publique titulaire du droit de préemption, mais également de permettre au propriétaire et à l’acquéreur évincé de mener la vente à son terme, sauf si le juge, faisant usage du pouvoir que lui donnent ces dispositions de ne suspendre que certains des effets de l’acte de préemption, décide de limiter la suspension à la première des deux catégories d’effets mentionnées ci-dessus (voir en ce sens, ordonnance du Conseil d’État du 23 juillet 2003, n°s 254837)

10. La seule demande de l’EPF PACA tendant à ce que le juge des référés se limite à n’ordonner la suspension que de certains des effets de la décision de préemption n’est pas de nature à justifier, dans les circonstances de l’espèce, qu’il soit fait usage d’un tel pouvoir.

11. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision de préemption de la directrice générale de l’EPF PACA du 25 avril 2023 et de la décision de rejet du recours gracieux du 12 juin 2023. Ces suspensions ont pour effet de faire obstacle au transfert de propriété du bien préempté au bénéfice de l’EPF PACA et de permettre au propriétaire et à l’acquéreur évincé de mener la vente à son terme.

12. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’EPF PACA la somme de 2 000 euros à verser à M. B, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge du requérant, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l’EPF PACA au même titre.

ORDONNE

Article 1er : Sont suspendues l’exécution de la décision de préemption n° 2023-56 de la directrice générale de l’EPF PACA du 25 avril 2023 et de la décision de rejet du recours gracieux du 12 juin 2023.

Article 2 : L’EPF PACA versera à M. B la somme de 2 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l’EPF PACA présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Monsieur A B, à l’Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur et à la SCI Mas des Orangers.

Copie en sera adressée à la commune de Draguignan.

Fait à Toulon, le 10 août 2023.

Le juge des référés,

Signé :

A. KIECKEN La greffière,

Signé :

K. BAILET

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Et par délégation,

La greffière.

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Tribunal administratif de Toulon, 10 août 2023, n° 2302393