Tribunal de commerce de Créteil, Chambre 00, 20 mars 2018, n° 2018R00020

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Créteil, ch. 00, 20 mars 2018, n° 2018R00020
Juridiction : Tribunal de commerce de Créteil
Numéro(s) : 2018R00020

Sur les parties

Texte intégral

RL

TRIBUNAL DE COMMERCE

DE CRETEIL

N° RG: 2018R00020

ORDONNANCE DE REFERE rendue le 20 Mars 2018 par M. Antoine LARUE DE CHAREUS, Juge assisté de Mme Corinne BLANCHARD, Greffier

DEMANDEUR

SAS ADM […] comparant par Me Emmanuel RASKIN 10 […]

DEFENDEUR

SAS GIL […] comparant par Me Fabrice DUBEST du Cabinet DARTEVELLE ET […]

Débats à l’audience publique du 6 mars 2018, devant M. Antoine LARUE DE CHARLUS, Juge ayant délégation de Mme le Président du Tribunal, assisté de Mme Corinne BLANCHARD, Greffier

Décision contradictoire en premier ressort

Par assignation en date du 5 Janvier 2018, à laquelle il convient de se reporter pour les moyens en fait et en droit, la SAS ADM PRIMEURS nous demande de :

— dire et juger que la SAS GIL TAITE ne justifie d’aucun motif légitime au sens de l’article 145 du CPC et ni d’aucune circonstance justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire,

— dire et juger par ailleurs que l’étendue de la mission confiée à l’huissier est excessive et disproportionnée,

— rétracter, en conséquence, l’ordonnance sur requête du 11 octobre 2017.

— condamner la SAS GIL TAITE à lui payer 2.500;00 au titre de l’article 700 du CPC ainsi que les dépens.

Par conclusions déposées ce jour, la SAS GIL TAÎTE nous demande de :

* Atitre principal :

— rejeter l’ensemble des demandes de la SAS ADM PRIMEURS,

— dire et juger que les mesures ordonnées par l’ordonnance sur requête du 11 octobre 2017 procèdent d’un motif légitime, sont légales et proportionnées,

— dire et juger l’ordonnance sur requête du 11 octobre 2017 bien fondée

« À titre reconventionnel :

— dire et juger que le filtre de date, depuis le 7 mars 2017, ne s’applique qu’aux factures émises et reçues par la SAS ADM PRIMEURS, à l’exclusion de toutes autres pièces et documents saisis,

— autoriser l’huissier instrumentaire à procéder à un nouveau tri des éléments saisis, sans appliquer le filtre de la date aux documents comptables et aux correspondances entre ses ex-salariés et les clients et fournisseurs listés dans l’ordonnance, et l’autoriser à lui communiquer les documents et fichiers ainsi extraits,

1

— condamner la SAS ADM PRIMEURS à lui payer 5.000,00€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens.

Le 6 mars 2018, nous avons renvoyé l’affaire au 20 mars 2018 pour le prononcé de notre décision.

Sur ce,

En vertu des articles 496 et 497 du CPC, le juge qui a rendu l’ordonnance sur requête, peut être saisi, comme en matière de référé, par la partie à qui la mesure ordonnée fait grief afin que soient appréciées, de façon contradictoire, les conditions de recevabilité et les mérites de la mesure ordonnée sur requête.

La SAS GIL TAITE a obtenu l’autorisation, par ordonnance sur requête du 11 octobre 2017, de faire pratiquer une mesure de constat au sein de la SAS ADM PRIMEURS, soupçonnant cette dernière de manœuvres déloyales à son encontre ayant abouti à la désorganisation de son entreprise et à une perte importante de son chiffre d’affaires, suite au départ des salariés qui composaient son service commercial et qui ont été embauchés par la SAS GIL TAITE, société concurrente créée le 7 mars 2017 par M. X, ancien directeur commercial démissionnaire de la SAS GIL TAÎTE.

En vertu de l’article 145 du CPC, il peut être ordonné, par voie de requête ou de référé, les mesures d’instruction légalement admissibles s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l’issue du litige.

La SAS ADM PRIMEURS nous a saisi en vue d’obtenir la rétractation de l’ordonnance sur requête, sur le fondement de l’article 493 du CPC qu implique l’existence de circonstances permettant de déroger au principe du contradictoire, et sur le fondement de l’article 145 du CPC qui implique la démontration d’un motif légitime et de mesures légalement admissibles.

