Tribunal de commerce de Saint-Malo, Delibere, 27 février 2018, n° 2017001996

  • Tomate·
  • Transporteur·
  • Sociétés·
  • Artichaut·
  • Échalote·
  • Lettre de voiture·
  • Marchandise périssable·
  • Livraison·
  • Belgique·
  • Voiturier

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
T. com. Saint-Malo, delibere, 27 févr. 2018, n° 2017001996
Juridiction : Tribunal de commerce de Saint-Malo
Numéro(s) : 2017001996

Sur les parties

Texte intégral

NUMERO D’INSCRIPTION AU REPERTOIRE GENERAL : 2017 001996

DEMANDEUR(S)

REPRESENTANT (S)

DÉFENDEUR (S)

REPRESENTANT (S)

TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT MALO

JUGEMENT DU 27/02/2018

X L’HOURRE (SAS) Route de Saint-Malo 35350 Saint-Coulomb

SCP Claude AUNAY

[…]

TRANSPORTS R COUEDIC (SARL) […]

Parc d’activité du […]

ASA AVOCATS ASSOCIES-ME DE RYCK

[…]

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS:

PRESIDENT JUGE (S)

GREFFIER

A Y Mme Z A B

Me FRANCOIS

[…]

DEBATS A L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 19/12/2017

[…]

N° de rôle général : 2017 001996 Faits et procédure

La société X LHOURRE, confie depuis de nombreuses années à la société TRANSPORTS R COUEDIC- ci-après COUEDIC- des centaines de transports multi-températures de légumes par an en sa qualité de « spécialiste du transport frigorifique », à destination de tous pays.

Le 22 mai 2017 la société X LHOURRE l’a chargée du transport de différents colis de tomates, artichauts, échalotes à destination de la Belgique, spécialement de tomates particulières devant impérativement être transportées selon les indications claires des BL, à la température de 10°, quand d’autres colis devaient l’être à 6 et 4°.

Les différentes marchandises ont été acheminées au dépôt de la société COUEDIC, puis rechargées dans une semi remorque à destination de la société DELHAIZE à Zellick en Belgique, selon lettre de voiture numéro 63045 établie le 22 mai 2017.

Lors de la livraison, le destinataire a refusé les tomates transportées au motif qu’elles avaient été transportées à une température de +7° centigrades au lieu d’une température de 10° centigrades. En revanche, les échalotes et les artichauts étaient réceptionnés sans réserve par le destinataire.

Les marchandises refusées ont été entreposées à Saintes (Belgique) dans les locaux de la société STEF par mesure conservatoire ou une expertise amiable contradictoire a été organisée par la société COUEDIC.

Dans le cadre de cette expertise, alors qu’elles étaient normalement convoquées, ni la société DELHAIZE ni la société X LHOURRE ne se sont présentées ; une vente de sauvetage des tomates a été organisée afin d’éviter une perte totale des marchandises.

La société X LHOURRE adressait alors une facture de 24 152,40 €, prévenant la société COUEDIC par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2017, pour satisfaire aux dispositions des articles 56 du Code de procédure civile et 1344, 1344-1 et 1344-2 du Code civil, qu’elle pouvait vendre en sauvetage par tel courtier qui lui plairait, aux fins de diminuer la facture du préjudice et les frais de stockage qui lui incombent. Les tomates ont été vendues à la société LOMME PRIMEURS pour une somme de 2448,34 € HT.

Suivant acte du 03.08.2017, la société X L’HOURRE a assigné la société TRANSPORTS R COUEDIC, d’avoir à comparaître devant ce Tribunal aux fins de l’entendre condamner au paiement de la somme de 24 152.40 €, sauf à déduire tout paiement qui interviendrait après délivrance de l’assignation, avec intérêts au taux de 1,5% par mois à compter du 30.06.2017, outre 40 € en application de l’article L.441-6 du Code de commerce et celle de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens ; voir ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 19.12.2017. Monsieur le Président a indiqué que le jugement serait rendu par remise au greffe le 27.02.2018, dans les conditions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Arguments des parties A l’appui de sa demande la société X LHOURRE fait valoir que :

La société DELHAIZE a refusé la livraison de 6163 kg de tomates, au motif que la température était inférieure à 10°, rendant la marchandise impropre à sa commercialisation selon les standards Delhaize.

L’expert dépêché sur place a admis la réalité du désordre avancé par cette dernière, estimant néanmoins que le refus de livraison serait infondé parce que les tomates ne seraient pas « impropres à la consommation ». L’expert écrit : « Lors de l’examen des marchandises, nous avons constaté que :

— les tomates ne présentaient aucun désordre et les températures mesurées à coeur sur ces dernières

étaient comprises entre + 5 et +8 degrés centigrades,

— le destinataire a refusé les marchandises pour des niveaux thermiques de +7° centigrades

— la température motivant le refus est comprise dans les plages optimales de conservation de tomates. Au regard de ce qui précède, le refus du destinataire est manifestement abusif. Par conséquent, la société des transports COUEDIC ne saurait être mise en cause dans le cadre de la présente affaire. »

Il importe peu que les tomates ne soient pas totalement impropres à la consommation, puisqu’elles sont, de façon rédhibitoire, impropres à leur commercialisation selon la société DELHAIZE, au regard notamment des qualités gustatives qu’elles ont définitivement perdues.

