Tribunal administratif de Versailles, 23 décembre 2015, n° 1508114

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Sur la décision

Référence :
TA Versailles, 23 déc. 2015, n° 1508114
Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
Numéro : 1508114

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE VERSAILLES

N° 1508114

__________

SOCIETE RINCENT BTP SERVICES MATERIAUX

__________

M. Y X

Juge des référés

__________

Ordonnance du 23 décembre 2015

__________

md

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Versailles,

Le juge des référés

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre et 22 décembre 2015, la société Rincent BTP Services Matériaux, représentée par Me Fernandez-Begault, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d’annuler la procédure de passation du lot n° 1 « missions d’études, de géotechnique, d’auscultation et de contrôles » et du lot n° 2 « missions d’études, de géotechnique, d’auscultation et de contrôles des ouvrages d’art » du marché de services ayant pour objet les missions de diagnostics et contrôles sur les routes et dépendances de l’Essonne, engagée par le département de l’Essonne ;

2°) de mettre à la charge du département de l’Essonne la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— s’agissant du lot n° 1, le motif tiré de ce que le bordereau des prix unitaires remis par la société requérante ne serait pas conforme à celui présenté par le pouvoir adjudicateur n’est pas fondé, dès lors, d’une part, que ce dernier n’a pas fourni à la société requérante un nouveau bordereau des prix unitaires, ce qui n’a pas permis de garantir l’égalité des candidats, et, d’autre part, que les deux avis d’appel public à la concurrence rectificatifs envoyés à la publication par le département de l’Essonne ne concernaient pas la modification du bordereau des prix unitaires alors qu’une telle modification présente un caractère substantielle, ce qui constitue des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence du pouvoir adjudicateur ;

— s’agissant du lot n° 2, le motif tiré de ce que le bordereau des prix unitaires a été renseigné de manière incohérente en inscrivant un montant en euro au lieu d’un pourcentage n’est pas fondé, dès lors, d’une part, que cette erreur présente un caractère purement matériel insusceptible d’entacher d’irrégularité l’offre présentée et, d’autre part, que les documents de la consultation des entreprises sont entachés d’une imprécision de nature à avoir induit en erreur la société requérante, ce qui constitue des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence du pouvoir adjudicateur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2015, le département de l’Essonne, représenté par Me Riquelme, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Rincent BTP Services Matériaux la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

— à titre subsidiaire, si les manquements allégués par la société requérante étaient regardés comme établis au titre de l’un ou l’autre lot, l’annulation prononcée ne devrait concerner que la procédure relative au lot en cause et non l’intégralité de la procédure relative aux deux lots.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— le code des marchés publics ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. X en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. X,

— les observations de Me Fernandez-Begault, représentant la société Rincent BTP Services Matériaux, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures par les mêmes moyens,

— les observations de Me Coget, substituant Me Riquelme, représentant le département de l’Essonne, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures par les mêmes moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique à 11h35 le 23 décembre 2015.

1. Considérant que le département de l’Essonne a fait paraître au mois de juin 2015 un avis d’appel public à la concurrence pour l’attribution d’un marché de services ayant pour objet des diagnostics et contrôles sur les routes et dépendances de l’Essonne ; que ce marché était réparti en deux lots relatifs respectivement aux « missions d’études, de géotechnique, d’auscultation et de contrôles » et aux « missions d’études, de géotechnique, d’auscultation et de contrôles des ouvrages d’art » ; que la société Rincent BTP Services Matériaux a présenté une offre pour l’attribution de chacun de ces deux lots ; que, par deux courriels du 1er décembre 2015, le département de l’Essonne a informé la société Rincent BTP Services Matériaux du rejet de ses offres en raison de leur caractère irrégulier résultant, pour le lot n° 1, de ce que le bordereau des prix unitaires remis par la société requérante n’était pas conforme à celui présenté par le pouvoir adjudicateur et, pour le lot n° 2, de ce que le bordereau des prix unitaires a été renseigné de manière incohérente en inscrivant pour certaines rubriques un montant en euro au lieu d’un pourcentage ; que, par la présente requête, la société Rincent BTP Services Matériaux demande l’annulation de la procédure de passation de chacun des deux lots du marché ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs des contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation (….) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat » ; qu’aux termes de l’article L. 551-3 du même code : « Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés » ; qu’aux termes de l’article L. 551-10 du même code : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (…) » ; qu’en vertu des dispositions précitées, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d’être lésées par de tels manquements ; qu’il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 1er du code des marchés publics : « (…) Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en œuvre conformément aux règles fixées par le présent code » ; qu’aux termes de l’article 35 du même code : « (…) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation » ; qu’aux termes de l’article 53 du même code : « III.-Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L’offre la mieux classée est retenue » ;

En ce qui concerne le lot n° 1 :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 4 du règlement de la consultation applicable au marché en litige, le dossier de consultation des entreprises comprend notamment le bordereau des prix unitaires de chaque lot ; que ce même article précise que le pouvoir adjudicateur se réserve le droit d’apporter des modifications de détail au dossier de consultation et que les candidats doivent alors répondre sur la base du dossier modifié ; qu’aux termes de l’article 5 du règlement, les candidats doivent fournir, à l’appui de leur offre, le bordereau des prix unitaires du lot concerné ;

