Tribunal administratif de Toulouse, 1er juin 2016, n° 1303309

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 1er juin 2016, n° 1303309
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 1303309

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULOUSE

N°1303309

___________

SOCIETE ACM IARD

___________

Mme Blin

Magistrat désigné

___________

Mme Torelli

Rapporteur public

___________

Audience du 11 mai 2016

Lecture du 1er juin 2016

___________

60-01-02-01-02

C

ch

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Toulouse

Le magistrat désigné,

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 juillet 2013 et le 27 janvier 2016, la société ACM IARD, représentée par Me Ruffié, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 2 avril 2013 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de remboursement des indemnités versées à Mme Dominique Barbier, dans les droits de laquelle elle est subrogée en qualité d’assureur ;

2°) de condamner le département de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 4 048,30 euros, correspondant aux indemnités versées à Mme Dominique Barbier, et la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision du 2 avril 2013 rejetant sa demande préalable d’indemnisation est entachée d’incompétence ;

— l’enfant Sarah Bejaoui, auteur des infractions à l’origine de la condamnation du tribunal pour enfants du 19 novembre 2009, était placée à l’aide sociale à l’enfance de la Haute-Garonne selon jugement en assistance éducative prononcé le 24 janvier 2008 ; que dès lors, le département de la Haute-Garonne était civilement responsable de l’enfant mineur au moment des faits à l’origine des dommages ;

— l’autorité de chose jugée du jugement du 19 novembre 2009 prononcé par le tribunal pour enfants ne peut être invoquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2015, le département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la requête est irrecevable dès lors que la société requérante ne justifie pas d’un intérêt pour agir ;

— le jugement du tribunal pour enfants en date du 19 novembre 2009 déclarant les parents de l’enfant civilement responsables est revêtu de l’autorité de chose jugée, ce qui fait obstacle à ce qu’il soit déclaré lui-même responsable de l’enfant au moment des faits délictueux ;

— la créance dont se prévaut la société requérante est prescrite ;

— le moyen tiré de l’incompétence de la décision du 2 avril 2013 est infondé ;

— la requérante n’établit pas le lien de causalité entre le fait de l’administration et le dommage allégué et ne justifie pas du montant du préjudice allégué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code civil ;

— le code des assurances ;

— la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

— le code de justice administrative.

Vu, en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, la décision en date du 1er mars 2016 par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Blin, pour statuer sur les litiges visés audit article ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 mai 2016 :

— le rapport de Mme Blin ;

— les conclusions de Mme Torelli, rapporteur public ;

— et les observations de Me Villepinte, représentant la société ACM IARD, et de Me Piltan, représentant le département de la Haute-Garonne.

1. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au cours de la période de février à mai 2008, la jeune Sarah Bejaoui, alors âgée de 15 ans, a volontairement dégradé une habitation, une boite aux lettres, une clôture, une voiture et plusieurs vitres et façades d’habitation et de bâtiments publics, insulté le maire de la commune d’Eaunes et violenté physiquement une personne ; que, par un jugement en date du 19 novembre 2009, le tribunal pour enfants a, après avoir reconnu la mineure coupable de dégradations et détériorations du bien d’autrui commises en réunion, d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique et de violence commise en réunion, condamné solidairement la mineure et ses parents à indemniser les victimes des préjudices subis ; que ce tribunal a déclaré Mme Dominique Barbier et M. Riadh Bejaoui, mère et père de l’enfant Sarah, civilement responsables de leur enfant mineure au moment des faits ; que, suite à ce jugement, la société ACM IARD, assureur de Mme Barbier, a indemnisé cette dernière des sommes qu’elle a dû verser aux victimes à hauteur de 4 048,30 euros ; que, par courrier du 8 mars 2013, la société ACM IARD a demandé au département de la Haute-Garonne de lui rembourser la somme qu’elle a versée à son assurée ; que, par une décision du 2 avril 2013, le président du conseil général a refusé de faire droit à sa demande ; que la société requérante, subrogée dans les droits de Mme Barbier, demande au tribunal d’annuler cette décision et de condamner le département à lui verser, d’une part, la somme de 4 048,30 euros correspondant à l’indemnisation versée à son assurée et, d’autre part, la somme de 2 000 euros pour résistance abusive ;

Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la requérante :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-12 du code des assurances : « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur (…) » ; qu’il appartient seulement à l’assureur, pour en bénéficier, d’apporter par tout moyen la preuve du paiement de l’indemnité ; que la société ACM IARD produit la quittance justifiant qu’elle a versé à Mme BarbierX la somme de 4 048,30 euros ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département de la Haute-Garonne, tirée de ce que la société ACM IARD ne justifierait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Considérant que la décision du président du conseil général a eu pour seul effet de lier le contentieux à l’égard de l’objet de la demande de la société ACM IARD qui, en formulant les conclusions susanalysées, a donné à l’ensemble de sa requête le caractère d’un recours de plein contentieux ; que, au regard de l’objet d’une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de la société d’assurances à percevoir la somme qu’elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision de refus d’indemnisation est inopérant ;

En ce qui concerne l’exception tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du tribunal pour enfants du 19 novembre 2009 :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 1351 du code civil : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité » ;

5. Considérant que le département de la Haute-Garonne soutient que le jugement rendu le 19 novembre 2009 par lequel le tribunal pour enfants a déclaré Mme Barbier et M. Bejaoui civilement responsables de leur enfant mineure au moment des faits, est revêtu de l’autorité de la chose jugée qui s’oppose à ce qu’il soit fait droit aux prétentions de la société ACM IARD fondées sur la responsabilité sans faute des personnes publiques du fait de la garde d’un mineur dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative ; que, toutefois, ni le département de la Haute-Garonne, ni la société ACM IARD n’étaient partie à l’instance judiciaire du 19 novembre 2009 ; que, dès lors, l’exception de chose jugée ne peut être accueillie ;

Sur l’opposition de prescription quadriennale :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (…) » ; que le fait générateur du dommage subi par la société ACM IARD, subrogée dans les droits de Mme Barbier, se rattache à l’exercice au cours duquel est intervenue la décision judiciaire qui a fixé le montant de la réparation et rendu ainsi la créance liquide et exigible ; qu’ainsi, la prescription de la créance détenue par la société requérante a commencé à courir à compter du 1er janvier 2010 ; que, dès lors, la créance de la société ACM IARD n’était pas prescrite le 12 juillet 2013, date d’enregistrement de sa requête ;

Sur la responsabilité du département de la Haute-Garonne :

7. Considérant que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d’un mineur, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l’une des personnes mentionnées à l’article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu’en raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ; que cette responsabilité n’est susceptible d’être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

8. Considérant que, par un jugement du 24 janvier 2008, le juge pour enfants a renouvelé le placement de Sarah Bejaoui à l’aide sociale à l’enfance de la Haute-Garonne pour une durée de six mois à compter du 24 janvier 2008 ; qu’il résulte de l’instruction que les faits délictueux de dégradations du bien d’autrui et de violence en réunion reprochés à Sarah Bejaoui ont été commis de février à mai 2008, soit durant le placement de l’enfant sous la responsabilité du département ; que, par conséquent, les dommages causés aux victimes par les agissements de ladite mineure engagent entièrement la responsabilité du département de la Haute-Garonne ;

Sur le préjudice :

9. Considérant qu’au regard des circonstances très particulières de l’espèce, la société ACM IARD n’est pas en mesure de justifier le montant des préjudices subis par les victimes de Sarah Bejaoui ; qu’en outre, il résulte de l’instruction, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que l’indemnité allouée par le juge pour enfants aux victimes de Sarah Bejaoui correspond à une exacte appréciation de la réparation à laquelle elles étaient en droit de prétendre ; que dans ces conditions, le montant de ladite indemnité peut être retenu pour servir de base au calcul de l’indemnité mise à la charge du département ; que le montant total des préjudices de l’ensemble des victimes de Sarah Bejaoui a été fixé à la somme de 14 971,66 euros ; que la société ACM IARD ayant indemnisé Mme Barbier à concurrence de 4 048,30 euros, il y a lieu de condamner le département de la Haute-Garonne à verser cette somme à la société requérante ;

10. Considérant, en revanche, que si la société ACM IARD demande la condamnation du département de la Haute-Garonne à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par la résistance abusive de cette collectivité, cette demande, qui n’est assortie d’aucune précision ni justification, ne peut qu’être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société ACM IARD, qui n’a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de la Haute-Garonne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la société ACM IARD et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le département de la Haute-Garonne est condamné à verser à la société ACM IARD la somme de 4 048,30 euros.

Article 2 : Le département de la Haute-Garonne versera à la société ACM IARD une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4: Le présent jugement sera notifié à la société des Assurances du crédit mutuel IARD (ACM IARD) et au département de la Haute-Garonne.

Lu en audience publique le 1er juin 2016.

Le magistrat désigné, La greffière,

A. BLIN F. LE GUIELLAN

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme :

Le greffier en chef,

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