Les commandes indiquent une température de +10° centigrades. La livraison du 22 mai 2017 portait sur 21 palettes à 10°, de sorte que le camion a été complété d’autres marchandises voyageant à des températures plus froides, tels les artichauts à destination du même client, à 4°.

On observe que le voiturier a chargé la marchandise devant voyager à 10° dans un camion qui affichait une température de 12 à 15°, et qu’il a descendu la température pour finir en dessous de 6° alors qu’il devait la maintenir à 10°.

Le voiturier ayant une obligation de résultat, il a « l’obligation de fournir un matériel de transport en adéquation avec la nature et les particularités des marchandises. La faute du transporteur découlant de l’inexécution de cette obligation sera appréciée au regard de la diligence dont il doit faire preuve en sa qualité de transporteur professionnel mais également au regard des indications qui ont été données par le donneur d’ordre. »

Le transporteur « doit faire le nécessaire pour que le véhicule se trouve à la température de transport demandée. »

« Le transporteur est responsable du maintien de la température ambiante à l’intérieur du véhicule. Selon les indications portées sur le document de transport ».

Même en l’absence de dommages avérés à la marchandise, un manquement à ses obligations engage la responsabilité du transporteur. (CA, Toulouse, 2è Ch, 2 juillet 2014 : refus de la marchandise par le destinataire justifié du seul fait de la non-conformité de la température et malgré son absence d’altération).

La seule constatation d’une non-conformité de la température de transport suffit à caractériser l’avarie au sens de l’article L.133-1 du Code de commerce. Le transporteur ne pourra pas se réfugier derrière une expertise de marchandises attestant de leur conformité à la consommation (Cassation. Com. 9 février 2016.)

La société X LHOURRE sollicite en conséquence le bénéfice des demandes exposées dans son assignation.

La société TRANSPORTS R COUEDIC développe les arguments suivants :

Le transport terrestre international litigieux entre la France et la Belgique est soumis aux dispositions de la convention de Genève dite convention CMR, ratifiée par les deux pays le 19 mai 1956.

L’article 17.1 de cette convention prévoit que le transporteur est responsable de la perte partielle ou totale ou de l’avarie qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison.

L’article 17.2 prévoit que le transporteur est déchargé de cette responsabilité, notamment si l’avarie a eu pour cause une faute de l’ayant droit ou un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur.

S’agissant du transport de marchandises périssables sous température dirigée, la convention CMR ne prévoit aucune disposition spécifique. Aussi faut-il se référer au contrat type (marchandises périssables sous température dirigée, issu du décret du 12 février 2001 modifié par les décrets des 28/12/2001 et 20/8/2007.

L’article 3-1 de ce contrat type prévoit que le donneur d’ordre fournit au transporteur préalablement à la présentation du véhicule au chargement par écrit ou tout autre procédé en permettant la mémorisation, notamment la température de la marchandise à maintenir en cours de transport.

En l’espèce la société X LHOURRE, contrairement à ce qu’elle soutient, n’a pas transmis à la société transports COUEDIC d’instruction relative aux températures devant être maintenues pendant le transport.

L’ordre de transport non daté adressé par la société X LHOURRE à la société COUEDIC prévoyant le transport en groupage de colis de tomates, artichauts et échalotes avec un départ le 22 mai 2017 pour livrer la société de DELHAIZE en Belgique ne précise pas de température à respecter et ne requiert pas non plus de transport en bi-température.

La lettre de voiture numéro 63045 émise par la société COUEDIC le 22 mai 2017 ne précise pas davantage de température de voyage.

Les bons de livraison émis par la société X LHOURRE prévoient en effet des températures de transports de +4° centigrades pour les échalotes, +6° centigrades pour les artichauts et de +10° centigrades pour les tomates

NZ

mais ces derniers ne sont pas signés par le chauffeur et sont relatifs aux contrats de vente conclus entre les sociétés X LHOURRE et DELHAIZE et non au contrat de transport conclu entre les sociétés X LHOURRE et COUEDIC, matérialisé par l’ordre de transport et la lettre de voiture.

Il ressort par ailleurs du rapport d’expertise CRISTALIS que les tomates livrées ne présentaient aucune altération. Le refus de la marchandise par la société DELHAIZE était tout à fait abusif et il convient de noter qu’aucun dommage sur les tomates n’a été constaté.

Dans ces conditions la société X LHOURRE devra être déboutée de l’intégralité de ses demandes. La société TRANSPORTS R COUEDIC demande au Tribunal de :

. Débouter la société X LHOURRE de l’intégralité de ses fins, demandes et conclusions

— La condamner à lui payer la somme de 3 000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens, y inclus les frais d’expertise du cabinet CRISTALIS d’un montant de 1 617 € TIC.