C’est ainsi que la SAS ADM PRIMEURS rappelle que l’article 493 du CPC impose selon la jurisprudence qu’il soit systématiquement démontré des circonstances précises susceptibles de justifier l’absence de la partie adverse, considérant que le simple risque de dissimulation de preuves visée dans l’ordonnance sur requête n’est pas suffisante pour justifier les circonstances fondant le requérant à ne pas appeler la partie adverse, et ce faute de circonstances précises, propres au cas d’espèce.

Nous relevons, sur ce point, que la requête incriminée expliquait que le choix de la voie de la requête était justifiée par la nécessité de ne pas voir disparaître les éléments établissant que M. X avait planifié puis organisé la concurrence déloyale vis-à- vis de son ancien employeur, la volonté de dissimulation étant établie par le fait que M. X n’avait pas révélé spontanément la création de la SAS ADM PRIMEURS, constituée pendant sa période de préavis.

Nous relevons ainsi que la SAS GIL TAITE ne s’est pas contentée d’énoncer dans sa requête, pour justifier le non appel de la partie adverse, que pour être efficace la mesure de constat devait être prise non contradictoirement ; elle a décrit des circonstances particulières tenant à la fonction de directeur commercial de son ancien salarié, qui avait créé, à son insu, une société directement concurrente à la sienne pendant son préavis et avait donc pu planifié son activité future.

En conséquence, nous dirons que l’ordonnance qui adopte les motifs de la requête, a pris en compte des éléments propres au cas d’espèce et répondu dès lors aux exigences de l’article 493 du CPC pour justifier la dérogation au principe du contradictoire.

La SAS ADM PRIMEURS invoque, par ailleurs, pour solliciter la rétractation, l’absence de motif légitime au sens de l’article 145 du CPC; faisant valoir que la création d’une société concurrente par un ancien salarié n’est pas, en soi, constitutive d’un acte de concurrence déloyale, en l’absence de toute démonstration de manœuvres déloyales positives et ce d’autant plus que les pièces produites à l’appui de la requête révèlent que la SAS ADM PRIMEURS a débuté son activité le 6 mars 2017, soit après le départ de M. X intervenu le 28 février 2017 ; de sorte que la seule constitution de la société SAS ADM

A 2

PRIMEURS le 29 décembre 2016 ne caractérise pas le motif légitime de l’article 145 du CPC.

Nous relevons que la mesure d’instruction ne nécessite pas la démonstration d’un risque de dépérissement de la preuve ; qu’elle ne tend pas uniquement à la conservation des preuves, mais tend également à leur établissement ; à savoir en l’espèce, rechercher l’existence de faits rendant vraisemblable l’organisation de manœuvres déloyales par l’ancien directeur commercial, qui pour les besoins de l’activité de sa nouvelle société, a fait appel par la suite aux autres salariés du service commercial, lesquels ont respectivement annoncé leur démission au profit d’un recrutement par la SAS ADM PRIMEURS en avril et juillet 2017.

Nous notons également que les soupçons d’agissements déloyaux et de leur planification, allégués par la SAS GIE TAITE, résultent de la chronologie des faits, à savoir la création de la SAS ADM PRIMEURS exerçant la même activité qu’elle de vente en gros de fruits et légumes et, de plus, située sur le même lieu à Rungis, du départ dans un laps de temps court de ses anciens salariés et de la réduction consécutive et très rapide, dès fin mars 2017, des commandes de ses clients et des approvisionnements de ses fournisseurs ; que la mesure d’instruction ordonnée a également conforté ses craintes puisqu’elle s’est avéré que l’intégralité de son service commercial, existant avant le départ de M. X, a été embauché par la SAS ADM PRIMEURS.

En effet, si le seul fait pour un salarié, non lié par une clause de non concurrence, de constituer un société n’est pas en soi constitutif d’un acte de concurrence déloyale, il peut être établi l’existence d’agissements déloyaux lorsqu’il y a concomitance entre les départs successifs d’anciens salariés, tous issus du même service commercial, le début d’activité d’une société concurrente nouvellement créée par l’un d’eux, et la diminution concomitante du chiffre d’affaires et la perte de clients et fournisseurs par l’ancien employeur.

En conséquence, nous dirons que la SAS GIL TAÏÎTE a démontré que ses soupçons étaient vraisemblables et que la mesure ordonnée était utile à démontrer l’éventuelle faute de la SAS ADM PRIMEURS dans l’appropriation de la clientèle et du chiffre d’affaires ayant entrainé la désorganisation de son entreprise, et ce en vue d’une action au fond tendant à l’indemnisation de son préjudice résultant des actes incriminés.