5. Considérant que, le 30 juillet 2015, le département de l’Essonne a adressé à la société requérante un message électronique intitulé « Avertissement – Modification de consultation » auquel étaient jointes les réponses apportées par le pouvoir adjudicateur à plusieurs questions posées par des candidats à l’attribution du lot n° 1 ; que, parmi ces réponses, figurait l’information relative à la mise à disposition d’un nouveau bordereau des prix unitaires annulant et remplaçant le précédent bordereau ; que le message précisait par ailleurs que le « fichier réponse » avait été ajouté au dossier de consultation ; que, si le nouveau bordereau n’était pas joint à ce message, le dossier de consultation, ainsi que tout complément ou modification, étaient téléchargeables, ainsi que le précisait le règlement de la consultation, depuis un site internet pour les candidats s’y étant inscrits, ce qui est le cas de la société requérante ; qu’il est constant qu’aucun autre candidat n’a produit à l’appui de son offre un bordereau des prix unitaires différent de celui résultant de la modification intervenue le 30 juillet 2015 ; que, dans ces conditions, la société Rincent BTP Services Matériaux, qui n’a adressé au département de l’Essonne aucune demande d’information ou de précision sur le contenu des réponses qui lui ont été adressées et qui a disposé, à l’instar de l’ensemble des autres candidats, d’un délai supplémentaire d’un mois pour remettre son offre, ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’a pas été rendue destinataire du nouveau bordereau de prix unitaires relatif au lot n° 1 ;

6. Considérant que les modifications apportées au bordereau des prix unitaires par le département de l’Essonne ont concerné cinq rubriques, deux rubriques étant supprimées et trois rubriques voyant leur libellé modifié ou précisé, alors que le bordereau en comportait un total de plus de deux cents ; que, contrairement à ce que fait valoir la société Rincent BTP Services Matériaux, ces modifications n’ont pas affecté de manière substantielle l’objet ou les conditions initiales du marché et, par suite, n’imposaient pas au département de l’Essonne de les porter à la connaissance des entreprises par un avis d’appel public à la concurrence rectificatif ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en produisant à l’appui de son offre un bordereau des prix unitaires différent de celui prévu par le règlement de la consultation des entreprises et, ainsi, en ne respectant pas les exigences de ce règlement, la société Rincent BTP Services Matériaux a présenté une offre irrégulière ; qu’en l’éliminant pour ce motif, le département de l’Essonne n’a pas commis de manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

En ce qui concerne le lot n° 2 :

8. Considérant que le libellé de la rubrique B.3.2 du bordereau des prix unitaires du lot n° 2 précise que les prix de cette rubrique « rémunèrent aux pourcentages » les travaux concernés ; que les rubriques B.3.2.a à B.3.2.h, qui comportent chacune la mention « Le pourcentage », précisent, sans ambiguïté, que les prix doivent être exprimés en pourcentage et non, à l’instar des autres rubriques du bordereau, en montant nominal ; qu’aucun autre candidat n’a remis une offre accompagnée d’un bordereau des prix unitaires comportant pour ces rubriques des prix exprimés de manière erronée ; qu’ainsi, contrairement à ce que fait valoir la société Rincent BTP Services Matériaux, qui au demeurant a été désignée attributaire en 2011 d’un marché ayant le même objet dans lequel le bordereau de prix unitaires comportait des rubriques similaires devant être renseignées par des prix exprimés en pourcentage, les documents de la consultation des entreprises ne sont pas entachés d’une imprécision de nature à l’avoir induite en erreur ;

9. Considérant que le bordereau des prix unitaires produit par la société requérante à l’appui de son offre comporte la mention de huit prix nominaux en lieu et place de prix exprimés en pourcentage ; que si la société Rincent BTP Services Matériaux fait valoir qu’il s’agit d’une simple erreur de saisie, le signe « % » ayant été remplacée par le signe « € », il ressort dudit bordereau que les huit prix en question ont également été mentionnés en toutes lettres sous la forme de prix en euros et non en pourcentage ; que, dans ces conditions, ces mentions ne sauraient être regardées comme une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue ; que ces prix ne pouvaient, par suite, faire l’objet d’une quelconque modification après le dépôt de son offre par la société requérante ; que si le pouvoir adjudicateur a la possibilité de demander au candidat des précisions sur les termes de son offre, il n’est pas tenu de le faire ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en produisant à l’appui de son offre un bordereau des prix unitaires renseigné de manière incohérente en raison, pour certaines rubriques, de prix exprimés en euro au lieu d’un pourcentage et, ainsi, en ne respectant pas les exigences du règlement de la consultation des entreprises, la société Rincent BTP Services Matériaux a présenté une offre irrégulière ; qu’en l’éliminant pour ce motif, le département de l’Essonne n’a pas commis de manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Rincent BTP Services Matériaux n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure de passation du lot n° 1 « missions d’études, de géotechnique, d’auscultation et de contrôles » et du lot n° 2 « missions d’études, de géotechnique, d’auscultation et de contrôles des ouvrages d’art » du marché de services ayant pour objet les missions de diagnostics et contrôles sur les routes et dépendances de l’Essonne, engagée par le département de l’Essonne ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l’Essonne, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Rincent BTP Services Matériaux au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de mettre à la charge de la société Rincent BTP Services Matériaux une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département de l’Essonne et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Rincent BTP Services Matériaux est rejetée.

Article 2 : La société Rincent BTP Services Matériaux versera au département de l’Essonne la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Rincent BTP Services Matériaux, au département de l’Essonne et à la société Cerema Dter IDF.

Fait à Versailles le 23 décembre 2015.

Le juge des référés, Le greffier,

signé signé

S. X M. Durand

La République mande et ordonne au préfet de l’Essonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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