Sur ce, le Tribunal

Attendu que le transport international en cause est régi par la Convention CMR, notamment en ses articles 17-1 qui prévoit que le transporteur est responsable de la perte partielle ou totale ou de l’avarie qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison et 17.2 qui prévoit que le transporteur est déchargé de cette responsabilité notamment si l’avarie a eu pour cause une faute de l’ayant droit ou un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur.

Attendu que les sociétés COUEDIC et X LHOURRE entretenaient des relations de voiturier à donneur d’ordre depuis longtemps pour le même type de transports et qu’elles avaient de ce fait une connaissance mutuelle de leurs entreprises.

Attendu que s’agissant du transport de marchandises périssables sous température dirigée, la convention CMR ne prévoit aucune disposition spécifique, qu’il faut se référer au contrat type (marchandises périssables sous température dirigée, issu du décret du 12 février 2001 modifié par les décrets des 28/12/2001 et 20/8/2007, que l’article 3-1 de ce contrat type prévoit que le donneur d’ordre fournit au transporteur préalablement à la présentation du véhicule au chargement par écrit ou tout autre procédé en permettant la mémorisation, notamment la température de la marchandise à maintenir en cours de transport.

Attendu que la société DELHAIZE en Belgique a refusé la livraison de 6163 kg de tomates, au motif que la température était inférieure à 10°, rendant la marchandise impropre à sa commercialisation, selon ses standards.

Attendu que le transporteur « doit faire le nécessaire pour que le véhicule se trouve à la température de transport demandée » ; il y a lieu de relever qu’aucune indication de température n’est portée sur la lettre de voiture numéro 63045.

Attendu qu’il ne figure sur cette lettre de voiture pas de clause d’intérêt spécial à la livraison, qu’elle n’a pas été émargée au départ et qu’elle ne comporte pas d’indication de température à respecter.

Attendu qu’en conséquence aucun manquement à ses obligations ne peut être retenu contre le voiturier, engageant sa responsabilité, du seul fait de la non-conformité déclarée de la température à l’arrivée et non prescrite sur la lettre de voiture.

Attendu que l’expertise diligentée par la société COUEDIC, est une expertise amiable à laquelle ni la société X LHOURRE, ni la société DELHAIZE ne se sont présentées, bien qu’étant convoquées et que de ce fait l’expertise ne peut leur être opposée.

Attendu que pourtant les conditions du refus de la marchandise constituent un refus abusif eu égard aux circonstances (marchandise non avariée, température non clairement demandée, variation normale entre les emballages du haut, du milieu et du bas de la palette – amplitude pouvant atteindre 1,6°C°).

Attendu toutefois que la société COUEDIC, en ne demandant pas à l’expéditeur des instructions précises sur la marche à suivre en suite du refus de la société DELHAIZE et en reprenant la marchandise, a commis une faute en décidant pour le propriétaire de la marchandise de sa destination finale ; en outre, avec laide de l’expert amiable, diligenté par la société COUEDIC, elle en a disposé et qu’en agissant de la sorte, elle en est donc

FY

ii

devenue propriétaire au lieu d’attendre les instructions de son client, se privant ainsi de toute possibilité de défense.

Attendu que dans ces conditions, la société COUEDIC devra en acquitter le prix à son client ; le Tribunal la condamnera en conséquence à payer à la société X LHOURRE la somme de 24.152,40 €, sauf à déduire toute somme éventuellement réglée, avec intérêts au taux de 1,5% par mois à compter du 30 juin 2017 et celle de 40 € en application de l’article L.441-6 du Code de commerce.

Attendu que pour faire reconnaître ses droits la société X LHOURRE a été contrainte d’exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; il y a donc lieu de condamner la société COUEDIC à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Les dépens seront mis à la charge de la société COUEDIC qui succombe.

Attendu que le Tribunal l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, il ordonnera l’exécution provisoire de ce jugement.

Par ces motifs

Le Tribunal, après en avoir délibéré, conformément à la loi

Statuant par jugement contradictoire, en premier ressort

Déboute la société TRANSPORTS R COUEDIC de toutes ses demandes, fins et conclusions

Condamne la société TRANSPORTS R COUEDIC à payer à la société X LHOURRE la somme de 24.152,40 €, sauf à déduire les sommes éventuellement versées, avec intérêts au taux de 1,5% par mois, depuis le 30 juin 2017 et celle de 40 € en application de l’article L.441-6 du Code de commerce

Condamne la société TRANSPORTS R.COUEDIC à payer à la société X LHOURRE la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, dont frais de greffe fixés à la somme de 77.08 €

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement

Ainsi prononcé par remise au greffe le 27.02.2018 par Monsieur Y.

Le Président Le Greffier

J. Y V. FRANCOIS

L

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de commerce de Saint-Malo, Delibere, 27 février 2018, n° 2017001996