Enfin, la SAS ADM PRIMEURS sollicite la rétractation de l’ordonnance sur requête en invoquant le caractère excessif et disproportionné de la mesure d’instruction ordonnée.

La partie demanderesse soutient pour cela que la mission confiée à l’huissier n’avait pas de limite quant aux informations recherchées au sein de ses documents de nature hautement confidentielle pour une entreprise, s’agissant du registre du personnel et du livre de paie ; que de même, la recherche de l’ensemble des factures concernant une dizaine de sociétés clientes sur toute la période d’activité de sa société établit le caractère excessif de la mesure d’investigation ; qu’il en va de même pour la saisie des correspondances de X et de son personnel avec les clients et les fournisseurs qui constitue une mission d’investigation générale excessive et disproportionnée puisqu’elle couvre toute l’activité de sa société, soit de sa date de création du 6 mars 2017 au jour de l’exécution de la mesure, soit le 8 novembre 2017.

Nous observons, sur ce dernier point, que la mission de l’huissier était circonscrite dans l’ordonnance, puisque cette dernière était limitée aux investigations concernant trois anciens salariés de la SAS GIL TAÏTE, à savoir M. Y, M. Z et Mme A, la copie du registre unique du personnel ayant pour but de permettre de constater leur présence au sein de la SAS ADM PRIMEURS ; que pour les autres documents à rechercher, ceux-ci étaient limités à la liste des noms des 10 principaux clients et fournisseurs de la SAS GIL TAÏTE et aux documents comptables relatifs à cette liste de clients et fournisseurs ainsi qu’aux factures comprises sur une période définie, la mesure n’ayant pas ordonné d’investigations sur la période antérieure au commencement de l’activité de la SAS ADM PRIMEURS, comme sollicité intialement par la SAS GIL TAITE dans sa requête.

En conséquence, nous dirons que la mesure ordonnée, qui limite la recherche des éléments de preuve dans son objet et dans le temps, correspond aux critères d’une mesure d’instruction légalement admissibles au sens de l’article 145 du CHABSE PENAEE. CPC

La SAS GIL TAITE sollicite, à titre reconventionnel, que nous modifions l’ordonnance du 11 octobre 2017 afin que le filtre de date, depuis le 7 mars 2017, ne s’applique qu’aux factures émises et reçues par la SAS ADM PRIMEURS, à l’exclusion des autres pièces et documents saisis, en autorisant, dès à présent, l’huissier a procédé à un nouveau tri des pièces saisies, sans appliquer de filtre de date, et à lui communiquer les documents et fichiers ainsi extraits ; et ce dans la mesure où ceux-ci peuvent révéler des actes préparatoires de concurrence déloyale et conforter ses soupçons de planification du détournement par son ex-salarié au profit de la société ADM PRIMEURS.

Nous rejetterons la demande reconventionnelle de la SAS GIL TAIÎTE, la décision du juge de la rétractation étant limitée à l’examen contradictoire des conditions de recevabilité et des mérites de la mesure ordonnée sur requête, à l’exclusion de toute autre demande ; étant souligné, par ailleurs, que l’aménagement éventuel de la mesure initialement ordonnée, possible dans le cadre d’une demande en rétractation, tend à en réduire les effets au vu du débat contradictoire et non à les aggraver ; qu’en outre, la mesure ordonnée est dirigée contre la seule société ADM PRIMEURS afin de rechercher si les agissements incriminés lui sont imputables en vue d’une action éventuelle en indemnisation à son encontre, société qui n’a débuté son activité que le 7 mars 2017, ce qui a justifié la date retenue dans l’ordonnance sur requête.

En conséquence, nous rejetterons la demande de rétractation de la SAS ADM PRIMEURS et dirons n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la SAS GIL TAÏITE.

I! nous paraît équitable, vu les faits exposés, d’accorder à la SAS GIL TAÎTE une somme de 1.000,00€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Les dépens seront mis à la charge de la SAS ADM PRIMEURS et nous rejetterons toute autre demande.

PAR CES MOTIFS Constatons que l’ordonnance sur requête du 11 octobre 2017 répond aux exigences de de l’article 493 du CPC et l’article 145 du CPC.

Rejetons, par conséquent, la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 11 octobre 2017.

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la SAS GIL TAÏTE.

Condamnons la SAS ADM PRIMEURS à payer à la SAS GIL TAÏÎTE la somme de 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Mettons les dépens à la charge de la SAS ADM PRIMEURS.

Liquidons les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 45,06 euros dont TVA 20%.

Nous avons signé avec le Greffier.

quatrième et dernière page Æ

TC

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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